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Articles avec #drame tag

Pentagon Papers (The Post)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2017)

Pentagon Papers (The Post)

Lors du ciné-club accompagnant la projection de "West Side Story" (1960) à la Cinémathèque, le remake réalisé par Steven SPIELBERG en 2019 a été évoqué. Frederic BONNAUD qui prétend ne pas l'avoir vu a dit que Steven SPIELBERG aimait bien comprendre de l'intérieur le fonctionnement des films ce que l'on ressent particulièrement bien sur "Ready Player One" (2018) qui nous projette à l'intérieur de "Shining" (1980). Je pense que c'est une démarche assez similaire qui l'a conduit à réaliser "Pentagon Papers" qui se pose en digne héritier de "Les Hommes du President" (1976), même si les faits décrits se déroulent un an avant. Même époque, même journal, un scandale d'État impliquant l'administration américaine, un bras de fer entre le président Nixon et la presse d'investigation. Les similitudes sautent aux yeux et en citant directement le film de Alan J. PAKULA dans les dernières minutes jusqu'à reprendre les mêmes cadrages, Spielberg ne cache pas ce qu'il doit au film de Alan J. PAKULA. Mais il choisit un traitement différent.

Le film de Alan J. PAKULA était contemporain de son sujet, qu'il traitait en quelque sorte "à chaud" en détaillant avec réalisme et souci du détail les méthodes de travail des journalistes d'investigation. Celui de Spielberg, réalisé plus de 40 ans après est une oeuvre historique qui raconte la genèse du Washington Post comme contre-pouvoir en mettant l'accent sur le rôle pionnier du rédacteur en chef, Ben Bradlee (joué par Jason ROBARDS dans le film de Alan J. PAKULA et par Tom HANKS dans celui de Steven SPIELBERG) et surtout sur la prise de risque considérable de la propriétaire du Washington Post, Katharine Graham surnommée "Kay" (jouée par Meryl STREEP). La grande Histoire, écrite par des vainqueurs dont on ne connaît que trop le profil a effacé les femmes comme elle a invisibilisé les minorités. "Pentagon Papers" remet les pendules à l'heure avec le portrait magistral de cette "fille de" et "épouse de", programmée pour remplir un rôle décoratif et cirer les pompes des puissants et que les circonstances vont pousser à prendre les rênes. Le plan où suite à la victoire de la presse à la Cour Suprême, Kay descend l'escalier sous les applaudissements nourris d'un public exclusivement féminin contraste avec le reste du film où elle apparaît systématiquement isolée dans un monde phallocrate qui lui conteste sa place. Kay comme la plupart des femmes a d'ailleurs intégré ce paramètre dans son logiciel et semble toujours douter de sa légitimité. C'est bien entendu tout l'enjeu du film et Spielberg n'hésite pas à mettre dans la bouche de la femme de Ben Bradlee, une ménagère effacée conforme aux standards de l'époque les mots qu'il pense et qui vont ouvrir les yeux à celui-ci: "Kay est à un poste qu'elle ne pensait jamais occuper. Plein de gens pensent qu'elle ne devrait pas l'occuper. Quand on te dit sans cesse que tu n'es pas à la hauteur, que ton opinion compte moins, quand tu es transparente, qu'à leurs yeux, tu n'existes pas, que tu vis ça depuis toujours, c'est dur de ne pas penser que c'est vrai. Alors prendre cette décision, risquer sa fortune et l'entreprise à laquelle elle a consacré sa vie, je trouve ça courageux."

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Je veux vivre ! (I Want to Live !)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1958)

Je veux vivre ! (I Want to Live !)

