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La Venue de l'avenir

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (2025)

La Venue de l'avenir

"La venue de l'avenir", le dernier long-métrage de Cedric KLAPISCH a comme un petit air de "Minuit a Paris" (2011). Même si une seule séquence "transporte" réellement les personnages du présent dans le passé grâce à une mystérieuse substance - et encore, seulement ceux qui ont la fibre artistique -, mon impression a été un peu la même que dans le film de Woody ALLEN à savoir, un festival de rencontres très "who's who": Sarah BERNHARDT, Victor Hugo, Félix Nadar, Claude Monet... On sent une certaine nostalgie de ce passé fantasmé même si Cedric KLAPISCH a mis un peu en sourdine le côté "donneur de leçons" de ses deux derniers films qui m'avait tant agacé. En revanche, là où il a eu la main trop lourde, c'est dans l'accumulation de personnages, tant du présent que du passé. Beaucoup font donc de la figuration. L'idée de diriger plusieurs générations de comédiens était judicieuse pour un film traitant de la filiation mais aux côtés de quelques acteurs chevronnés qui apportent les meilleurs moments du film (Vincent MACAIGNE, Sara GIRAUDEAU, Olivier GOURMET et deux piliers du cinéma de Cedric KLAPISCH, Cecile de FRANCE et Zinedine SOUALEM), les plus jeunes peinent à exister, à l'exception bien sûr d'Adèle, interprétée avec sensibilité par Suzanne LINDON qui avait déjà montré son potentiel dans la deuxième saison de "En Therapie" (2020). On sent également que Cedric KLAPISCH s'est identifié au personnage joué par Abraham WAPLER à qui il donne des caractéristiques communes avec Adèle (sans parler du fait qu'il joue aussi le rôle du père biologique de celle-ci !) mais je l'ai trouvé assez fade et un peu noyé au milieu d'une histoire qui tend à se disperser. Enfin, montrer une famille interprétée majoritairement par des fils et des filles "de" réunie comme dans "L'Heure d'ete" (2007) autour d'un patrimoine prestigieux, se découvrant des ancêtres célèbres et faisant évaluer notamment des tableaux de maître en dit long sur l'entre-soi qui règne dans le milieu du cinéma et sa déconnexion du réel.

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Woman, Demon, Human (Rén guǐ qíng)

Publié le par Rosalie210

Huang Shuqin (1987)

Woman, Demon, Human (Rén guǐ qíng)

Considéré comme le premier film féministe chinois, "Woman, Demon, Human" est semi-autobiographique: la réalisatrice se dépeint à travers l'héroïne, Qiuyun qui veut percer dans un domaine artistique dominé par les hommes. Mais Huang Shuqin s'inspire également de Pei Yanling, célèbre actrice d'opéra chinoise qui interprète les scènes d'opéra du film.

L'histoire joue sur les masques et les identités dans un monde très genré. Comme au Japon avec le Takarazuka, Pei Yanling s'est spécialisée dans l'interprétation de rôles masculins. Le film met en lumière son interprétation légendaire de l'histoire de Zhong Kui, le chasseur de démons devenu très populaire à partir du VIII° siècle lorsqu'un empereur chinois malade se réveilla guéri après avoir vu en rêve Zhong Kui dévorer un esprit qui le tourmentait*. Le film s'ouvre d'ailleurs sur la métamorphose de Qiuyun en cet être laid et repoussant.

Evoquant trois périodes de la vie de Qiuyu (enfance, adolescence, âge adulte) avec des ellipses, le film se caractérise par sa beauté mais aussi par une cocasserie assez irrésistible: les personnages à la manière du "Molière" de Ariane Mnouchkine jouent au sein d'un théâtre itinérant dans les campagnes, au milieu des dingos de tous poils et des bébés braillards. L'héroïne aussi déterminée que douée réussit un accomplissement dans la voie artistique en dépassant le clivage des genres et les canons de beauté grâce à Zhong Kui mais échoue à s'épanouir dans sa vie privée, elle qui a été abandonnée enfant par sa mère, partie avec un autre homme.

* L’histoire de Zhong Kui est une célèbre légende chinoise : talentueux lettré parti à la capitale passer les examens impériaux avec son ami Du Ping, Zhong Kui arrive en tête, mais l’empereur lui retire le titre de zhuangyuan qui lui revenait de droit, son extrême laideur le rendant impropre, selon lui, à exercer une fonction publique. Choqué, Zhong Kui se suicide en se fracassant la tête sur les marches du palais, ce qui le condamne à l’enfer. Mais le roi des Enfers le nomme roi des démons, en charge de les chasser et les éliminer. Pour remercier Du Ping qui a organisé ses funérailles, il revient dans son village lui donner sa sœur cadette en mariage.

