Mon film préféré de Andre TECHINE est aussi celui dans lequel il a glissé le plus de souvenirs personnels. Pourtant, à la base il s'agissait d'une commande d'Arte qui souhaitait produire une collection de neuf téléfilms sur l'adolescence intitulée "Tous les garçons et les filles de leur âge". Parmi eux, trois finissent par sortir au cinéma en version longue dont celui de Andre TECHINE qui reçoit le prix Louis Delluc et quatre César.
Les qualités du film sont nombreuses: il fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français en révélant une nouvelle génération d'acteurs dont Elodie BOUCHEZ, il évoque avec une grande sensibilité le passage à l'âge adulte dans le contexte dans lequel Andre TECHINE l'a vécu, celui de la fin de la guerre d'Algérie dans le sud-ouest de la France avec le retour des pieds-noirs. La mort qui rôde autour des jeunes appelés et le désir bouillonnant des adolescents se mêlent harmonieusement. Le film est à la fois lumineux et douloureux. Lumineux car de nombreuses scènes ont été tournées en pleine nature et exaltent ce désir adolescent en pleine éclosion qui fait fi des clivages politiques, sociaux et même de façon éphémère de l'orientation sexuelle. Douloureux aussi car ces mêmes adolescents sont tourmentés par le contexte historique et politique qui les impactent plus ou moins directement (le frère appelé de l'un, l'appartenance de la mère de l'autre au PCF, la présence en classe d'un jeune pied-noir ombrageux et révolté) mais aussi par leur sexualité. Le personnage de François (Gael MOREL) qui peut être vu comme un double du réalisateur découvre son homosexualité à une époque où elle était taboue. Le poids de sa différence, Andre TECHINE nous le fait ressentir à travers la scène du mariage campagnard et ses chansons paillardes, le père agriculteur qui se méprend sur la nature de sa relation avec son âme soeur, Maïté (Elodie BOUCHEZ) son rapport à la littérature et au cinéma en décalage avec son environnement, ses relations avec le garçon fruste qu'il désire, Serge (Stephane RIDEAU) ou enfin, sa tentative de trouver un interlocuteur en la personne d'un adulte homosexuel dont la bouche cousue et le regard plein de désarroi en disent plus long que tous les discours. Pourtant François est le personnage le plus libre de tous et au vu des scènes finales, son influence sur l'évolution du rapport de Maïté à son corps, à ses désirs et au reste du monde semble déterminante. Leurs partenaires, en dehors de quelques parenthèses enchantées dont la plus frappante est celle de la fin sont rattrapés par le poids de leur héritage familial et se soumettent à cette fatalité en mettant leur individualité de côté.
"Viens je t'emmène" (2020) est un petit cru de la part de Alain GUIRAUDIE. Cela ressemble presque à une comédie de boulevard (avec mari jaloux et amant collant), la crudité sexuelle et l'onirisme en plus. Comme toujours chez Alain GUIRAUDIE, le désir danse avec la mort sans que l'on sache où il nous mène mais la sauce a du mal à prendre. Les craintes suscitées par le jeune Sélim, hormis dans un rêve ont tout du pétard mouillé tant l'attitude du jeune homme ne concorde pas avec les événements terroristes dépeints à l'image. Jamais il ne fait peur et jamais il ne suscite le trouble. En le recueillant, Médéric prend un risque donc limité d'autant que la plupart des voisins de l'immeuble pensent comme lui, le seul qui râle s'avérant hypocrite. Le film tourne donc à la farce burlesque avec la prostituée-mariée-battue et contente quinquagénaire jouée par Noemie LVOVSKY qui gueule de laisir dans tous les coins, la frustration permanente de Médéric qui ne parvient jamais à "conclure" avant qu'une sonnerie retentisse ou ses filatures qui se heurtent à un "surmoi" du genre flic intrusif ou bande de jeunes menaçants (en réalité de petits dealers). C'est marrant mais ça ne va pas très loin, sans doute parce que le style du réalisateur ne fonctionne pas aussi bien dans un contexte réaliste et qu'il se perd un peu dans toutes les directions.
