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Classe tous risques

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1960)

Classe tous risques

Claude SAUTET est définitivement l'un de mes cinéastes préférés. Même dans une oeuvre de jeunesse comme "Classe tous risques" on reconnaît sa personnalité. Pourtant ce deuxième film aurait pu être écrasé sous les références, aussi bien françaises qu'américaines. Il s'agit en effet de l'adaptation d'un roman de José Giovanni avec Lino VENTURA dans le rôle principal d'un "bandit d'honneur"* ce qui établit une parenté avec le cinéma de Jean-Pierre MELVILLE, "Le Deuxieme souffle" (1966) en particulier. De l'autre, certains plans où l'on voit Jean-Paul BELMONDO déambuler dans les rues de Paris ne sont pas sans rappeler "A bout de souffle" (1960) sorti peu de temps avant. L'influence de la nouvelle vague est également palpable dans la manière dont a été filmée le hold-up du début, en pleine rue, au milieu des passants et en caméra cachée. Jean-Luc GODARD et Jean-Pierre MELVILLE étaient par ailleurs très influencés par le polar américain et l'on retrouve cette influence logiquement dans "Classe tous risques".

Bien qu'étant un film de genre très bien réalisé, "Classe tous risques" est aussi un drame intimiste où l'on retrouve la sensibilité de Claude SAUTET envers les plus faibles. Ainsi Abel (Lino VENTURA) "voyage" avec sa famille et après le drame qui la frappe par sa faute, on est attristé par le sort de ses deux petits garçons dont il est bien obligé de se séparer avant de s'enfoncer dans une spirale sans issue. Quant à Eric (Jean-Paul BELMONDO), il a le coeur sur la main que ce soit avec Abel qu'il vient aider (contrairement à ses anciens complices embourgeoisés qui lui tournent le dos), ses gosses ou avec Liliane (Sandra MILO) qu'il défend contre un homme violent.

* Bien qu'il soit inspiré du gangster Abel Danos surnommé "Le Mammouth" qui collabora au sein de la Gestapo française avec les allemands et en profita pour s'enrichir pendant la seconde guerre mondiale et qui n'avait rien d'un bandit d'honneur.

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L'Arbre aux papillons d'or (Bên trong vỏ kén vàng)

Publié le par Rosalie210

Thien An Pham (2023)

L'Arbre aux papillons d'or (Bên trong vỏ kén vàng)

Le début du film amorce un récit prometteur que l'on voit s'effilocher avec une certaine consternation sur près de trois heures. A partir d'un drame initial (la mort de sa belle-soeur), le personnage principal qui est retourné dans son village natal pour assister aux funérailles se déleste de ses liens terrestres (il fait le deuil de son ancien amour devenue bonne soeur et lui confie son neveu Dao âgé de cinq ans) pour partir à la recherche de son grand frère, le père de Dao, mystérieusement disparu. Le film est d'une grande beauté plastique et produit un réel effet d'immersion grâce à une bande-son aussi travaillée que la photographie. Quelques plans sont franchement sublimes (dont celui qui donne son titre au film) mais l'atmosphère est cafardeuse et le contenu, anémique. Les quelques pistes suivies par le personnage (recherche de la foi, recherche de son frère) ne perdent dans les sables et plus on avance, plus ce que l'on regarde devient abstrait, voire abscons à force de silence et de lenteur. Dans ce film contemplatif aux plans-séquence étirés à l'extrême, l'être humain finit par n'être plus qu'un minuscule point dans le paysage, les expériences et les liens entre les êtres deviennent purement théoriques. La fin qui entremêle rêve et réalité à moins que cela ne soit différentes temporalités fait penser à Apichatpong WEERASETHAKUL. Bref on est sur un premier film qui suit la tendance d'un cinéma d'auteur contemplatif qui certes fait preuve d'une grande maîtrise formelle mais délaisse humanité, émotions et dramaturgie. Pas sûr que cette direction marque les esprits durablement.

