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Articles avec #drame tag

Belle de jour

Publié le par Rosalie210

Luis Bunuel (1967)

Belle de jour

Un film déconcertant et plutôt mystérieux sous ses dehors très lisses. Il faut dire que l'essentiel ne s'y montre pas à visage découvert mais sous forme d'indices à déchiffrer ce qui est la logique du rêve. Et il est parfois difficile de démêler dans "Belle de jour" si ce que l'on voit se déroule dans la réalité ou dans un rêve. Ce qui est certain en revanche, c'est que Luis BUNUEL et Jean-Claude CARRIERE qui collaboraient pour la deuxième fois après "Le Journal d'une femme de chambre" (1963) s'attaquent à une bourgeoisie parisienne catholique dont ils révèlent des dessous érotiques décadents et mortifères. L'époque à laquelle a été écrite le livre de Joseph Kessel (les années 20) comme celle du tournage du film (années 60) étaient propices à la dissimulation: la maison de passe se cache derrière une plaque hypocrite nommée "Anaïs-Modes" tenue par une maquerelle distinguée (Genevieve PAGE), les pratiques sulfureuses se regardent par le trou de la serrure, une boîte à musique s'ouvre sur un bruit de moustique mais refuse de montrer son contenu, on se glisse sous une table ou sous un cercueil pour s'adonner à des jeux interdits. On remarquera également que le film esquive la monstration tant du sexe que de la nudité. Même celle de Catherine DENEUVE reste suggérée. Après Jacques DEMY et Roman POLANSKI, Luis BUNUEL est le troisième cinéaste majeur qui a su employer l'actrice de façon remarquable. Avant François TRUFFAUT dans "La Sirène du Mississipi" (1969), il en a fait une silhouette hitchcockienne se dérobant constamment au voyeurisme du spectateur, une "page blanche à noircir de rêves", mise en scène dans toutes sortes de situations scabreuses, dégradantes, humiliantes, transgressives sans que pour autant son image "blanche comme neige" n'en soit altérée. C'est d'ailleurs de ce décalage que naît une partie du trouble suscité par ce film encore aujourd'hui. Car le film a deux facettes tout comme celles qui gouvernent les représentations de la féminité depuis la dichotomie biblique Vierge Marie/Marie-Madeleine. D'une part il laisse l'inconscient des personnages s'exprimer (celui de Séverine mais celui également de son entourage), de l'autre, il tend un miroir au spectateur.

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Les Roseaux sauvages

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1994)

Les Roseaux sauvages

Mon film préféré de Andre TECHINE est aussi celui dans lequel il a glissé le plus de souvenirs personnels. Pourtant, à la base il s'agissait d'une commande d'Arte qui souhaitait produire une collection de neuf téléfilms sur l'adolescence intitulée "Tous les garçons et les filles de leur âge". Parmi eux, trois finissent par sortir au cinéma en version longue dont celui de Andre TECHINE qui reçoit le prix Louis Delluc et quatre César.

