J'ai dû voir "Fanfan la tulipe" quand j'étais très jeune mais il ne m'avait guère marquée. En le revoyant, je comprends pourquoi. C'est un film de cape et d'épée mené certes tambour battant mais d'une vacuité totale. Cette frivolité assumée en fait un pur divertissement familial qui dans les années cinquante a permis aux français de s'évader et a contribué à construire à l'étranger l'image de la France comme paradis du libertinage. Pour ma part, la seule chose qui tient aujourd'hui la route dans ce film, c'est le charme des interprètes. Gerard PHILIPE cabotine mais son charisme est indéniable et il donne de sa personne dans les scènes d'action, ouvrant la voie à d'autres "jeunes premiers" français amateurs d'escrime tels que Jean MARAIS, Alain DELON (dans "La Tulipe noire" (1964) du même Christian JAQUE) ou bien sûr, Jean-Paul BELMONDO. Gina LOLLOBRIGIDA est piquante même si la caméra lorgne lourdement sur ses généreux attributs plastiques. Enfin on a droit à une galerie de seconds rôles plaisants à voir. Je pense particulièrement à Noel ROQUEVERT, à Genevieve PAGE dans le rôle de la Pompadour et à Marcel HERRAND, éternel Lacenaire de "Les Enfants du paradis" (1945), ici dans le rôle d'un Louis XV porté comme tous les personnages sur la gaudriole.
C'est par l'animation japonaise que j'ai découvert "La Tulipe noire". Le film de CHRISTIAN-JAQUE a été en effet l'un des plus gros succès français au box-office mondial et a contribué à faire de Alain DELON un "Dieu vivant" au Japon. Aussi il m'a paru assez évident que le personnage du Masque noir qui possède un double dans le manga "La Rose de Versailles" (1973) était inspiré de l'intrigue du film avant que la série animée "La Tulipe noire" en 1975 ne fasse la synthèse entre le manga de Riyoko Ikeda et le film de Christian JACQUE.
Pour le reste "La Tulipe noire" qui emprunte son titre à un roman de Alexandre Dumas mais n'a strictement rien à voir avec lui appartient à un genre de films de cape et d'épée bâtis autour d'une star très à la mode dans les années 50 et 60. Le parallèle avec "Cartouche" (1962) saute aux yeux, Jean-Paul BELMONDO étant l'autre grande vedette de cette génération à cette époque et on pense aussi évidemment à "Fanfan la Tulipe" (1951) réalisé une décennie plus tôt déjà par Christian JAQUE avec Gerard PHILIPE. On peut également mettre dans cette catégorie les films de Andre HUNEBELLE avec Jean MARAIS comme "Le Capitan" (1960). Les exemples ne manquent pas!
"Fanfan la tulipe" est un divertissement sans prétention, pas le plus flamboyant dans le genre (les américains ont fait beaucoup mieux) mais sympathique avec des effets spéciaux réussis (l'incrustation indétectable des deux Delon sur la même image). Les versions japonaises ont fait de la Tulipe noire une sorte de Robin des bois alors que le personnage de Alain DELON est dual avec un Guillaume cynique face à un Julien naïf et idéaliste qui finit par se substituer à lui, la morale est sauve! Quant à la double identité, aristocrate et voleur masqué, elle fait penser à Zorro (créé en 1919 et popularisé au cinéma par Douglas FAIRBANKS), à Batman (apparu en 1939) mais aussi à Arsène Lupin (le film avec Robert LAMOUREUX sorti en 1957).