Rêverie autour du mythe de Marcello MASTROIANNI réincarné par sa fille Chiara MASTROIANNI, "Marcello Mio" aurait pu être un beau film. Mais il sonne creux. Il s'agit d'un cinéma de niche qui ne parlera qu'à ceux qui connaissent sur le bout des doigts la filmographie de l'acteur italien. Les autres se sentiront exclus de cette suite de scénettes pour initiés quelque peu prétentieuses et bourrées de références collées les unes aux autres sans véritable souci de continuité. On ne voit pas très bien où Christophe HONORE veut en venir tellement ça part dans tous les sens. L'impression dominante est qu'il a voulu se faire plaisir en superposant une imagerie gay/transgenre sur une icône du cinéma à qui on avait collé une image de "latin lover". Il n'y avait pas besoin de le faire façon "Jean-Paul Gaultier". Marcello MASTROIANNI était autrement plus troublant que les militaires que la caméra gourmande de Christophe HONORE passe en revue endormis dans des poses alanguies et cela vaut aussi pour les reconstitutions des films dans lesquels il a joué: ils font plus que pâle figure avec l'original. Et s'il est plaisant de revoir Stefania SANDRELLI, on se passerait bien de l'autofiction narcissique autour des membres starifiés de la famille du défunt n'ayant pas de rapport direct avec lui (Melvil POUPAUD et Benjamin BIOLAY) ou ne représentant qu'une petite période de sa vie (Catherine DENEUVE). Ce n'est pas la seule faute de goût dans le film. Faire pousser la chansonnette à des acteurs ou actrices ayant une voix de crécelle donne envie de se boucher les oreilles. Et la scène où Catherine DENEUVE se montre grossière face au nouveau propriétaire de l'appartement où elle a vécu, sans raison apparente, donne du showbiz une image odieuse.
Ce n'est pas parce que "La Fracture" rend compte d'une crise aigue de la société française à travers son hôpital public qu'il fallait sombrer à ce point dans l'excès hystérique et la caricature. Cet aspect "too much" se retrouve partout: des urgences saturées, en sous-effectif, assiégées par une altercation entre gilets jaunes et forces de l'ordre qui se déroule à ses grilles et se conclue par un lancer des grenades lacrymogènes dont les émanations envahissent les bâtiments, des plafonds qui tombent en lambeaux, des médicaments qui manquent, des gens qui hurlent partout, une prise d'otage et tout ça en même temps bien sûr... n'en jetez plus! D'autant que si on veut traquer les incohérences, ce n'est pas très compliqué de les trouver. Le mari de Kim l'infirmière qui débarque avec son bébé malade alors que l'hôpital est censé être en état de siège par exemple. Ou le lancer de gaz lacrymogène dans l'enceinte de l'hôpital (n'importe quoi!) Que la répression des manifestations des Gilets jaunes ait été excessive, c'est manifeste et cela constitue un authentique scandale. Que l'hôpital public, sous-doté en moyens matériels et humains s'enfonce dans des crises à répétition est un problème de société majeur. Mais il est indécent de comparer avec la destruction d'hôpitaux situés dans de véritables zones de guerre du genre Gaza. Surtout, la où le bât blesse le plus selon moi, c'est d'avoir mis l'accent sur des personnages aussi simplistes, tête-à-claques qui en plus ne sont pas crédibles pour deux sous. J'en ai très vite eu par-dessus la tête de voir le personnage de Valeria BRUNI-TEDESCHI insupportable d'égocentrisme chouiner et hurler sur sa petite amie au milieu de toute cette détresse humaine. D'ailleurs, que fait elle à cet endroit, n'a-t-elle pas les moyens vu sa catégorie socio-professionnelle de se payer une clinique privée? Bien qu'en terme de décibels, elle soit bien concurrencée par Yann, le personnage de Pio MARMAI auquel on ne croit pas une seconde en prolo revendicatif et buté. La nullité des dialogues, affligeants de manichéisme n'aide pas, c'est certain. Même un personnage beaucoup plus en retrait mais bien plus intéressant, celui d'une manifestante qui n'a cessé de minimiser sa douleur est obligée d'expliquer par A + B combien elle était pacifique et combien l'agression qu'elle a subi de la police était injustifiée. Ne valait-il pas mieux le montrer plutôt que les stupides provocations de Yann narguant les CRS qui passe son temps à jouer les rebelles en se regardant filmer? Bref, ça ne fait pas dans la dentelle et c'est pénible à voir.
