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Articles avec #film experimental tag

Spectateurs !

Publié le par Rosalie210

Arnaud Desplechin (2025)

Spectateurs !

La bande-annonce m'avait donné envie mais les mauvais retours m'ont dissuadé d'aller voir le dernier film de Arnaud DESPLECHIN et malheureusement, force est de constater qu'il rate dans les grandes largeurs sa déclaration d'amour au cinéma. L'hommage est vibrant, sincère mais décousu, abscons, désincarné, pontifiant. Le découpage en chapitres et la présence d'un alter ego à l'écran, Paul Dedalus (interprété par différents acteurs selon l'âge représenté à l'écran) ne suffisent pas à donner une structure et une chair à ce fourre-tout autocentré mélangeant fiction, documentaire, propos philosophiques etc. Les passages avec Francoise LEBRUN font particulièrement sourire: qui peut croire aujourd'hui que des enfants vont sursauter d'effroi devant de vieux films en noir et blanc alors qu'ils sont abreuvés d'images depuis le berceau? On me rétorquera que ces passages sont sans doute autobiographiques et donc datés des années soixante mais il n'y a guère d'effort de reconstitution historique permettant de cerner le contexte. On me rétorquera encore qu'il s'agit sans doute d'un hommage à "Arrivee d'un train a La Ciotat" (1896) mais le film des frères Lumière est déjà cité et illustré à travers un extrait de "Dracula" (1992) dans le film de Arnaud DESPLECHIN.

Celui-ci est en effet ultra-référencé sans que ces références prennent vie: un véritable déluge s'abat sur le spectateur qui ne sait plus où donner de la tête entre Claude LANZMANN (l'un des meilleurs segments ceci dit mais mieux vaut bien connaître le réalisateur de "Shoah") (1985), Jean-Luc GODARD et sa vérité "24 fois par seconde", Stanley Cavell, théoricien du cinéma que je connais pour son travail sur la comédie du remariage mais dont les idées ne sont pas véritablement mises en valeur, Francois TRUFFAUT dont un apprenti-réalisateur analyse les premières images de "Les Quatre cents coups" (1959) etc. Il manque un fil directeur qui empêche ce film d'imprimer contrairement au travail documentaire d'un Bertrand TAVERNIER ou d'un Thierry FREMAUX ou bien fictionnel d'un Woody ALLEN ou d'un Steven SPIELBERG par exemple qui ont tous su transmettre leur amour du cinéma. Arnaud DESPLECHIN semble lui s'être surtout fait plaisir et avoir voulu asséner des "vérités" concernant un art dont fort heureusement il n'a pas l'exclusivité. L'ironie étant qu'il en a oublié au passage de faire du cinéma.

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Inland Empire

Publié le par Rosalie210

David Lynch (2006)

