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TKT (T'inquiète)

Publié le par Rosalie210

Solange Cicurel (2025)

TKT (T'inquiète)

Le cyberharcèlement scolaire est devenu un tel fléau de société qu'il envahit la sphère du cinéma et des séries. Ainsi "TKT" peut être vue comme une version belge de "Adolescence" (2025). En prime on y voit Emilie DEQUENNE dans son dernier rôle, celui de la mère d'Emma (Lanna de Palmaert), l'adolescente victime, le père étant joué par Stephane De GROODT. L'histoire est l'enquête du fantôme d'Emma, dans le coma après sa tentative de suicide. Comment en est-elle arrivée là? Déjà par son silence puisque face aux inquiétudes de ses parents, sa seule réponse est "t'inquiètes" (en abrégé, "TKT"). Ensuite par une série d'éléments pourtant futiles séparés les uns des autres (tenues vestimentaires inappropriées, tache sur le pantalon, vengeance du petit copain largué et d'une fille jalouse, agressivité par rapport aux remarques blessantes) qui finissent par former un engrenage qui la transforme en pestiférée.

Néanmoins il y a une différence fondamentale par rapport à "Adolescence". Cette dernière n'avait pas de visée pédagogique et s'est imposée après coup comme d'utilité publique. Alors que "TKT" est moins un film de cinéma qu'une opération de sensibilisation au phénomène du harcèlement conçue spécifiquement pour le milieu scolaire avec un didactisme trop appuyé. Didactisme qui l'emporte sur la mise en scène comme sur la construction des personnages, réduits à être le véhicule du discours. C'est pourquoi selon moi la série britannique de Philip BARANTINI ou encore "Amal, Un esprit libre" (2023) lui sont très supérieurs et peuvent être qualifiés d'oeuvres "coup de poing" ce qui n'est pas le cas de "TKT" même si l'on peut s'émouvoir du sort tragique de l'adolescente.

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Les Prédateurs (The Hunger)

Publié le par Rosalie210

Tony Scott (1983)

Les Prédateurs (The Hunger)

Le vampire est éternel... également sur les écrans. Comme tous les mythes, chaque époque s'en empare et le réinterprète. Avant les versions des années 90 ("Dracula" de Coppola, "Entretien avec un vampire" de Neil Jordan), la saga "Twilight" des années 2000 et la relecture de Jim Jarmush, "Only Lovers Left Alive" en 2013, "Les Prédateurs", le premier long-métrage de Tony Scott en a offert une version eighties chic, arty et saphique devenue culte avec le temps. Exit les vieux artefacts associés au vampirisme (les croix, l'ail, la lumière, les miroirs etc.) Dans "Les Prédateurs", ceux-ci sont jeunes, beaux, classe avec leurs costumes haute-couture taillés sur mesure. Ils ont les visages iconiques de Catherine Deneuve (période "Le Dernier Métro") et de David Bowie (période "Let's Dance"). Ils vivent dans de somptueuses résidences pleines de bibelots anciens et se repaissent autant de sang que de grande musique (magnifiquement utilisée que ce soit le trio de Schubert aussi suggestif que dans "Barry Lyndon" ou le Lakmé de Léo Delibes). Un sang étroitement lié au sexe, les vampires se nourrissant au moment de leurs ébats torrides avec leurs proies ce qui fait évidemment penser au sida alors en pleine émergence (et le film de Coppola enfoncera ensuite le clou). L'esthétique baroque tout autant que la thématique m'a fait penser spontanément à Blade Runner, réalisé par Ridley Scott, frère de Tony en 1982: clairs obscurs, lâcher de colombes, fumigènes, voilages volant au vent, ambiance hypnotique, créatures inhumaines en proie à des questions existentielles. Car l'immortalité des vampires de Tony Scott s'avère conditionnelle: elle dépend du désir d'un autre. Cet autre est longtemps Miriam, sorte de déesse égyptienne qui élit ceux qui lui plaisent jusqu'à ce qu'elle s'en lasse. Alors ceux-ci vieillissent brutalement et finissent par se transformer en momie. C'est précisément ce qui arrive à John dont le maquillage est par ailleurs très réussi (son auteur, Dick Smith a travaillé notamment sur "L'Exorciste"). Miriam a en effet trouvé un autre objet de désir en la personne de Sarah (Susan Sarandon), médecin spécialiste des effets du vieillissement. Mais avec elle, le processus s'inverse comme si la science dévorait la croyance. Les scènes entre Catherine Deneuve et Susan Sarandon ne sont pas pour rien dans le statut culte du film: la première est devenue une icône lgbt et la seconde incarne une femme forte et indépendante qui annonce celle de "Thelma et Louise". 