Longtemps, la figure de Lawrence d'Arabie m'a renvoyée à la chanson d'Annabelle (Mouloudji) "Fuis, Lawrence d'Arabie" dont j'avais acheté le 45 tours à sa sortie en 1987. Rien à voir avec le film de David LEAN daté de 1962 bien qu'en le regardant, j'ai tout de suite reconnu la musique de Maurice JARRE parce qu'elle est très célèbre et donc souvent jouée. Deuxième enseignement, j'ai compris d'où venait la notoriété de Peter O'TOOLE que je n'avais vu jusque là que dans des rôles oubliables. Troisième intérêt, j'ignorais que c'était grâce à "Lawrence d'Arabie" que Omar SHARIF était devenu une vedette internationale, lui que j'ai toujours associé à "Le Docteur Jivago" (1965) du même David LEAN vu quand j'étais très jeune. Bref, "Lawrence d'Arabie" est un jalon incontournable de l'histoire du cinéma, un de ces films qui impose sa marque en aval, jusqu'à l'épisode IV de Star Wars qui lui doit à mon avis autant qu'à l'oeuvre de Akira KUROSAWA. Comme on dit, il y a eu un avant et un après. Et comme dirait Luc Lagier, ce n'est pas Alec GUINNESS qui me contredirait, je dirais même que le prince Fayçal a été son passeport pour Obi Wan Kenobi.
David LEAN était particulièrement doué pour articuler des portraits d'individualités complexes à de vastes fresques historiques au souffle épique. C'est exactement ce qu'est "Lawrence d'Arabie" qui fonctionne en permanence sur ces deux échelles qui se complètent harmonieusement: Lawrence et l'Arabie. Basé sur le livre autobiographique de T.E Lawrence "Les Sept Piliers de la sagesse", il raconte le rêve fou de cet officier de liaison de l'armée britannique chargé d'encourager les arabes du Moyen-Orient à se soulever contre l'Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale en leur promettant un Etat arabe unifié. Un idéalisme voué à l'échec face à l'occupation franco-britannique et au partage de la région en zones d'influence par les accords Sykes-Picot (évoqués dans le film contrairement à la déclaration Balfour, autre promesse britannique faite cette fois au peuple juif, avec les conséquences que l'on sait). Bien que les hommes filmés par David LEAN paraissent tout petits dans l'immensité du désert majestueusement filmé, jamais on ne perd de vue le protagoniste principal et ses mystérieuses motivations qui le conduisent à devenir l'un des leaders de la révolte arabe contre les turcs puis une sorte de nouveau Moïse conduisant les tribus vers la terre promise de l'unité arabe. Une esquisse de réponse est donnée dans les problèmes identitaires de T.E Lawrence, fils illégitime qui se choisit une autre famille, celle qui lui témoigne justement de la reconnaissance. Des problèmes identitaires qui finissent par tourner cependant à l'autodestruction. La scène très symbolique dans laquelle Lawrence abat l'homme qu'il a sauvé un peu plus tôt et qui lui a valu d'être reconnu par les arabes comme l'un des leurs en est l'illustration éclatante. De même que la folie meurtrière qui s'empare de lui après son arrestation par les turcs. Un moment trouble à connotation homoérotique SM qui m'a fait penser à "Furyo" (1983).
Un excellent sujet traité toutefois de façon trop légère pour qu'il puisse développer tout son potentiel. "Mickey 17" se laisse regarder car la mise en scène virtuose de BONG Joon-ho est plaisante. Mais hélas, elle s'éparpille dans toutes les directions et le ton uniformément cartoonesque du film transforme ce qui est tout de même à la base une sombre dystopie en une bouffonnerie. Le personnage de Mickey 17 (Robert PATTINSON) qui est une version 2.0 de l'esclave, taillable et corvéable pour l'éternité puisqu'il peut être recyclé à l'infini ressemble plus à un lapin crétin qu'à un forçat ou à un cobaye. Les questions éthiques soulevées par l'exploitation de son être par la "science sans conscience" sont aussi vite expédiées que sa conscience politique est proche de zéro. La preuve, sa principale préoccupation quelle que soit sa version consiste à s'envoyer en l'air avec Nasha ce qui limite la compassion que le spectateur peut avoir vis à vis de ses morts répétées dans d'atroces souffrances. Cette superficialité généralisée empêche également les deux versions en activité de Mickey (le gentil soumis et le macho rebelle) de s'opposer de façon véritablement pertinente. Les autres personnages sont à l'avenant, le summum étant atteint par le ridicule dictateur Marshall (joué par Mark RUFFALO) qui s'inspire à l'évidence des aspects les plus grotesques de la personnalité de Trump. Quant à la fable écologique, anticolonialiste et antispéciste, elle sent un peu le réchauffé. BONG Joon-ho est une fois de plus après "Okja" (2016) allé chercher son inspiration chez Hayao MIYAZAKI en reprenant sous le nom de Rampeurs les Omus de "Nausicaa de la vallee du vent" (1984). Mais la comparaison ne tourne vraiment pas à l'avantage du blockbuster de BONG Joon-ho, divertissant mais inoffensif.