Inland Empire

"Inland Empire" est le dernier long-métrage de David LYNCH, un film expérimental de près de trois heures, sorte de labyrinthe mental très "Shining" (1980) et "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) mais qui s'apparente aussi à un microcosme de tout l'univers lynchien. Les références à ses oeuvres antérieures sont innombrables. L'introduction rappelle celle de "Lost Highway" (1997) sauf que le magicien d'Oz est cette fois-ci une femme, Grace ZABRISKIE (la mère de Laura Palmer dans "Mysteres a Twin Peaks" (1990), sa préquelle et sa suite) qui vient annoncer à Nikki Grace (Laura DERN, l'actrice fétiche de David LYNCH qu'il filme en gros plans sous toutes les coutures et tous les éclairages) ce qu'il va lui arriver sous la forme d'un conte cruel. Conte qui ressemble aussi à l'intrigue de "Mulholland Drive" (2001) (Laura HARRING fait d'ailleurs une apparition-éclair): une jeune fille perdue (entre deux identités contraires, celle de l'épouse en pleine crise conjugale sur fond d'adultère et celle de la prostituée) qui se projette dans la peau d'une star hollywoodienne (Nikki qui signifie la victoire en grec et Grace dont le patronyme fait penser à Grace KELLY, icône hitchcockienne) avec une vision de l'usine à rêves commençant comme un rêve de princesse dans un château et se terminant comme un cauchemar sur le trottoir de Hollywood Boulevard au milieu des SDF. Coralie FARGEAT s'est sûrement inspirée de cette séquence de démythification du Walk of Fame pour créer le visuel de l'étoile souillée et pour le personnage d'Elisabeth dont l'avatar jeune se prénomme Sue, soit le nom du rôle que décroche Nikki Grace. Car questions mises en abymes, on est servi. Nikki Grace n'est qu'une projection de l'esprit "sur l'écran noir de mes nuits blanches" sauf que la frontière entre cinéma et télévision est abolie. La jeune fille perdue entre chambre d'hôtel de passe et espace domestique regarde à la façon d'une image-miroir une étrange sitcom surréaliste autour d'une famille lapin qui en réalité est un court-métrage lynchien intitulé "Rabbits" réalisé juste après "Mulholland Drive" (2001) avec les voix de Naomi WATTS et Laura HARRING. L'ambiance glauque m'a beaucoup rappelé celle de "Eraserhead" (1976) qui évoquait déjà la famille comme un film d'horreur. Nikki Grace interprète elle-même un rôle, celui de Sue dans un film qui s'avère être le remake d'un film allemand lui-même adapté d'un conte polonais. Conte qui ressemble peu ou prou à celui que la mystérieuse voisine raconte à Nikki Grace, le film ajoutant une fin horrifique: l'assassinat des deux acteurs principaux sur le tournage. Par conséquent le film dans le film (la jeune fille coincée entre deux réalités glauques rêvant de Grace qui joue Sue) se double d'un film derrière le film (l'original germano-polonais qui ne cesse de s'inviter dans son remake). Le spectateur se demande donc si Nikki parviendra à sortir vivante de cet infernal labyrinthe ou bien si elle y succombera comme d'autres avant elle: David LYNCH rend une fois de plus hommage aux actrices sacrifiées avec une allusion à Judy GARLAND et également au film de Stanley KUBRICK, "Lolita" (1962) dont l'actrice s'appelait justement Sue (Sue LYON). Bref, à condition de se laisser embarquer sans se poser de questions, on voit que même un film aussi destructuré en apparence que "Inland Empire" n'est pas si abscons qu'il n'y paraît, qu'il y a toujours chez David LYNCH une trame (et ce même si le film a été réalisé en partie sans scénario!) parce qu'il est certes un artiste plasticien mais aussi un conteur, qualité ô combien précieuse qui le distingue radicalement par rapport à nombre de cinéastes sacrifiant le fond à la forme.

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Eraserhead

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1977)

Eraserhead

"Eraserhead", le premier long-métrage de David LYNCH est le terreau de tous ses autres films ainsi que de la série Twin Peaks. Mais c'est une oeuvre expérimentale, aride, radicale, à la fois passionnante et repoussante qui a mis cinq ans à voir le jour, se taillant un succès d'estime underground mais durable qui a suffi pour que Mel BROOKS repère le talent du réalisateur et lui confie les clés de ce qui allait devenir son premier grand succès (et futur grand classique), "Elephant Man" (1980).

