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Articles avec #cinema chilien tag

Trois vies et une seule mort

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (1996)

Trois vies et une seule mort

"Trois vies et une seule mort" est un film de Raoul RUIZ qui ressemble beaucoup à un rêve. Dans ce qui s'apparente à une mise en abyme, on y voit un même acteur (Marcello MASTROIANNI dans l'un de ses derniers rôles) endosser différents personnages: tour à tour il se fait clochard, majordome, professeur ou bien chef d'entreprise (un peu comme le faisait Denis LAVANT dans "Holy Motors") (2012). Néanmoins, tous ces rôles sont reliés entre eux par quelques éléments récurrents. Par exemple une clochette qui lorsqu'elle tinte provoque toujours le même TOC, quel que soit le rôle. Et aussi des éléments typiques du rêve comme des murs qui s'éloignent, des gens qui glissent, apparaissent ou disparaissent (à l'aide de trucages artisanaux qui font penser à ceux de Georges MÉLIÈS), l'impossibilité de sortir d'une pièce ou au contraire de rejoindre l'immeuble d'en face, une distorsion systématique de l'espace-temps qui ironiquement a pour contrepoint les interventions d'un imperturbable Pierre BELLEMARE dans son propre rôle qui plaque sa manière de raconter linéaire (une représentation du temps très occidentale) sur ce récit à la structure plutôt circulaire. Si l'on ajoute une présence animale très affirmée dans certaines scènes (un serpent, des poussins), on pense aux films surréalistes de Luis BUÑUEL, notamment dans sa dernière période. Mais chez Raoul RUIZ, pas de sous-texte socio-politique, on est davantage dans le manifeste poétique. "Trois vies et une seule mort" est une ode au voyage sans pour autant qu'il n'y ait besoin de se déplacer. Il s'agit plutôt d'évasion dans d'autres vies possibles comme le montre les plans de fenêtre ouverte et la tentation de se jeter dans le vide. Pas seulement pour Marcello MASTROIANNI et ses divers avatars auquel le réalisateur rend un hommage appuyé mais aussi pour les autres personnages joués par des acteurs et actrices venus d'horizons divers. Maria (Marisa PAREDES) est tantôt une femme qui se fond dans le décor et tantôt une cougar. Cécile et Martin (Chiara MASTROIANNI et Melvil POUPAUD) font tantôt la manche et mènent tantôt la vie de château. Tania (Anna GALIENA) est tantôt une prostituée et tantôt une chef d'entreprise adepte de pratiques échangistes. Les identités s'avèrent aussi changeantes, aussi instables que les décors ou la temporalité bien que là encore, des éléments récurrents rattachent tous ces personnages à une même famille sur trois générations.

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Le Temps retrouvé

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (1999)

Le Temps retrouvé

Il fallait oser! Oui il fallait oser s'emparer d'un monument de la littérature française de 4000 pages réputé inadaptable au cinéma. Mais pas pour Raoul Ruiz, amateur de constructions cinématographiques savantes et décalées d'autant qu'il avait obtenu les moyens financiers nécessaires à une superproduction avec un très gros casting fait d'habitués de son cinéma (comme Christian Vadim, Edith Scob, Jean-François Balmer ou Elsa Zylberstein) mais incluant également les acteurs et actrices les plus populaires du moment (comme Emmanuelle Béart, Vincent Perez ou Chiara Mastroianni) ainsi que des habitués du cinéma rohmérien (Pascal Greggory, Arielle Dombasle). 

