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La Prière

Publié le par Rosalie210

Cédric Kahn (2018)

La Prière

"C'est Depardieu en 1900" aurait confié Cédric KAHN à propos de Anthony BAJON qu'il a révélé dans "La Prière" où celui-ci a reçu l'Ours d'argent du meilleur acteur (à seulement 23 ans, égalant ainsi Leonardo DiCAPRIO). J'avais aperçu sa bouille candide dans "Les Enfants de la chance" (2016), "Au nom de la terre" (2019) et sur l'affiche de "Teddy" (2020). Une carrière démarrée en fanfare avec donc "La Prière" où il crève l'écran en jeune toxicomane qui entreprend une cure de désintoxication dans une communauté de frères (eux aussi anciens toxicomanes) perdue dans les montagnes. Un chemin ardu qui est aussi une dernière chance: ceux qui y renoncent n'en reviennent pas. Thomas fait pourtant partie des très nombreux novices qui flanchent dès les premières semaines tant le régime imposé fait penser à celui d'une prison: surveillance permanente, pas de contacts avec l'extérieur, pas d'effets personnels, travail et prière pour seul menu. Entre les crises de manque et le devoir d'humilité pris comme une offense, Thomas décide de faire demi-tour. Mais sur son chemin, il y a la belle Sibylle (Louise GRINBERG) qui l'encourage à persévérer. Leur rencontre a quelque chose de l'évidence et désormais, on ne sait plus trop si ce qui guide Thomas relève de la découverte de la foi ou de celle de l'amour. Les deux se rejoignent dans la reconstruction des liens dont Thomas était privé, la religion étant également une forme de lien (avec Dieu) lui permettant de reconstruire sa confiance en lui-même et en la vie.

Cependant, si le parcours de Thomas est lumineux, le regard à la fois mystique et naturaliste* que pose le réalisateur sur la communauté est nuancé. Si elle redonne tout son sens à la notion de fraternité, d'autant que le dépouillement et la rudesse de la vie quotidienne pousse à nouer des liens essentiels, il montre également que celle-ci n'est qu'un sas de décompression hors du monde qui ne propose pas de solution, chaque jeune doit la trouver par lui-même. La conséquence est que plusieurs d'entre eux s'y retrouvent enfermés par manque de perspectives ou peur de replonger.

* Cédric KAHN a fait ses gammes comme stagiaire sur le tournage de "Sous le soleil de Satan" (1987) (d'où sans doute le rapprochement entre Anthony Bajon et Gérard DEPARDIEU) et a interrogé de nombreux jeunes toxicomanes au cours de la préparation du film qui a été longuement réfléchi.

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Brigadoon

Publié le par Rosalie210

Vincente Minnelli (1954)

Brigadoon

"Brigadoon" est le premier film tourné par Vincente MINNELLI en Cinémascope, une rêverie enchantée dans laquelle deux américains échappés de l'enfer citadin new-yorkais partent se ressourcer dans la vieille Europe. Plus exactement dans une Ecosse fantasmée où les décors naturels de landes et de lochs sont remplacés par des toiles peintes noyées dans la brume d'où émerge peu à peu un village endormi qui ne figure sur aucune carte. Tommy (Gene KELLY) tombe amoureux de Fiona (Cyd CHARISSE) avec laquelle il forme un duo "de rêve". Et c'est bien là le problème. Car Fiona ne peut quitter le village, tout comme les autres habitants sous peine de voir celui-ci être anéanti. C'est le prix à payer pour pouvoir vivre hors du temps. Dès lors, Tommy est écartelé entre son rêve irréel et la réalité désenchantée. Car "Brigadoon" n'est censé prendre vie qu'une journée tous les 100 ans et il pense donc que quitter ce paradis perdu (ou cette prison dorée, le film ne lève pas tout à fait l'ambiguïté et c'est très bien ainsi), c'est le perdre pour toujours.