"Eraserhead", c'est la rencontre de deux univers. L'un, purement mental est énoncé dès le générique: nous allons plonger dans la tête de Henry (Jack NANCE, l'un des fidèles coéquipiers au long cours du cinéaste), jeune homme qui voit lui tomber dessus une conjugalité et une paternité non désirées, thème que l'on retrouve dans sa dernière oeuvre cinématographique "Twin Peaks : Le Retour" (2017). L'autre, environnemental, est une zone industrielle désolée et crasseuse de la ville de Philadelphie que David LYNCH qui y a vécu quelques années transforme en terrain de jeux pour ses expérimentations visuelles et sonores. On ressent l'influence de l'artiste-peintre, plasticien, animateur et musicien à chaque seconde, sa fascination pour les textures, les bruits de fond et les formes notamment dont beaucoup deviendront des leitmotivs dans sa filmographie: le grésillement des lampes, les trous noirs, le rideau de scène par exemple. Quant au fond, "Eraserhead" est construit comme le seront ses futures oeuvres sur des allers-retours permanents entre les mondes. Henry qui arbore une coiffure chargée d'électricité statique (la même que celle qui deviendra plus tard la signature de David LYNCH) cherche à fuir une réalité subie qui l'oppresse et que David LYNCH nous fait ressentir sensoriellement (espace exigu, fenêtre murée, gémissement ou bourdonnement incessant) en s'évadant dans le rêve. Rêve plus ou moins lunaire dans lequel il s'imagine avoir une aventure avec sa superbe voisine ou bien rejoindre une simili Marilyn Monroe se produisant sur scène derrière le radiateur, "over the rainbow". Mais ses angoisses contaminent ses rêves tels ces vers en forme de cordons ombilicaux ou de spermatozoïdes géants qui tombent sur la scène et que la fille écrase avec jubilation, son visage aux joues hypertrophiées ou les vagissements qui perturbent ses ébats avec la voisine. Le bébé prématuré aux allures de lapin écorché est un pur produit de body horror qui suscite chez le spectateur comme chez Henry des pulsions de meurtre. Soit exactement l'effet que produit à l'autre bout du spectre lynchien le personnage de Richard Horne dans "Twin Peaks : Le Retour" (2017), lui aussi le fruit d'une conception non désirée dont le comportement monstrueux nous fait penser comme le bébé de "Eraserhead" qu'il est une aberration de la nature  (ou d'un monde post-apocalyptique très fortement suggéré par la minéralité, la pollution, l'absence de lumière et la plante morte près du lit) et qu'il doit y retourner au plus vite. Et ce n'est pas la seule "aberration" récurrente puisque "Eraserhead" flirte aussi avec le thème de l'inceste. Non celui qui se cache au coeur de "Twin Peaks" mais sous la forme que l'on peut observer dans "Sailor & Lula" (1990): une belle-mère se jetant avidement sur son beau-fils comme si elle allait le dévorer.

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Twin Peaks: The Return

Publié le par Rosalie210

David Lynch et Mark Frost (2017)

Twin Peaks: The Return

La troisième saison de "Twin Peaks" a été entièrement écrite et réalisée par David Lynch et Mark Frost qui ont reçu carte blanche de leur chaîne de diffusion. Alors qu'ils avaient dû ruser et parfois plier devant les exigences du public et du diffuseur au cours de la deuxième saison, ils ont pu, 26 ans après, contrôler la totalité de leur création et ne plus faire de compromis. Résultat, "The Return" est moins une série qu'un film expérimental de dix-huit heures dont la radicalité explose tous les codes vus jusque là. Pour l'apprécier, il faut accepter de ne pas tout comprendre, accepter qu'il n'y ait pas qu'une seule vérité à l'image de la multiplicité de réalités dans lesquelles David Lynch nous plonge pour mieux nous perdre.

Néanmoins, l'ADN originel de la série n'a pas été oublié, bien au contraire. Simplement, Lynch et Frost n'en ont gardé que le meilleur. Exit par exemple les intrigues de soap opera qui au pire de la deuxième saison prenaient le dessus sur tout le reste (qui se souvient de l'insignifiant personnage joué par Billy Zane par exemple?). En revanche le mélange des genres est plus que jamais présent dans cette saison foisonnante aux multiples ramifications, bousculant la chronologie et élargissant le cadre. Tout se passe comme si Lynch et Frost avaient pris au pied de la lettre l'expression "usine à rêves" utilisée pour qualifier Hollywood tout en lui ajoutant la dimension cauchemardesque qui lui manquait pour lui donner une dimension holistique. "The Return" fonctionne ainsi comme une machine à produire des récits puisant dans tous les genres hollywoodiens: polar, thriller, film de gangsters, road movie, comédie loufoque, burlesque, musical, fantastique, science-fiction etc. Sauf que tous ces récits semblent avoir été dictés par un inconscient tournant à plein régime: inconscient individuel et inconscient collectif. Beaucoup d'éléments de la culture américaine sont ainsi "retournés" comme s'ils avaient une face B. Je pense par exemple au maïs, symbole de vie et de fertilité qui devient un symbole de mort dans Twin Peaks, notamment parce que les esprits maléfiques se nourrissent du malheur humain qui se matérialise sous forme de maïs à la crème (le Garmonbozia). On peut en dire autant du film de Don Siegel, "Invasion of the body snatchers" qui en 1956 exprimait la paranoïa de la contagion du communisme sous la forme d'un "grand remplacement" de la population américaine à l'échelle d'une ville par des clones sans âme. Les codes du film sont repris quasiment à l'identique dans l'épisode 8 de "Twin Peaks" qui se déroule en partie en 1956, à ceci près que la contagion de la population par le mal provient des radiations nucléaires produites par les américains eux-mêmes. L'American way of life, déjà bien déconstruit dans les deux premières saisons prend des allures de cauchemar post-crise des subprimes avec des quartiers périurbains fantômes. Cela va de pair avec un "let's go home" qui résonne d'autant plus ironiquement qu'il n'y a jamais eu autant de SDF et de mal-logés que dans la série de 2017.