J'ai bien aimé la délicatesse irisée de ce film, le second du jeune cinéaste (28 ans) Hiroshi Okuyama. L'histoire fait un peu penser à celle de "Billy Elliot" au pays du soleil levant. A ceci près que la cruauté feutrée de la société japonaise produit des effets tout à fait différents du milieu des prolétaires anglais dépeints dans le film de Stephen Daldry. L'histoire tourne autour de Takuya, un adolescent bègue qui préfère contempler la neige que lancer la balle ou le palet. Fasciné par Sakura, une patineuse de son âge, il tente maladroitement de reproduire les figures gracieuses qu'elle exécute sur la glace et attire l'oeil d'Arakawa, l'entraîneur de Sakura qui le prend sous son aile et tente de les réunir pour les faire concourir. Le réalisateur créé un film aérien et cotonneux avec une belle photographie, des paysages, des couleurs et des éclairages qui reflètent les états d'âme des personnages, trois solitudes qui déploient leurs ailes le temps de quelques moments suspendus avant l'inévitable crash. Il est difficile de démêler dans la décision de Sakura de se retirer du trio ce qui relève de préjugés quant à l'orientation (homo)sexuelle de Arakawa (très mal vue au Japon et encore peu abordée au cinéma, hormis dans le récent "L'Innocence" de Hirokazu Kore-Eda) et ce qui est lié à la jalousie de se sentir exclue de la relation privilégiée qu'il entretient avec Takuya alors qu'il est manifeste qu'il ne lui a jamais accordé la même attention. Dommage que le réalisateur ne sache pas comment finir son film qui après une première partie plutôt séduisante finit par s'épuiser complètement. La faute à un scénario sans doute trop évanescent.
Biopic plutôt décevant, "Sarah Bernhardt" tend à regarder son sujet par le petit bout de la lorgnette. L'accent est mis sur les nombreuses liaisons de "La Divine", particulièrement celle avec Lucien Guitry (Laurent LAFITTE), même pas avérée et ses multiples excentricités alors que son travail d'actrice est quasiment passé sous silence. Sans doute parce qu'il est daté et n'aurait pas permis de comprendre ce qui fascinait chez elle. Je ne suis pas sûre que les propos vantant à tout bout de champ sa liberté et les quelques images léchées montrant ses frasques amoureuses, sexuelles, ses NAC et son fils naturel permettent de mieux comprendre cette fascination, surtout en étant aussi peu contextualisés. La mise en scène est académique et le scénario non seulement est d'une grande platitude mais il est confus avec des flashbacks inutiles tant les personnages, à l'exception du rôle titre ressemblent à des figures de cire qui défilent (une scène avec Mucha, deux ou trois avec Edmond Rostand, une avec Zola, une avec Freud, plusieurs avec Sacha Guitry, le fils de Lucien etc.) Le travail de vieillissement et de rajeunissement est tout à fait insuffisant, nous perdant encore davantage entre les époques. Reste une reconstitution historique vraiment réussie: décors, costumes, bijoux, maquillages et coiffures sont somptueux et donnent vie à la Belle Epoque et à son art nouveau. Idem pour l'insertion d'images d'archives au début et à la fin. Et Sandrine KIBERLAIN porte le film à bout de bras sur ses frêles épaules. Elle n'est pas forcément toujours juste tant elle cabotine mais elle met tant d'énergie dans le rôle qu'elle réussit quand même à nous y faire croire. Contrairement à la frivolité (pour ne pas dire la vacuité) qui se dégage du film, elle réussit une composition très incarnée de Sarah Bernhardt qui régale le grand monde de ses frasques mais se consume dans son corps. On regrette vraiment que le film n'ait pas cherché à développer un angle plus original sur un personnage aussi foisonnant. Son engagement par exemple envers la défense du capitaine Dreyfus est survolé alors qu'il aurait permis de donner du relief et de la substance au contexte entourant Sarah Bernhardt autant qu'aux zones d'ombre de sa personnalité.
