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Adolescence

Publié le par Rosalie210

Philip Barantini (2025)

Adolescence

C'est suffisamment rare pour être souligné mais si la mini-série "Adolescence" est un tel phénomène de société, elle le doit autant au fond qu'à la forme. Une fois de plus, les britanniques démontrent leur maestria en ce domaine. "Adolescence" fera date par ce qu'elle raconte mais aussi par la manière dont elle le raconte. Elle est le fruit d'une prouesse technique consistant à tourner chaque épisode de 45 minutes en un seul plan-séquence. Tout a été réglé en amont, lors de répétitions, le tournage s'effectuant en continu comme un ballet ou une pièce de théâtre chorégraphiée au millimètre. Ce dispositif, lorsqu'il est maîtrisé décuple la puissance du récit en plongeant le spectateur en immersion totale, comme le ferait un jeu vidéo. On pense à "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK, aux longues introductions de films comme celle de "La Soif du mal" (1957) ou celle de "Snake Eyes" (1998) avec des circonvolutions de caméra qui rappellent les travellings de "Shining" (1980). Mais la référence la plus évidente est "Elephant" (2003) qui traite d'un sujet proche de celui de "Adolescence" dont le deuxième épisode se déroule intégralement dans l'enceinte de l'école de Jamie. Car si le dispositif joue sur l'effet de temps réel, chaque épisode n'est qu'une fenêtre ouverte sur une histoire se déroulant sur plus d'une année: les ellipses, ce sont les intervalles qui séparent l'arrestation de Jamie de l'enquête dans son école puis de la rencontre avec la psychologue et enfin de l'anniversaire de son père (Stephen GRAHAM, co-auteur de la série).

Chaque épisode combine émotions et réflexions. Le premier suscite l'effroi, celui de voir un gosse traité selon une procédure criminelle conçue pour les adultes. Le second suscite le malaise en mettant en évidence la fracture générationnelle dans les familles et à l'école avec des adultes dépassés par des gamins sur lesquels ils n'ont pas de prise. Le troisième dévoile l'autre visage de Jamie et il faut souligner la performance de Owen Cooper qui parvient à rendre menaçant, voire terrifiant un ado de 13 ans au visage et à la voix encore enfantines. Le quatrième montre les conséquences sur sa famille, ni le père ni la mère n'étant accablés, autant pour échapper aux clichés que pour que chacun puisse d'identifier à eux. Aucune réponse toute faite aux actes de Jamie n'est donnée, c'est à chacun de se faire son opinion ce qui est d'une grande intelligence. Seules des pistes sont évoquées comme le cyberharcèlement ou le rôle toxique des masculinistes sur les réseaux sociaux dans la construction d'adolescents en quête de repères. Mais l'image la plus forte est celle du père de Jamie en larmes à la fin du quatrième épisode dont seule la peluche de Jamie est le témoin car "Boys don't cry" (1998).

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Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street)

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2013)

Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street)

Il y a sept ans, j'ai reçu en cadeau un coffret de onze films de Martin SCORSESE. Et pourtant ce n'est qu'aujourd'hui que je regarde "Le Loup de Wall Street" (2013) et je n'ai pas encore vu les deux autres de la même eau qu'il a réalisé avant, "Les Affranchis" (1990) et "Casino" (1995). Ce n'est clairement pas ma came si j'ose dire, ce grand cirque hyperactif et hyper-testostéroné même si dans "Le Loup de Wall Street", l'addiction au fric, au sexe et aux drogues ne s'accompagne pas d'un bain de sang. On reste entre cols blancs aux mains bien sales quoique blanchies en Suisse (merci à notre acteur frenchie, Jean DUJARDIN).

L'immersion dans la fuite en avant complètement déjantée d'un escroc de la haute finance ne manque pas d'intérêt. Jordan Belfort représente une version dévoyée et grotesque de la réussite du self made man et Martin SCORSESE s'avère toujours aussi doué pour croquer le portrait de l'inconscient américain. La forme frénétique épouse le fond du personnage, un bonimenteur sans scrupules que ses capacités de persuasion mènent au sommet du succès avec tous ceux qui acceptent de le suivre dans son délire de toute-puissance sur fond de revanche sociale. Le portrait de cette Amérique-là est fort juste, on y trouve tout ce qui caractérise ses pires travers: l'individualisme exacerbé nourri de darwinisme social (derrière les histoires édifiantes de pauvres femmes sorties du ruisseau grâce à lui, la jouissance de pouvoir "entuber" les autres), le culte du dieu dollar (il faut voir avec quel mépris Jordan traite tous ceux qui ne croulent pas sous le fric), le mode de vie ostentatoire et vulgaire qui en résulte, l'inconscience des ravages causés par ses actes, les excès en tous genres qui rappellent notamment ceux du "Scarface" (1983) de Brian DE PALMA avec l'alcool coulant à flot sur les montagnes de coke et de cachets tandis que l'adrénaline accumulée est déchargée dans les orgies de sexe qui servent de substitut aux fusillades, les femmes, toutes vénales ou presque étant ravalées au rang d'objets sexuels interchangeables. Leonardo DiCAPRIO est phénoménal dans le rôle principal par son abattage avec quelques scènes d'anthologie comme celle du téléphone.

Néanmoins 3h d'un tel barnum, c'est trop. Au bout d'une heure on a bien compris à qui on avait affaire et la répétition ad nauseam de ce schéma nous mène à l'épuisement pour ne pas dire à l'écoeurement. Il y a un problème d'équilibre dans le film. Car certes, Martin SCORSESE nous ramène parfois dans le monde réel, au détour de quelques scènes qui sont de loin celles que j'ai trouvé les plus intéressantes: celle où Jordan avoue dans un rare moment d'introspection que le loup le dévore de l'intérieur, celle où il bat sa femme et tente d'embarquer de force sa petite fille complètement terrorisée, celle dans laquelle l'agent du FBI prend le métro et regarde (et la caméra avec lui) la misère qui l'environne, celle dans laquelle Jordan est condamné par la justice. Mais ces moments sont trop rares pour dissiper l'impression que le réalisateur s'est laissé happer dans le tourbillon de la fascination pour son personnage et qu'il a eu bien du mal à redescendre. Du loup au vampire il n'y a qu'un pas et Martin SCORSESE m'a paru un peu trop "mordu".