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Images de la vie (Imitation of life)

Publié le par Rosalie210

John M. Stahl (1934)

Images de la vie (Imitation of life)

J'avoue mon ignorance: avant la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque, je n'avais jamais entendu parler de John M. STAHL. J'ignorais que les somptueux mélodrames de Douglas SIRK étaient pour certains d'entre eux les remakes des années cinquante des films de John M. STAHL des années trente. Et en particulier celui que je préfère "Mirage de la vie" (1959) qui en VF devient chez John M. STAHL, "Images de la vie" (1934). Mais en VO, ils portent le même titre, "Imitation of life" car tous deux sont l'adaptation d'un livre de Fannie Hurst sorti en 1933 traitant à la fois de la question sociale, raciale et de la place des femmes dans la société américaine. Le film de John M. STAHL apparaît donc à la fois encore plus audacieux pour son époque que celui de Douglas SIRK en dépeignant une famille matriarcale, multiraciale et recomposée tout en étant si possible plus cruel encore en démontrant l'impossibilité de sortir de sa condition ou de trouver sa place dans une société ségrégationniste, raciste et hiérarchisée. Un plan absolument parfait résume entièrement le film, celui qui montre Bea et Delilah rejoindre en même temps leur chambre, chacune située à une extrémité d'un escalier à vis, mais l'une en haut, l'autre en bas: on ne peut pas mieux définir le lien qui les unit et qui les sépare en même temps. Le film de John M. STAHL se centre en effet sur la relation entre les deux mères. L'évidente complicité qui les unit, la similitude de leur situation (deux veuves élevant seules leurs filles) et la réussite de leur entreprise grâce à leur complémentarité est ternie par le racisme systémique qui infériorise Delilah et finit par la détruire. Paradoxalement, la cruauté de l'histoire racontée dans le film est tempérée par les prestations solaires de Claudette COLBERT et Louise BEAVERS ainsi que par des personnages secondaires hauts en couleur tels que celui d'Elmer (Ned SPARKS). On peut cependant regretter que Jessie, la fille de Bea soit aussi transparente dans le film de John M. STAHL ce qui déséquilibre un peu l'intrigue alors que la question du passing est en revanche abordée de façon plus tragique et plus réaliste, l'actrice jouant Peola, Fredi WASHINGTON étant métisse.

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L'Etrangleur de Rillington Place (10 Rillington Place)

Publié le par Rosalie210

Richard Fleisher (1970)

L'Etrangleur de Rillington Place (10 Rillington Place)

J'ai beaucoup pensé à "Frenzy" (1972) de Alfred HITCHCOCK en regardant "L'Etrangleur de Rillington Place". Les deux films ont été réalisés à un an d'écart, se déroulent à Londres, évoquent un violeur et tueur de femmes utilisant un mode opératoire en partie similaire et qui pratique si bien l'art de la dissimulation que c'est un autre qui est accusé à sa place. Mais si les deux films se plongent dans un univers glauque, celui de Richard FLEISCHER dépasse en noirceur celui de Alfred HITCHCOCK. Peut-être parce que ce dernier conserve dans "Frenzy" un humour noir qu'on percevait déjà dans un autre de ses films macabres, "La Corde" (1948) inspiré d'un fait divers qui avait également été adapté par Richard FLEISCHER dans "Le Genie du mal" (1959). "L'Etrangleur de Rillington Place" qui s'inscrit dans une série de films que Richard FLEISCHER a consacré à la criminalité donne comme son titre l'indique une importance centrale au décor. Et celui-ci est particulièrement sordide: un immeuble aux appartements minuscules et insalubres dans un quartier misérable de Londres durant la guerre et quelques années après. On se croirait presque dans une étude naturaliste de Zola avec sa galerie de personnages atteints de tares diverses: ignorance, pauvreté, naïveté, bêtise, lâcheté, alcoolisme. Tous sont des victimes désignées pour le tueur qui a fait de cet univers sordide rongé par la pourriture et la vermine son repaire et dont la déchéance va l'amener à se confondre avec lui, non s'en s'être d'abord distingué. Malgré un parcours que l'on découvre jalonné de délits et de crimes, l'homme a travaillé dans la police et utilise une méthode pour neutraliser ses victimes qui s'apparente à celle des nazis. Et pour enfoncer le clou, il se fait passer pour médecin ce qui passe crème auprès des analphabètes qu'il côtoie et dont il n'a aucun mal à abuser de la crédulité grâce à sa voix douce et ses propos remplis d'autorité. Cette même apparence "respectable" qui lui vaut d'échapper durant des années à la justice alors qu'un innocent incapable de se défendre est exécuté à sa place. Réquisitoire implacable contre les injustices sociales et la peine de mort, le film de Richard FLEISCHER instille un profond malaise et glace le sang par la précision clinique avec laquelle il brosse le portrait de ses personnages, permettant aux acteurs de fournir des prestations mémorables. John HURT dont c'était le premier grand rôle est impressionnant dans son rôle de prolo abruti manipulé et détruit par un psychopathe maitrisant parfaitement les rouages du système. Quant à Richard ATTENBOROUGH, il est brillant, composant un redoutable personnage de criminel sexuel à l'allure de petit bonhomme inoffensif aussi doucereux que terrifiant.