J'avais quitté Alain GUIRAUDIE au bord d'un lac en été, je le retrouve dans les sous-bois en automne pour un thriller rural pas piqué des vers mais mené de main de maître avec une science du cadre et des espaces dont il a le secret et qui aboutit à une géographie physique mais aussi mentale au périmètre très identifiable. Alain GUIRAUDIE sait entremêler le désir et la mort comme personne et celles-ci sont partout présentes, tapies dans l'ombre, prêtes à frapper à tout moment. La cueillette des champignons qui sert de prétexte aux rencontres en forêt d'un petit microcosme de gens pas très catholiques ^^ fait penser au supermarché de la drague à ciel ouvert de "L'Inconnu du lac" (2012). Est-ce la forme suggestive des morilles qui met tout ce petit monde en émoi? D'autant que le champignon est lui-même un aliment ambigu, qu'il soit hallucinogène ou mortel. Ce qui est sûr, c'est que la venue au village de Jérémie (Felix KYSYL) pour les obsèques de son ancien patron boulanger cristallise une crise englobant tous les protagonistes. Ce que filme admirablement Alain GUIRAUDIE, en plus de son petit théâtre de verdure où se nouent et se dénouent pulsions et conflits, c'est l'aspect obsessionnel du désir inassouvi. Celui-ci prend la forme d'une route qui serpente et revient toujours à son point de départ: la boulangerie. Un regard insistant de Jérémie sur la photo de son ancien patron en maillot de bain suffit à le faire comprendre. Mais Jérémie est parti et le patron est décédé. Donc le désir se déplace sur les vivants qui font ce qu'ils peuvent avec. Certains le dissimulent sous de l'affection (Martine la veuve jouée par Catherine FROT), d'autres au contraire deviennent agressifs (Vincent le fils de Martine joué par Jean-Baptiste DURAND, le réalisateur de "Chien De La Casse") (2021) ce qui donne aux scènes de bagarre une connotation des plus ambigües, sans parler du cadavre dans le placard (ou plutôt sous les feuilles mortes qui se ramassent à la pelle ^^). Le seul qui l'assume, l'exprime et le montre (lors d'un plan choc à ne pas mettre entre toutes les mains ^^) c'est l'abbé (Jacques DEVELAY), figure centrale du film comme le titre, emprunté aux valeurs chrétiennes, le suggère. Abbé qui est le seul à tenir la dragée haute (c'est le cas de le dire ^^) au flic (Sebastien FAGLAIN), figure récurrente du cinéma de Alain GUIRAUDIE et qui lui aussi fait partie de l'inconscient troublé de Jérémie que tout le monde ou presque vient visiter dans sa chambre au milieu de la nuit quand ce n'est pas lui qui dans un état plus ou moins altéré (prétend-il) vient se frotter dangereusement aux autres corps. Corps non conformes peut-on souligner, autre aspect qui singularise Alain GUIRAUDIE. A l'exception de Jérémie qui fait figure d'Apollon local, ceux qui lui tournent autour sont moches, obèses, vieux, chauves, affligés d'un bec de lièvre bref, absolument pas désirables. Sans montrer un seul ébat érotique (contrairement à "L'Inconnu du lac") (2012) tout au plus quelques plans de corps dénudés dont un en érection, Alain GUIRAUDIE réussit à profondément troubler et déranger tout en évacuant le malaise par le rire que nombre de ces situations provoquent.
"Je tu il elle" est le premier film de Chantal AKERMAN réalisé juste avant "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975). Je le précise parce que les liens entre les deux films sautent aux yeux: les longs plans fixes, la solitude et l'enfermement dans un appartement, la routine des gestes filmés en temps réel, la centralité marginale à l'époque d'une femme dont on entend les pensées, dont on voit se matérialiser les désirs de façon radicale. Une radicalité qui se marie avec une mise en scène travaillée. "Je tu il elle" se décompose en trois parties bien distinctes. Dans la première ("je tu"), on voit une jeune femme (Chantal AKERMAN elle-même alors âgée de 24 ans) essayer d'écrire une lettre après une rupture amoureuse dans une pièce qu'elle dépouille de ses meubles avant de se mettre à nu. Une façon imagée de "faire le vide". L'aspect expérimental (que l'on retrouvera sur "Jeanne Dielman") passe notamment par un décalage entre l'image et la narration: soit elle annonce que que nous allons voir, soit c'est l'inverse ce qui m'a fait penser au court-métrage de Jean EUSTACHE, "Les Photos d'Alix" (1980) dans lequel image et commentaires finissaient par se désynchroniser. Elle travaille le temps de la même façon que dans "Jeanne Dielman" avec beaucoup de répétitions obsessionnelles qui fait ressentir que cette claustration dure plusieurs semaines. Dans la deuxième partie ("il") qui est une transition, Julie a renoncé à écrire au profit de l'action directe. Elle s'échappe de la cellule et le film se transforme alors en road-movie sous influence américaine avec l'apparition d'un Marlon BRANDO français: Niels ARESTRUP alors âgé de 25 ans! Il joue en effet le rôle d'un camionneur qui prend Julie en stop. Mais la relation s'avère être elle aussi pleine de vide quand elle n'est pas à sens unique: masturbation et confidences crues aussi gênantes que désespérantes à la fois sur la vie de couple et de famille. Enfin dans la troisième partie (elle"), Julie retrouve l'amie à qui elle essayait d'écrire au début du film et les deux femmes se livrent à une longue étreinte rageuse et intense de quinze minutes filmée comme une chorégraphie ou une installation. Cette scène d'homosexualité féminine avait valu au film une interdiction aux moins de 18 ans à sa sortie et fait figure de manifeste pionnier, près de 40 ans avant "La Vie d'Adele - chapitre 1 et 2 -" (2013). Au final, "Je tu il elle" ressemble à la confession en images d'une jeune fille (Chantal AKERMAN) qui se heurte davantage à l'autre qu'elle n'entre en contact avec lui.