"Je veux vivre" est un film terrible sur la peine de mort aux USA qui démontre une fois encore le regard critique et humaniste de Robert WISE. Comment a-t-on pu dire qu'il n'y avait pas de liens entre ses films? Je lui trouve d'évidentes affinités avec "Nous avons gagne ce soir" (1948): une "misfit" se débattant au coeur d'un système vicieux l'ayant prise au piège, quelques témoins compatissants et 35 minutes finales d'un suspense insoutenable dans le couloir de la mort confinant à la torture avec l'usage brillant du temps réel. On finit par oublier les casseroles que traîne Barbara Graham, sa vie chaotique (exposée au début du film avec de saisissants cadrages obliques sur fond de musique jazz) et se ficher de savoir ou non si elle est coupable du crime dont on l'accuse (apparemment l'affaire réelle qui a inspirée le récit n'était pas très claire). Après un procès biaisé et malhonnête, la manière dont les institutions américaines jouent avec sa vie en prolongeant son attente est révoltante et on se dit qu'aucun être humain, quoi qu'il ait fait ne mérite un tel traitement. Si Susan HAYWARD en fait trop dans son rôle de femme de mauvaise vie dans le premier tiers du film, son jeu devient de plus en plus dépouillé au fur et à mesure que l'échéance approche. Robert WISE montre les préparatifs de l'exécution avec une précision clinique glaçante. Le tribunal médiatique est présent à l'exécution, lui qui a tout fait pour enfoncer Barbara Graham dans l'opinion publique et influé sur la décision des jurés. Face à tant d'inhumanité et de voyeurisme sordide, le spectateur s'identifie au journaliste Ed Montgomery qui après avoir aboyé avec la meute, défend Barbara presque seul contre tous (le film est basé sur leur correspondance). Un loup solitaire que sa surdité place à l'écart de la foule et de ses pulsions les plus sombres.

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Annie Colère

Publié le par Rosalie210

Blandine Lenoir (2021)

Annie Colère

Les films sur la conquête du droit à l'avortement sont souvent casse-gueule car ils impliquent une reconstitution d'époque, des discours militants, des images d'archives et cela peut devenir très vite ultra pesant. Celui-ci qui se déroule à la veille de l'adoption de la loi Veil s'en sort haut la main en se focalisant sur le parcours émancipateur d'une ouvrière qui au contact du MLAC (mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception créé en 1973) prend confiance en elle et réinvente sa vie. Sans chercher à édulcorer la réalité de l'époque marquée par les ravages que faisaient les avortements clandestins et l'oppression patriarcale incarnée par les institutions, le film qui met l'accent sur l'entraide, le partage horizontal des savoirs, un accompagnement humain des actes médicaux est lumineux. Il évite également soigneusement tout manichéisme primaire. Le mouvement compte une majorité de femmes mais est également soutenu par plusieurs hommes, de jeunes médecins que l'on devine avoir hérité de l'esprit de mai 1968 ou de plus âgés ayant fait une prise de conscience. C'est donc tout un réseau de solidarité qui se forme auquel l'adoption de la loi ne met pas un point final. Avec intelligence, Blandine LENOIR montre qu'une prise en charge plus humaine des femmes dans la médecine obstétrique, d'une meilleure connaissance de son corps et d'une éducation à la sexualité digne de ce nom se pose toujours. Un bel hommage est rendu à Delphine SEYRIG dont on revoit le coup de gueule poussé lors d'un débat sur l'avortement en 1972. Côté interprétation, rien à dire, c'est du bon boulot. Laure CALAMY qui me tape si souvent sur les nerfs est ici parfaitement juste et les autres (Zita HANROT, India HAIR etc.) sont à l'unisson. On remarque également Rosemary STANDLEY issue du groupe Moriarty qui chante pour apaiser les femmes pendant les avortements qui ne sont jamais montrés comme des actes anodins tant ils touchent à l'intime.

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Conclave

Publié le par Rosalie210

Edward Berger (2024)

Conclave

"Conclave" ne m'attirait pas du tout. Je n'avais pas aimé "Habemus Papam" (2011), l'institution me donne plutôt envie de fuir et puis cette réunion en grande pompes et à huis-clos d'hommes puissants désignant le nouveau guide du monde (catholique) ça me rappelle trop "La conference" (2022) même si les objectifs ne sont évidemment pas les mêmes et que la soutane y remplace l'uniforme.

Cependant, les critiques ont été tellement bonnes et soutenues sur la durée que je me suis ravisée, d'autant que l'actualité s'y prête. J'ai bien fait. C'est en effet un excellent film. Pas seulement sur l'aspect thriller, magouilles et intrigues de couloirs. C'est bien mené, prenant, avec un vrai sens du rythme et du rebondissement mais finalement cela n'est guère surprenant. On se doute bien que l'élection du pape fait l'objet d'une "cuisine" interne opaque. Comme tout enjeu politique, il y a des clans, des alliances, des coups bas, des trahisons etc. La mise en scène du rituel de l'élection réglé dans ses moindres détails apporte un intérêt supplémentaire comme les procédures permettant au vote de se tenir à huis-clos, le vote en lui-même, la fameuse fumée noire ou blanche qui annonce au monde qu'un pape n'a pas ou a été élu etc. La magnificence du décor (rien de moins que la chapelle Sixtine) et des costumes ajoute à la solennité du moment.