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Adolescence

Publié le par Rosalie210

Philip Barantini (2025)

Adolescence

C'est suffisamment rare pour être souligné mais si la mini-série "Adolescence" est un tel phénomène de société, elle le doit autant au fond qu'à la forme. Une fois de plus, les britanniques démontrent leur maestria en ce domaine. "Adolescence" fera date par ce qu'elle raconte mais aussi par la manière dont elle le raconte. Elle est le fruit d'une prouesse technique consistant à tourner chaque épisode de 45 minutes en un seul plan-séquence. Tout a été réglé en amont, lors de répétitions, le tournage s'effectuant en continu comme un ballet ou une pièce de théâtre chorégraphiée au millimètre. Ce dispositif, lorsqu'il est maîtrisé décuple la puissance du récit en plongeant le spectateur en immersion totale, comme le ferait un jeu vidéo. On pense à "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK, aux longues introductions de films comme celle de "La Soif du mal" (1957) ou celle de "Snake Eyes" (1998) avec des circonvolutions de caméra qui rappellent les travellings de "Shining" (1980). Mais la référence la plus évidente est "Elephant" (2003) qui traite d'un sujet proche de celui de "Adolescence" dont le deuxième épisode se déroule intégralement dans l'enceinte de l'école de Jamie. Car si le dispositif joue sur l'effet de temps réel, chaque épisode n'est qu'une fenêtre ouverte sur une histoire se déroulant sur plus d'une année: les ellipses, ce sont les intervalles qui séparent l'arrestation de Jamie de l'enquête dans son école puis de la rencontre avec la psychologue et enfin de l'anniversaire de son père (Stephen GRAHAM, co-auteur de la série).

Chaque épisode combine émotions et réflexions. Le premier suscite l'effroi, celui de voir un gosse traité selon une procédure criminelle conçue pour les adultes. Le second suscite le malaise en mettant en évidence la fracture générationnelle dans les familles et à l'école avec des adultes dépassés par des gamins sur lesquels ils n'ont pas de prise. Le troisième dévoile l'autre visage de Jamie et il faut souligner la performance de Owen Cooper qui parvient à rendre menaçant, voire terrifiant un ado de 13 ans au visage et à la voix encore enfantines. Le quatrième montre les conséquences sur sa famille, ni le père ni la mère n'étant accablés, autant pour échapper aux clichés que pour que chacun puisse d'identifier à eux. Aucune réponse toute faite aux actes de Jamie n'est donnée, c'est à chacun de se faire son opinion ce qui est d'une grande intelligence. Seules des pistes sont évoquées comme le cyberharcèlement ou le rôle toxique des masculinistes sur les réseaux sociaux dans la construction d'adolescents en quête de repères. Mais l'image la plus forte est celle du père de Jamie en larmes à la fin du quatrième épisode dont seule la peluche de Jamie est le témoin car "Boys don't cry" (1998).

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La Tulipe noire

Publié le par Rosalie210

Christian-Jacque (1964)

La Tulipe noire

C'est par l'animation japonaise que j'ai découvert "La Tulipe noire". Le film de CHRISTIAN-JAQUE a été en effet l'un des plus gros succès français au box-office mondial et a contribué à faire de Alain DELON un "Dieu vivant" au Japon. Aussi il m'a paru assez évident que le personnage du Masque noir qui possède un double dans le manga "La Rose de Versailles" (1973) était inspiré de l'intrigue du film avant que la série animée "La Tulipe noire" en 1975 ne fasse la synthèse entre le manga de Riyoko Ikeda et le film de Christian JACQUE.