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Les Misérables

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1995)

Les Misérables

"Les Misérables" librement adaptés par Claude LELOUCH, c'est une fresque historique courant sur un demi-siècle qui n'est pas sans rappeler le roman-feuilleton populaire* avec ses personnages archétypaux et ses situations ne cessant de faire retour. La structure cyclique du film est d'ailleurs symbolisée par une scène de bal en introduction (en 1900) et en conclusion (cinquante ans plus tard) dans lesquelles la caméra tourbillonne avec les personnages qui dansent. La transposition du roman dans la première moitié du XX° siècle permet de superposer les moments clés de l'intrigue du roman avec les événements les plus dramatiques de cette période, tout particulièrement ceux de la seconde guerre mondiale, les misérables devenant les juifs persécutés. On y croise plusieurs Fantine, Thénardier, Javert, Cosette et Valjean (mais un seul monseigneur Myriel, l'impérial Jean MARAIS). Ils ne sont pas toujours représentés par les mêmes acteurs et à l'inverse, un même acteur peut jouer deux rôles à la fois (Jean-Paul BELMONDO joue d'abord le rôle d'un bagnard, puis celui de son fils qui dans son enfance a été une Cosette exploitée par un Thénardier après la mort de sa mère). Pour complexifier encore cette structure, Henry Fortin (le personnage joué par Jean-Paul BELMONDO) se fait lire des extraits du roman de Victor Hugo et se projette dedans (en Jean Valjean bien sûr). Il faut dire que le film de Claude LELOUCH est également un hommage au cinéma dont on fêtait alors le centenaire. Il est précisé que Henry Fortin est né quasiment avec lui et on le voir regarder enfant des adaptations muettes du roman de Hugo avant qu'adulte, il n'assiste à la projection de celle de Raymond BERNARD. Son père avait sans le savoir croisé lors du bal ouvrant le film Robert HOSSEIN qui avait été le dernier avant lui à endosser le rôle de Valjean au cinéma. Les images avant la lettre puisque Fortin est longtemps analphabète. Enfin ce film choral (une caractéristique du cinéma de Lelouch) est intrinsèquement lié à la prestation saluée d'un César du second rôle de Annie GIRARDOT. En fait, celle-ci lors d'une scène bouleversante où elle semble dépassée par ses émotions ouvre la possibilité de faire bifurquer le récit dans une direction inattendue. Cela ne se concrétise pas hélas, la suite la faisant rentrer dans le rang de son rôle de Mme Thénardier de l'occupation (après Nicole CROISILLE pour la Thénardier de la Belle Epoque, leurs époux respectifs étant joués par Philippe LEOTARD et RUFUS). Mais rien que pour ce moment de grâce, et celui qu'elle a ensuite imprimé lors de la cérémonie des César, le film acquiert un supplément d'âme, épaulé par un Michel BOUJENAH qu'on aurait aimé voir plus souvent dans un tel registre dramatique.

* Même si Victor Hugo ne goûtait guère le roman-feuilleton, son roman finit par être publié en épisodes dans "Le Rappel" co-fondé par lui-même, vingt ans après sa première parution en recueil.

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Un amour impossible

Publié le par Rosalie210

Catherine Corsini (2018)

