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Vous n'avez encore rien vu

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (2012)

Vous n'avez encore rien vu

Avec l'audacieux Alain Resnais, ça passe ou ça casse. Quand ça passe, c'est génial ("L'Année dernière à Marienbad", "Muriel ou le temps d'un retour", "l'Amour à mort", "Mélo", "Smoking/No Smoking", "On connaît la chanson", "Les Herbes folles" etc.). Mais parfois ça se casse un peu la figure. Et de mon point de vue ^^ "Vous n'avez encore rien vu" fait partie de la seconde catégorie. Son dispositif est brillant mais il tourne un peu à vide. Alain Resnais s'est fait plaisir en citant ses propres films (un titre qui fait référence à "Tu n'as rien vu à Hiroshima", un couple en quête d'absolu dont le membre survivant finit par rejoindre l'autre dans la mort comme dans "L'Amour à mort"), en réunissant ses comédiens fétiches, en faisant jouer des extraits d'une pièce de théâtre qu'il a aimé à la folie par des duos issus de trois générations différentes (celle des années quarante avec Pierre Arditi et Sabine Azéma, celle des années soixante avec Lambert Wilson et Anne Consigny et enfin celle des années quatre-vingt avec Vimala Pons qui a droit à une captation vidéo filmée par Denis Podalydès). Mais cet éternel recommencement, ce temps cyclique cher à Resnais finit par s'enrayer parce que le style et le contenu de la pièce sentent la poussière voire la naphtaline. De même que pour "Je t'aime, je t'aime", j'ai du mal à adhérer aux drames (petit) bourgeois. Même déconstruits, destructurés, maquillés sous des atours de tragédie antique. Ecouter un Orphée faire sa crise da jalousie parce que Eurydice ne lui arrive pas vierge entre les bras, et celle-ci de devoir pleurer, supplier et se justifier peut passer dans le contexte d'écriture de la pièce (les années 40) mais est insupportablement anachronique dit par la bouche d'acteurs ayant la vingtaine dans les années 2010. L'audace, cela aurait été de mettre un grand coup de pied aux fesses de la pièce datée d'Anouilh et de donner à Eurydice l'occasion de rendre coup pour coup à Orphée au lieu de devoir porter seule la culpabilité d'avoir un "passé qui ne passe pas". Parce que la femme qui a un passé a du vécu et c'est ce qui lui a été si longtemps interdit. Et lorsque cet interdit a été levé, les hommes le lui ont fait chèrement payer. Et ça, cela reste un impensé du film de Resnais.  Pour une fois, son aspect ludique (les multiples mises en abyme, l'interaction entre les arts du théâtre, du cinéma et de la vidéo, le vrai-faux testament du double d'Alain Resnais dans le film, Antoine d'Anthac joué par Denis Podalydès qui était prêt à prendre la relève au cas où Alain Resnais aurait cassé sa pipe pendant le tournage) ne suffit pas à contrebalancer ce fond réactionnaire.

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