Néanmoins le rêve ne dérive pas toujours vers le cauchemar et parfois la face B devient une face A. Sinon "The Return" serait juste un trip glauque et froid, dénué d'humanité. Or c'est l'humanité dans toute sa complexité que cherchent à approcher Lynch et Frost. La saison 3 nous fait donc passer par toutes les émotions. Même si la ville de Twin Peaks n'est plus le cadre unique du récit, elle reste un lieu essentiel qui fonctionne comme un repère réconfortant pour le spectateur, ravi de retrouver la majorité du casting d'origine dans des lieux familiers tels que le double R, le bureau du Shérif, l'hôtel du grand nord ou le Bang Bang Bar (connu aussi sous le nom de Roadhouse) qui devient une salle de concert à la fin de la majeure partie des épisodes. Le retour 26 ans après de la plupart des acteurs de la série originale est d'autant plus émouvant que certains d'entre eux étaient malades et sont décédés après avoir tourné leurs scènes. Et les personnages de ceux qui étaient décédés avant et qui ont une importance dans le récit reviennent sous d'autres formes.

Mais surtout, "The Return" est un formidable tour de force pour Kyle MacLachlan qui interprète pas moins de quatre personnages, comme autant de facettes d'une même personnalité et au-delà, des contradictions humaines. Il y a d'abord le héros chevaleresque, romantique et mystique des deux premières saisons qui se retrouve prisonnier de la loge noire à la fin de la saison 2. Le spectateur attend son retour. Or cette attente ne cesse d'être déçue par Lynch. En lieu et place du Cooper que l'on croît connaître, on suit le parcours de ses doubles. Celui de "M. C", son double maléfique possédé par "Bob" qui sème la mort et le malheur sur son passage représente toutes les pulsions sombres que le "chevalier blanc" a refoulé, générant une personnalité clivée/dissociée assez typique des sociétés puritaines. Lynch ne cesse d'enfoncer son anti-héros dans les ténèbres avec quelques coups d'éclat "tarantinesques" (la présence parmi ses sbires d'un couple joué par Tim Roth et Jennifer Jason Leigh n'y est pas pour rien). A l'inverse, lorsque le bon Cooper tente de revenir sur terre, il se retrouve enfermé dans l'identité et dans la vie so "american way of life" de Dougie Jones. Car mener une vie conformiste était l'un des désirs de l'agent du FBI. A ceci près que le Dougie Jones "bon citoyen et bon père de famille" mène en réalité une double vie peu glorieuse (dettes de jeu, fréquentation de prostituées...) et que le choc électrique du retour (l'électricité, fil conducteur du passage entre les mondes) ramène Cooper au stade de légume ou de bébé privé de toute autonomie, de façon assez similaire à ce qui arrivait à Léo dans la saison 2. Ce nouvel anti-héros génère une série de situations burlesques et son parcours de "Candide à Sin City" finit par ressembler à une fable à la Frank Capra dans laquelle il réenchante le monde (je suis prête à parier que la clocharde qui devient milliardaire grâce à lui sort tout droit du "Lady for a day" ou de son remake, d'autant que l'histoire repose quand même sur une illusion). Un autre clivage se fait alors jour au sein de Dale Cooper: entre l'homme ordinaire, sans histoires et l'aventurier qui croit pouvoir empiéter sur le terrain des dieux. C'est ce dernier qui prend le pouvoir dans les derniers épisodes. Il veut profiter des pouvoirs surnaturels qu'il a acquis pour remonter le temps, changer l'histoire, effacer le péché originel de la saga et "rentrer à la maison", enfin réunifié. Mais la trilogie de Robert Zemeckis l'avait déjà démontré: on ne joue pas impunément avec les forces qui nous dépassent. Surtout quand ces forces sont mues par l'énergie nucléaire. L'odyssée de ce Cooper là qui semble s'appeler Richard, sous le signe de "Judy" (le mal absolu?) ne le ramènera jamais à Ithaque. Il l'enfermera dans une boucle. Une boucle en forme de 8 (comme le huitième épisode, celui de l'explosion nucléaire aux conséquences incalculables) qui pourra tourner indéfiniment.