Les qualités du film sont nombreuses: il fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français en révélant une nouvelle génération d'acteurs dont Elodie BOUCHEZ, il évoque avec une grande sensibilité le passage à l'âge adulte dans le contexte dans lequel Andre TECHINE l'a vécu, celui de la fin de la guerre d'Algérie dans le sud-ouest de la France avec le retour des pieds-noirs. La mort qui rôde autour des jeunes appelés et le désir bouillonnant des adolescents se mêlent harmonieusement. Le film est à la fois lumineux et douloureux. Lumineux car de nombreuses scènes ont été tournées en pleine nature et exaltent ce désir adolescent en pleine éclosion qui fait fi des clivages politiques, sociaux et même de façon éphémère de l'orientation sexuelle. Douloureux aussi car ces mêmes adolescents sont tourmentés par le contexte historique et politique qui les impactent plus ou moins directement (le frère appelé de l'un, l'appartenance de la mère de l'autre au PCF, la présence en classe d'un jeune pied-noir ombrageux et révolté) mais aussi par leur sexualité. Le personnage de François (Gael MOREL) qui peut être vu comme un double du réalisateur découvre son homosexualité à une époque où elle était taboue. Le poids de sa différence, Andre TECHINE nous le fait ressentir à travers la scène du mariage campagnard et ses chansons paillardes, le père agriculteur qui se méprend sur la nature de sa relation avec son âme soeur, Maïté (Elodie BOUCHEZ) son rapport à la littérature et au cinéma en décalage avec son environnement, ses relations avec le garçon fruste qu'il désire, Serge (Stephane RIDEAU) ou enfin, sa tentative de trouver un interlocuteur en la personne d'un adulte homosexuel dont la bouche cousue et le regard plein de désarroi en disent plus long que tous les discours. Pourtant François est le personnage le plus libre de tous et au vu des scènes finales, son influence sur l'évolution du rapport de Maïté à son corps, à ses désirs et au reste du monde semble déterminante. Leurs partenaires, en dehors de quelques parenthèses enchantées dont la plus frappante est celle de la fin sont rattrapés par le poids de leur héritage familial et se soumettent à cette fatalité en mettant leur individualité de côté.

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Quand vient l'automne

Publié le par Rosalie210

François Ozon (2024)

Quand vient l'automne

Je ne suis pas une grande fan de Francois OZON, je le trouve inégal, parfois superficiel, inutilement tortueux, caricatural ou lourdement théâtral et référencé mais c'est un très bon directeur d'acteurs. Dans "Gouttes d'eau sur pierres brulantes" (2000) il a éclairé Bernard GIRAUDEAU sous un jour différent, mettant notamment en avant ses qualités de danseur, il a donné un rôle marquant à Charlotte RAMPLING dans "Sous le sable" (2000) en tenant tête aux producteurs qui la jugeaient trop âgée et dans "Ete 85" (2019) il a fait éclater le talent de Benjamin VOISIN. "Quand vient l'automne" met au premier plan deux actrices âgées et non retouchées, Josiane BALASKO et Helene VINCENT qui n'avait jamais obtenu jusqu'ici de premier rôle au cinéma ce qui m'a paru proprement incroyable. La sororité qu'entretiennent leurs personnages m'a un peu rappelé celle de "La Ceremonie" (1995) même si les héroïnes étaient beaucoup plus jeunes, le film de Francois OZON a d'ailleurs été qualifié de chabrolien. L'autre aspect du film que j'ai bien aimé et qui existait déjà dans "Une nouvelle amie" (2014) ou "Le Refuge" (2009) est celui de la réinvention des modèles familiaux hors des codes dominants de la société, y compris sur le plan moral. Michelle et Marie-Claude, deux vieilles dames a priori sans histoires traînent un passé de prostituées qui les poursuit et les condamne à la solitude. Michelle se rebelle avec les armes qu'elle possède contre cette opprobre qui l'ostracise. Elle fait corps avec son amie mais aussi avec le fils de celle-ci, un voyou qui sort tout juste de prison mais qui n'a pas renié sa mère. Quant je disais plus haut que Francois OZON était un bon directeur d'acteurs, on lui doit aussi d'avoir donné un rôle substantiel à Pierre LOTTIN à qui je l'espère on offrira les rôles qu'il mérite à l'avenir. Une relation filiale se noue donc entre Vincent et Michelle qui compense le violent rejet qu'elle subit de la part de sa fille, Valérie qui lui attribue son mal-être et l'empêche de voir son petit-fils (un rôle hélas caricatural offert à Ludivine SAGNIER qui empêche totalement le spectateur de s'intéresser à son sort). Francois OZON filme des plans émouvants de Michelle regardant tendrement Vincent jouer comme un enfant avec les objets de la chambre de son petit-fils ou Marie-Claude, pourtant terriblement renfrognée et "défaitiste" de son propre aveu esquisser un sourire en la regardant danser avec Vincent dans le bar qu'il vient d'ouvrir grâce à son aide financière (alors que Valérie attend juste que sa mère meure pour faire main-basse sur ses biens). Les liens affectifs qui se tissent entre ces trois marginaux et la façon dont Lucas, le petit-fils s'y épanouit peut être perçu comme quelque peu dérangeant, d'autant que comme toujours chez ce cinéaste, l'ensemble repose sur le non-dit et l'ambiguïté. Mais Francois OZON nous fait réfléchir sur le bien et le mal à la manière d'un Maupassant dans "Aux Champs" et j'aime beaucoup cette citation tirée du film "l’important n’est pas tant de faire le mal que d’avoir voulu faire le bien". Je dirai même que le plus important, c'est que ce qui ressort de ses actes génère du bien pour soi et autour de soi. Une cure "détox" radicale qui questionne les idées reçues.

