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Falling Leaves

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1912)

Falling Leaves

Court-métrage Solax de la période américaine d'Alice Guy qui rencontra le succès à sa sortie, "Falling Leaves" est souvent proposé aujourd'hui pour illustrer son travail. Il s'agit d'un mélodrame tiré d'une nouvelle de 1907 dans lequel une jeune fille, Winifred, se meurt de la tuberculose. Mais sa petite sœur Trixie est bien résolue à ne pas laisser faire la nature. Ce qui est charmant dans ce court-métrage, c'est qu'il fonctionne tant visuellement que narrativement sur deux plans. D'un côté le monde des adultes, austère, sérieux voire morbide, de l'autre celui de l'enfance plein de vivacité, d'énergie et d'imagination. Interprétant littéralement la phrase du docteur annonçant à la mère que Winifred décèdera avant que la dernière feuille morte ne soit tombée des arbres, Trixie décide de quitter son lit et la maison en douce pour aller dans le jardin recoller les feuilles aux arbres. Aux plans de la maison succèdent alors ceux du jardin où les feuilles tombent à verse comme des gouttes de pluie. A l'intérieur succède l'extérieur, à l'immobilité succède le mouvement dans le cadre, à l'accablement succède l'action bercée des croyances magiques de l'enfance. Même si c'est la science qui semble avoir le dernier mot, qui ne dit pas que la petite Trixie n'a pas contribué à sauver sa sœur au même titre que le vaccin du docteur (comme le suggère d'ailleurs la scène où elle le rencontre et le fait entrer dans la maison comme s'il avait "surgi" miraculeusement)?

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Greater love hath no man

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1911)

Greater love hath no man

"Greater love hath no man" est un court-métrage qui appartient à la période américaine de Alice Guy, on reconnaît d'ailleurs le logo de la Solax, le studio qu'elle a fondé en 1910 dans le New Jersey, là où se trouvaient alors la plupart des sociétés de production. La côte nord-est était alors le centre de gravité du cinéma américain (à l'image de l'ensemble de l'économie américaine), avant qu'Hollywood ne prenne le relais en même temps que le développement économique de la côte ouest.

"Greater love hath no man" est un western teinté de romance qui se situe au Nouveau-Mexique mais qui a été tourné comme on peut s'en douter en observant la végétation dans le New-Jersey, tout comme les premiers films de D.W. Griffith auxquels il fait penser. Dans cet univers d'hommes, une femme se distingue, Florence qui tombe amoureuse du nouveau contremaître au grand dam de Jake, son ancien fiancé. Cependant celui-ci va faire preuve d'héroïsme alors que les mineurs mexicains estimant qu'ils n'ont pas été assez payés pour l'or qu'ils ont extrait se font menaçants. Le simplisme de l'intrigue qui oppose les méchants mexicains aux vaillants colons américains ainsi qu'à l'armée de l'oncle Sam fait sourire ainsi que la théâtralité du jeu des acteurs, néanmoins le film est en pointe sur le plan des innovations techniques et n'a rien à envier à ceux que D.W. Griffith réalise au même moment et au même endroit (tournage en décors naturels, utilisation de la profondeur de champ, mouvements dans le cadre, montage alterné etc.)

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La Question humaine

Publié le par Rosalie210

Nicolas Klotz (2007)

La Question humaine

Dans "La Question humaine" qui traite de façon magistrale des liens historiques et idéologiques entre le nazisme et le néolibéralisme, le spectateur est confronté à une série d'images et de mots (ceux du présent) qui appellent d'autres images et d'autres mots (ceux du passé). Des numéros qui défilent, la fumée qui sort des cheminées de l'usine pétrochimique allemande SC Farb dont le nom renvoie à IG Farben (BASF+Bayer+Agfa) bien connue pour avoir employé pendant la guerre des déportés au sein même du camp d'Auschwitz III-Monowitz-Buna (dont Primo Levi qui était chimiste de profession), le nom du directeur-général mis sous surveillance, Mathias Jüst (Michael Lonsdale) qui renvoie à "Jude" (juif), la mise en scène des golden boys comme un corps uniforme de "chevaliers d'entreprise" renvoyant aux "chevaliers de Walpurgis" par lesquels se définissaient les SS ou encore le terme "d'unité" pour qualifier le personnel de l'entreprise (qui renvoie aux "stücke" par lesquels les nazis qualifiaient les déportés). L'histoire des dirigeants eux-mêmes est inextricablement liée au nazisme entre Karl Rose (Jean-Pierre Kalfon) enfant du Lebensborn élevé par des nazis et finançant secrètement un mouvement néo-nazi et Mathias Jüst, enfant de nazi portant le lourd fardeau des agissements de son père et dont la dépression est au cœur du film, parallèlement à la douloureuse prise de conscience par le DRH de l'entreprise, Simon Kessler (Mathieu Amalric) du véritable sens de sa fonction. La souffrance de Jüst qui s'exprime dans son rapport à la musique ("tension extrême", "exigence maniaque", "besoin de maîtrise qui fait fuir la musique", "perfectionnisme" dissimulant "une effroyable peur du vide" et impossibilité de l'écouter sans avoir la sensation d'une lame qui lui "déchire le corps") mais aussi dans son impossibilité d'être père (très symboliquement, lui et sa femme jouée par Edith Scob ont perdu leur bébé et ont muséifié sa chambre) contamine le personnage joué par Mathieu Amalric qui pourrait être son fils. Ce bon petit soldat zélé du capitalisme tient à distance sa part d'humanité symbolisée par Louisa (Laetitia Spigarelli), sa petite amie semblable à un oiseau fragile à la voix d'or. Plusieurs styles de musique s'opposent dans le film: celle de Simon, très froide et mécanique se manifeste sous forme de rave party techno dans des hangars désaffectés où il défoule les pulsions qu'il réprime la journée. Celle qui fait souffrir Jüst relève de la musique de chambre et celle de Louisa est fondée sur l'organe vocal. Plus le film avance, plus le comportement de Simon se dérègle, plus il doute, plus son travail le dégoûte. L'un de ceux qu'il a fait licencier (comme par hasard le seul vrai musicien de l'entreprise) se venge en établissant de troublants parallèle entre le langage d'entreprise qu'il emploie systématiquement dans ses rapports et celui des nazis évoquant les gazages de la Shoah en termes purement abstraits et techniques. Cette démonstration brillante de la manipulation du langage à des fins de propagande n'a rien à envier à l'analyse de George Orwell sur la novlangue. A la fin le technicien modèle n'est plus aux yeux de son entreprise qu'un objet cassé bon à jeter comme lui-même amputait sans état d'âme les "membres malades" du corps de l'entreprise au temps de son "efficacité maximale". Le remarquable livre de François Emmanuel dont le film est l'adaptation se termine d'ailleurs sur cette phrase "Je crois qu'il me plaît d'être ainsi relégué aux marges du monde".

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