Selon que l'on adhère ou non aux conventions du genre, de l'époque et de l'histoire qui est proche du conte de fées (ou de sorcières), "Brigadoon" peut être perçu comme une merveille ou bien comme légèrement désuet. Néanmoins, on ne peut lui retirer la beauté de ses décors, de ses costumes, la qualité de sa photographie, de sa lumière et la virtuosité des numéros chantés et dansés, ma préférence allant à l'entraînant "I'll go home with Bonnie Jean".

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La Nuit du 12

Publié le par Rosalie210

Dominik Moll (2022)

La Nuit du 12

Dominik MOLL a une filmographie en dents de scie. Avec "La Nuit du 12", film à petit budget qui a rencontré un succès-surprise en salles avant de s'imposer aux César, il signe son grand retour, plus de vingt ans après "Harry un ami qui vous veut du bien" (2000). Les deux films ont en commun leur inquiétante étrangeté au sens freudien du terme, c'est à dire une menace qui surgit là où on ne l'attend pas, du quotidien le plus familier et le plus banal et qui prend l'allure de l'inconscient refoulé, qu'il soit individuel comme dans "Harry un ami qui vous veut du bien" (2000) ou collectif comme dans "La Nuit du 12". Et ils ont également en commun une structure circulaire avec un début et une fin qui se répondent. Si le meurtre figurant au centre de l'intrigue de "La Nuit du 12" reste irrésolu (ce qui nous est annoncé d'emblée, désamorçant les attentes du spectateur à ce niveau-là et lui signifiant que les enjeux sont peut-être ailleurs), le fait est que Yohan, le capitaine de la P.J. chargé de l'enquête (Bastien BOUILLON) parvient à sortir de la boucle obsessionnelle dans laquelle il tourne en rond comme un poisson dans son bocal depuis la première image du film. A la nuit succède le jour, à la piste succède le col qu'il lui faut gravir en pédalant rageusement. Symboliquement, le cercle est brisé parce qu'une issue a quand même été trouvée.

En effet le film nous montre deux cercles. D'une part, la ronde formée par les anciens amants de la victime comme autant de déclinaisons possible du même problème fondamental: celui de l'incapacité de ces jeunes hommes à éprouver la moindre émotion à l'égard de la victime qui fait de chacun d'eux un coupable potentiel même s'il n'existe pas de preuve à même de les confondre. La plupart ont eu une relation opportuniste avec la jeune femme, perçue comme une récréation entre deux plages avec leur copine officielle, tous sont immatures et égocentriques, certains sont en prime jaloux et violents. Des primates sans coeur et sans cervelle. L'ensemble forme un portrait assez terrifiant de la masculinité toxique. Face à eux, un autre cercle, celui de la brigade criminelle de la P.J. elle aussi entièrement masculine, capable elle de réflexion et d'émotions mais tout aussi bourrée de préjugés du moins jusqu'à la dernière demi-heure du film qui se déroule trois ans après le meurtre. Le collègue de Yohan (Bouli LANNERS) ayant été muté pour faute professionnelle, il a été remplacé par Nadia (Mouna SOUALEM que j'avais trouvé formidable dans "Oussekine") (2022) qui souligne justement que les meurtriers sont majoritairement des hommes et ceux qui enquêtent aussi. Quelle place reste-il alors aux femmes? Peut-être celle de l'espoir de faire enfin un jour bouger les choses. C'est le sens du personnage de juge d'instruction joué par la trop rare Anouk GRINBERG qui parvient à débloquer les fonds dont la brigade manque cruellement pour reprendre l'enquête, aidant ainsi Yohan à s'échapper de sa prison mentale. C'est dans sa dialectique entre précision documentaire et échappées dans l'inconscient (les flashs sur le lieu du crime et le corps carbonisé) que le film trouve aussi sa force.