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C'est pas moi

Publié le par Rosalie210

Leos Carax (2024)

C'est pas moi

Autoportrait sensoriel de Leos CARAX façon puzzle à un instant T adoptant un style collage de mots, de couleurs, de sons et d'images à la Jean-Luc GODARD, "C'est pas moi" est un drôle de labyrinthe expérimental, traversé de fulgurances. Il faut parfois un peu s'accrocher mais il y a des récurrences qui permettent quand même d'en savoir plus sur celui qui se cache derrière des lunettes noires. Encore un point commun avec Jean-Luc GODARD dont on entend d'ailleurs la voix, la référence est totalement assumée. Mais JJG n'est pas le seul à planer sur le film, Leos CARAX s'amuse avec le vrai et le faux pour glisser des images antagonistes (celles du nazisme notamment) pour mieux parfois en glisser des vraies, notamment un superbe cliché de lui, jeune (et sans lunettes) en compagnie de Leo FERRE (ils auraient un singe en commun que cela ne m'étonnerait pas ^^). Chez Carax, Je est double et l'on peut aussi entendre dans cette expression "Je hais double". J'en veux pour preuve le passage qui m'a le plus scotchée, un portrait extrêmement bien vu façon "Docteur Jekyll et Mister Hyde" de Roman POLANSKI, à la fois victime et bourreau. On retrouve ce dédoublement à travers d'autres alter ego comme Guillaume DEPARDIEU qui incarne à jamais la flamboyance de sa jeunesse rebelle et indomptable et Adam DRIVER dans le rôle de sa part la plus sombre et tourmentée, notamment dans le rapport à la paternité. Mais bien entendu, le double n°1 de Leos CARAX, c'est Denis LAVANT que l'on revoit à tous les âges et sous tous les déguisements au fil des extraits revisités de la courte filmographie du cinéaste, jusqu'au passage truculent dans lequel Leos CARAX chemine aux côtés de M. Merde, son émanation punk et anar toujours prête à sortir de sa boîte (ou plutôt de son égout). Le monde de Leos CARAX est celui de la nuit, aussi, parmi les nombreux extraits de films du cinéma premier qui parsèment le court-métrage, le début de "L'Aurore" (1927) de F.W. MURNAU semble tomber sous le sens! Mieux vaut cependant connaître et apprécier Leos CARAX pour apprécier ce court-métrage déroutant mais génial.

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Je, tu, il, elle

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (1974)

Je, tu, il, elle

"Je tu il elle" est le premier film de Chantal AKERMAN réalisé juste avant "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975). Je le précise parce que les liens entre les deux films sautent aux yeux: les longs plans fixes, la solitude et l'enfermement dans un appartement, la routine des gestes filmés en temps réel, la centralité marginale à l'époque d'une femme dont on entend les pensées, dont on voit se matérialiser les désirs de façon radicale. Une radicalité qui se marie avec une mise en scène travaillée. "Je tu il elle" se décompose en trois parties bien distinctes. Dans la première ("je tu"), on voit une jeune femme (Chantal AKERMAN elle-même alors âgée de 24 ans) essayer d'écrire une lettre après une rupture amoureuse dans une pièce qu'elle dépouille de ses meubles avant de se mettre à nu. Une façon imagée de "faire le vide". L'aspect expérimental (que l'on retrouvera sur "Jeanne Dielman") passe notamment par un décalage entre l'image et la narration: soit elle annonce que que nous allons voir, soit c'est l'inverse ce qui m'a fait penser au court-métrage de Jean EUSTACHE, "Les Photos d'Alix" (1980) dans lequel image et commentaires finissaient par se désynchroniser. Elle travaille le temps de la même façon que dans "Jeanne Dielman" avec beaucoup de répétitions obsessionnelles qui fait ressentir que cette claustration dure plusieurs semaines. Dans la deuxième partie ("il") qui est une transition, Julie a renoncé à écrire au profit de l'action directe. Elle s'échappe de la cellule et le film se transforme alors en road-movie sous influence américaine avec l'apparition d'un Marlon BRANDO français: Niels ARESTRUP alors âgé de 25 ans! Il joue en effet le rôle d'un camionneur qui prend Julie en stop. Mais la relation s'avère être elle aussi pleine de vide quand elle n'est pas à sens unique: masturbation et confidences crues aussi gênantes que désespérantes à la fois sur la vie de couple et de famille. Enfin dans la troisième partie (elle"), Julie retrouve l'amie à qui elle essayait d'écrire au début du film et les deux femmes se livrent à une longue étreinte rageuse et intense de quinze minutes filmée comme une chorégraphie ou une installation. Cette scène d'homosexualité féminine avait valu au film une interdiction aux moins de 18 ans à sa sortie et fait figure de manifeste pionnier, près de 40 ans avant "La Vie d'Adele - chapitre 1 et 2 -" (2013). Au final, "Je tu il elle" ressemble à la confession en images d'une jeune fille (Chantal AKERMAN) qui se heurte davantage à l'autre qu'elle n'entre en contact avec lui.