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Deux sur la balançoire (Two for the Seesaw)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1962)

Deux sur la balançoire (Two for the Seesaw)

Le générique était prometteur avec sa silhouette trimballant sa solitude quelque part entre Manhattan et Brooklyn sur un air de jazz mélancolique. Mais dès la scène de rencontre passée, la mise en scène s'enferme dans un huis-clos bavard en tête à tête dû en grande partie au fait que le scénario est adapté d'une pièce de théâtre. Sur deux heures, c'est bien long. Surtout pour évoquer des atermoiements amoureux sur l'air de "j'y vais, j'y vais pas, ah ben si, ah ben non, pourquoi pas?" Et bis repetita. Désolé, mais même avec les meilleurs acteurs du monde, Robert MITCHUM et Shirley MacLAINE qui dégagent tous deux un charisme dingue, même avec un réalisateur chevronné comme Robert WISE qui utilise avec brio la compartimentation des espaces jusqu'à un effet de (faux) split screen, même avec une belle photographie en noir et blanc, il m'a été difficile de me passionner pour ce bavardage qui tourne en rond entre un homme "qui n'aime pas assez" et une femme "qui aime trop". La différence d'âge et de milieu est évoquée, le contraste de tempérament est évident entre la remuante Shirley et l'impassible Mitchum mais l'absence quasi complète d'environnement social rend ces obstacles assez abstraits. Même la modernité du langage, débarrassé de la pudibonderie du code Hays n'arrive pas à faire décoller le film censé raconter une histoire d'amour mais qui apparaît étrangement éteint.

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Jane Austen a gâché ma vie

Publié le par Rosalie210

Laura Piani (2025)

Jane Austen a gâché ma vie

C'est un film "à la manière de". A la manière des comédies romantiques british avec ou sans Hugh GRANT mais sans son grain de folie, qu'il soit petit ("Coup de foudre a Notting Hill") (1999) ou énorme ("Tamara Drewe") (2009). A la manière de WONG Kar-Wai avec la séquence du restau chinois qui pastiche "In the Mood for Love" (2000) mais sans sa classe (contrairement au film de Xavier DOLAN, "Les Amours imaginaires" qui réussissait une superbe évocation) (2010). A la manière des romans de Jane Austen enfin avec son titre, son bal en costumes d'époque, son avatar de Darcy du genre le gars qu'on déteste d'emblée avant de découvrir sa réelle personnalité. Tout cela forme un ensemble hétéroclite et désuet qui semble plaqué artificiellement sur la jeunesse française d'aujourd'hui. Les quelques touches d'humour tombent à plat et aucun personnage ne parvient à réellement exister. Soit ils font tapisserie, soit ils sont enfermés dans un cliché. Seule Camille RUTHERFORD sort son épingle du jeu mais le film n'en est pas moins désespérément plat et cousu de fil blanc.