Le supplément d'âme de Conclave se situe dans les interstices du récit, une marge qui vient bousculer le centre. Telles des ombres, les femmes, bannies du "saint des saints" comme elles le sont du clergé se retrouvent dans le rôle de bonniches à préparer les chambres et la cuisine pour tous ces messieurs. Elles sont invisibles et sans paroles. Il faut voir l'expression fugace qui traverse le visage de soeur Agnès (Isabella ROSSELLINI, quelle actrice!) quand le cardinal Benitez dans son discours pense à remercier les bonnes soeurs d'avoir préparé le repas. C'est aussi cette silhouette qui s'éclipse fugacement, ce plat qui tombe bruyamment au sol comme autant de dissonances qui rappellent leur présence. Au fil du récit, bien qu'étant toujours dans l'ombre, ces soeurs s'infiltrent de façon déterminante dans le déroulement des événements, au fur et à mesure que l'enquête du cardinal Lawrence (Ralph FIENNES, superbe d'ambiguïté) avance sur ses rivaux. Plus le film avance, plus le huis-clos se délite: des informations fuitent, des scellés sont brisés et puis surtout, il y a cette scène-clé belle et terrible dans laquelle la chapelle tremble sur ses bases puis sous l'effet d'une deuxième explosion voit l'une de ses fenêtres brisée, recouvrant de poussière et blessant légèrement les cardinaux comme pour leur rappeler que vouloir surplomber le monde est une chimère. En étant sensible comme je l'ai été à cette deuxième histoire s'inscrivant en arrière-plan de l'autre, la fin m'a paru logique et lumineuse, à l'image de son dernier plan:

"L'homme a ce choix, laisser entrer la lumière ou garder les volets fermés." (Henry Miller)

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Le Jour où la Terre s'arrêta... (The Day the Earth Stood Still)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1951)

Le Jour où la Terre s'arrêta... (The Day the Earth Stood Still)

Grand film de science-fiction réalisé dans le contexte de la guerre froide mais qui résonne toujours avec notre actualité plus conflictuelle et menaçante que jamais. Le minimalisme des effets spéciaux et des éléments extra-terrestres (formes épurées de couleur claire) sont à saluer car ils ne parasitent pas le propos du film avec des effets kitsch qui auraient mal vieillis. La science-fiction s'efface devant le vrai sujet du film qui est une critique de la société américaine et plus généralement des pays industrialisés utilisant les avancées technologiques pour se détruire mutuellement. Klaatu l'extra-terrestre est un nouveau messie (il se fait appeler "Carpenter" soit le métier du père de Jésus) ayant ce qui manque le plus aux humains, une hauteur de vue lui permettant de regarder avec mépris ceux-ci se perdre dans leurs querelles de puissance "enfantines". Il comprend également qu'il lui faut contourner ceux qui tiennent les rênes du pouvoir pour s'adresser aux catégories ayant le plus de chance d'écouter son message de paix et de changer le monde: femme, enfant, scientifique humaniste (dont les propos résonnent de façon troublante avec les attaques actuelles contre la science). Son bras droit armé, le robot Gort n'agit lui-même que pour neutraliser les armes et la violence. La démonstration de force que Klaatu impose à la terre ne vise pas à étaler sa puissance mais une fois encore, à ramener l'homme à sa juste place face aux forces de l'univers qui le dépassent. Face à eux, Robert WISE met en lumière comme dans "Nous avons gagne ce soir" (1948) grâce notamment à son talent de monteur les pulsions primitives des foules et la stupidité du mâle américain se sentant menacé dans ses privilèges. Le tout est souligné par la musique du grand Bernard HERRMANN qui n'avait pas encore acquis la renommée que lui vaudra sa collaboration avec Alfred HITCHCOCK. Comme le souligne la Cinémathèque qui lui consacre une rétrospective, il y avait bien "une âme dans la machine": autrement dit Robert WISE n'était pas qu'un technicien doué mais manifestait dans ses films une véritable indépendance d'esprit.