Pour le reste "La Tulipe noire" qui emprunte son titre à un roman de Alexandre Dumas mais n'a strictement rien à voir avec lui appartient à un genre de films de cape et d'épée bâtis autour d'une star très à la mode dans les années 50 et 60. Le parallèle avec "Cartouche" (1962) saute aux yeux, Jean-Paul BELMONDO étant l'autre grande vedette de cette génération à cette époque et on pense aussi évidemment à "Fanfan la Tulipe" (1951) réalisé une décennie plus tôt déjà par Christian JAQUE avec Gerard PHILIPE. On peut également mettre dans cette catégorie les films de Andre HUNEBELLE avec Jean MARAIS comme "Le Capitan" (1960). Les exemples ne manquent pas!

"Fanfan la tulipe" est un divertissement sans prétention, pas le plus flamboyant dans le genre (les américains ont fait beaucoup mieux) mais sympathique avec des effets spéciaux réussis (l'incrustation indétectable des deux Delon sur la même image). Les versions japonaises ont fait de la Tulipe noire une sorte de Robin des bois alors que le personnage de Alain DELON est dual avec un Guillaume cynique face à un Julien naïf et idéaliste qui finit par se substituer à lui, la morale est sauve! Quant à la double identité, aristocrate et voleur masqué, elle fait penser à Zorro (créé en 1919 et popularisé au cinéma par Douglas FAIRBANKS), à Batman (apparu en 1939) mais aussi à Arsène Lupin (le film avec Robert LAMOUREUX sorti en 1957).

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Un film parlé (Um filme falado)

Publié le par Rosalie210

Manoel de Oliveira (2002)

Un film parlé (Um filme falado)

"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.

Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques (...)

Élam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie."

Cet extrait de "La crise de l'esprit" de Paul Valéry, publié peu après la fin de la première guerre mondiale semble avoir été la base du film de Manoel de OLIVEIRA mais appliqué au contexte post 11 septembre qui marque l'entrée dans le XXI° siècle.

L'histoire pourtant dégage dans sa première partie un parfum anachronique. Elle se déroule à bord d'un paquebot de croisière reliant le Portugal à l'Inde via le canal de Suez, cette route des Indes si stratégique pour les puissances européennes jusqu'à leur déclin après la seconde guerre mondiale. A chaque escale, une professeure d'histoire, Rosa Maria (Leonor SILVEIRA) joue les guides culturels pour sa petite fille de huit ans, Maria Joana (Filipa de ALMEIDA) sur les sites les plus prestigieux des civilisations disparues ayant façonné la culture occidentale (Pompei, Acropole d'Athènes, Sainte-Sophie à Istanbul, pyramides égyptiennes). Le film ayant ayant plus de vingt ans, certaines des informations délivrées ne sont plus d'actualité comme celles sur Sainte-Sophie transformée de nouveau en mosquée par Erdogan après avoir été un musée sous Atatürk. Mais surtout, l'arrivée au Moyen-Orient marque une rupture dans le récit, jusqu'alors composé de séquences en extérieur sur les sites visités séparées par un plan de la partie avant du bateau fendant les flots. Celui-ci s'invite à la table du capitaine (joué par John MALKOVICH) à l'intérieur de la salle à manger du navire. Autour de lui, trois femmes présentées comme des stars et qui le sont effectivement, même si elles interprètent des personnages fictifs: Catherine DENEUVE, Stefania SANDRELLI et Irene PAPAS. Chacun parle sa langue (français, anglais, italien, grec ainsi que le portugais quand Rosa Maria et Maria Joana se joignent à eux sans parler du capitaine qui est d'origine polonaise) mais est parfaitement compris des autres. Le bateau devient donc une métaphore de l'Union européenne comme nouvelle tour de Babel. Sauf qu'elle se résume à un club de riches coupés de l'environnement qu'elle traverse, pour son plus grand malheur. Cette tour s'avère être en effet le Titanic qui tel un funeste présage, annonçait la première guerre mondiale.

