Le Temps retrouvé
Raoul Ruiz (1999)
Il fallait oser! Oui il fallait oser s'emparer d'un monument de la littérature française de 4000 pages réputé inadaptable au cinéma. Mais pas pour Raoul Ruiz, amateur de constructions cinématographiques savantes et décalées d'autant qu'il avait obtenu les moyens financiers nécessaires à une superproduction avec un très gros casting fait d'habitués de son cinéma (comme Christian Vadim, Edith Scob, Jean-François Balmer ou Elsa Zylberstein) mais incluant également les acteurs et actrices les plus populaires du moment (comme Emmanuelle Béart, Vincent Perez ou Chiara Mastroianni) ainsi que des habitués du cinéma rohmérien (Pascal Greggory, Arielle Dombasle).
Le résultat est un labyrinthe mental qui mélange les réminiscences de Marcel, alter ego de Marcel Proust avec celles qui sont propres à Raoul Ruiz. On lorgne tantôt du côté de l'atmosphère de "Mort à Venise" (mais à Balbec alias Cabourg pour les intimes avec en toile de fond non la peste mais la guerre et la grippe espagnole) et tantôt du côté de celle de "Fanny et Alexandre" de Ingmar Bergman (la rivière qui coule, les costumes d'enfant Belle Epoque, la lanterne magique), le tout à l'ombre des salons mondains et de leur faune pittoresque aux moeurs pas toujours très catholiques (allusion à la judéité que Albert Bloch s'emploie en vain à dissimuler en changeant de nom mais aussi et surtout à mise en relief de l'homosexualité sous toutes ses coutures: masculine, féminine, épisodique, exclusive, SM...). C'est créatif, déroutant forcément, pas toujours pleinement convaincant car tout est mis sur le même plan (notamment ce qui relève de l'intime et ce qui relève de la vie sociale) et au bout de 2h30 de ce ballet incessant entre passé et présent, réel et fiction, mémoires et étude de moeurs, la surenchère finit par lasser. Pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, Arielle Dombasle est de trop, Marie-France Pisier dans le rôle de Mme Verdurin aurait suffi dans le genre salonnarde snob.
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