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La chambre de Mariana

Publié le par Rosalie210

Emmanuel Finkiel (2025)

La chambre de Mariana

Ayant entendu de bonnes critiques au sujet de "La chambre de Mariana", je suis allée le voir. Mais je n'ai pas du tout adhéré au film tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, je l'ai trouvé beaucoup trop long pour ce qu'il raconte, un défaut contemporain qui entraîne un délayage du récit qui plus est, malheureusement prévisible et un manque patent de rythme. Les souvenirs et "hallucinations" de Hugo qui viennent de temps à autre interrompre la monotonie de son existence de reclus ne lui donnent pas d'élan pour autant. Sur le fond, si Melanie THIERRY porte en grande partie le film sur les épaules (son engagement est à peu près la seule chose que je sauverai), son jeune partenaire n'est pas à la hauteur. On ne ressent pas le passage du temps et les transformations physiques et psychologiques de Hugo durant les trois années cruciales durant lesquelles il est caché par Mariana dans des conditions plus que précaires et qui correspondent à son entrée dans l'adolescence dans des conditions terribles: le froid, la faim, la peur, les visions d'horreur dont il est le témoin et le climat d'hypersexualisation dans lequel il grandit auraient dû bouleverser son apparence. Même après être sorti de sa cachette, Hugo continue à subir passivement les événements. Son apathie créé une distance qui fait obstacle à l'émotion. Mais l'aspect du film qui m'a le plus posé problème, c'est le climat incestueux qui y règne. La situation scabreuse dès le départ s'y prêtait mais l'attitude équivoque de Mariana vis à vis de son protégé la renforce, nous menant jusqu'à une fin suggestive qui n'est pas interrogée, dont les conséquences sur l'avenir de Hugo ne sont pas montrées (contrairement par exemple à "Fish tank" (2009) qui fait preuve d'une hauteur de vue que celui-ci n'a pas). Bref, durant tout le film, j'ai oscillé entre ennui et malaise. Un peu plus d'esprit critique, de sensibilité et un meilleur casting n'auraient pas fait de mal.

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Nous avons gagné ce soir (The Set-Up)

Publié le par Rosalie210

Robert Wise (1948)

Nous avons gagné ce soir (The Set-Up)

Vu dans le cadre de l'ouverture de la rétrospective consacrée à Robert WISE à la Cinémathèque, une démonstration magistrale de mise en scène qui tient le spectateur en haleine. Donnant l'impression d'être tourné en temps réel et faisant ainsi figure de premier chef d'oeuvre du genre avant des classiques comme "Le Train sifflera trois fois" (1951), ce film court mais dense contient en son sein une séquence d'anthologie, celle du combat de boxe opposant le vétéran Bill Thompson (Robert RYAN dont le passé de boxeur joue à plein dans la crédibilité qu'il donne à son personnage) au jeune Tiger Nelson (Hal FIEBERLING). Faisant démonstration de sa science du montage, Robert WISE alterne les plans larges et rapprochés du ring dans lequel Bill Thompson joue son honneur avec ceux d'une arène surchauffée par des spectateurs-voyeurs alléchés par l'odeur du sang, filmés au plus près et de plus en plus pris par le spectacle ce qui fait monter la mayonnaise avec une redoutable efficacité. Mais le prologue et l'épilogue ne sont pas en reste. Le prologue dans les vestiaires laissant la salle hors-champ a un très fort pouvoir de suggestion comme si Bill Thompson attendait son tour pour l'échafaud* puisqu'il est considéré comme fini et qu'il est trahi à son insu par son entraîneur qui fait un deal avec la mafia pour truquer le match et emporter la mise. L'épilogue est quant à lui est cruel et plein d'ironie: le pays de l'Oncle Sam vend du rêve (l'enseigne "Dreamland" accolée à la salle de boxe) mais est montré comme une jungle corrompue dans laquelle l'intégrité se paie au prix fort.

"Nous avons gagné ce soir" est donc l'un des meilleurs si ce n'est le meilleur film de boxe jamais réalisé. Il a inspiré Martin SCORSESE pour "Raging Bull" (1980) et à l'évidence Quentin TARANTINO pour le personnage de boxeur joué par Bruce WILLIS dans "Pulp Fiction" (1994). Il était temps que l'oeuvre de Robert WISE soit reconnue à sa juste valeur d'autant que de l'aveu même de la Cinémathèque, elle a été moins bien conservée que celle de réalisateurs plus prestigieux.

* L'errance nocturne et angoissée de l'épouse de Bill, jouée par Audrey TOTTER fait d'ailleurs penser au premier film de Louis MALLE qui s'intitule justement "Ascenseur pour l'echafaud" (1957).