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Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"

Publié le par Rosalie210

Yves Boisset (1976)

Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"

Un film comme "Le Juge Fayard dit 'Le Sheriff'"(1976) qui s'inspire de l'assassinat du juge Renaud en 1975 frappe par ses similitudes avec le monde d'aujourd'hui. Certes, le contexte n'est pas le même mais les magistrats qui "remuent la merde" en enquêtant sur la corruption des hommes politiques et leur collusion avec la pègre (ou avec des dictatures peu recommandables mais pleines aux as) se heurtent aux mêmes accusations, intimidations et menaces. Ainsi, au fur et à mesure que le film se déroule, le juge Fayard remonte toute une filière dont la base est le gang des lyonnais et le sommet, des membres du gouvernement, du monde des affaires et de la magistrature avec comme intermédiaire le SAC, une police parallèle gaulliste occulte créée en 1959 dans le contexte de la guerre d'Algérie et que Yves BOISSET montre comme une machine à recycler truands et terroristes*. Il y est question de grosses sommes d'argent dérobées lors de braquages avant d'être blanchies en Suisse, d'évasions de gros bonnets, de taupes infiltrées dans tous les rouages de l'Etat, rendant celui-ci inefficace dans la traque des truands. Face à ce système sans doute très caricaturé (la facilité de l'évasion par exemple me laisse perplexe, de même que la façon de mettre dans le même "SAC" l'ensemble des élites du pouvoir et de l'argent), le juge Fayard apparaît comme un Don Quichotte des temps modernes, intègre et idéaliste et donc bien seul quoiqu'épaulé par un flic (Philippe LEOTARD) et discrètement un autre juge d'instruction, Jacques Steiner (joué par Jacques SPIESSER), lequel vient titiller le trop pusillanime procureur (Jean BOUISE). Quant à Fayard, il bénéficie de l'interprétation si singulière de Patrick DEWAERE qui donnait à tous ses rôles un supplément d'âme.

* La mention de l'organisation a d'ailleurs été censurée dans le film de sa sortie en 1977 jusqu'à la dissolution du SAC après l'élection de François Mitterrand.

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Betty Fisher et autres histoires

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (2001)

Betty Fisher et autres histoires

Claude MILLER nous gratifie d'un scénario palpitant et d'une mise en scène au cordeau autour d'un chassé-croisé de personnages et d'histoires à la manière de "Jackie Brown" (1997) de Quentin TARANTINO ou de "Short Cuts" (1993) de Robert ALTMAN. Les invraisemblances sont énormes mais on en redemande car Claude MILLER nous sert de grosses tranches de gâteau. Et puis ce qui compte vraiment, par-delà le plaisir de suivre une intrigue bien ficelée, c'est l'enjeu psychologique autour de la maternité. Les trois femmes au coeur de l'histoire n'ont pas plus l'instinct maternel chevillé au corps que le sens de la famille ou une identité et une place claire. Betty (Sandrine KIBERLAIN) qui s'appelle en réalité Brigitte est une auteure à succès et une maman solo qui entretient des rapports distants à son père et à sa mère Margot (Nicole GARCIA). Présentée comme atteinte de troubles mentaux, celle-ci se comporte en petite fille égoïste qui réclame une attention permanente, inversant les rôles et parasitant celle que Betty accorde à son petit garçon, Joseph. Pourtant quand celui-ci disparaît, plongeant Betty dans le désespoir, elle réagit d'une drôle de manière en enlevant dans une cité l'enfant d'une autre maman solo, Carole (Mathilde SEIGNER), serveuse volage qui semble plutôt soulagée d'être délivrée de ce fardeau. Là-dessus se greffent les différents conjoints, amants, amoureux, mac, flics etc. dans une ronde étourdissante qui ne fait pas oublier l'essentiel: la naissance d'un lien filial véritable entre une femme et un enfant, lien qui répare ceux qui ont été brisés, abîmés, jamais créés. Claude MILLER met le romanesque le plus échevelé au service de sentiments vrais (le cri du coeur de Betty lorsqu'elle reconnaît José comme son fils "c'est mon petit garçon") dans une démarche qui rappelle celle de "Mortelle randonnee" (1982) .

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Ecoute le temps (Fissures)

Publié le par Rosalie210

Alanté Kavaïté (2007)

Ecoute le temps (Fissures)

Le "Blow Out" (1981) du pauvre ai-je pensé devant ce film fantastique dans lequel le personnage joué par Emilie DEQUENNE qui est ingénieure du son mais possède un matériel rudimentaire a recours à la magie pour enquêter sur l'assassinat de sa mère. Elle enregistre les dialogues du passé directement dans les fissures des murs de la maison où sa mère a été assassinée en accomplissant des gestes ésotériques censés permettre de déterminer où ces conversations ont eu lieu. Pour tenter de faire croire à cette magie, les craquements cèdent la place à une désagrégation de la maison à la fin du film lorsqu'elle coupe les cordes qu'elle a tendu d'un mur à l'autre et les flashbacks montrent que la mère (Ludmila MIKAEL) avait un troisième oeil lui ayant permis de connaître des secrets gênants. Tout cela est conceptuel, confus, lent, plat et ressemble à une mauvaise blague. Le scénario anémique est truffé d'incohérences. La voisine hostile retourne ensuite complètement sa veste pour dédouaner son fils comme si elle ne comprenait qu'à la fin du film que les assiduités de celui-ci auprès de la mère de Charlotte pouvaient le faire suspecter. Le chevreuil renversé dans l'introduction du film est ensuite évoqué comme étant un cerf. Charlotte est censé travailler dans le documentaire animalier mais elle fait du Haroun TAZIEFF (après tout les bruits de la vie et ceux de la terre, c'est pareil) avant de s'improviser enquêtrice à la place de la police grâce à ses super-pouvoirs, un enterrement sauvage de déchets polluants suffit à rendre un verre d'eau mortel etc. En prime, les personnages, plus sinistres les uns que les autres ne dégagent aucune émotion.