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La Malédiction des hommes-chats (The Curse of the Cat People)

Publié le par Rosalie210

Gunther V. Fritsch et Robert Wise (1943)

La Malédiction des hommes-chats (The Curse of the Cat People)

Un joli titre n'ayant strictement rien à voir avec le film. La traduction "la malédiction du peuple chat" passe mieux car elle peut faire allusion aux femmes dotées de pouvoirs surnaturels. Le maître d'oeuvre du film est le scénariste et producteur Val LEWTON qui après les flop commerciaux des deux premiers films de Orson WELLES reçut la mission de renflouer la RKO avec des films d'horreur à petits budget et de courte durée inspirés de ceux d'Universal. Mais Val LEWTON et son équipe qui comptait notamment le réalisateur Jacques TOURNEUR et Robert WISE qui était alors seulement monteur surent créer un univers fantastique original, féminin, poétique, onirique et gothique dans lequel régnait une atmosphère d'angoisse impalpable. "La malédiction des hommes-chats" doit ainsi son titre au fait d'être conçu comme une suite de "La Feline" (1942) avec les mêmes acteurs (dont Simone SIMON) et c'est le premier long-métrage de Robert WISE, ce dernier ayant remplacé au bout de 18 jours Gunther von FRITSCH qui ne parvenait pas à tenir les délais.

Néanmoins "La malédiction des hommes-chats" qui se place à hauteur d'enfant a son identité propre et a dû beaucoup inspirer Tim BURTON pour "Vincent" (1982), "Edward aux mains d'argent" (1990) ou encore "Sleepy Hollow - La legende du cavalier sans tete" (2000). Comment ne pas penser également à "La Nuit du chasseur" (1955) et à "Du silence et des ombres" (1962) avec son bestiaire enchanté (pour l'un) et son fantôme protecteur (pour l'autre). L'ombre de Charles Dickens plane également avec sa demeure quasi hantée par une vieille femme un peu inquiétante et sa fille adulte qu'elle refuse de reconnaître, lui préférant la petite Amy. On comprend qu'elle préfère se mettre en danger avec ces femmes étranges plutôt que de rester avec des parents qui ne pensent qu'à la faire rentrer dans le rang. Il faut dire que les enfants sont des éponges et qu'un secret de famille (directement issu du film de Jacques TOURNEUR) plane sur la maison. Un bien beau film.

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La Tour des ambitieux (Executive Suite)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1954)

La Tour des ambitieux (Executive Suite)

J'ai plusieurs fois souligné deux qualités du cinéma de Robert WISE: sa gestion du temps réel et sa maîtrise du montage. On peut en souligner une troisième: des séquences d'introduction surprenantes et marquantes. Celle, célèbre du survol de Manhattan, telle une jungle urbaine en ouverture de "West Side Story" (1960). Ou encore les cadrages penchés de la boîte jazzy où débute l'action de "Je veux vivre !" (1958). "La Tour des ambitieux" recourt quant à elle à la caméra subjective. On suit un personnage dont on ne verra jamais le visage descendre d'une tour jusqu'à ce qu'il s'effondre en pleine rue, terrassé par une crise cardiaque, au milieu des passants. Une fin triviale pour celui dont on apprend qu'il n'était autre que le président d'une puissante société de meubles, la Tredway Corporation qui menait son staff à la baguette. Place à la guerre de succession entre sous-directeurs dont le film brosse chacune de leurs personnalités à la façon d'une comédie humaine dans une boîte de sardines, de Shaw préoccupé avant tout d'efficacité (c'est à dire de rentabilité) à Walling, l'ingénieur idéaliste entravé dans son désir de fournir des produits de qualité en passant par Caswell le spéculateur roublard et Julia, l'héritière éplorée sans parler des mous et des girouettes souvent manipulés dans l'ombre par leurs épouses ou leurs maîtresses. Grand film d'acteurs, "La Tour des ambitieux" fait particulièrement briller dans des registres différents William HOLDEN (dont je ne connaissais jusqu'ici que les rôles pour Billy WILDER) au discours final d'anthologie, Barbara STANWYCK (également vue chez Billy WILDER) et Louis CALHERN (tellement associé pour moi à "Quand la ville dort") (1949). Tiré d'un livre très documenté sur le fonctionnement interne d'une entreprise puisque son auteur avait officié durant un quart de siècle comme administrateur de société avant de devenir auteur, le film met en lumière le basculement de la mentalité de l'artisan (celle du personnage incarné par William HOLDEN) à celle du financier pour qui seul le chiffre d'affaire compte. Il suffit d'appliquer cette lecture à un domaine que tout le monde connaît, le cinéma hollywoodien pour saisir à quel point elle s'est avérée juste, hélas.