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TKT (T'inquiète)

Publié le par Rosalie210

Solange Cicurel (2025)

TKT (T'inquiète)

Le cyberharcèlement scolaire est devenu un tel fléau de société qu'il envahit la sphère du cinéma et des séries. Ainsi "TKT" peut être vue comme une version belge de "Adolescence" (2025). En prime on y voit Emilie DEQUENNE dans son dernier rôle, celui de la mère d'Emma (Lanna de Palmaert), l'adolescente victime, le père étant joué par Stephane De GROODT. L'histoire est l'enquête du fantôme d'Emma, dans le coma après sa tentative de suicide. Comment en est-elle arrivée là? Déjà par son silence puisque face aux inquiétudes de ses parents, sa seule réponse est "t'inquiètes" (en abrégé, "TKT"). Ensuite par une série d'éléments pourtant futiles séparés les uns des autres (tenues vestimentaires inappropriées, tache sur le pantalon, vengeance du petit copain largué et d'une fille jalouse, agressivité par rapport aux remarques blessantes) qui finissent par former un engrenage qui la transforme en pestiférée.

Néanmoins il y a une différence fondamentale par rapport à "Adolescence". Cette dernière n'avait pas de visée pédagogique et s'est imposée après coup comme d'utilité publique. Alors que "TKT" est moins un film de cinéma qu'une opération de sensibilisation au phénomène du harcèlement conçue spécifiquement pour le milieu scolaire avec un didactisme trop appuyé. Didactisme qui l'emporte sur la mise en scène comme sur la construction des personnages, réduits à être le véhicule du discours. C'est pourquoi selon moi la série britannique de Philip BARANTINI ou encore "Amal, Un esprit libre" (2023) lui sont très supérieurs et peuvent être qualifiés d'oeuvres "coup de poing" ce qui n'est pas le cas de "TKT" même si l'on peut s'émouvoir du sort tragique de l'adolescente.

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Adolescence

Publié le par Rosalie210

Philip Barantini (2025)

Adolescence

C'est suffisamment rare pour être souligné mais si la mini-série "Adolescence" est un tel phénomène de société, elle le doit autant au fond qu'à la forme. Une fois de plus, les britanniques démontrent leur maestria en ce domaine. "Adolescence" fera date par ce qu'elle raconte mais aussi par la manière dont elle le raconte. Elle est le fruit d'une prouesse technique consistant à tourner chaque épisode de 45 minutes en un seul plan-séquence. Tout a été réglé en amont, lors de répétitions, le tournage s'effectuant en continu comme un ballet ou une pièce de théâtre chorégraphiée au millimètre. Ce dispositif, lorsqu'il est maîtrisé décuple la puissance du récit en plongeant le spectateur en immersion totale, comme le ferait un jeu vidéo. On pense à "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK, aux longues introductions de films comme celle de "La Soif du mal" (1957) ou celle de "Snake Eyes" (1998) avec des circonvolutions de caméra qui rappellent les travellings de "Shining" (1980). Mais la référence la plus évidente est "Elephant" (2003) qui traite d'un sujet proche de celui de "Adolescence" dont le deuxième épisode se déroule intégralement dans l'enceinte de l'école de Jamie. Car si le dispositif joue sur l'effet de temps réel, chaque épisode n'est qu'une fenêtre ouverte sur une histoire se déroulant sur plus d'une année: les ellipses, ce sont les intervalles qui séparent l'arrestation de Jamie de l'enquête dans son école puis de la rencontre avec la psychologue et enfin de l'anniversaire de son père (Stephen GRAHAM, co-auteur de la série).

Chaque épisode combine émotions et réflexions. Le premier suscite l'effroi, celui de voir un gosse traité selon une procédure criminelle conçue pour les adultes. Le second suscite le malaise en mettant en évidence la fracture générationnelle dans les familles et à l'école avec des adultes dépassés par des gamins sur lesquels ils n'ont pas de prise. Le troisième dévoile l'autre visage de Jamie et il faut souligner la performance de Owen Cooper qui parvient à rendre menaçant, voire terrifiant un ado de 13 ans au visage et à la voix encore enfantines. Le quatrième montre les conséquences sur sa famille, ni le père ni la mère n'étant accablés, autant pour échapper aux clichés que pour que chacun puisse d'identifier à eux. Aucune réponse toute faite aux actes de Jamie n'est donnée, c'est à chacun de se faire son opinion ce qui est d'une grande intelligence. Seules des pistes sont évoquées comme le cyberharcèlement ou le rôle toxique des masculinistes sur les réseaux sociaux dans la construction d'adolescents en quête de repères. Mais l'image la plus forte est celle du père de Jamie en larmes à la fin du quatrième épisode dont seule la peluche de Jamie est le témoin car "Boys don't cry" (1998).