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La Maladie de Sachs

Publié le par Rosalie210

Michel Deville (1999)

La Maladie de Sachs

"La Maladie de Sachs" commence par un beau générique sur fond noir qui invite à écouter un enchaînement de voix off de patients qui adressent des demandes urgentes au docteur Bruno Sachs. Une partie du film est déjà là, dans ce recueil de la parole en souffrance dont le docteur Bruno Sachs a fait un sacerdoce. En effet, le cadre rural dans lequel il exerce et son dévouement sans limite qui lui a fait renoncer à avoir une vie privée font de lui une sorte de prêtre laïc et de son lieu de travail, un confessionnal ou un cabinet de psy. On voit donc durant tout le film les patients défiler ou bien lui-même se rendre à leur domicile afin de leur apporter avant tout écoute, compréhension et soutien, même et surtout lorsqu'il ne peut pas les guérir. Une approche humaniste de la médecine très éloignée de sa pratique souvent purement technicienne et menacée par la progression galopante des déserts médicaux lié à la sous-rémunération des généralistes. Mais le film ne s'en tient pas là et est un échange. Car avec un tel médecin forcément, les patients s'attachent et à côté de leurs paroles énoncées, on entend également en voix off leurs pensées, des remarques sur l'apparence ou le comportement de Sachs, de la curiosité sur sa mystérieuse vie privée. On découvre que Sachs tient un journal intime dans lequel il déverse le trop-plein reçu dans la journée. C'est sa thérapie à lui car lorsqu'on est perméable à la souffrance, on devient malade soi-même. Les origines de sa vocation tiennent justement à cette découverte ainsi que sa conception idéaliste de la médecine. Une ancienne patiente parvient à entrer dans son intimité et c'est à elle qu'il confie ses écrits. "la maladie de Sachs" est un film presque religieux, spirituel assurément construit comme une partition musicale polyphonique où l'écoute et la parole ont le rôle essentiel. Les acteurs sont parfaits, à commencer par Albert DUPONTEL qui avant d'être acteur se destinait à la médecine comme son père, Dominique REYMOND dans le rôle de son assistante et Valérie DRÉVILLE dans celui de Pauline, son grand amour.

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Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

Publié le par Rosalie210

Stanley Kramer (1967)

Devine qui vient dîner? (Guess Who's Coming to Dinner ?)

"Devine qui vient dîner" est une comédie qui en dépit d'une mise en scène "sitcom" (mais sans les rires enregistrés) reste très amusante à regarder aujourd'hui en plus de sa valeur historique et sociologique indéniable. "Devine qui vient dîner", c'est le "Philadelphia" (1993) des relations interraciales. Il s'agit du premier film hollywoodien qui aborde la question des mariages interraciaux et par ricochet, du métissage. 1967 est une année clé en ce domaine: l'arrêt "Loving v Virginia" aboutit à l'abolition des lois qui criminalisaient ces unions dans les Etats sudistes (un aspect d'ailleurs évoqué dans le film). "Devine qui vient dîner" est d'ailleurs construit comme un film de procès avec ses plaidoiries et son verdict final. C'est aussi le dernier film de l'irrésistible duo formé par Katharine HEPBURN et Spencer TRACY, très malade lors du tournage et dont ce fut le dernier rôle. Il est intéressant de voir comment Stanley KRAMER a su les utiliser. Bien que le personnage de Katharine HEPBURN soit d'abord sidéré par l'identité de son futur gendre (la tête de l'actrice est alors à hurler de rire), il s'avère aussi progressiste que la plupart des rôles interprétés par l'actrice. Spencer Tracy incarne quant à lui le bon sens terrien confronté à ses contradictions: démocrate aux idées libérales comme son épouse mais effrayé par la transgression des barrières raciales dans son propre foyer. Face à eux, Sidney POITIER compose un personnage à l'évidente résonance autobiographique. On a beaucoup ironisé sur la "perfection" du docteur Prentice bien sous tous rapports et doté d'un statut professionnel et social prestigieux ne correspondant pas à la réalité vécue à l'époque par l'immense majorité des afro-américains mais Sidney POITIER, premier noir à avoir reçu l'Oscar du meilleur acteur n'était-il pas lui-même l'exception qui confirmait la règle? Il est certain que c'est lui qui s'exprime à travers son personnage lorsqu'il dit à son père que la différence entre eux c'est que lui se définit comme un homme et non comme un homme noir. Et le passage où il évoque avec le père de sa fiancée la possibilité qu'un jour un noir accède à la Maison-Blanche fait évidemment écho aujourd'hui à la cérémonie de remise de la médaille de la liberté (équivalent de la légion d'honneur) que Sidney POITIER reçut de Barack Obama en 2009, ce dernier ayant en commun avec l'acteur d'être un pionnier ayant ses origines ailleurs qu'aux USA et n'ayant de ce fait pas intériorisé les siècles d'esclavage et de racisme subis par la majeure partie des afro-américains. De ce point de vue, on savourera particulièrement le personnage de Tillie, héritière d'une longue lignée de nounous noires dans le cinéma hollywoodien (dont l'exemple le plus célèbre est celle de "Autant en emporte le vent") (1938) et qui regarde d'un très mauvais oeil l'arrivée de cet "intrus" qui dérange un ordre social établi depuis des siècles. Dommage que la fiancée du docteur Prentice, jouée par la nièce de Katharine HEPBURN (d'où un air de famille certain) soit une jeune écervelée dont on se demande aujourd'hui ce que ledit docteur peut bien lui trouver.