La bande-annonce, censée donner envie d'aller voir un film m'avait plutôt fait fuir. Ca avait l'air trop mélo, trop chromo et noyé dans une bande-son abrutissante. Si le film n'évite effectivement pas ces écueils (oui, c'est racoleur et assumé comme tel), il est plus subtil qu'il en a l'air. Il faut dire qu'il s'agit de l'adaptation (la deuxième) d'un roman japonais, "Strangers" de Taichi Yamada. Cette influence, on la ressent au travers des fantômes qui obsèdent Adam (Andrew SCOTT que j'avais beaucoup aimé dans "Pride") (2014). Ils l'obsèdent tellement que sa vie présente est un désert. Pourtant, une autre solitude vient à lui. Cela m'a fait penser un bref instant à "Une journee particuliere" (1977), ces deux solitaires exclus de la vie qui se croisent dans un immeuble vide. Mais Adam ferme sa porte à Harry (Paul MESCAL). Il préfère imaginer tout ce qu'il aurait aimé dire à ses parents disparus quand il avait 12 ans ce qui donne lieu à des scènes assez troublantes de par le choix de faire jouer les parents par des acteurs plus jeunes que Andrew SCOTT (Claire FOY et Jamie BELL alias "Billy Elliot") (2000). On pense à un moment donné que Adam va se réconcilier avec la vie, on pense que celle-ci est représentée par Harry qui finit par s'inviter chez lui, dans sa vie et dans ses rêves, bref par pénétrer son intimité. Mais ce Harry là n'est peut-être qu'une illusion lui aussi. Evidemment on a du mal à démêler le vrai du faux tant la réalité et le rêve se confondent à l'image. Néanmoins, ce travail de deuil qu'Adam ne semble pas parvenir à faire jette un doute sur sa capacité à sortir de son isolement. Dommage d'avoir exprimé des émotions simples et universelles avec des images parfois clichetoneuses qui à l'image d'Adam mettent le spectateur à distance, le tout sur un rythme qui se traîne.
Il y a du bon et du moins bon dans "Les Témoins". Le bon: l'atmosphère estivale et joyeuse dans une première partie solaire qui rappelle par certains aspects "Les Roseaux sauvages" (1994) avec l'éclosion dans la nature de la passion amoureuse entre Mehdi (Sami BOUAJILA) et Manu (Johan LIBEREAU). Lorsque les ténèbres succèdent à la lumière, c'est le sublime air de Barberine dans "Les Noces de Figaro" interprété par le personnage de Julie DEPARDIEU qui erre dans la nuit avec sa petite lanterne sous la lune qui produit une émotion à la mesure du drame vécu par son frère Manu. La musique est d'ailleurs particulièrement expressive dans "Les Témoins". Celle du générique, particulièrement nerveuse et signée Vivaldi (le compositeur des quatre saisons, thème majeur du film) donne le ton: celui d'un sentiment d'urgence lié aux enjeux du film, une course contre la montre avec la maladie, une course contre la montre avec l'oubli (d'où le titre, "Les Témoins"). Autre choix ultra-pertinent, "Marcia Baila" des Rita Mitsouko, chanson permettant de dater l'époque retranscrite, 1984-1985 mais aussi histoire d'une vie fauchée en pleine jeunesse par la maladie. Seulement, il y a aussi du moins bon dans "Les Témoins". Le personnage d'Emmanuelle BEART qui se définit elle-même comme une enfant gâtée est insupportable de nombrilisme (on plaint son gosse!) et l'actrice, très peu vêtue semble n'avoir que deux expressions à son répertoire: soit elle fait la gueule, soit elle prend un air vicieux dès qu'on parle de sexe. Ca finit par devenir lassant. Quant au personnage de médecin gay malheureux en amour joué par Michel BLANC, il est plombé par son didactisme. Enfin le personnage de Sandra la prostituée (Constance DOLLE) est à peine effleuré alors qu'il aurait été autrement plus intéressant que celui du club bourgeois auquel décide de se rattacher Manu et donc Andre TECHINE.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.