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Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1992)

Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

"Twin Peaks : Les sept derniers jours de Laura Palmer" (1992) s'ouvre sur un plan hautement significatif: une télévision démolie à coups de hache. On est donc prévenus: David LYNCH reprend les commandes de l'univers "Twin Peaks" dont il s'était désinvesti au cours de la deuxième saison de la série et qui s'était arrêtée prématurément suite aux dures lois de la production télévisuelle. En revenant au format cinéma (Mark FROST co-créateur de la série est absent du film), il a décidé de "lâcher les chiens", en opérant un tournant radical vers la noirceur et le désespoir tout en conservant voire épaississant les mystères de la série. Mais ce qui pour moi fait la puissance du film réside dans le choix de le centrer sur la descente aux enfers de Laura Palmer en la suivant lors des jours précédant sa mort. Celle qui dans la série n'était qu'un fantôme (ou un personnage "jumeau" sans identité propre, Maddy) devient un être de chair et de sang, joué avec une stupéfiante intensité par Sheryl LEE qui fait passer par tout son être une souffrance déchirante. Conjuguée à la mise en scène angoissante de David LYNCH et au jeu flippant de Ray WISE, le père de Laura, le film se transforme en un cauchemar domestique pétri de sensorialité qui donne de la puissance à des réalités dérangeantes alors maintenues sous silence. Ou presque car il y avait eu un précédent: "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." (1981) dont la bande originale avait été composée par David BOWIE par ailleurs idole de Christiane qui va l'écouter en concert. Or David BOWIE fait une courte mais marquante apparition dans le film de David LYNCH dans le rôle surréel d'un agent du FBI vêtu de blanc qui surgit dans le dos d'un Dale Cooper (qui on le rappelle est lui revêtu d'un costume noir) dédoublé, tenant des propos obscurs avant de retourner dans son outre-monde. Mais plutôt que Dale (joué par un Kyle MacLACHLAN en retrait suite à son ressentiment vis à vis de l'abandon de Lynch sur la série), c'est une double vie que l'on suit, celle de Laura, un être clivé, lycéenne le jour à l'apparence bien sage et au quotidien stéréotypé (avec meilleure amie, boyfriends, participation à la vie de la communauté etc.) mais s'adonnant à la débauche la nuit, celle-ci n'étant qu'un moyen d'échapper à elle-même et à un enfer pire encore, celui de sa propre maison. Jamais l'expression "home, sweet home" de l'Americain way of life ne résonne plus ironiquement que dans ce film qui fait du foyer l'épicentre de la violence. Le film de David LYNCH lève le voile ou plutôt ouvre le rideau en 1992 sur ce que notre société ne commence à regarder en face qu'aujourd'hui: un "bon père de famille" au-dessus de tout soupçons, si prévenant avec sa femme qu'il lui apporte un verre de lait le soir pour qu'elle fasse un gros dodo pour pouvoir ensuite mieux manger leur enfant (Hitchcock quand tu nous tient). Et "Bob", ce visage du mal absolu qui hante "Twin Peaks" venu tout droit de la loge noire qui s'ouvre lorsque toute-puissance patriarcale et Titan mangeur d'enfants se rencontrent de prendre le caractère du déni, celui du violeur inconnu qui lorsqu'il se dissipe confine à l'horreur pure. Car le véritable interdit n'est pas de commettre l'inceste, l'interdit, c'est d'en parler. Silencio. Cela donne à toutes les scènes dans lesquelles Laura fait semblant de mener une vie normale au milieu de soi-disant proches qui en réalité ne connaissent que son image sociale un double fond: conversation futile en surface qui met en relief les gros plans sur la détresse palpable de son visage qui pense qu'aucun ange ne viendra sauver son âme en train de se consumer. A tort. Car le film de David Lynch donne une résonance extraordinaire aux âmes torturées du père et de la fille et les recueille avec une infinie compassion qui était déjà perceptible dans la série. Le final est ainsi bouleversant lorsque Laura, enfin en paix découvre qu'elle est un ange.