Un amour impossible

L'histoire est puissante comme l'est la personnalité de celle qui la porte, Christine ANGOT. Elle raconte en effet avec beaucoup d'acuité une rencontre qui n'aurait jamais dû avoir lieu et qui a généré autant de violence que de souffrance: celle de ses parents. La réalisation très classique de Catherine CORSINI ôte cependant en grande partie la cruauté, l'âpreté de ce récit. Elle aurait dû fouiller beaucoup plus les portraits respectifs de Rachel et Philippe et choisir deux acteurs complètement dissemblables au lieu du couple assorti Virginie EFIRA-Niels SCHNEIDER. En ce qui concerne Rachel, elle colle trop et trop longtemps à son illusion romantique, à sa croyance en une "passion réciproque". En revanche, elle n'insiste pas assez sur le gouffre socio-culturel qui la sépare de Philippe et sur la guerre sourde que celui-ci lui livre. Pourtant, il y a assez d'éléments distillés dans le film (à commencer par son prénom) pour comprendre que celui-ci est le pur produit d'un milieu bourgeois pétainiste qui n'a pas digéré la défaite. Dans les années cinquante, époque de leur rencontre, le souvenir de la guerre est tout proche et d'une certaine manière, Philippe utilise Rachel comme le moyen pour son clan de prendre une revanche symbolique sur "L'Anti-France" celle du Front Populaire, assimilée aux communistes et aux juifs. Philippe va jusqu'à épouser une allemande et à vanter leur capacité à choyer les hommes à cause des énormes pertes de la guerre. Au cas où l'on n'aurait pas compris son esprit partisan, il ajoute qu'il en va de même des japonaises. Implicitement, Rachel est assimilée à l'autre camp, celui des "rouges" et des anglo-saxons "enjuivés" (peu importe que la Russie compte le plus d'hommes tués au front, on est dans l'idéologie, pas dans le fait historique). L'ennemi à abattre est aussi "l'esprit de jouissance" du Front populaire qui a constitué une période émancipatrice pour les femmes. Philippe ne cesse en effet de reprocher à Rachel d'être trop puissante, de réclamer trop d'attention. De fait, celle-ci réussit à s'accomplir professionnellement et à élever sa fille seule à une époque où cela n'avait rien d'évident. C'est pourquoi il va s'engouffrer dans la principale faille de Rachel qui est son obsession à ce qu'il reconnaisse leur fille, c'est à dire qu'il lui donne son patronyme. Car si Rachel a appris à se passer d'un homme, elle est prisonnière d'une vision patriarcale de la famille qui aujourd'hui a encore beaucoup d'adeptes. L'instrument de la revanche se déplace alors de Rachel sur sa fille Chantal que jamais il ne reconnaîtra comme sa fille car comme le dira plus tard Chantal (alias Christine ANGOT) c'est contraire à la logique de leur camp. Chantal devient donc le plus sûr moyen d'anéantir Rachel et Philippe utilise la plus terrible des armes pour y parvenir.

Il y avait donc de quoi faire un grand film avec ce récit. Mais faute de hauteur de vue, on reste trop au ras des pâquerettes et c'est bien dommage.

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La Chasse (Cruising)

Publié le par Rosalie210

William Friedkin (1980)

La Chasse (Cruising)

C'est un drôle d'Alice de l'autre côté du miroir que ce "Cruising" qui raconte l'histoire d'une errance qui prend l'allure d'une mue à bas bruit. Le film de William Friedkin longtemps maudit et aujourd'hui réhabilité s'ouvre et se ferme sur les mêmes images de traversée de l'Hudson au large de Manhattan par un bateau qui commence repêcher un membre et semble ensuite draguer (au sens littéral) le fond. Cette traversée très métaphorique (d'où le titre en VO), ce sont les boîtes de nuit gay SM du New-York underground* fréquentées par Steve Burns (Al Pacino), flic infiltré dont l'identité vacille au fur et à mesure qu'il s'enfonce en eaux eaux profondes et troubles. Si la lecture littérale du scénario est une enquête policière consistant à découvrir un serial killer sévissant au sein du milieu, c'est évidemment la dimension psychanalytique qui en fait tout l'intérêt. Outre la métamorphose ("je change" dira à un moment Steve Burns à son supérieur, le capitaine Edelson), le film traite en effet du double tout à la fait à la manière d'un Hitchcock ou d'un De Palma (qui voulait réaliser le film et dont le "Pulsions" a des contours assez proches**). Steve est "casté" par Edelson (Paul Sorvino) parce qu'il a un physique proche de celui des victimes et du tueur (dont le visage semble d'ailleurs changer d'un crime à l'autre). Les meurtres sont ritualisés et filmés graphiquement d'une manière qui rappelle "Psychose". Les rôles sont renversés, le flic devenant la proie. Tellement d'ailleurs que dans une scène ironique, il est refoulé de la boîte parce qu'il ne porte pas le costume adéquat ce soir-là qui est celui justement d'un policier.  La scène de confrontation finale entre le flic et le tueur est troublante: les deux hommes, habillés de façon strictement identique fonctionnent en miroir au point qu'on ne sait plus qui est le chassé et qui est le chasseur. Et la fin est un sommet d'ambiguïté. 