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Twin Peaks: The Return

Publié le par Rosalie210

David Lynch et Mark Frost (2017)

Twin Peaks: The Return

La troisième saison de "Twin Peaks" a été entièrement écrite et réalisée par David Lynch et Mark Frost qui ont reçu carte blanche de leur chaîne de diffusion. Alors qu'ils avaient dû ruser et parfois plier devant les exigences du public et du diffuseur au cours de la deuxième saison, ils ont pu, 26 ans après, contrôler la totalité de leur création et ne plus faire de compromis. Résultat, "The Return" est moins une série qu'un film expérimental de dix-huit heures dont la radicalité explose tous les codes vus jusque là. Pour l'apprécier, il faut accepter de ne pas tout comprendre, accepter qu'il n'y ait pas qu'une seule vérité à l'image de la multiplicité de réalités dans lesquelles David Lynch nous plonge pour mieux nous perdre.

Néanmoins, l'ADN originel de la série n'a pas été oublié, bien au contraire. Simplement, Lynch et Frost n'en ont gardé que le meilleur. Exit par exemple les intrigues de soap opera qui au pire de la deuxième saison prenaient le dessus sur tout le reste (qui se souvient de l'insignifiant personnage joué par Billy Zane par exemple?). En revanche le mélange des genres est plus que jamais présent dans cette saison foisonnante aux multiples ramifications, bousculant la chronologie et élargissant le cadre. Tout se passe comme si Lynch et Frost avaient pris au pied de la lettre l'expression "usine à rêves" utilisée pour qualifier Hollywood tout en lui ajoutant la dimension cauchemardesque qui lui manquait pour lui donner une dimension holistique. "The Return" fonctionne ainsi comme une machine à produire des récits puisant dans tous les genres hollywoodiens: polar, thriller, film de gangsters, road movie, comédie loufoque, burlesque, musical, fantastique, science-fiction etc. Sauf que tous ces récits semblent avoir été dictés par un inconscient tournant à plein régime: inconscient individuel et inconscient collectif. Beaucoup d'éléments de la culture américaine sont ainsi "retournés" comme s'ils avaient une face B. Je pense par exemple au maïs, symbole de vie et de fertilité qui devient un symbole de mort dans Twin Peaks, notamment parce que les esprits maléfiques se nourrissent du malheur humain qui se matérialise sous forme de maïs à la crème (le Garmonbozia). On peut en dire autant du film de Don Siegel, "Invasion of the body snatchers" qui en 1956 exprimait la paranoïa de la contagion du communisme sous la forme d'un "grand remplacement" de la population américaine à l'échelle d'une ville par des clones sans âme. Les codes du film sont repris quasiment à l'identique dans l'épisode 8 de "Twin Peaks" qui se déroule en partie en 1956, à ceci près que la contagion de la population par le mal provient des radiations nucléaires produites par les américains eux-mêmes. L'American way of life, déjà bien déconstruit dans les deux premières saisons prend des allures de cauchemar post-crise des subprimes avec des quartiers périurbains fantômes. Cela va de pair avec un "let's go home" qui résonne d'autant plus ironiquement qu'il n'y a jamais eu autant de SDF et de mal-logés que dans la série de 2017.

Néanmoins le rêve ne dérive pas toujours vers le cauchemar et parfois la face B devient une face A. Sinon "The Return" serait juste un trip glauque et froid, dénué d'humanité. Or c'est l'humanité dans toute sa complexité que cherchent à approcher Lynch et Frost. La saison 3 nous fait donc passer par toutes les émotions. Même si la ville de Twin Peaks n'est plus le cadre unique du récit, elle reste un lieu essentiel qui fonctionne comme un repère réconfortant pour le spectateur, ravi de retrouver la majorité du casting d'origine dans des lieux familiers tels que le double R, le bureau du Shérif, l'hôtel du grand nord ou le Bang Bang Bar (connu aussi sous le nom de Roadhouse) qui devient une salle de concert à la fin de la majeure partie des épisodes. Le retour 26 ans après de la plupart des acteurs de la série originale est d'autant plus émouvant que certains d'entre eux étaient malades et sont décédés après avoir tourné leurs scènes. Et les personnages de ceux qui étaient décédés avant et qui ont une importance dans le récit reviennent sous d'autres formes.