Présentation de cette critique sur Facebook:

Toujours plongée jusqu'au cou dans "Twin Peaks", j'ai regardé le film qui a suivi la fin de la série en 1992 (disponible en replay sur la 5) et dont je préfère le titre en VO ("Fire walk with me") qu'en VF ("Les 7 derniers jours de Laura Palmer"). Premier constat, le temps agit bien à reculons dans "Twin Peaks" puisque les événements racontés se situent avant ceux de la série. Mais il ne s'agit pas pour autant d'une simple préquelle. Les événements soumis à la temporalité linéaire de notre monde sont sans cesse parasités par ceux de l'outre-monde, donnant lieu à des passages complètement dingues où des personnages et des entités de forme diverses (beaucoup issus de la série, certains nouveaux) apparaissent et disparaissent, brouillant les notions de passé, présent et futur. Le mot parasité convient d'autant mieux qu'il semble que l'électricité joue un rôle conducteur du passage entre les mondes via notamment l'ascenseur et la neige télévisuelle. Mais en même temps, les codes sont différents de ceux de la série: Mark Frost, son co-créateur est absent du film et la hache qui s'abat d'entrée sur la tv indique que narration et mise en scène obéiront à d'autres lois. Exit donc le cocon télévisuel qui amortissait les chocs, place à un véritable récit d'épouvante, celui de la descente aux enfers de Laura jusqu'à son assassinat faisant la jonction avec la série, dont on retrouve une partie des personnages et acteurs à l'exception notable de Lara Flynn Boyle dans le rôle de Donna, la meilleure "school friend" de Laura (je préfère ce terme à "meilleure amie" car Laura ne peut parler à personne de la réalité de sa vie ce qui créé d'ailleurs un décalage glaçant entre la futilité de façade et l'horreur sous-jacente). La sensorialité du film, sa radicalité et sa frontalité jettent une lumière crue sur le tu (j'ai pensé à l'un des maîtres-mots du cinéma de Lynch, "Silencio"): l'enfer domestique du "home sweet home", celui que dénonçait autrefois Alice Miller dans "L'enfant sous terreur" et aujourd'hui Edouard Durand dans "Protéger la mère, c'est protéger l'enfant". Puisque passé, présent et futur se confondent si bien, j'ai vu au détour d'une scène le visage de Dominique Pélicot se greffer sur celui de Leland lorsqu'il donne un verre de lait à son épouse (une allusion à "Soupçons?") avant qu'il ne laisse "Bob", le démon intérieur qui l'habite se déchaîner sur Laura dont l'âme se consume chaque jour un peu plus (bouleversante Sheryl Lee). Le sauvetage d'âmes perdues par des anges rédempteurs qui était sous-entendu dans la série devient ici explicite mais promis "on ne parlera pas de Judy"...