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Mirage de la vie (Imitation of life)

Publié le par Rosalie210

Douglas Sirk (1959)

Mirage de la vie (Imitation of life)

Des diamants qui tombent un à un comme autant de larmes jusqu'à finir par en saturer l'écran. C'est par ce magnifique générique que débute le non moins magnifique "Mirage de la vie", le dernier film de Douglas SIRK et l'un de ses plus beaux, en tout cas mon préféré. Un mélodrame flamboyant comme il en avait le secret, à l'intrigue parfaitement lisible et pourtant aussi riche que rigoureux dans sa construction. Dès sa première scène sur la plage de Coney Island, tous les enjeux du films sont posés: l'émancipation de la ménagère WASP de moins de 50 ans qui ne veut plus être la femme-objet du désir masculin et de la société de consommation façonné par lui; le sacrifice du lien filial qu'implique ce désir, incarné par Susie, clone si parfait de sa mère qu'une fois adulte elle tombera amoureuse du même homme; la mère de substitution qu'incarne pour Susie l'afro-américaine Annie Johnson qui la recueille et lui donne à manger sans même la connaître; le malentendu d'entrée de jeu sur l'identité de Sarah-Jane, la fille d'Annie qui a le tort de ne pas refléter la négritude de sa mère et qui dans une société ségréguée "n'habite nulle part". "Mirage de la vie", c'est l'histoire de deux filiations perturbées, l'une par la question féministe et l'autre par la question raciale. C'est l'histoire de deux mères radicalement opposées, l'une, dans la lumière, ambitieuse et carriériste et l'autre dans son ombre, bonne et dévouée et de leurs deux filles qui désirent ce que l'autre a: une vraie mère pour l'une, une place au soleil pour l'autre. La meilleure critique que Douglas SIRK donne de la société américaine des années 50 consiste à dépeindre des choix de vie qui ne sont ni tout noirs ni tout blancs. Le choix de Lora de se réaliser en tant qu'actrice au détriment de sa vie de famille est une illusion dont elle ne mesure l'ampleur qu'à la fin mais elle aurait fait le choix inverse, n'aurait elle pas été tout aussi insatisfaite, désillusionnée (par les mirages de l'amour, du mariage, de la vie de femme au foyer) n'aurait elle pas fait payer à sa famille ses désirs inassouvis? Celui de Sarah-Jane de renier son identité d'origine pour intégrer le groupe dominant relève d'un choix tout aussi impossible: être soi-même dans une condition sociale inférieure, stigmatisante, marginalisante pour une histoire de taux de mélanine dans la peau ou bien mentir et accéder aux privilèges du groupe dominant mais en se coupant de soi-même. La scène grandiose des funérailles de sa mère Annie, cette femme de l'ombre qui accède à la gloire post-mortem en tant que martyre est profondément troublante et se prête à une grande variété d'interprétations: revanche de la communauté noire qui annonce le mouvement des droits civiques, adieu du réalisateur au cinéma, mort annoncée du clasissisme hollywoodien et de la société lui servant de support.