Mais surtout, "The Return" est un formidable tour de force pour Kyle MacLachlan qui interprète pas moins de quatre personnages, comme autant de facettes d'une même personnalité et au-delà, des contradictions humaines. Il y a d'abord le héros chevaleresque, romantique et mystique des deux premières saisons qui se retrouve prisonnier de la loge noire à la fin de la saison 2. Le spectateur attend son retour. Or cette attente ne cesse d'être déçue par Lynch. En lieu et place du Cooper que l'on croît connaître, on suit le parcours de ses doubles. Celui de "M. C", son double maléfique possédé par "Bob" qui sème la mort et le malheur sur son passage représente toutes les pulsions sombres que le "chevalier blanc" a refoulé, générant une personnalité clivée/dissociée assez typique des sociétés puritaines. Lynch ne cesse d'enfoncer son anti-héros dans les ténèbres avec quelques coups d'éclat "tarantinesques" (la présence parmi ses sbires d'un couple joué par Tim Roth et Jennifer Jason Leigh n'y est pas pour rien). A l'inverse, lorsque le bon Cooper tente de revenir sur terre, il se retrouve enfermé dans l'identité et dans la vie so "american way of life" de Dougie Jones. Car mener une vie conformiste était l'un des désirs de l'agent du FBI. A ceci près que le Dougie Jones "bon citoyen et bon père de famille" mène en réalité une double vie peu glorieuse (dettes de jeu, fréquentation de prostituées...) et que le choc électrique du retour (l'électricité, fil conducteur du passage entre les mondes) ramène Cooper au stade de légume ou de bébé privé de toute autonomie, de façon assez similaire à ce qui arrivait à Léo dans la saison 2. Ce nouvel anti-héros génère une série de situations burlesques et son parcours de "Candide à Sin City" finit par ressembler à une fable à la Frank Capra dans laquelle il réenchante le monde (je suis prête à parier que la clocharde qui devient milliardaire grâce à lui sort tout droit du "Lady for a day" ou de son remake, d'autant que l'histoire repose quand même sur une illusion). Un autre clivage se fait alors jour au sein de Dale Cooper: entre l'homme ordinaire, sans histoires et l'aventurier qui croit pouvoir empiéter sur le terrain des dieux. C'est ce dernier qui prend le pouvoir dans les derniers épisodes. Il veut profiter des pouvoirs surnaturels qu'il a acquis pour remonter le temps, changer l'histoire, effacer le péché originel de la saga et "rentrer à la maison", enfin réunifié. Mais la trilogie de Robert Zemeckis l'avait déjà démontré: on ne joue pas impunément avec les forces qui nous dépassent. Surtout quand ces forces sont mues par l'énergie nucléaire. L'odyssée de ce Cooper là qui semble s'appeler Richard, sous le signe de "Judy" (le mal absolu?) ne le ramènera jamais à Ithaque. Il l'enfermera dans une boucle. Une boucle en forme de 8 (comme le huitième épisode, celui de l'explosion nucléaire aux conséquences incalculables) qui pourra tourner indéfiniment.

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Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1992)

Twin Peaks: Les sept derniers jours de Laura Palmer (Twin Peaks: Fire walk with me)

"Twin Peaks : Les sept derniers jours de Laura Palmer" (1992) s'ouvre sur un plan hautement significatif: une télévision démolie à coups de hache. On est donc prévenus: David LYNCH reprend les commandes de l'univers "Twin Peaks" dont il s'était désinvesti au cours de la deuxième saison de la série et qui s'était arrêtée prématurément suite aux dures lois de la production télévisuelle. En revenant au format cinéma (Mark FROST co-créateur de la série est absent du film), il a décidé de "lâcher les chiens", en opérant un tournant radical vers la noirceur et le désespoir tout en conservant voire épaississant les mystères de la série. Mais ce qui pour moi fait la puissance du film réside dans le choix de le centrer sur la descente aux enfers de Laura Palmer en la suivant lors des jours précédant sa mort. Celle qui dans la série n'était qu'un fantôme (ou un personnage "jumeau" sans identité propre, Maddy) devient un être de chair et de sang, joué avec une stupéfiante intensité par Sheryl LEE qui fait passer par tout son être une souffrance déchirante. Conjuguée à la mise en scène angoissante de David LYNCH et au jeu flippant de Ray WISE, le père de Laura, le film se transforme en un cauchemar domestique pétri de sensorialité qui donne de la puissance à des réalités dérangeantes alors maintenues sous silence. Ou presque car il y avait eu un précédent: "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..." (1981) dont la bande originale avait été composée par David BOWIE par ailleurs idole de Christiane qui va l'écouter en concert. Or David BOWIE fait une courte mais marquante apparition dans le film de David LYNCH dans le rôle surréel d'un agent du FBI vêtu de blanc qui surgit dans le dos d'un Dale Cooper (qui on le rappelle est lui revêtu d'un costume noir) dédoublé, tenant des propos obscurs avant de retourner dans son outre-monde. Mais plutôt que Dale (joué par un Kyle MacLACHLAN en retrait suite à son ressentiment vis à vis de l'abandon de Lynch sur la série), c'est une double vie que l'on suit, celle de Laura, un être clivé, lycéenne le jour à l'apparence bien sage et au quotidien stéréotypé (avec meilleure amie, boyfriends, participation à la vie de la communauté etc.) mais s'adonnant à la débauche la nuit, celle-ci n'étant qu'un moyen d'échapper à elle-même et à un enfer pire encore, celui de sa propre maison. Jamais l'expression "home, sweet home" de l'Americain way of life ne résonne plus ironiquement que dans ce film qui fait du foyer l'épicentre de la violence. Le film de David LYNCH lève le voile ou plutôt ouvre le rideau en 1992 sur ce que notre société ne commence à regarder en face qu'aujourd'hui: un "bon père de famille" au-dessus de tout soupçons, si prévenant avec sa femme qu'il lui apporte un verre de lait le soir pour qu'elle fasse un gros dodo pour pouvoir ensuite mieux manger leur enfant (Hitchcock quand tu nous tient). Et "Bob", ce visage du mal absolu qui hante "Twin Peaks" venu tout droit de la loge noire qui s'ouvre lorsque toute-puissance patriarcale et Titan mangeur d'enfants se rencontrent de prendre le caractère du déni, celui du violeur inconnu qui lorsqu'il se dissipe confine à l'horreur pure. Car le véritable interdit n'est pas de commettre l'inceste, l'interdit, c'est d'en parler. Silencio. Cela donne à toutes les scènes dans lesquelles Laura fait semblant de mener une vie normale au milieu de soi-disant proches qui en réalité ne connaissent que son image sociale un double fond: conversation futile en surface qui met en relief les gros plans sur la détresse palpable de son visage qui pense qu'aucun ange ne viendra sauver son âme en train de se consumer. A tort. Car le film de David Lynch donne une résonance extraordinaire aux âmes torturées du père et de la fille et les recueille avec une infinie compassion qui était déjà perceptible dans la série. Le final est ainsi bouleversant lorsque Laura, enfin en paix découvre qu'elle est un ange.