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Chroniques de Téhéran (Ayeh haye zamini)

Publié le par Rosalie210

Ali Asgari, Alireza Khatami (2023)

Chroniques de Téhéran (Ayeh haye zamini)

Neuf courts-métrages réunis en un seul film dénoncent le totalitarisme du régime iranien dans les aspects les plus anodins de la vie quotidienne des citoyens. La forme même du long-métrage épouse les contraintes d'un tournage clandestin où comme chez Jafar PANAHI, il a fallu ruser avec le pouvoir. Il était plus facile d'éclater le projet d'ensemble en petits fragments indépendants avant de réunir les pièces du puzzle au montage. D'ailleurs, comme dans toutes les formes de résistance à l'oppression, ceux qui tournaient dans un segment ignoraient tout des autres et du projet final. Le résultat est édifiant. Suivant un dispositif toujours identique propre aux scènes d'interrogatoires, on voit se succéder des plans-séquence où la caméra fixe est placée du point de vue de l'autorité, la dérobant à notre regard au profit de la personne interrogée. Ce qui au départ relève d'un entretien d'embauche, d'un achat de vêtements ou d'une déclaration d'état civil se transforme en inquisition, la personne investie d'une autorité en abusant de façon systématique et remettant en cause les libertés les plus élémentaires de chaque individu comme celles touchant à l'apparence, à la tenue vestimentaire, aux fréquentations, au prénom ou à la possession d'un animal. Si le dispositif peut paraître répétitif, la tension qui résulte de ce qui s'apparente à une volonté d'emprise et d'humiliation sur autrui ne se dénoue pas toujours de la même manière. Les usagers pris au piège en sortent parfois résignés. Parfois ils mentent, fuient, résistent passivement (la fillette qui répète sa chorégraphie se laisser voiler pour un essayage puis enlève tout et continue comme si rien ne s'était passé) voire retournent les armes de leurs bourreaux contre eux. Ainsi cette élève qui tient sa directrice par la barbichette en ayant en sa possession un document compromettant permettant de la réduire au silence. Parfois aussi l'interrogatoire tourne à la farce comme ces flics qui essayent de refourguer un chien qui leur cassent les pieds à une dame à qui d'autres flics ont pris le sien. Un panorama varié d'un monde arbitraire où ne règnent que les rapports de force.

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Je suis toujours là (Ainda Estou Aqui)

Publié le par Rosalie210

Walter Salles (2025)

Je suis toujours là (Ainda Estou Aqui)

Ce film qui m'en en rappelé d'autres par son sujet ("They Shot the Piano Player" (2022) pour l'Argentine, "Missing/Porte disparu" (1982) pour le Chili ou même la pièce de théâtre "L'Atelier" de Jean-Claude GRUMBERG dans laquelle un personnage reçoit quelques années après la guerre un acte de décès de son mari mentionnant qu'il est "mort à Drancy") est comme une flamme qui s'éteint. Bien que le réalisateur nous fasse ressentir dès la première image la menace que représente la dictature brésilienne, celle-ci paraît durant un certain temps lointaine pour la famille Paiva dont on découvre le quotidien joyeux et insouciant. Leur maison lumineuse, joyeuse, traversée en tous sens par les cinq enfants toujours en mouvement est le théâtre d'une effervescence artistique permanente (par le cinéma, la danse, la photo) et donne directement sur la plage de Copacabana. C'est la période hippie et l'aînée des enfants ressemble à n'importe quel jeune étudiante américaine ou européenne de ces années-là, écoutant la même musique, fréquentant les mêmes chevelus et fumant les mêmes joints. Mais le contrôle musclé qu'ils subissent en traversant un tunnel en voiture a valeur d'avertissement, pour eux comme pour le spectateur: il y a bien une épée de Damoclès qui pèse sur eux. Le régime est sur les dents. En dépit de son apparence inoffensive, Rubens Paiva, le père est dans la ligne de mire du régime en tant qu'ex-député travailliste aux opinions de gauche soutenant les persécutés du régime. Dès que la maison est investie par les hommes du régime et que Rubens est enlevé ainsi que durant quelques jours sa femme et l'une de ses filles, temps et mouvement s'arrêtent, portes et fenêtres se ferment, tout n'est plus que pénombre, silence et fixité, bref la vie est brisée et rien ne sera plus jamais comme avant. Mais un deuxième film commence avec le combat d'Eunice, l'épouse rescapée de Rubens pour connaître la vérité mais aussi pour prendre sa relève et assurer la subsistance de sa famille. Ce deuil d'une vie révolue à laquelle il faut s'arracher est admirablement décrit de même que le courage de cette femme pour se réinventer à 48 ans. Fernanda TORRES a remporté à juste titre un golden globe pour ce rôle qu'elle interprète sur plusieurs décennies. Walter SALLES veut rendre compte des évolutions du Brésil, un peu comme l'a fait Florian HENCKEL von DONNERSMARCK dans "La Vie des autres" (2006) mais il a du mal à trouver des idées sur la fin. Cependant cela n'enlève rien à la force d'évocation de ce film inspiré d'une histoire vraie comme il y en eu tant au Brésil dans ces années-là.