Le résultat est un labyrinthe mental qui mélange les réminiscences de Marcel, alter ego de Marcel Proust avec celles qui sont propres à Raoul Ruiz. On lorgne tantôt du côté de l'atmosphère de "Mort à Venise" (mais à Balbec alias Cabourg pour les intimes avec en toile de fond non la peste mais la guerre et la grippe espagnole) et tantôt du côté de celle de "Fanny et Alexandre" de Ingmar Bergman (la rivière qui coule, les costumes d'enfant Belle Epoque, la lanterne magique), le tout à l'ombre des salons mondains et de leur faune pittoresque aux moeurs pas toujours très catholiques (allusion à la judéité que Albert Bloch s'emploie en vain à dissimuler en changeant de nom mais aussi et surtout à mise en relief de l'homosexualité sous toutes ses coutures: masculine, féminine, épisodique, exclusive, SM...). C'est créatif, déroutant forcément, pas toujours pleinement convaincant car tout est mis sur le même plan (notamment ce qui relève de l'intime et ce qui relève de la vie sociale) et au bout de 2h30 de ce ballet incessant entre passé et présent, réel et fiction, mémoires et étude de moeurs, la surenchère finit par lasser. Pour ne prendre qu'un exemple parmi d'autres, Arielle Dombasle est de trop, Marie-France Pisier dans le rôle de Mme Verdurin aurait suffi dans le genre salonnarde snob.

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Ce jour-là

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (2003)

Ce jour-là

Film complètement délirant, décalé et surréaliste aux multiples niveaux de lecture, Ce jour là est une comédie macabre pleine de loufoquerie, d'inquiétante étrangeté et de poésie avec un arrière-plan politique.

Il y a du conte dans cette histoire. Elsa Zylberstein (Livia) fait penser à Blanche-Neige et les fous qui croisent sa route, aux sept nains. Ça tombe bien, comme elle est folle elle aussi, ils peuvent se comprendre. Si bien que lorsque le commanditaire du crime donne la pomme empoisonnée à l'un de ces fous furieux, Emil Pointpoirot, et l'envoie chez elle, il devient tout naturellement son prince charmant. Un drôle de chevalier servant cet Emil sans accent et sans e à qui Bernard Giraudeau prête sa douceur et sa fureur. Un tueur au comportement infantile qui lorsqu'il voit quelqu'un mourir devant lui s'exclame "Ça, c'est pas moi!" ou bien "Je n'y suis pour rien". Un tueur diabétique guéri par l'amour ou plutôt touché par la grâce. Car Livia croit aux anges et aux sciences occultes si bien que le combat du bien contre le mal devient celui du ciel contre les ténèbres. D'un côté dieu "qui décide" et de l'autre le diable avec en arbitre Emil, l'archange déchu luciférien à moins que ce ne soit son frère (ne vient-il pas de l'asile "San Michele"?) qui interprète au piano l'Ave Maria chanté par Livia que son innocence protège de la corruption du monde même lorsqu'elle porte une robe tachée de sang.

Mais qui en veut ainsi à cette noble princesse un peu/beaucoup perchée? Au lieu d'un miroir c'est tout un marigot social et politique qui en est responsable. Il apparaît très vite que Livia vit au milieu d'un panier de crabes bourgeois et qu'elle a été condamnée à mort par son propre père Harald (Michel Piccoli) avec le reste de la famille pour complice. Ce qui donne lieu à un jeu de massacre assez jubilatoire façon Chabrol où des acteurs typés comme Edith Scob (qui joue Léone la marâtre de Livia) ou Rufus (qui joue Hubus son oncle dont le prénom vient selon Livia de son genou qu'il faut entendre ainsi "je [dans le] nous" ou "je noue" histoire de souligner l'imbroglio familial) s'en donnent à cœur joie. Le motif est une sombre histoire d'héritage autour d'un marque à succès le "Sal Sox" un alicament miracle, si sombre qu'il s'avère d'ailleurs que la famille est elle-même manipulée par l'Etat suisse et ses sbires corrompus (Ce jour là se présente comme une "comédie helvétique" avec un gros coffre-fort en jeu!) Mais heureusement il y a aussi ceux qui restent intègres comme Treffle (Jean-François Balmer) qui face à son collaborateur et criminel de frère Warff (Féodor Atkine) dit qu'il ne sert que "Mademoiselle" (et non l'Etat). Et puis il y a les inénarrables flics Raufer et Ritter (Jean-Luc Bideau et Christian VADIM) qui choisissent "de ne rien faire". Une résistance passive aussi hilarante qu'absurde qui leur permet de cueillir Warff comme une fleur.

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