* Milieu dépeint de façon documentaire et immersive avec des détails très crus mais sans aucun jugement moral. Car le mal selon Friedkin ne réside pas dans la pratique d'une sexualité marginale mais dans le refoulement des pulsions par le puritanisme de la société américaine. 

** "Un Couteau dans le coeur" de Yann Gonzalez qui rend hommage à Brian de Palma et aux giallos italiens fait aussi référence à "Cruising" en mêlant plaisir et souffrance. Les scènes d'amour filmées comme des scènes de meurtre et vice-versa sont un des grands leitmotivs du cinéma de Alfred Hitchcock.

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Gloria Mundi

Publié le par Rosalie210

Robert Guédiguian (2019)

Gloria Mundi

Robert GUEDIGUIAN m'a toujours fait penser à Ken LOACH mais c'est particulièrement vrai dans cet opus très sombre. Alors certes, le film s'ouvre sur une naissance et il y a comme dans "A la vie, a la mort" (1995) un personnage prêt à se sacrifier pour que le bout de chou puisse grandir dans un vrai foyer. Mais et c'est significatif, ce n'est plus le père, mais le grand-père qui l'accomplit. Le film est en effet bâti sur un contraste générationnel. D'un côté les anciens, joués par la fidèle troupe du réalisateur: Ariane ASCARIDE, Jean-Pierre DARROUSSIN, Gerard MEYLAN. Ils représentent ce qu'il reste d'humanisme dans un monde en train de basculer dans un individualisme sans foi ni loi mais ils ont abandonné la lutte et semblent usés, fatigués. De l'autre, les enfants, joués également par des acteurs déjà vus chez le réalisateur, notamment dans "Les Neiges du Kilimandjaro" (2010) et "L'Armee du crime" (2009). Ceux-ci incarnent les "winners" et les "losers" de l'ultralibéralisme qui se lit jusque dans le paysage urbain en mutation. L'Estaque n'est plus qu'un nom affiché sur la devanture d'un bus alors que le film se déroule en majorité dans un quartier où poussent les gratte-ciels. D'un côté, le couple formé par Mathilda et Nicolas (Anais DEMOUSTIER et Robinson STEVENIN), les parents de Gloria va de galère en galère, entre contrats précaires et auto-entreprenariat hasardeux. De l'autre celui formé par la demi-soeur de Matilda, Aurore (Lola NAYMARK) et son compagnon Bruno (Gregoire LEPRINCE-RINGUET) incarne un cynisme qui fait froid dans le dos avec leur business florissant fondé sur l'exploitation des plus pauvres à la manière de "It's a Free World" ! (2007). Ces quatre-là qui s'enfoncent dans une spirale infernale à la façon de "Les Damnes" (1969) à force de courir après la réussite en arrivent à s'entretuer, au figuré comme au propre. L'usage de stupéfiants chez les uns (parmi lesquels le pouvoir et l'argent) et un sort qui semble s'acharner chez les autres s'avère dévastateur au point de finir par rejaillir sur Gloria à qui sa mère regrette d'avoir donné naissance. Si l'on se fie à ce baromètre, l'avenir qui nous est promis est tout sauf désirable.