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Le Talentueux Mr. Ripley (The Talented Mr. Ripley)

Publié le par Rosalie210

Anthony Minghella (1999)

Le Talentueux Mr. Ripley (The Talented Mr. Ripley)

"Le Talentueux Mr Ripley" est la deuxième version du roman "Monsieur Ripley" de Patricia Highsmith après le cultissime "Plein soleil" (1960) de René CLÉMENT qui révéla Alain DELON. Le film de Anthony MINGHELLA n'a pas la même aura mythique que celui de René CLÉMENT qui osait quelque chose qui dans sa première partie flirtait avec "Le Mépris" (1963) de Jean-Luc GODARD (alors que François TRUFFAUT l'avait un peu trop vite catalogué "cinéma de papa", passons): le soleil, la mer, les passions à huis-clos (dans un bateau ou sur une île), un acteur/une actrice transformé en dieu/déesse, un côté épuré, bref quelque chose de l'ordre de la tragédie antique. Evidemment, le film de Anthony MINGHELLA ne se hisse pas à ce niveau. Son film est beaucoup plus conventionnel non dans son sujet mais dans son traitement. En lieu et place des tensions étouffantes sur le bateau, la première partie épouse l'enivrement de Tom Ripley qui goûte à la dolce vita de ses nouveaux amis en Italie. Les humiliations qu'il encaisse de la part de Dickie qui se plaît avec un certain sadisme à souffler le chaud et le froid à son égard se noient dans la tendance qu'ont les acteurs à cabotiner et une succession de scènes "touristiques" mettant en valeur le patrimoine culturel de l'Italie (le jour) et les boîtes de jazz (la nuit). Même une fois le Dickie coulé à pic, cette tendance à survaloriser le cadre au détriment des enjeux dramatiques demeure. Ainsi la place d'Espagne est trop envahissante pour être une bonne scène du petit théâtre de la manipulation mené par un Tom que ses mensonges finissent pourtant par dévorer comme il dévore les hommes qu'il désire. Car s'il y a un point fort à retenir du film de Anthony MINGHELLA, c'est que, époque oblige, il est beaucoup plus explicite que son prédécesseur sur le sous-texte homosexuel du roman. Et il s'appuie sur des acteurs offrant une résonance dans ce type de registre. Matt DAMON fait figure d'agneau en comparaison de Alain DELON mais Gus van SANT a su exploiter par la suite une relation de gémellité trouble entre lui et Casey AFFLECK dans "Gerry" (2002). Même chose en ce qui concerne Jude LAW. Evidemment on pense à "Bienvenue à Gattaca" (1997) où il donnait son identité génétique à un autre. Et quelques années plus tard, il jouera dans le remake de "Le Limier" (2007) dont les ressorts sado masochistes sur fond de lutte des classes et d'attraction sexuelle refoulée ne sont pas sans rappeler ceux du livre de Patricia Highsmith.