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Zazie dans le métro

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1960)

Zazie dans le métro

J'étais curieuse de voir comment Louis MALLE avait réussi à adapter le roman de Raymond Queneau que j'ai lu pour la première fois cet été. Je pensais que ça allait donner une bouillie à l'écran. Et ce n'est pas totalement faux. Le style burlesque et cartoonesque qui caractérise "Zazie dans le métro" en version cinéma se prête davantage au court-métrage qu'au long-métrage car sur la longueur, l'hystérie générale devient lassante. C'est d'ailleurs pourquoi dans la génération de Louis MALLE, un Jacques TATI ou un Blake EDWARDS utilisaient le format long pour construire leurs gags sur la durée et pour les insérer dans une histoire pas forcément logique mais qui faisait sens. "Zazie dans le métro" au contraire se perd dans une succession de courses-poursuite sans queue ni tête. Le livre l'était aussi mais son objet, c'était le délire langagier qui présidait également aux "Exercices de style". La transposition au cinéma ne peut pas fournir d'équivalent, même si les mots de Queneau sont repris dans les dialogues. Si le début est plutôt séduisant avec un Philippe NOIRET jeune et charismatique et l'insolence lucide de la petite Catherine DEMONGEOT, la succession continue de séquences surréalistes inspirées manifestement du cinéma burlesque muet ou bien de Tex AVERY finit par devenir répétitive, ennuyeuse et le final "tarte à la crème" avec destruction du décor semble assez gratuit. Par contre, la séquence de la tour Eiffel est très bien mise en scène autour des questions gênantes (pour les adultes) de Zazie autour de la "sessualité" et m'a penser à du Jean COCTEAU (et à "Paris qui dort") (1925).

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Mods

Publié le par Rosalie210

Serge Bozon (2003)

Mods

Il y a du Wes ANDERSON dans ce "Mods" dandyesque et vintage aux références pointues, à la mécanique bien huilée, aux cadres fixes ultra-composés. Références pointues car "Mods" fait référence à une sous-culture britannique jeune urbaine, chic et branchée des années 50 et 60 avec une garde-robe très étudiée destiné à se démarquer notamment des rockers, de même que dans les goûts musicaux (mods fait référence au "modern jazz") et styles de danse. Mécanique bien huilée car dans ce film, tout est chorégraphié au millimètre. Les personnages prennent la pose, répètent les mêmes phrases, reviennent à intervalles réguliers et lorsqu'à cinq reprises, la musique se manifeste et qu'ils se mettent subitement à danser, c'est à la manière quelque peu saccadée et répétitive de l'attraction "danse avec les robots", chaque geste se détachant distinctement des autres. Enfin les cadres fixes ultra-composés rapprochent "Mods" d'une succession de photographies ou de tableaux plus que d'un mouvement cinématographique. On peut également souligner l'enfermement comme trait commun aux deux univers. Le cinéma "maison de poupées" de Wes ANDERSON correspond bien à ce huis-clos universitaire tourné dans quelques uns des plus beaux fleurons anglo-saxons notamment de la cité universitaire de Paris. L'influence manifeste de la nouvelle vague, comme chez Hal HARTLEY les réunit. Mais gare à l'excès de zèle, la forme tendant à supplanter le fond.

Car par-delà cette intrigante et originale forme, de quoi est-il question exactement dans "Mods"? D'un thème archi-classique, le chagrin d'amour qui plonge le délaissé dans un état quasi catatonique. Pour le sortir de sa torpeur, ses deux frères militaires sont invités par l'une des responsables du campus et le film repose pour une bonne part sur la confrontation de ces deux personnages raides comme des triques à un univers complètement décalé.