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Decision to Leave (Heeojil gyeolsim)

Publié le par Rosalie210

Park Chan-Wook (2020)

Decision to Leave (Heeojil gyeolsim)

Une belle mise en scène au service d'un scénario inutilement alambiqué, voilà comment je résumerais mon impression devant "Decision to leave". A force de mettre en avant des effets, des rebondissements, de sauter d'une image à l'autre plus vite que l'éclair, il ne reste pas beaucoup d'espace pour laisser respirer les personnages. Des personnages que j'ai surtout vus comme des pions de l'intrigue. "Suis moi je te fuis, fuis moi je te suis" et "je t'aime moi non plus" ça va cinq minutes. Le début montre de belle manière (parce que la manière, il l'a PARK Chan-wook) le vertige qui saisit le flic insomniaque (PARK Hae-il) à la vue de la très jeune veuve chinoise soupçonnée d'avoir tuée son mari (Tang WEI que l'on connaît notamment pour son rôle dans "Lust, Caution" (2007) de Ang LEE). La façon dont l'enquête judiciaire et notamment sa surveillance rapprochée lui permet de fantasmer sur elle et de se rincer l'oeil (clin d'oeil à "Fenetre sur cour") (1954) donne lieu à des scènes presque amusantes alors que tout montre qu'il s'ennuie profondément avec son épouse qu'il ne voit que le week-end et que cette obsession remplit le vide de sa vie. Sauf qu'elle le déstabilise et l'empêche de faire correctement son travail. Du moins momentanément. Vient le temps de la désillusion qui rappelle le parcours de Scottie, le policier de "Vertigo" (1958), lui aussi sujet au vertige et aux obsessions. Mais sous prétexte de brouiller les pistes, le personnage féminin devient illisible, victime d'un homme possessif et violent, traumatisée par ses conditions d'immigration mais en même temps manipulatrice, meurtrière, croqueuse d'hommes, puis désespérée de ne pas parvenir à éteindre le ressentiment du flic dont la fierté à été mise à mal. Flic sur lequel elle fantasme elle aussi bien plus qu'elle ne le connaît. Au point de se sacrifier, histoire de charger encore plus une barque déjà bien remplie? PARK Chan-wook souffle le chaud et le froid de façon un peu trop ostensible et autant l'hommage à Alfred HITCHCOCK m'a paru plutôt réussi, autant celui à "Mort a Venise" (1971) de Luchino VISCONTI m'a paru à côté de la plaque tant le film, très cérébral et soucieux d'en mettre plein la vue manque d'émotions.