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Les Berkman se séparent (The Squid and the Whale)

Publié le par Rosalie210

Noah Baumbach (2006)

Les Berkman se séparent (The Squid and the Whale)

"Sexe, ego et nouvelle vague" aurait été un titre plus approprié que le plat "Les Berkman se séparent". En VO le titre est d'ailleurs plus intéressant, "Le calmar et la baleine", une allusion à la dernière scène du film dans laquelle Walt se retrouve au museum d'histoire naturelle en train d'observer les deux monstres des mers s'affronter, une allusion transparente à ses parents qui n'en finissent plus de se déchirer. Dans ce qu'un internaute a qualifié avec justesse de "Kramer contre Kramer réalisé par Woody Allen", on retrouve l'univers des bobos new-yorkais cher au cinéaste de "Manhattan" (1979) et l'un de ses acteurs des années 80, Jeff DANIELS mais avec une tonalité dépressive et au centre du jeu une famille en crise qui n'est pas sans rappeler les films de Wes ANDERSON dont Noah BAUMBACH a co-scénarisé "La Vie aquatique" (2003) (d'où peut-être le choix d'animaux marins pour symboliser le divorce). En effet, comme chez Wes ANDERSON, les membres de la famille Berkman vivent compartimentés et ne communiquent pas les uns avec les autres. S'y ajoute en prime une couche de ressentiment entre les parents qui se comportent de façon immature. En situation de rivalité sur le plan professionnel, ils le sont aussi vis à vis de leurs enfants dont ils se disputent la garde. A ce jeu là, le père surpasse largement son ex-femme (Laura LINNEY) qui rencontre le succès éditorial alors que lui n'y parvient plus. Il se venge alors de façon puérile en racontant à son fils aîné Walt les infidélités de celle-ci ("je suis une pauvre victime de cette méchante femme") et en débarquant à l'improviste chez elle sur le mode "j'ai besoin de mes enfants" (en se moquant complètement de ce qu'ils peuvent ressentir). Cette emprise sur Walt (Jesse EISENBERG) qui en vient à rejeter sa mère devient franchement malsaine lorsque le père s'immisce dans sa vie sentimentale en semant la zizanie entre lui et sa petite amie pour le jeter dans les bras de l'étudiante plus délurée (Anna PAQUIN) qu'il cherche lui-même à séduire. Une sorte de vengeance par procuration? Les dégâts les plus effrayants de cette inconséquence parentale se font sentir sur Frank dont le langage et le comportement sont en décalage avec son âge, comme s'il avait été expulsé prématurément de son enfance. Ainsi sous le vernis bobo intello bien-pensant bourré de références à la nouvelle vague perce une vraie histoire de maltraitance et c'est le fait d'adopter le point de vue des enfants (Noah BAUMBACH s'inspire de ses souvenirs personnels) qui fait l'intérêt du film.

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Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married)

Publié le par Rosalie210

Francis Ford Coppola (1986)

Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married)

"Peggy Sue s'est mariée" fait partie des films sous-estimés de Francis Ford COPPOLA. Parce qu'il s'agit d'un film de commande qui ne devait pas être réalisé à l'origine par lui? Parce qu'il est d'allure modeste comparativement à la démesure d'un "Le Parrain" (1972) ou d'un "Apocalypse Now" (1976)? Parce qu'il s'agit d'une comédie à la tonalité (relativement) légère? Parce que le personnage principal est une femme? Parce que contrairement à un Steven SPIELBERG dont les films grand public du début des années 80 rencontrent un immense succès, la conversion du cinéaste du nouvel Hollywood contestataire des seventies au cinéma pop des eighties s'avère plus délicate? Sans doute un peu de tout cela à la fois.