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La Folie Almayer

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (2011)

La Folie Almayer

"La Folie Almayer", dernier long-métrage de fiction de Chantal AKERMAN est un incroyable trip hypnotique dans la jungle malaise tout en travellings et plans-séquence. Autrement dit soit on s'ennuie face à la lenteur contemplative des scènes, soit on adhère à la démarche qui s'avère être une invitation au voyage d'une sensorialité fascinante. En effet bien que l'histoire se déroule en Asie du sud-est, entre Malaisie et Indonésie, Nina (Aurora MARION) que l'on voit en gros plan dès le début du film ressemble à une tahitienne sortie d'un tableau de Gauguin. Adaptation du premier roman de Joseph Conrad paru en 1895 transposé dans les années cinquante, l'histoire raconte la déliquescence de la société coloniale dont les derniers rejetons se perdent dans les limbes. Almayer (Stanislas MERHAR) qui vit au bord d'une rivière au milieu de la jungle en quête d'une mine d'or imaginaire dépérit lentement mais sûrement. Sa fille métisse, Nina lui est enlevée sur décision du beau-père d'Almayer (Marc BARBE) pour être éduquée à l'occidentale dans un pensionnat-prison dont elle s'échappe quelques années plus tard. Déchirée entre ses deux cultures, l'occidentale qui lui est présentée comme supérieure mais qui la rejette et l'indigène méprisée par les blancs, elle se fuit perpétuellement. Peut-être cherche-elle également à fuir "la Folie Almayer", ce trou perdu où cohabitent sans se parler son père et sa mère, chacun essayant de se l'approprier. On pense à "Aguirre, la colere de Dieu" (1972) mais également à la plantation coloniale de "Apocalypse Now" (1976), moments suspendus cernés par l'enfer vert où la civilisation occidentale vient se perdre. J'ai également pensé à un film tourné bien après, "Pacifiction - Tourment sur les iles" (2021) en raison notamment de la troublante ressemblance (en dépit d'une différence de corpulence) entre Stanislas MERHAR et Benoit MAGIMEL, l'ambiance exotique, la lenteur, l'insularité (réelle ou imaginaire) d'un occidental vêtu de blanc perdu dans un monde qui n'est pas le sien.

Présentation

La Folie Almayer, Chantal Akerman, 2011

La rétrospective Chantal Akerman sur Arte étant sur le point de disparaître, j'ai regardé le dernier film de la série, "La Folie Almayer", son dernier long-métrage de fiction. J'en suis ressortie profondément troublée en me demandant pourquoi le cinéma de cette réalisatrice lorsqu'il travaille la durée me happe à ce point alors qu'il en révulse d'autres (si je me réfère aux réactions autour de "Jeanne Dielman"). "La Folie Almayer" est pourtant assez voisin de films contemplatifs qui m'avaient barbé, qu'ils soient tournés dans la jungle comme "Oncle Boomee" ou qu'ils confrontent un occidental en voie de déliquescence à un écosystème indigène impénétrable comme "Pacifiction, tourment sur les îles".

"La Folie Almayer", adaptation du roman de Joseph Conrad sur des occidentaux en proie à des chimères dans lesquels ils se perdent (dont un mirage aurifère qui n'est pas sans rappeler "Aguirre, la colère de Dieu", la mélancolie remplaçant la mégalomanie) est aussi une réflexion sur les tourments identitaires des enfants issus des rencontres asymétriques entre colonisateurs et colonisés. Nina qui a été élevée dans un pensionnat-prison religieux tout en étant ostracisée en tant que métisse m'a fait penser à la Mary-Jane du film de Douglas Sirk, "Mirage de la vie". L'enfermement des femmes dans un système aliénant dont elles cherchent à sortir par l'errance est sans doute l'une des raisons qui éveille mon intérêt par rapport aux films à la thématique voisine mais dépourvus de cette sensibilité.

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