Présentation de cette critique sur Facebook:

Toujours plongée jusqu'au cou dans "Twin Peaks", j'ai regardé le film qui a suivi la fin de la série en 1992 (disponible en replay sur la 5) et dont je préfère le titre en VO ("Fire walk with me") qu'en VF ("Les 7 derniers jours de Laura Palmer"). Premier constat, le temps agit bien à reculons dans "Twin Peaks" puisque les événements racontés se situent avant ceux de la série. Mais il ne s'agit pas pour autant d'une simple préquelle. Les événements soumis à la temporalité linéaire de notre monde sont sans cesse parasités par ceux de l'outre-monde, donnant lieu à des passages complètement dingues où des personnages et des entités de forme diverses (beaucoup issus de la série, certains nouveaux) apparaissent et disparaissent, brouillant les notions de passé, présent et futur. Le mot parasité convient d'autant mieux qu'il semble que l'électricité joue un rôle conducteur du passage entre les mondes via notamment l'ascenseur et la neige télévisuelle. Mais en même temps, les codes sont différents de ceux de la série: Mark Frost, son co-créateur est absent du film et la hache qui s'abat d'entrée sur la tv indique que narration et mise en scène obéiront à d'autres lois. Exit donc le cocon télévisuel qui amortissait les chocs, place à un véritable récit d'épouvante, celui de la descente aux enfers de Laura jusqu'à son assassinat faisant la jonction avec la série, dont on retrouve une partie des personnages et acteurs à l'exception notable de Lara Flynn Boyle dans le rôle de Donna, la meilleure "school friend" de Laura (je préfère ce terme à "meilleure amie" car Laura ne peut parler à personne de la réalité de sa vie ce qui créé d'ailleurs un décalage glaçant entre la futilité de façade et l'horreur sous-jacente). La sensorialité du film, sa radicalité et sa frontalité jettent une lumière crue sur le tu (j'ai pensé à l'un des maîtres-mots du cinéma de Lynch, "Silencio"): l'enfer domestique du "home sweet home", celui que dénonçait autrefois Alice Miller dans "L'enfant sous terreur" et aujourd'hui Edouard Durand dans "Protéger la mère, c'est protéger l'enfant". Puisque passé, présent et futur se confondent si bien, j'ai vu au détour d'une scène le visage de Dominique Pélicot se greffer sur celui de Leland lorsqu'il donne un verre de lait à son épouse (une allusion à "Soupçons?") avant qu'il ne laisse "Bob", le démon intérieur qui l'habite se déchaîner sur Laura dont l'âme se consume chaque jour un peu plus (bouleversante Sheryl Lee). Le sauvetage d'âmes perdues par des anges rédempteurs qui était sous-entendu dans la série devient ici explicite mais promis "on ne parlera pas de Judy"...

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Mystères à Twin Peaks (Twin Peaks)

Publié le par Rosalie210

David Lynch et Mark Frost (1990/1991)

Mystères à Twin Peaks (Twin Peaks)

La mort de David LYNCH dont j'aimais l'univers et les documentaires qui ont été diffusés à cette occasion ont été à l'origine de ma résolution de regarder enfin les deux saisons de la série "Mystère à Twin Peaks" ce que je voulais faire depuis des années comme un rendez-vous longtemps attendu et maintes fois reporté. Son visionnage a eu un impact sur mon activité onirique (parce que l'ayant regardée sur près de dix jours sans chercher à connaître la suite, j'ai eu le temps d'en rêver, littéralement et de m'en souvenir au réveil), ravivé ma mémoire du temps où j'étais téléphage, stimulé mes neurones. J'ai eu envie d'écrire ce qu'elle m'inspirait sous forme d'abécédaire concocté par mes soins n'ayant aucune prétention à l'exhaustivité. Ne les ayant pas encore regardés, il n'inclut ni le film, ni la troisième saison tournée 26 ans après.

A comme ARBRES: ils font partie des leitmotivs qui conduisent le spectateur vers une autre dimension que celle des plateaux-théâtres statiques codifiés des séries. Les plans sur leur frémissement (autant que la musique de Angelo BADALAMENTI) est un appel vers les forces obscures de la forêt qui sous-tendent toute la série selon un dualisme comparable à "Blue Velvet" (1986).

B comme BUCHE: Morceau de tronc d'arbre portatif ne quittant jamais les bras de Margaret, lui permettant de se connecter à son troisième oeil ^^.

C comme CORRUPTION: Elle est endémique dans toute la série comme une gangrène qui ressurgit même au sein d'une entité maléfique repentie ayant essayé de l'arrêter en se coupant le bras ^^.

D comme DUALITE: Elle est au coeur de la série. La ville bien nommée "Twin Peaks" est à la fois un cocon protecteur de l'american way of life et la poubelle où se déverse le refoulé du puritanisme américain (drogue, prostitution, corruption, proxénétisme etc.) Les personnages sont eux-mêmes bipolarisés, dédoublés qu'ils aillent du lumineux vers le sombre ou du sombre vers le lumineux, certains se retrouvant coincés entre leurs deux facettes opposées d'où un nombre impressionnant de chocs, traumatismes, comas et autres coups de folie dans la série.

