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Tokyo Eyes

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Limosin (1998)

Tokyo Eyes

Si le personnage principal de "Tokyo Eyes" se prénomme K, c'est parce qu'il arpente une ville labyrinthique où l'occidental perd tous ses repères. Car son surnom "Le Bigleux" tout comme le titre du film fait référence au regard.

Regard d'un français, Jean-Pierre LIMOSIN sur la capitale nippone d'abord, forcément infidèle à la réalité mais qui reflète son propre désir et sa propre image du pays. L'aspect documentaire de son film fascine en captant un certain air du temps, notamment les passe-temps de la jeunesse tokyoïte au milieu d'une technologie made in 1997 omniprésente (jeux vidéos, ordinateurs, cabines téléphoniques, camescopes, photomatons). La caméra en liberté, façon Nouvelle Vague prend également le temps de flâner le long des rues du bas-quartier de Shimo-Kitazawa situé entre les deux plus importants centres névralgiques de Tokyo, Shinjuku et Shibuya. Et surtout, l'air de rien, Limosin montre des maux que le pays cache: la misère avec le plan d'un SDF dans une ruelle masquée par un poteau, le racisme avec le chauffeur de bus qui houspille une famille iranienne, la brutalité machiste avec un homme qui quitte brutalement sa petite amie en pleine rue.

Regard sur les personnages ensuite qui est appelé à évoluer au cours du film, les apparences s'avérant trompeuses. Dans la scène d'introduction, "Le Bigleux" (Shinji TAKEDA) nous est présenté comme un serial killer. On apprend cependant assez vite que son surnom est dû au fait qu'il rate systématiquement sa cible. Il apparaît alors comme un jeune homme étrange, limite déséquilibré. Mais Hinano (Hinano YOSHIKAWA), séduite par l'image de son portrait-robot décide de mener sa propre enquête pour le découvrir avec son propre regard. Comme on pouvait s'y attendre, K est un geek et un otaku pour qui la frontière entre le réel et le virtuel est tellement poreuse qu'il n'a pas conscience de jouer un jeu dangereux. C'est aussi un jeune homme révolté par le comportement machiste et xénophobe des hommes japonais et qui fait justice à sa manière. Jusqu'à ce que le yakuza raté à qui il vend son arme (joué par Takeshi KITANO que Jean-Pierre LIMOSIN admire et qui fait partie de ces cinéastes invités à jouer dans le film d'un autre: Jean-Pierre MELVILLE dans "À bout de souffle (1959)", Fritz LANG dans "Le Mépris (1963)", François TRUFFAUT dans "Rencontres du troisième type (1977)" etc.) ne le blesse involontairement. De même, la relation entre Hinano et Roy (Tetta SUGIMOTO), le lieutenant de police chez qui elle vit n'est pas immédiatement clarifiée. Car Hinano, femme-enfant qui minaude beaucoup dégage un érotisme chaste paradoxal, très semblable à celui de Lola (1960), l'héroïne du premier film de Jacques DEMY. Ce n'est d'ailleurs certainement pas un hasard si notre couple de tourtereaux fredonne la chanson de Serge GAINSBOURG "Pauvre Lola" en français dans le texte.

"Tokyo Eyes" est donc un film qui sous ses dehors modestes dégage un charme fou et durable.
 

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