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Les Photos d'Alix

Publié le par Rosalie210

Jean Eustache (1980)

Les Photos d'Alix

"Les Photos d'Alix" est l'un des derniers films de Jean EUSTACHE, tourné un an avant sa mort. On y voit en un étrange miroir une de ses amies, la talentueuse photographe Alix Clio-Roubaud, décédé jeune elle aussi trois ans plus tard commenter un jeu de ses photographies en compagnie du fils de Jean EUSTACHE, Boris EUSTACHE alors âgé d'une vingtaine d'années. Un spectateur non averti ne peut qu'être surpris par l'évolution du film. Alors que dans sa première partie, Alix fait un commentaire classique de ses photos, racontant le contexte de leur réalisation, identifiant les personnages, expliquant les effets artistiques recherchés, insensiblement, un décalage se fait jour entre l'image et le son au point que ce qu'elle raconte finit par ne plus rien à voir avec ce qu'elle montre. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux libres associations images-mots des tableaux de René Magritte d'autant que l'une des photographies ressemble beaucoup à la composition de "Le Modèle rouge" (Mi chaussures/Mi pieds humains). A travers ce dispositif de désynchronisation, le spectateur est donc invité à ne pas prendre pour argent comptant ce qui se dit et à faire travailler son propre imaginaire pour combler les lacunes de ce qui est donné à voir. Et ce d'autant que Alix Clio-Roubaud est une conteuse formidablement charismatique qui suscite un trouble visible chez Boris EUSTACHE, ses commentaires revêtant un fort caractère à la fois exotique (l'importance des voyages où reviennent régulièrement la Corse, Londres et New-York) et intime (l'enfance, les amours, la sexualité, les paradis artificiels). On remarque aussi combien ce film présente de similitudes avec "Une sale histoire" (1977). Un conteur, un auditoire, un espace imaginaire, troublant et poétique, un temps suspendu, celui du récit, un temps retrouvé, celui des souvenirs. Au point même que dans "Les photos d'Alix", l'une d'elles fait penser à "La Jetee" (1963), "Ceci est une image d'enfance".

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Same players shoots again

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1967)

Same players shoots again

Rareté récemment restaurée, "Same players shoots again" deuxième court-métrage de Wim WENDERS alors étudiant à l’Hochschule für Fernsehen und Film München (la Haute école de télévision et cinéma de Munich). Quelques images en noir et blanc de "Schauplätze" son premier film réalisé la même année mais perdu se retrouvent au début et à la fin de "Same players shoots again" sans qu'il n'y ait de solution de continuité avec le reste sinon ce que l'imagination du spectateur peut en faire. Ces quelques images sont suffisamment énigmatiques pour que l'on puisse créer un nouveau scénario avec. Celles du début montrent une pièce avec une télévision allumée et des bouteilles d'alcool vides traînant sur la table puis la silhouette d'un homme sortant d'une cabine téléphonique. Celles de fin montre un homme rouler en voiture à travers la campagne avec à l'arrière un passager mourant. Entre les deux, cinq fois le même plan, un travelling latéral suivant un homme armé d'une mitraillette coupé au niveau des épaules. Celui-ci se déplace en titubant, d'abord lentement, puis de plus en plus vite. A chaque fois que le plan se répète, la couleur de l'image change: noir et blanche puis verte, puis jaune, puis rouge et enfin bleue. Wim WENDERS expérimente l'outil cinématographique en revenant aux sources du septième art. L'animation de corps en mouvement se répétant à l'infini fait partie du cinéma primitif et par ailleurs le film de Wim WENDERS est totalement muet. S'y ajoute le traitement de la couleur et une thématique, celle de la violence. Même si celle-ci reste hors-champ, tout l'indique: le titre, les bouteilles d'alcool vides, la mitraillette, la démarche hagarde de l'homme comme s'il était blessé et enfin le mourant à l'arrière de la voiture. Même avec un matériau aussi primitif, on baigne déjà dans une ambiance de thriller même si on est évidemment très loin de "L'Ami americain" (1977). A moins qu'à l'égal de "The Big Shave" (1967) réalisé la même année par Martin SCORSESE il ne s'agisse de dénoncer symboliquement la guerre.

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