E comme EPICURIEN: Un aspect très important de la philosophie de vie du personnage principal, Dale Cooper (Kyle MacLACHLAN). Cela commence par le petit cadeau qu'il se fait à lui-même chaque jour en savourant une gorgée de café, un beignet ou une part de tarte à la cerise (variante du livre de Philippe Delerm "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" qui a été tant cité au moment de la sortie de "Le Fabuleux destin d'Amelie Poulain" (2001)) et cela se termine plus profondément par l'absence de crainte face à la mort qu'il affronte dans un état proche des limbes au début de la saison 2: "ce n'est pas si terrible tant qu'on peut empêcher la peur d'envahir son esprit".

Attention spoiler (ne pas lire si pas vu la fin):

Cela rend d'autant plus terrible la tasse de café solidifié, imbuvable du dernier épisode dans lequel son psychisme s'écroule quand il est possédé à son tour par le mal.



F comme FRONTIERE: Twin Peaks est une ville-frontière, celle qui sépare les USA du Canada mais il s'agit d'une frontière dans de nombreux autres domaines: entre la ville et la forêt, les vivants et les morts, le rêve et la réalité, les dieux et les hommes, les cieux et les souterrains, la sagesse et la folie, le jour et la nuit.

G comme GEANT: Esprit messager qui apparaît dans les visions de Dale Cooper dans les moments critiques pour essayer de le guider.

H comme HIBOUX: Ces créatures de la nuit sont intimement liées à la forêt et aux forces obscures. Ce sont de puissants esprits messagers voire des guides spirituels. Le fait que Dale Cooper n'aime pas les oiseaux et ne sache donc pas décrypter leurs messages ("les hiboux ne sont pas ce qu'ils semblent être") agit comme un présage funeste de son destin.

I comme INNOCENCE: Quête ou état commun à de nombreux personnages et qui se manifeste de multiples manières: l'innocence de l'idiot, la tentative de se refaire une virginité en devenant bon ou en fréquentant un homme bon, le fait de retomber en enfance, la claustration volontaire pour se protéger du mal ou de la corruption. Cela peut être traité en mode comique ou tragique.

J comme Judy Garland: Le major Briggs, un des personnages les plus mystiques de la série, bien caché sous ses habits militaires comme Dale Cooper sous son costume d'enquêteur du FBI a pour prénom Garland (cela ne s'invente pas) et sous substance psychotrope croit qu'on l'appelle "Judy Garland". Mais ce qui m'a le plus touché dans la série faisant référence à l'actrice et à l'oeuvre fétiche de David LYNCH, "Le Magicien d'Oz" (1938), c'est le sauvetage par Dale Cooper de Audrey Horne, séquestrée et droguée dans le bordel "Jack n'a qu'un oeil". J'ai eu la certitude à ce moment-là qu'il s'agissait de la projection du désir de David LYNCH d'arracher Judy GARLAND adolescente à l'enfer de la drogue administrée par les corrupteurs hollywoodiens. D'ailleurs "Blue Velvet" (1986) présente un schéma similaire avec un personnage féminin prénommé Dorothy (cela ne s'invente pas non plus) qu'un jeune homme (déjà joué par Kyle MacLACHLAN) veut arracher au monde des ténèbres, prenant le risque de se faire contaminer lui aussi.

K comme Kubrick: Les moments les plus angoissants de la série m'ont ramené à mes toutes premières sensations devant la bande-annonce de "Shining" (1980). Lents travellings flippants, moquette aux motifs géométriques de la salle d'attente de la loge noire et surtout, plan cauchemardesque de "Bob" surgissant depuis l'arrière-plan du salon pour sauter à la gorge de Maddy (dont la caméra épouse le point de vue). Le sang de "Shining" sortant de l'ascenseur pour envahir le cadre m'avait fait le même effet. Il y a aussi bien sûr les esprits maléfiques en quête de possession d'êtres vulnérables à la peur et cet hôtel du grand nord qui est le théâtre d'une grande partie de l'intrigue dont on ne sait pas s'il a été construit sur un cimetière indien mais dont le terrain a été volé aux indigènes (avant que les descendants des colons ne s'entretuent ou ne s'arnaquent pour les posséder comme on le voit dans la série). Les messages extra-terrestre font penser quant à eux à "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968).

L comme LUNE: Leitmotiv de la série que l'on peut rattacher aux arbres, au monde de la nuit, forces obscures, cosmiques mais qui fait aussi figure de repère (comme les feux tricolores) dans un monde où le temps semble s'écouler de façon cyclique plutôt que linéaire. On s'aperçoit en effet que le temps ne semble pas avancer dans la série, parfois même il recule avec tous ces personnages ramenés au stade bébé-enfant-adolescent ou bien n'existe plus dans la loge où les esprits parlent à l'envers.

M comme MIROIR: Lié à la dualité. La première image de la série tout comme la dernière (de la deuxième saison) montre un personnage face à son miroir et lie ainsi les destins de Josie (personnage dévoré par le mal sous un visage d'ange) et de Dale Cooper (ange dont la tranquillité d'esprit cache une faille par où celui-ci peut pénétrer). Entre les deux, l'assassin de Laura Palmer aura eu largement le temps de nous montrer son visage diabolique de l'autre côté de ce même miroir. James Baldwin avait essayé en son temps de tendre un miroir à la société américaine WASP se mirant sous les traits de Doris DAY ou de Gary COOPER tout en projetant ses pulsions indésirables sur les afro-américains.

N comme NAIN: Celui qui danse dans les rêves et visions de Dale Cooper s'avère être un esprit de la loge. Un Munchkin échappé de "Le Magicien d'Oz" (1938)? Eux aussi comme Judy GARLAND avaient leur propre dualité: personnages merveilleux dans la fiction, acteurs infernaux en réalité comme le révèle notamment le documentaire "Lynch/Oz" (2022), sans doute pour se venger de leur infériorisation (notamment salariale).