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Tom à la ferme

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Tom à la ferme

Le quatrième film de Xavier DOLAN m'a fait l'effet d'un exercice de style bourré de références (à Alfred HITCHCOCK, à Stanley KUBRICK, à Brian DE PALMA, également au générique de "L'Affaire Thomas Crown" (1968) et au tango de "Happy Together") (1997). L'aspect positif, c'est que Xavier DOLAN n'hésite pas à s'aventurer dans des genres variés, ici le thriller psychologique pour renouveler son cinéma, même si celui-ci reste parfaitement reconnaissable (univers queer ou gay, figure de la mater dolorosa, goûts vintage, gros plans, musique signifiante). L'aspect négatif, c'est que l'on reste trop en surface, l'ensemble manque tout de même de substance. J'ajouterais également que le caractère souvent excessif du cinéma de Xavier DOLAN s'avère être ici un défaut. En mettant ses pas dans ceux de Alfred HITCHCOCK, il brouille le message du film qui ne traite plus vraiment de l'homophobie ordinaire des campagnes (ce qui était quand même son point de départ) mais du thème du double sur un mode sadomasochiste, le grand frère homophobe (Pierre-Yves CARDINAL) s'avérant être un véritable psychopathe. Cette outrance, à l'image d'un Tom (Xavier DOLAN) qui ne cesse de fuir pour mieux revenir se jeter dans les bras de son bourreau empêche de prendre tout à fait le film au sérieux. Film par ailleurs alourdi par quelques séquences explicatives dispensables.

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A peine j'ouvre les yeux

Publié le par Rosalie210

Leyla Bouzid (2015)

A peine j'ouvre les yeux

Très belle découverte que ce film, le premier long-métrage de Leyla BOUZID qui me donne envie de voir le deuxième "Une histoire d'amour et de desir" (2019). Le style est flamboyant et le scénario, subtil. Il peut en effet se lire aussi bien comme un récit initiatique que comme celui d'une désillusion ou encore celui d'une prise de conscience. Il mêle habilement le douloureux passage à l'âge adulte de Farah, 18 ans à une relation mère-fille conflictuelle et à un contexte historique précis: celui des quelques mois qui ont précédé la révolution du jasmin en Tunisie fin 2010 et début 2011 ayant abouti au départ du dicteur Ben Ali qui était au pouvoir depuis 1987. Farah et son groupe de musique jouent en quelque sorte le rôle d'éclaireurs, exprimant les aspirations à la liberté de toute une génération. Les textes engagés et la folle énergie déployée par la jeune chanteuse captivent l'auditoire et le spectateur, entraîné dans une atmosphère électrique. En même temps et dès les premières images, les signes que l'histoire se déroule dans un Etat policier sont présents et se font de plus en plus envahissants jusqu'à prendre toute la place à la fin. Dans la première partie du film, le spectateur a l'illusion d'être dans un pays occidental en suivant une jeune fille issue de la bourgeoisie libérée voire délurée qui boit, fume, fait la fête, a une relation amoureuse et ne semble rencontrer que l'opposition de Hayet, sa mère qui veut qu'après son bac décroché brillamment elle fasse médecine. Puis peu à peu on comprend qu'en réalité Hayet n'est pas castratrice, bien au contraire mais qu'elle tremble pour sa fille et on comprend peu à peu qu'il y a de bonnes raisons à cela. Ce ne sont pas seulement les illusions de Farah qui disparaissent les unes après les autres, ce sont aussi les nôtres. En témoigne par exemple la scène où Hayet se rend dans un café pour rencontrer l'auteur-compositeur du groupe le soir de la disparition de Farah et où Leyla BOUZID filme longuement les regards pesants que les clients, tous masculins, font peser sur elle. Une expérience que n'importe quelle femme ayant vécu ou voyagé au Maghreb a pu faire et qui en dit plus long que tous les discours sur la réalité de sociétés encore très marquées par la tradition et ses valeurs machistes.