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Juré no 2 (Juror #2)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (2024)

Juré no 2 (Juror #2)

Présenté comme le dernier film de Clint EASTWOOD, "Juré n°2" est un film de procès certes de facture classique mais doublé d'un thriller à twists scénaristiques qui tient en haleine. L'habileté du scénario fait que le vérité se dérobe constamment au spectateur. En effet le meurtre n'est jamais montré et jusqu'à la dernière image, plusieurs hypothèses crédibles tiennent la corde. Si le film adopte la subjectivité de Justin Kemp, le juré n°2 (Nicholas HOULT) qui est persuadé d'être coupable, il est tellement hanté par un passé qui semble le poursuivre comme une fatalité qu'on ne peut pas tout à fait prendre ses croyances pour argent comptant. Par ailleurs le comportement peu rassurant de l'accusé, James Michael Sythe (Gabriel BASSO) qui lui aussi traîne un lourd passé ne permet pas de le mettre complètement hors de cause. Enfin l'hypothèse d'un accident n'impliquant aucun tiers ne peut pas non plus être complètement exclue. Néanmoins, le film n'est pas sans défauts. N'ayant pas vu "Le Septieme jure" (1961) dont il s'inspire, je ne peux dire si l'emprunt est habile. En revanche, celui qui concerne "Douze hommes en colere" (1957) apparaît bien lourd et artificiel d'autant que ce qui est une véritable dramaturgie au service d'un discours humaniste dans le film de Sidney LUMET n'est qu'un passage obligé dans le film de Clint EASTWOOD qui interroge quant à lui les rapports entre justice et vérité. Sur les tourments du pauvre Justin, le scénariste en rajoute, le mettant sous pression à chaque fois qu'il est sur le point d'être père et le mettant toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Il y a des poissards mais quand même! L'interprétation est inégale. J'ai eu beaucoup de plaisir à revoir Toni COLLETTE dans le rôle d'une avocate générale ambitieuse mais intègre et même JK SIMMONS dans un rôle autrement plus sympathique que dans "Whiplash" (2014). Mais j'ai trouvé Nicholas HOULT trop lisse, trop mécanique à l'image de son foyer aseptisé alors qu'une bonne partie du film repose sur ses épaules.

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Les Misérables

Publié le par Rosalie210

Tom Shankland (2018)

Les Misérables

Arte propose depuis quelques semaines l'adaptation du roman de Victor Hugo "Les Misérables" par la BBC en 2018 sous la forme d'une mini-série de 8 épisodes d'environ 45 minutes. Encore une adaptation pense-t-on mais sans être révolutionnaire, celle-ci comporte quelques atouts dans sa manche:

- Il s'agit d'un retour certes classique mais puriste au roman de Victor Hugo selon la volonté du scénariste, Andrew DAVIES, spécialiste des adaptations littéraires. Exit donc la comédie musicale qui avait rendu le sens de cette oeuvre opaque. Même si la mini-série comporte quelques raccourcis maladroits (par exemple l'évolution de la relation entre Fantine et Valjean n'apparaît pas très naturelle), les personnages sont plus développés que d'ordinaire ce qui permet de mieux les cerner. Leur destin tragique apparaît lié à l'enfermement dans un comportement déconnecté du réel. Par exemple la naïveté de Fantine qui semble ne rien comprendre au fonctionnement de la société, l'aveuglement idéologique de M. Gillenormand qui le tue à petit feu en le coupant de son petit-fils ou la quête obsessionnelle de Javert qui finit par être le seul à continuer à traquer Valjean tandis que le reste de la police est passé à autre chose en même temps que le changement d'époque. Même Jean Valjean qui apparaît comme particulièrement tourmenté ne semble jamais s'être complètement échappé du bagne de Toulon et Cosette doit lutter pour ne pas se faire enfermer elle aussi. Par ailleurs les trajectoires de déchéance comme de rédemption sont développées et poussées à l'extrême. La série s'ouvre sur Thénardier à Waterloo avant que son espace ne cesse de se rétrécir jusqu'au trou à rats. Plus rare, la série suit la Thénardier jusqu'au bout de sa chute tandis que l'épisode souvent passé à la trappe de la liaison de Fantine avec Tholomyès met bien en valeur son décalage par rapport au reste du groupe, homme bourgeois comme femmes ouvrières, tous parfaitement conscients du jeu qu'ils sont en train de jouer. De plus, cette idylle, idéalisée par Fantine rend encore plus cruelle la descente aux enfers qui l'attend.

