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Stardust Memories

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1980)

Stardust Memories

Film poétique et foisonnant mais difficile d'accès, "Stardust Memories" est néanmoins incontournable dans la filmographie de Woody ALLEN. Pour le comprendre il est indispensable de le resituer dans son contexte.

Woody ALLEN a commencé sa carrière comme créateur de gags et de sketches puis comme amuseur public de stand up. C'est en effet sur les planches qu'il a créé son personnage d'intellectuel névrosé et anxieux. Naturellement, ses premiers films se situent dans la continuité de ses sketches burlesques et satiriques dans lequel il fait figure d'ahuri maladroit. Un tournant intervient avec son premier grand film "Annie Hall" (1977) où l'écriture se fait plus délicate et bien plus personnelle. Mais bien que parfois mélancolique, il s'agit toujours d'une comédie. "Manhattan" (1979) se situe dans la même lignée avec en plus une esthétique éblouissante marquée par une superbe photographie de Gordon WILLIS et le classique et jazzy "Rhapsody in blue" de George GERSHWIN. Entre les deux films, Woody ALLEN a proposé cependant une rupture radicale avec le style qui avait fait jusqu'ici sa renommée: "Intérieurs" (1978) est son premier drame intimiste et le premier film où il révèle l'influence d'un grand maître, Ingmar BERGMAN. Mais le public américain, déconcerté ne suit pas.

"Stardust Memories" sonne à la fois comme une synthèse et un bilan de toute cette période. Woody ALLEN a d'ailleurs embauché de nouveau Gordon WILLIS pour le noir et blanc du film. Celui-ci reprend le principe de l'oeuvre sous influence sauf qu'ici ce n'est pas Ingmar BERGMAN qui est son modèle mais Federico FELLINI et plus précisément "Huit et demi" (1963). On peut même parler de pastiche (certains parlent même de plagiat mais il s'agit davantage d'un hommage) tant on retrouve d'éléments communs: le noir et blanc, l'artiste dépressif en panne d'inspiration, les lunettes noires, la satire du showbiz dépeint comme un poulailler grotesque (ça parle pour ne rien dire, ça s'agite, ça harcèle de sollicitations diverses le pauvre artiste qui ne sait plus où donner de la tête), les références au monde du cirque et de la magie, le mélange de rêves, de fantasmes, de cinéma et de réalité. Jusqu'à la scène d'ouverture qui est quasiment identique, la route ayant juste été remplacé par le rail (et une belle blonde muette de 22 ans alors inconnue, Sharon STONE). A travers ce dispositif, Woody ALLEN met en scène ses propres interrogations identitaires, aussi bien personnelles que professionnelles. La décoration de son appartement change d'ailleurs en fonction de ses humeurs, tantôt montrant Groucho MARX (l'un de ses grands maîtres, cité d'une façon ou d'une autre dans presque tous ses films) et tantôt ce qui semble être un cambodgien en train de se faire exécuter par un Khmer Rouge. Son personnage et double, Sandy Bates est écartelé entre trois femmes, une actrice brune, ténébreuse et bipolaire qui le hante (Charlotte RAMPLING qui est terriblement envoûtante et bergmanienne), une blonde plantureuse équilibrée et terre à terre (Marie-Christine BARRAULT) et une jeune violoniste névrosée (Jessica HARPER). Sur le plan professionnel, Sandy doit se confronter à des producteurs et à un public qui n'apprécient pas son évolution vers le cinéma sérieux et ne cessent de lui répéter qu'ils préféraient ses premiers films (Steven SPIELBERG qui a connu un peu la même trajectoire s'est d'ailleurs reconnu dans le personnage). On en arrive au paradoxe où Sandy défend ses choix en faisant du stand-up, provoquant l'hilarité de la salle comme s'il se retrouvait au point de départ. Chacun sait qu'il n'en est rien et que désormais, c'est la quête d'un équilibre entre les différentes facettes de sa personnalité qui constitue le fondement des films du réalisateur.

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