O comme OTNI: objet télévisuel non identifié. "Twin Peaks" est à l'image de son contenu, une série duale. D'un côté, elle se rattache à des genres bien identifiables pour les spectateurs de télévision afin qu'ils mordent à l'hameçon comme le polar ou le soap opéra. Je me suis ainsi souvenue d'un rebondissement identique que j'avais vu dans "Santa Barbara" (1984), un personnage féminin soi-disant mort mais revenant sous un déguisement et une fausse identité. De l'autre, elle les déglingue afin d'essayer de les entraîner en territoire inconnu. Ainsi les personnages sont à la fois stéréotypés et décalés puisqu'ils ont tous des manies ou des infirmités qui les rendent tantôt drôles, tantôt mystérieux et parfois terrifiants quand on découvre "la face cachée de la lune".

P comme PEUR: La porte d'entrée du mal dans l'esprit humain. Cela m'a fait penser à "La peur dévore l'âme", la pièce de Rainer Werner FASSBINDER qui a servi de base au scénario de "Tous les autres s'appellent Ali" (1973) où cette phrase est prononcée par le personnage principal.

Q comme QUALITE: Alors que la saison 1 et les premiers épisodes de la saison 2 sont d'une qualité exceptionnelle, la série connaît ensuite un véritable trou d'air avant la claque que représente le dernier épisode. Le critique Victor Inisan explique cette brusque baisse de qualité par l'effacement de David LYNCH de la mise en scène après avoir cédé aux demandes du public et aux pressions de la chaîne qui diffusait la série en révélant le nom de l'assassin dès le 14ème épisode. On touche du doigt la contradiction inhérente à la culture télévisuelle grand public: celle-ci réclame du plaisir immédiat alors que les dimensions plus subtiles et plus profondes prennent du temps avant d'être comprises et appréciées à leur juste valeur. Et "Twin Peaks" est une série qui se caractérise par sa lenteur justement. Heureusement, David LYNCH est revenu pour réaliser le dernier épisode de la saison 2, un coup d'éclat vis à vis de tous ceux qui ne voulaient voir en "Twin Peaks" qu'une simple série policière ou un soap opera.

R comme RIDEAUX: Les rideaux sont la forêt de l'âme et m'ont fait penser à mon peintre préféré, René Magritte. Les rideaux rouges de "Twin Peaks" cachent ainsi bien autre chose qu'une scène de théâtre et ce même si "Twin Peaks" comporte sa/ses séquences scéniques chantées et/ou dansées.

S comme SATURNE: Le portail de la loge noire s'ouvre lorsque Saturne entre en conjonction avec Jupiter. Logique, ce sont deux planètes portant des noms de divinités romaines symbolisant "le mal que les hommes font". Jupiter symbolise la toute-puissance patriarcale alors que Saturne est la romanisation de Cronos, le Dieu qui a mangé ses propres enfants. "Twin Peaks" est une série révolutionnaire en ce qu'elle se place du point de vue des gens qui souffrent avec une forte empathie pour les femmes et des jeunes filles dont Laura Palmer est la quintessence ainsi que pour les hommes exprimant leur masculinité d'une manière autre que prédatrice. Quant aux prédateurs, ils sont à un moment ou à un autre frappés par le destin et ramenés à leur condition première d'être en souffrance.

T comme TIBET: Un autre aspect très important de la philosophie de vie de Dale Cooper est sa fascination pour le bouddhisme tibétain. Elle m'a ramené à mon premier contact avec cette spiritualité, "Tintin au Tibet" qui m'avait fasciné et dont toute l'enquête est fondée sur un rêve/une vision qui confine à la télépathie ou au chamanisme. Si "Tintin" est la seule BD franco-belge à laquelle j'ai accroché dans mon enfance, c'était notamment à cause de l'amitié entre Tintin/Hergé et Tchang qui l'ouvrait sur d'autres horizons qui allaient bien au-delà du simple feuilleton d'aventures exotiques.

U comme UNIVERS: "Twin Peaks" est un univers complet et cohérent qui brasse diverses mythologies allant de la légende arthurienne au seigneur des anneaux.

V comme VENUS: Les statues de Vénus de la loge noire peuvent représenter les femmes objets de désirs et pétrifiées par la mort par opposition aux planètes symboles de masculinité toxique qui l'ouvrent et aux esprits maléfiques qui la peuplent.

W comme WEST SIDE STORY: "Twin Peaks" est traversé de références au cinéma américain et particulièrement à la comédie musicale, bien que le terme convienne mal à "West Side Story" (1960) qui est un drame. Deux acteurs de "Twin Peaks" proviennent du film de Robert WISE et Jerome ROBBINS: Richard BEYMER alias Tony qui joue le rôle de Benjamin Horne, un homme d'affaires peu recommandable de prime abord et Russ TAMBLYN alias Riff, le meilleur ami de Tony qui joue le docteur Jacoby, un psychiatre complètement perché qui lors d'un moment savoureux vient tenter de soigner la régression au stade infantile de Benjamin Horne.

X comme X-FILES: Parce que Si "Twin Peaks" a absorbé de multiples références, elle est à son tour devenue une source d'inspiration pour d'autres, à commencer par "X-Files". Les agents Scully et Mulder sont des émanations de Dale Cooper et du major Briggs. La filiation est présente jusque dans le casting. David DUCHOVNY joue un rôle savoureux dans "Twin Peaks" alors que Don DAVIS alias le major Briggs joue de façon très logique le père de Dana Scully (Gillian ANDERSON).

Y comme YIN/YANG: Parce que l'univers de "Twin Peaks" est basé sur un savant équilibre entre les dualités qui régissent l'univers et que celles-ci donnent lieu parfois à de savoureux rebondissements. Par exemple lorsqu'un nouveau personnage de prédateur/gangster/mâle alpha apparaît tel que Jean Renault qui veut détruire Dale Cooper survient dans le même épisode Denise Bryson (alias David DUCHOVNY) agent du FBI transgenre qui vient enquêter sur les accusations contre Dale Cooper et qui est évidemment l'antidote à Jean Renault. Cependant dans le tout dernier épisode, ce principe d'équilibre se rompt.