Et c'est encore à ce passé que l'on pense devant le regard incrédule et horrifié du capitaine fixé sur la catastrophe en hors-champ jusqu'au bout du générique de fin, notamment aux propos de Stefan Zweig dans "Le Monde d'hier, souvenirs d'un européen", " Il m’a fallu être le témoin impuissant et sans défense de cet inimaginable retour de l’humanité à un état de barbarie qu’on croyait depuis longtemps oublié, avec ses dogmes et son programme anti-humains consciemment élaborés."

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Mia Farrow, ombres et lumières

Publié le par Rosalie210

Thierry Guedj (2023)

Mia Farrow, ombres et lumières

Comme Diane KEATON, Mia FARROW est si étroitement associée à Woody ALLEN pour lequel elle a tourné dans 13 films avant de s'abîmer dans une tempête judiciaire et médiatique que l'on a tendance à oublier les autres aspects de sa vie et de sa carrière. Ce documentaire dont le titre me semble être une référence à "Ombres et brouillard" (1991) nous les rappelle. Il bénéficie d'une construction thématique ce qui n'est pas fréquent. Il commence par évoquer le film qui a rendu célèbre Mia FARROW, "Rosemary's Baby" (1968) de Roman POLANSKI puis bien plus tard, revient dessus afin de montrer comment à travers le film, Mia FARROW s'est délivré du joug d'un Frank SINATRA incarnant le patriarcat (et d'une image lisse forgée à la télévision dans la série "Peyton Place" (1964) où elle a débuté) pour basculer dans l'ère hippie contestataire. Un aspect de sa personnalité qui l'a suivie jusqu'au bout à travers ses engagements humanitaires qui ont supplanté le cinéma: "Alice" (1990) est ainsi analysé comme une biographie de l'actrice qui se débarrasse de son carcan bourgeois pour prendre en main sa vie et aider les autres. Auparavant, dans "Hannah et ses soeurs" (1986), Woody ALLEN utilise d'autres aspects biographiques de l'actrice: sa propre maison est celle de Hannah et c'est sa véritable mère, Maureen O'SULLIVAN qui joue le rôle de la mère de Hannah. La riche filmographie commune avec Woody ALLEN est analysée sous l'angle d'abord de l'émerveillement du réalisateur pour sa muse qui est magnifiée dans des récits quasi magiques puis sous celui du désenchantement qui va de pair avec des personnages plus négatifs. On découvre aussi nombre de curiosités dont le "Docteur Popaul" (1972) de Claude CHABROL avec Jean-Paul BELMONDO. Un documentaire intéressant donc, même s'il est loin de répondre à toutes les questions que l'on se pose sur cette personnalité complexe.

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Agnès de ci de là Varda

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2011)

Agnès de ci de là Varda

Mini-série documentaire de cinq épisodes de 45 minutes chacun qui recueille les fragments des rencontres, voyages, visites glanés ici et là par Agnes VARDA. Même si l'ensemble paraît hétéroclite, il s'organise autour des thèmes obsessionnels de la réalisatrice: le temps qui passe (l'incipit autour d'un arbre de sa cour qu'elle a fait tailler et dont elle photographie les étapes de la repousse) et la mort inéluctable (les dix dernières minutes du cinquième épisode autour des vanités et du thème de la jeune fille et la mort dont "Cleo de 5 a 7" (1961) est une version moderne). Entre les deux, une série d'instantanés artistiques pris au gré de ses nombreux voyage en France, en Europe, en Amérique qui permettent de transformer l'éphémère en gouttes d'éternité. L'éphémère, ce sont les représentations, festivals, expositions, happenings où se rend Agnes VARDA et ses rencontres avec les artistes, connus (Pierre Soulages, Annette Messager, Christian Boltanski, Chris MARKER, Jean-Louis TRINTIGNANT, Alexandre SOKOUROV, Manoel de OLIVEIRA qui imite Charles CHAPLIN etc.) ou inconnus, un simple quidam mettant un peu de poésie autour de lui pouvant être filmé par elle, notamment lorsqu'il s'agit du street art à Los Angeles à qui elle avait déjà consacré un documentaire au début des années 80, "Mur murs" (1981) et où elle se rend à nouveau en 2011 dans le cinquième épisode. L'ensemble forme un album animé d'art qui complète ceux, classiques qu'elle a feuilleté au fil du temps et dans lesquels on peut piocher à sa guise selon ses humeurs et ses goûts. Outre Los Angeles, d'autres lieux chers à la réalisatrice sont retrouvés au fil de ses pérégrinations comme Sète, le théâtre de son enfance ou Nantes, la ville natale de Jacques DEMY.