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Simple comme Sylvain

Publié le par Rosalie210

Monia Chokri (2023)

Simple comme Sylvain

Des films sur les oppositions de classe sociale, j'en ai vu un certain nombre, dans le registre de la comédie le plus souvent et j'en ai conclu que c'est un terrain glissant voire miné tant il est propice aux clichés. Il comporte quand même son lot de réussites comme "Ainsi va l'amour" (1971) de John CASSAVETES ou dans un registre plus satirique "La Vie est un long fleuve tranquille" (1987) de Etienne CHATILIEZ. Sur "Simple comme Sylvain", je suis beaucoup plus réservée. J'ai apprécié le regard féministe, c'est si rare au cinéma de montrer la sexualité féminine de façon réaliste, c'est à dire avec une bonne connaissance du fonctionnement du corps féminin et des pensées et désirs propres à l'émoustiller (de quoi aider ce pauvre George Brassens à améliorer les statistiques de sa chanson "Quatre-vingt quinze pour cent"). En revanche le "choc des cultures" produit par la rencontre entre deux personnages aux prénoms-programmes, Sophia (sagesse) et Sylvain (forêt) s'il est au début du film très bien mené grâce à un ton alerte, s'essouffle sur la longueur. Surtout, il n'échappe pas à la caricature. Les deux personnages sont dépeints comme de purs produits de leur milieu social, ils sont unidimensionnels. Et ces milieux sont eux-mêmes uniformes. Sophia est une intello, donc forcément elle intellectualise tout et donc forcément son entourage est composé de snobs. Sylvain est un prolo, donc forcément il est inculte, ne marche qu'à l'instinct et a des goûts vulgaires à l'image de son entourage. C'est là qu'une autre réussite aurait fait du bien pour nuancer le tableau, "Le Gout des autres" (1999) d'autant que plus que le mépris de classe y est montré pour être mieux démonté. Dans "Simple comme Sylvain", on a la désagréable impression qu'il en est rien et que l'on rit beaucoup plus aux dépends de Sylvain, ses fautes de langage, son ignorance de la langue anglaise et ses goûts de "plouc" que de Sophia. Goûts de ploucs décrétés d'ailleurs par l'élite bien-pensante (j'ignorais que la République Dominicaine en faisait partie). Plus gênant encore, Sylvain s'avère être un traditionnaliste réac partisan de la peine de mort comme si le fait d'appartenir à la bourgeoisie intellectuelle était une garantie de progressisme. Un petit tour du côté de Pier Paolo PASOLINI et de Stefan Zweig rappelle qu'il n'en a rien été. Alors qu'à l'inverse des gens "simples" ont pu à la même époque agir avec une noblesse dont ces gens-là auraient été incapables.

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Lancement d'un navire

Publié le par Rosalie210

Louis Lumière (1896)

Lancement d'un navire

Le 21 mars 1896, un an après leur premier film, les frères Lumière filment le lancement du voilier Persévérance à sa sortie des chantiers navals de la Seyne-sur-Mer. Dérogeant pour une fois à la composition du cadre selon une diagonale, ils installent leur caméra frontalement, de façon à saisir trois lignes du premier au dernier plan: une rangée de spectateurs endimanchés, la coque du navire en train de passer devant eux et derrière le quai, une autre rangée de spectateurs avec en toile de fond le chantier naval. On remarque que certains d'entre eux au premier plan paniquent au passage du navire et s'écartent. Il faut dire qu'ils paraissent minuscules à côté de la masse d'acier qui semble les frôler. L'impression rendue est celle d'un panneau coulissant qui révèle progressivement la profondeur du champ, comme sur une scène de théâtre. Le Persévérance finira sa carrière coulé par les allemands en 1917. Quant au film, il bénéficie aujourd'hui comme d'autres vues Lumière d'une version colorisée.

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