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Mansfield Park (Lettres de Mansfield Park)

Publié le par Rosalie210

Patricia Rozema (1999)

Mansfield Park (Lettres de Mansfield Park)

Contrairement à "Orgueil et Préjugés", "Raisons et Sentiments" ou "Emma", je n'ai pas lu "Mansfield Park" donc je ne peux comparer le film avec le roman d'origine. Mais il est important de rappeler le contexte dans lequel a été réalisé le film de Patricia ROZEMA: celui de "l'Austenmania" de la seconde moitié des années 1990. Pour s'en convaincre, il suffit de souligner que le film est co-produit par la BBC après le succès de sa mini-série "Orgueil et Prejuges" (1995) avec Colin FIRTH dans le rôle de Darcy et par la Miramax, la société de Harvey WEINSTEIN alors en pleine exploitation du filon "films littéraires en costume" et qui était derrière le catastrophique "Emma, l'entremetteuse" (1996) avec Gwyneth PALTROW.

Le résultat de ce mariage de la carpe et du lapin bien que pas désagréable est donc un peu bancal. On reconnaît certes l'univers de Jane Austen, sa peinture satirique de la gentry de province à travers les yeux d'une héroïne suffisamment déclassée pour porter un regard critique sur elle mais pas suffisamment pour ne pas y avoir ses entrées et ne pas y appliquer ses codes. Cependant, Fanny Price provient d'une famille vraiment misérable, on se croirait presque dans "The Quiet Girl" (2022) avec sa crasse, sa vermine et ses trop nombreux enfants. Le fossé social avec les Bertram chez qui elle est accueillie par charité apparaît énorme ce qui pose la question de sa place dans la famille qui dans sa majorité la méprise ouvertement. Or, si Fanny apparaît au début timide et effacée, elle prend par la suite une assurance et une importance qui n'est pas amenée de manière très habile ni très naturelle. J'ai lu que pour lui donner plus de caractère, la réalisatrice, Patricia ROZEMA lui avait prêté les traits de Jane Austen mais j'ai trouvé que cela ne fonctionnait pas très bien. Autre problème, toujours dans une volonté de modernisation, plusieurs aspects du roman relatifs à la sexualité déviante ou taboue sont traités avec une frontalité peu compatible avec les mentalités de ce temps et de ce milieu au point que par moments, on a l'impression que le film s'égare dans une autre dimension spatio-temporelle. Enfin, il y a tant de personnages qu'on a du mal à saisir qui ils sont, certains étant d'ailleurs réduits à faire de la figuration. Une fois de plus, à l'exception du film de Ang LEE, je trouve que les romans de Jane Austen se prêtent davantage au format de la mini-série qu'à celui du long-métrage de cinéma.

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Le Coup de l'escalier (Odds Against Tomorrow)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1959)

Le Coup de l'escalier (Odds Against Tomorrow)

Film noir de haute tenue qui a été une source d'inspiration pour Jean-Pierre MELVILLE (tout comme "Je veux vivre !") (1958), "Le Coup de l'escalier" possède un titre original bien plus évocateur "Odds against tomorrow" que l'on pourrait traduire par "jouer son va-tout". De toutes manières, le code Hays imposait au genre un canevas qui ne laissait aucun doute quant à son issue. Mais dès les premières secondes sous le signe des vents mauvais soufflant entre les buildings, on devine l'élément qui va faire dérailler le "coup": le racisme. Le "cerveau" de l'entreprise, un ancien flic révoqué pour corruption nommé Burke (Ed BEGLEY) n'est pas très clairvoyant en attelant ensemble un ex-taulard vétéran de guerre et natif de l'Oklahoma rempli d'amertume (Robert RYAN) et un chanteur de jazz afro-américain criblé de dettes de jeu (Harry BELAFONTE). Car l'hostilité entre les deux hommes est aussi absurde qu'immédiate. Robert WISE montre comment les préjugés divisent et détruisent des hommes qui pourtant appartiennent au même camp, celui des laissés pour compte de l'Amérique et qui auraient donc tout intérêt à coopérer. Négligeant le casse en lui-même, Robert WISE préfère filmer le quotidien des deux hommes marqué par la malchance et la défaite. Et en maître du temps, leur interminable attente, faite de petits riens en réalité très signifiants comme la poupée abandonnée que regarde Johnny et qui lui rappelle sa petite fille. Cette manière de privilégier les temps morts à l'action a dû effectivement fasciner Jean-Pierre MELVILLE, auteur de polars stylisés et minimalistes.

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