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Le mélange des genres

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2025)

Le mélange des genres

L'idée de départ consistant à démolir les stéréotypes de genre était astucieuse: confronter une femme-flic dure à cuire à la mentalité conservatrice à un homme "déconstruit" entendez par là n'appartenant pas au groupe des mâles alpha promis au mausolée par le mouvement Metoo. Hélas si le film contient quelques moments franchement hilarants, notamment les photos anti-tabac ou les affrontements entre le collectif féministe "Les Hardies" et le collectif masculiniste "SOS Papa", il a tendance à partir dans tous les sens. Autrement dit en cherchant à brouiller les pistes, il s'égare lui-même. On ne compte plus les maladresses, incohérences, idées abandonnées à peine émises sans parler d'une fin complètement bâclée qui tombe à plat (il paraît que c'est un hommage à "Calmos" (1976) que je n'ai pas vu mais ce n'est pas une justification valable pour bâcler le film!) Le problème, c'est que cet aspect foutraque brouille également le message. Je suis certaine que Michel LECLERC et Baya KASMI étaient pleins de bonnes intentions. Mais que penser du personnage de Paul qui d'un côté proclame de façon très ostentatoire qu'il est du côté des femmes tout en étant montré comme leur jouet docile? Je ne crois pas que montrer un homme "battu et content" qui se jette dans les bras d'une femme qui l'a calomnié fasse avancer quelque cause que ce soit en matière de droits humains. C'est d'ailleurs ce que démontrait Stanley KUBRICK dans "Orange mecanique" (1971) où le conditionnement transformait le bourreau en victime serpillère des autres, suscitant dans les deux cas le même dégoût. Le courage, la colère ne sont genrés que dans les discours (avoir des c.....), pas dans la réalité. Autrement dit, le scénario finit par tomber dans les stéréotypes qu'il cherchait justement à dénoncer. C'est d'autant plus incompréhensible que les véritables modèles dont prétendent s'inspirer Michel LECLERC et Baya KASMI sont Virginie DESPENTES et Jean-Jacques GOLDMAN cités explicitement pour l'une et indirectement pour l'autre à travers Vincent DELERM. Mais ils échouent à capturer l'essence de l'autrice de "King Kong Théorie" et de l'auteur-compositeur de la chanson "Doux", ne retenant que leur caricature.

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La chambre des magiciennes

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (1999)

La chambre des magiciennes

Si ce n'était pas Claude MILLER derrière la caméra et un aéropage d'acteurs et d'actrices connues devant (Anne BROCHET, Mathilde SEIGNER, Edith SCOB, Annie NOEL, Yves JACQUES, Edouard BAER, Philippe LAUDENBACH, Jacques MAUCLAIR), ce film ou plutôt cette expérience filmique de laboratoire serait tombée dans les oubliettes depuis longtemps. Comme 10 ans plus tôt avec "Tous les garçons et les filles de leur âge", Arte a proposé à des réalisateurs connus de participer à l'élaboration d'une collection de téléfilms intitulés "Petites caméras" en référence à l'utilisation nouvelle à l'époque de la vidéo numérique, permettant de filmer de manière souple avec des moyens réduits. Mais force est de constater que le résultat est irregardable aujourd'hui. Au moins prend-on conscience de l'importance de la photographie au cinéma tant le rendu blafard de l'image est indigeste. Le pire étant atteint lorsque les rites tribaux sont filmés à la télévision. Il en va de même avec les autres aspects techniques (cadrage, montage, musique) et avec la direction d'acteurs (tout le monde semble jouer en roue libre). C'est dommage car le thème consistant à confronter la médecine (détenue par des figures patriarcales) à la magie (provenant d'une vieille sorcière hospitalisée dans la même chambre que Claire et Odette, toutes deux en proie à des désordres psychosomatiques) était en soi très intéressant. Mais le traitement volontairement amateuriste gâche tout. Une curiosité à réserver aux fans du réalisateur, des acteurs ou bien aux étudiants en cinéma.