- Autre qualité de la mini-série, celle d'avoir subtilement modernisé le roman. La guerre des classes dont "Les Misérables" se fait l'écho fait penser aux affrontements d'aujourd'hui entre manifestants et forces de l'ordre. La relation entre Tholomyès et Fantine rappelle un peu "Anora" (2024). Enfin, sans le souligner excessivement, la mini-série donne à voir une société multi-ethnique à l'anglo-saxonne. Javert et Thénardier sont interprétés par des acteurs ayant des origines africaines et indo-pakistanaise (David OYELOWO et Adeel AKHTAR) et les enfants Thénardier sont par conséquent tous trois métis, me rappelant le roman de Elisabeth George, "Anatomie d'un crime" sur le déterminisme social au travers du portrait d'une fratrie londonienne métissée qui ne trouve pas sa place dans la société. Comme dans d'autres adaptations, Cosette joue un rôle beaucoup plus actif que dans le roman, reflet du statut infériorisé des femmes de cette époque.

- Pour finir, l'interprétation est de qualité. On soulignera notamment la performance de Dominic WEST qui est très convaincant dans le rôle de Jean Valjean, Lily COLLINS véritable petit oiseau tombé du nid dans le rôle de Fantine ou Olivia COLMAN, odieuse à souhait dans le rôle de la mère Thénardier. En prime, Derek JACOBI joue le rôle de Monseigneur Myriel.

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Mémoires d'un escargot (Memoir of a Snail)

Publié le par Rosalie210

Adam Elliot (2025)

Mémoires d'un escargot (Memoir of a Snail)

Aussi rare que Thomas CAILLEY, Leos CARAX ou Victor ERICE, l'australien Adam ELLIOT n'a réalisé que deux films en 16 ans: "Mary et Max" (2008) et "Mémoires d'un escargot" (2024) qui est sorti mercredi 15 janvier. Tous deux récompensés du Cristal du long-métrage à Annecy, ce sont des films utilisant la technique de la stop-motion pour animer la pâte à modeler mettant en scène des personnages au physique ingrat, au fonctionnement différent, marginalisés, isolés du monde. D'ailleurs la part d'autobiographie est explicite dans "Mémoires d'un escargot" puisque l'héroïne, Grace veut devenir réalisatrice de films d'animation en stop-motion. Le père et le frère de Grace ont également hérité d'éléments de la vie du réalisateur ou de sa propre famille. L'escargot qui est la passion de Grace au point de devenir son confident est une métaphore de son introversion et de sa peur du monde, comme ses kilos en trop ou l'accumulation d'objets relatifs à sa passion dans sa maison. Le trop-plein est aussi une métaphore de son vide affectif. Grace devient orpheline très jeune et est séparée de son frère jumeau, Gilbert, à peine moins bizarre qu'elle qui est confié à une autre famille d'accueil, encore pire que celle de Grace qui la laisse livrée à elle-même. Seule la correspondance avec son frère (qui rappelle celle entre Mary et Max qui étaient éloignés géographiquement) et la rencontre avec une vieille dame excentrique, Pinky sortent Grace de son abattement. Cette amitié m'a fait penser à "Harold et Maude" (1971) d'autant que Pinky est aussi haute en couleurs que Grace est pâle et triste, un peu dans le style "femme-patate" de la dernière période de vie de Agnes VARDA. Pinky va aider Grace à embrasser la vie (c'est bateau mais bon, évidemment, il s'agit de "sortir de sa coquille") et Grace va aider Pinky à finir ses jours paisiblement. Dès le générique qui m'a fait penser à celui de "Delicatessen" (1990), on sent qu'on entre dans une antre artisanale très intime où l'âpreté est constamment contrebalancée par une tendresse, une poésie et un humour qui m'ont rappelé les meilleurs films de Albert DUPONTEL (genre "9 mois ferme") (2012) et cette impression se poursuit tout au long du film.

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