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Ce jour-là

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (2003)

Ce jour-là

Film complètement délirant, décalé et surréaliste aux multiples niveaux de lecture, Ce jour là est une comédie macabre pleine de loufoquerie, d'inquiétante étrangeté et de poésie avec un arrière-plan politique.

Il y a du conte dans cette histoire. Elsa Zylberstein (Livia) fait penser à Blanche-Neige et les fous qui croisent sa route, aux sept nains. Ça tombe bien, comme elle est folle elle aussi, ils peuvent se comprendre. Si bien que lorsque le commanditaire du crime donne la pomme empoisonnée à l'un de ces fous furieux, Emil Pointpoirot, et l'envoie chez elle, il devient tout naturellement son prince charmant. Un drôle de chevalier servant cet Emil sans accent et sans e à qui Bernard Giraudeau prête sa douceur et sa fureur. Un tueur au comportement infantile qui lorsqu'il voit quelqu'un mourir devant lui s'exclame "Ça, c'est pas moi!" ou bien "Je n'y suis pour rien". Un tueur diabétique guéri par l'amour ou plutôt touché par la grâce. Car Livia croit aux anges et aux sciences occultes si bien que le combat du bien contre le mal devient celui du ciel contre les ténèbres. D'un côté dieu "qui décide" et de l'autre le diable avec en arbitre Emil, l'archange déchu luciférien à moins que ce ne soit son frère (ne vient-il pas de l'asile "San Michele"?) qui interprète au piano l'Ave Maria chanté par Livia que son innocence protège de la corruption du monde même lorsqu'elle porte une robe tachée de sang.

Mais qui en veut ainsi à cette noble princesse un peu/beaucoup perchée? Au lieu d'un miroir c'est tout un marigot social et politique qui en est responsable. Il apparaît très vite que Livia vit au milieu d'un panier de crabes bourgeois et qu'elle a été condamnée à mort par son propre père Harald (Michel Piccoli) avec le reste de la famille pour complice. Ce qui donne lieu à un jeu de massacre assez jubilatoire façon Chabrol où des acteurs typés comme Edith Scob (qui joue Léone la marâtre de Livia) ou Rufus (qui joue Hubus son oncle dont le prénom vient selon Livia de son genou qu'il faut entendre ainsi "je [dans le] nous" ou "je noue" histoire de souligner l'imbroglio familial) s'en donnent à cœur joie. Le motif est une sombre histoire d'héritage autour d'un marque à succès le "Sal Sox" un alicament miracle, si sombre qu'il s'avère d'ailleurs que la famille est elle-même manipulée par l'Etat suisse et ses sbires corrompus (Ce jour là se présente comme une "comédie helvétique" avec un gros coffre-fort en jeu!) Mais heureusement il y a aussi ceux qui restent intègres comme Treffle (Jean-François Balmer) qui face à son collaborateur et criminel de frère Warff (Féodor Atkine) dit qu'il ne sert que "Mademoiselle" (et non l'Etat). Et puis il y a les inénarrables flics Raufer et Ritter (Jean-Luc Bideau et Christian VADIM) qui choisissent "de ne rien faire". Une résistance passive aussi hilarante qu'absurde qui leur permet de cueillir Warff comme une fleur.

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