Jane Erre, chapitre 0: introduction
Introduction
" Un matin d'hiver, une jeune vagabonde est découverte morte de froid dans un fossé. Qui était-elle? (…) Pour vivre sa liberté, elle avait tout quitté. Elle s'était retrouvée seule, démunie. " Le synopsis de "Sans toit, ni loi" (1985) de Agnès Varda, j'y reviendrai dans le chapitre 2 aurait pu fournir la conclusion de "Jane Eyre". Il suffit de citer la fin du roman de Charlotte Brontë pour s'en convaincre: " Vous n'êtes pas étendue au fond d'un fossé, ou d'une rivière? Vous n'êtes pas en exil, languissant au milieu d'étrangers?" (p. 609)*
Jane Eyre, c'est cette jeune femme qui en pleine époque victorienne réagit à la claustration et aux pressions patriarcales qui s'abattent sur elle en se révoltant et en prenant la clé des champs. En dépit des risques encourus (toujours bien réels aujourd'hui pour celles qui osent partir à l'aventure, j'y reviendrai dans le chapitre 2), elle cherche obstinément sa place et son identité au sein d'une société qui refuse toute possibilité d'émancipation et d'accomplissement de soi aux femmes mais aussi aux hommes, également prisonniers d'un rôle dans lequel ils sont piégés le plus souvent à leur insu avec toutes les conséquences funestes qui en découlent. Le vagabondage associé au féminin comporte des risques spécifiques en plus d'être stigmatisé en soi par la norme sédentaire et en plus d'être associé à la folie, laquelle n'est jamais qu'une errance de l'esprit.
Cette réalité a beaucoup moins changé que ce que l'on ne croit. La séparation des genres reste la règle avec l'injonction faite aux femmes d'être féminines et aux hommes d'être virils. Celles et ceux qui osent transgresser ces assignations s'exposent toujours à des représailles qui ont pour but de maintenir chacun et chacune à "sa place". C'est pourquoi ce que l'on appelle le féminisme n'est pas (contrairement aux idées reçues, alimentées par les gardiens du statu quo) une arme de guerre brandie par un sexe en direction de l'autre mais un outil d'émancipation pour les deux sexes, la féminité et la virilité ayant été dissociées alors qu'elles auraient dues rester à jamais indissociables. Et ce qui est dissocié est ravageur, on le voit aujourd'hui entre l'homme et la nature. Toute dissociation est une amputation.
* Toutes les citations du roman proviennent du Livre de poche, édition 1991.
** Toutes les images proviennent de la mini-série de Susanna White (2006), la seule adaptation parmi celles que j'ai vue à avoir compris en profondeur le roman tant par sa réalisation et son scénario (chapitre 1) que par son interprétation (chapitre 3).
Sommaire
Chapitre 1: Et au milieu coule une rivière
Chapitre 2: Vierge et Putain, même combat
Chapitre 3: Le démon intérieur de Toby Rochester