Z comme ZEMECKIS: Il y a une parenté évidente entre les deux cinéastes, mise en valeur par le documentaire "Lynch/Oz" (2022). "Twin Peaks" ressemble au "Hill Valley" des années cinquante du premier "Retour vers le futur" (1985). Cet aspect vintage se retrouve dans les lieux, les personnages, les situations et même les programmes TV! Cependant si Robert ZEMECKIS est critique vis à vis de ce prétendu âge d'or de l'American way of life dont il montre les travers (la psychose nucléaire par exemple) et les promesses non tenues, David LYNCH est carrément horrifique, faisant surgir des coins les plus sombres les pires monstres. Autre point commun, l'attirance pour les outre-mondes. Le major Briggs à l'écoute des messages extra-terrestre m'a fait penser au personnage de Jodie FOSTER dans "Contact". (1997)

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Decision to Leave (Heeojil gyeolsim)

Publié le par Rosalie210

Park Chan-Wook (2020)

Decision to Leave (Heeojil gyeolsim)

Une belle mise en scène au service d'un scénario inutilement alambiqué, voilà comment je résumerais mon impression devant "Decision to leave". A force de mettre en avant des effets, des rebondissements, de sauter d'une image à l'autre plus vite que l'éclair, il ne reste pas beaucoup d'espace pour laisser respirer les personnages. Des personnages que j'ai surtout vus comme des pions de l'intrigue. "Suis moi je te fuis, fuis moi je te suis" et "je t'aime moi non plus" ça va cinq minutes. Le début montre de belle manière (parce que la manière, il l'a PARK Chan-wook) le vertige qui saisit le flic insomniaque (PARK Hae-il) à la vue de la très jeune veuve chinoise soupçonnée d'avoir tuée son mari (Tang WEI que l'on connaît notamment pour son rôle dans "Lust, Caution" (2007) de Ang LEE). La façon dont l'enquête judiciaire et notamment sa surveillance rapprochée lui permet de fantasmer sur elle et de se rincer l'oeil (clin d'oeil à "Fenetre sur cour") (1954) donne lieu à des scènes presque amusantes alors que tout montre qu'il s'ennuie profondément avec son épouse qu'il ne voit que le week-end et que cette obsession remplit le vide de sa vie. Sauf qu'elle le déstabilise et l'empêche de faire correctement son travail. Du moins momentanément. Vient le temps de la désillusion qui rappelle le parcours de Scottie, le policier de "Vertigo" (1958), lui aussi sujet au vertige et aux obsessions. Mais sous prétexte de brouiller les pistes, le personnage féminin devient illisible, victime d'un homme possessif et violent, traumatisée par ses conditions d'immigration mais en même temps manipulatrice, meurtrière, croqueuse d'hommes, puis désespérée de ne pas parvenir à éteindre le ressentiment du flic dont la fierté à été mise à mal. Flic sur lequel elle fantasme elle aussi bien plus qu'elle ne le connaît. Au point de se sacrifier, histoire de charger encore plus une barque déjà bien remplie? PARK Chan-wook souffle le chaud et le froid de façon un peu trop ostensible et autant l'hommage à Alfred HITCHCOCK m'a paru plutôt réussi, autant celui à "Mort a Venise" (1971) de Luchino VISCONTI m'a paru à côté de la plaque tant le film, très cérébral et soucieux d'en mettre plein la vue manque d'émotions.

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Juré no 2 (Juror #2)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (2024)

Juré no 2 (Juror #2)

Présenté comme le dernier film de Clint EASTWOOD, "Juré n°2" est un film de procès certes de facture classique mais doublé d'un thriller à twists scénaristiques qui tient en haleine. L'habileté du scénario fait que le vérité se dérobe constamment au spectateur. En effet le meurtre n'est jamais montré et jusqu'à la dernière image, plusieurs hypothèses crédibles tiennent la corde. Si le film adopte la subjectivité de Justin Kemp, le juré n°2 (Nicholas HOULT) qui est persuadé d'être coupable, il est tellement hanté par un passé qui semble le poursuivre comme une fatalité qu'on ne peut pas tout à fait prendre ses croyances pour argent comptant. Par ailleurs le comportement peu rassurant de l'accusé, James Michael Sythe (Gabriel BASSO) qui lui aussi traîne un lourd passé ne permet pas de le mettre complètement hors de cause. Enfin l'hypothèse d'un accident n'impliquant aucun tiers ne peut pas non plus être complètement exclue. Néanmoins, le film n'est pas sans défauts. N'ayant pas vu "Le Septieme jure" (1961) dont il s'inspire, je ne peux dire si l'emprunt est habile. En revanche, celui qui concerne "Douze hommes en colere" (1957) apparaît bien lourd et artificiel d'autant que ce qui est une véritable dramaturgie au service d'un discours humaniste dans le film de Sidney LUMET n'est qu'un passage obligé dans le film de Clint EASTWOOD qui interroge quant à lui les rapports entre justice et vérité. Sur les tourments du pauvre Justin, le scénariste en rajoute, le mettant sous pression à chaque fois qu'il est sur le point d'être père et le mettant toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Il y a des poissards mais quand même! L'interprétation est inégale. J'ai eu beaucoup de plaisir à revoir Toni COLLETTE dans le rôle d'une avocate générale ambitieuse mais intègre et même JK SIMMONS dans un rôle autrement plus sympathique que dans "Whiplash" (2014). Mais j'ai trouvé Nicholas HOULT trop lisse, trop mécanique à l'image de son foyer aseptisé alors qu'une bonne partie du film repose sur ses épaules.

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