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Je t'aime je t'aime

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1968)

Je t'aime je t'aime

Le cinquième film de Alain RESNAIS se situe quelque part entre le puzzle mental de "L'Année dernière à Marienbad" (1961), les incursions de l'inconscient de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) et le voyage dans le temps science-fictionnel de la "La Jetée" (1963). Il avait d'ailleurs entrepris un projet commun avec Chris MARKER qui échoua mais qui aboutit à deux films ayant d'indiscutables points communs. Notamment un aspect froid, clinique lié au fait qu'il s'agit dans les deux cas d'expériences de voyage dans le passé menées par des scientifiques sur des cobayes humains à l'aide d'une prise de drogue et d'un enfermement dans un lieu clos (souterrain dans "La Jetée" (1963), capsule organique digérant lentement sa proie dans "Je t'aime je t'aime"). Le scénariste du film, Jacques STERNBERG lui a été conseillé par Chris MARKER et s'inspire de sa véritable histoire.

"Je t'aime je t'aime" est cependant moins un film sur le temps que sur la mémoire. Il ne s'agit pas à proprement parler de revivre le passé mais de le reconstituer au travers des souvenirs forcément altérés par le temps mais aussi l'interprétation que le sujet en a fait. On l'a donc beaucoup comparé à l'œuvre de Marcel Proust. Mais "A la recherche du temps perdu" est d'une bien plus grande envergure que "Je t'aime je t'aime" qui se focalise sur l'échec de la vie adulte du héros marquée par l'ennui et le mal-être. Claude (Claude RICH dans ce qui est sans doute son plus grand rôle) passe son temps à essayer de "tuer le temps" dans les différents emplois de bureaux qu'il occupe plus ternes les uns que les autres. D'autre part il voit également le temps détruire sa relation de couple avec Catherine (Olga GEORGES-PICOT), jeune femme dépressive qu'il s'accuse d'avoir tué. Lui-même a perdu le goût de vivre et ne pense plus qu'à se suicider. On le voit, la dépression et la mort sont omniprésentes dans le film qui a également une parenté avec "Le Feu follet" (1963) au point que Alain RESNAIS a refusé Maurice RONET pour le rôle principal de crainte qu'on ne confonde les deux films. De fait si la première partie du film est prometteuse, Alain RESNAIS mettant encore une fois tout son talent de monteur au service de cette histoire éclatée, le dispositif expérimental à du mal à tenir la distance d'un long-métrage. Comme le titre l'indique, au bout d'un moment les séquences deviennent répétitives avec certes de subtiles variations pour chacune d'elles (positionnement des éléments de décor, angles de caméra, changement de personne dans une même situation etc.) Mais le problème réside dans la médiocrité affligeante du héros, un petit-bourgeois névrosé dont on a bien du mal à compatir aux malheurs existentiels alors qu'il se prend des vacances en Provence et en Ecosse et qu'il ne se prive pas de tromper Madame avec tous les jupons qui passent. Bref un stéréotype bien rance de la France des années 60. On est bien loin des enjeux forts de "La Jetée" (1963) qui se déroule sur fond d'apocalypse nucléaire ou de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) qui trouve son sens dans le contexte de la guerre d'Algérie. Heureusement que Claude RICH impose sa présence sensible et mélancolique car son rôle est tout de même assez ingrat. Michel GONDRY réalisera quelques décennies plus tard une version plus pêchue et pop sur cette trame avec "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004).

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