Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ridicule

Publié le par Rosalie210

Patrice Leconte (1996)

Ridicule

"Ridicule" est avant d'avoir été un film un bijou d'écriture qui n'est pas sans faire penser aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Le scénariste Remi WATERHOUSE aurait d'ailleurs voulu le réaliser mais pour que le film puisse voir le jour, c'est Patrice LECONTE qui s'en est chargé sans changer une seule virgule au texte d'origine. "Ridicule" et "Les Liaisons dangereuses" qui se situent à la fin du XVIII° siècle dans les milieux privilégiés utilisent en effet le langage comme une arme pour séduire, tromper, humilier et même tuer. Dans "Ridicule", les traits d'esprit ouvrent les portes autant sinon plus que la courtisanerie ou l'argent. Mais le moindre faux pas s'y avère fatal et tôt ou tard, chacun y succombe. Dans les deux oeuvres, les libertins manipulateurs finissent pris à leur propre piège et le visage défait de la comtesse de Blayac (Fanny ARDANT) dans la scène finale n'est pas sans rappeler celui de la marquise de Merteuil jouée par Glenn CLOSE en train d'ôter son maquillage en versant des larmes de rage. Son pendant masculin, l'abbé de Villecourt (exceptionnel Bernard GIRAUDEAU, scandaleusement sous-employé dans le cinéma français) subit également le sort d'une humiliation publique et son désarroi presque enfantin le rend autrement plus sympathique que le vicomte de Valmont (qui on se le rappelle y laisse la vie). Cependant, "Ridicule" à la différence des liaisons dangereuses offre un prisme plus large que celui du panier de crabes des salons de Versailles ou des hôtels particuliers de la noblesse. Les candides s'y font initier mais pas dévorer. Car "Ridicule" colle à la réalité historique d'une époque contrastée où pendant que le monde ancien décadent et vain agonisait à l'image du baron de Guéret, un monde nouveau surgissait, en prise avec le réel, nourri de l'esprit des Lumières. Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles BERLING) est un noble provincial éclairé et proche de ses paysans dont il veut améliorer les conditions de vie, plombées par l'insalubrité de leur milieu naturel. Son ami, Bellegarde (Jean ROCHEFORT) est physiologiste et a élevé sa fille dans des principes rousseauistes, laquelle fille (Judith GODRECHE) a la stature d'une Marie Curie avant l'heure (allusion au fait que dans "Les Palmes de M. Schutz" (1996) mais aussi dans le plus récent "Marie Curie" (2016), Charles BERLING joue son mari, Pierre Curie). Enfin, une courte apparition de l'abbé de l'Epée (Jacques MATHOU) qui a favorisé la diffusion de la langue des signes dans son institution pour les sourds ou d'un Indien décoré par le roi Louis XVI trace des perspectives encore plus larges que celles de la question sociale en incluant les femmes, les handicapés ou les coloniaux.

Commenter cet article