Pourtant "Peggy Sue s'est mariée" n'est pas un film de seconde zone dans la carrière du cinéaste. Dès le premier plan, il nous propose une version bien à lui de "Alice de l'autre côté du miroir", celui du rétroviseur dans lequel vit la nostalgique Peggy Sue (Kathleen TURNER) qui à 43 ans pense avoir raté sa vie. Comme le titre l'indique, celle-ci se définit avant tout par son mariage, conclu au début des années 60 alors qu'elle n'avait que 18 ans. 25 ans plus tard, celui-ci est en train de s'écrouler alors plutôt que d'investir le présent, Peggy Sue préfère s'évader dans le passé, littéralement. On ne saura jamais comment le bal des anciens, fête typiquement américaine (bien qu'on trouve aussi ce genre de cérémonial de retrouvailles d'anciens élèves dans d'autres pays comme au Japon) se transforme en voyage dans le temps, mais voilà Peggy Sue transportée en 1960, dans son apparence d'adolescente (du moins pour son entourage) mais avec son expérience d'adulte d'âge mûr. Dans le bonus accompagnant le DVD du film, Jean-Baptiste Thoret souligne l'idéalisation des années 50 par le cinéma américain des années 80, en lien avec le triomphe de la politique réactionnaire de Ronald REAGAN (néo-conservatrice, néo-libérale, patriotique voire revancharde sur la scène internationale avec le "America is back" etc.) Ce n'est sans doute pas un hasard si "Peggy Sue s'est mariée" est l'exact contemporain de "Retour vers le futur" (1985) qui lui aussi emmenait son héros eighies à la rencontre de ses parents adolescents dans les fifties. Mais là où Marty tentait de transformer leur destin pour en faire de futurs winners du reaganisme (dans le premier volet, la suite étant nettement plus critique), Peggy Sue utilise cette expérience pour renouer avec sa famille défunte ou perdue de vue, réaliser ses désirs inassouvis en s'affichant avec des garçons marginaux et pousser son futur partenaire dans ses retranchements sans pour autant renoncer à lui. Car renoncer à lui signifierait renoncer à ses enfants et depuis "Le Parrain" (1972) on sait que pour Francis Ford COPPOLA, la famille s'est sacré. Tellement, même qu'il fait jouer dans le film sa fille Sofia COPPOLA et son neveu, Nicolas CAGE dans le rôle de Charlie, le mari de Peggy Sue dans l'un de ses premiers rôles où il s'avère déjà remarquable. On remarque aussi de futurs grands acteurs dans de petits rôles tels que Helen HUNT et Jim CARREY. Francis Ford COPPOLA fait donc moins de "Peggy Sue s'est mariée" un revival nostalgique des années 50 (et sa ménagère frustrée) qu'une variante pop, décalée, douce-amère de la comédie du remariage des années 30 et 40 où les femmes menaient la danse et les hommes par le bout du nez.

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Stromboli

Publié le par Rosalie210

Roberto Rossellini (1950)

Stromboli

"Stromboli" est le premier des cinq films que Roberto ROSSELLINI a tourné avec Ingrid BERGMAN. Une relation artistique fructueuse mais également un couple mal assorti qui est né d'un scandale dont "Stromboli" se fait l'écho. On y voit en effet une étrangère sophistiquée qui pour échapper dans l'après-guerre aux barbelés d'un camp d'internement épouse en toute hâte un pêcheur italien et se retrouve encore plus enfermée au coeur d'un territoire hostile: une île volcanique aride, misérable, peuplée de pêcheurs frustes. La relation entre la jeune femme et son environnement ne génère qu'incompréhension et rejet. Celle-ci n'a alors qu'une obsession: fuir. Mais l'île qui semble animée d'une vie propre grâce à son volcan en éruption lui oppose une force contre laquelle elle ne semble pas de taille à pouvoir lutter. On pense à "La femme des sables" (1963) qui racontait également le cheminement d'un homme pris au piège de forces qui le dépassaient et finissait par s'y abandonner. On peut donc voir dans ce film une métaphore de l'actrice se dépouillant volontairement du glamour hollywoodien pour tendre vers un cinéma qui la fascinait pour son côté vériste. Si, de fait, "Stromboli" est un grand film néoréaliste avec ses scènes documentaires de pêche au thon et de volcan en éruption (cette dernière supervisée par Haroun Tazieff), il s'agit aussi d'une oeuvre métaphysique dans laquelle le sacerdoce contraint de l'héroïne la conduit jusqu'à Dieu. Le fait que le personnage comme l'actrice soit enceinte ajoute encore une portée supplémentaire au film.

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