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La Folie Almayer

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (2011)

La Folie Almayer

"La Folie Almayer", dernier long-métrage de fiction de Chantal AKERMAN est un incroyable trip hypnotique dans la jungle malaise tout en travellings et plans-séquence. Autrement dit soit on s'ennuie face à la lenteur contemplative des scènes, soit on adhère à la démarche qui s'avère être une invitation au voyage d'une sensorialité fascinante. En effet bien que l'histoire se déroule en Asie du sud-est, entre Malaisie et Indonésie, Nina (Aurora MARION) que l'on voit en gros plan dès le début du film ressemble à une tahitienne sortie d'un tableau de Gauguin. Adaptation du premier roman de Joseph Conrad paru en 1895 transposé dans les années cinquante, l'histoire raconte la déliquescence de la société coloniale dont les derniers rejetons se perdent dans les limbes. Almayer (Stanislas MERHAR) qui vit au bord d'une rivière au milieu de la jungle en quête d'une mine d'or imaginaire dépérit lentement mais sûrement. Sa fille métisse, Nina lui est enlevée sur décision du beau-père d'Almayer (Marc BARBE) pour être éduquée à l'occidentale dans un pensionnat-prison dont elle s'échappe quelques années plus tard. Déchirée entre ses deux cultures, l'occidentale qui lui est présentée comme supérieure mais qui la rejette et l'indigène méprisée par les blancs, elle se fuit perpétuellement. Peut-être cherche-elle également à fuir "la Folie Almayer", ce trou perdu où cohabitent sans se parler son père et sa mère, chacun essayant de se l'approprier. On pense à "Aguirre, la colere de Dieu" (1972) mais également à la plantation coloniale de "Apocalypse Now" (1976), moments suspendus cernés par l'enfer vert où la civilisation occidentale vient se perdre. J'ai également pensé à un film tourné bien après, "Pacifiction - Tourment sur les iles" (2021) en raison notamment de la troublante ressemblance (en dépit d'une différence de corpulence) entre Stanislas MERHAR et Benoit MAGIMEL, l'ambiance exotique, la lenteur, l'insularité (réelle ou imaginaire) d'un occidental vêtu de blanc perdu dans un monde qui n'est pas le sien.

Présentation

La Folie Almayer, Chantal Akerman, 2011

La rétrospective Chantal Akerman sur Arte étant sur le point de disparaître, j'ai regardé le dernier film de la série, "La Folie Almayer", son dernier long-métrage de fiction. J'en suis ressortie profondément troublée en me demandant pourquoi le cinéma de cette réalisatrice lorsqu'il travaille la durée me happe à ce point alors qu'il en révulse d'autres (si je me réfère aux réactions autour de "Jeanne Dielman"). "La Folie Almayer" est pourtant assez voisin de films contemplatifs qui m'avaient barbé, qu'ils soient tournés dans la jungle comme "Oncle Boomee" ou qu'ils confrontent un occidental en voie de déliquescence à un écosystème indigène impénétrable comme "Pacifiction, tourment sur les îles".

"La Folie Almayer", adaptation du roman de Joseph Conrad sur des occidentaux en proie à des chimères dans lesquels ils se perdent (dont un mirage aurifère qui n'est pas sans rappeler "Aguirre, la colère de Dieu", la mélancolie remplaçant la mégalomanie) est aussi une réflexion sur les tourments identitaires des enfants issus des rencontres asymétriques entre colonisateurs et colonisés. Nina qui a été élevée dans un pensionnat-prison religieux tout en étant ostracisée en tant que métisse m'a fait penser à la Mary-Jane du film de Douglas Sirk, "Mirage de la vie". L'enfermement des femmes dans un système aliénant dont elles cherchent à sortir par l'errance est sans doute l'une des raisons qui éveille mon intérêt par rapport aux films à la thématique voisine mais dépourvus de cette sensibilité.

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