Quand la nature façonne un film et dicte son scénario, cela donne cet extraordinaire film qu'est "Aguirre, la colère de Dieu", librement inspiré de faits historiques réels*. Un film que l'on peut résumer en un affrontement entre un chef ivre de toute-puissance, d'or et de sang et une nature écrasante dans laquelle lui et ses hommes sont ravalés à l'état d'insectes. De la première scène à flanc de montagne où serpente une interminable colonie de soldats espagnols et d'esclaves indiens avançant péniblement dans la boue comme des fourmis à la dernière sur un radeau qui prend l'eau envahi par des cohortes de petits singes, le film prend l'allure d'une fable pleine d'ironie sur la vanité humaine. Celle de prétendus conquistadors réduits à l'état d'épaves subissant un environnement hostile qui décide à leur place exactement comme les incidents réels liés à l'imprévisibilité de la nature ont infléchi la trajectoire du film, tels ces impressionnants rapides qui ont pris au piège l'un des radeaux ou la brusque montée des eaux qui a emporté une partie du matériel du tournage. Cette primauté donnée à la nature ainsi que l'escamotage systématique des scènes d'action par le montage donnent une image d'impuissance qui fait méditer sur le mythe de l'Eldorado qui aurait été créé pour que la soif d'or insatiable des espagnols les entraîne vers leur propre perte, pas seulement individuelle mais civilisationnelle (c'est, je le crois la raison de la présence de femmes à bord en tenue de cour contre toute vraisemblance historique ainsi que le fantasme incestueux d'Aguirre). Klaus Kinski, acteur complètement habité par la folie incarne à merveille l'ego surdimensionné et ridicule de leur chef, Aguirre qui fait tirer au canon sur des ennemis invisibles qui l'assaillent de tous côtés en prétendant que le monde est à lui alors que son pauvre radeau se délite sous ses pieds. 10 ans plus tard, le duo infernal formé par Werner Herzog et son acteur "fétiche" avec lequel il entretenait des rapports houleux allait accoucher d'un autre chef-d'oeuvre de démesure dans la jungle, "Fitzcarraldo".
* De l’histoire d’Aguirre telle qu’elle s’est déroulée, seule l’expédition pour trouver l’Eldorado, le nom des personnages principaux, la rébellion contre Pedro de Ursúa et le sécession de la couronne d’Espagne sont attestés, le vrai Aguirre a survécu à la jungle, a descendu tout l’Amazone jusqu’à son embouchure, a remonté l’Atlantique jusqu’au Venezuela actuel où il s’est emparé de l’île Margarita avant que l’Espagne réagisse, incite les troupes d’Aguirre à faire défection, capture le conquistador et le supplicie.
Palme d'or du court-métrage au festival de Cannes 1978, "La Traversée de l'Atlantique à la rame" n'est pas sans faire penser au dernier long-métrage de Jean-Francois LAGUIONIE, "Slocum et moi" (2024). Dans les deux cas, un bateau devient la métaphore de la vie humaine. Mais là où "Slocum et moi" (2024) reste dans le registre réaliste de l'aventure immobile en convoquant le rêve et l'imaginaire, "La Traversée de l'Atlantique à la rame", tout aussi onirique et contemplatif choisit la voie du fantastique. Le début s'inscrit pourtant dans le genre des exploits aventuriers de la Belle Epoque avec la célébration en fanfare du départ dans le port de New-York en 1907 de Jonathan et Adélaïde à bord de leur frêle canot, "Love and Courage" pour ce qui ressemble à un voyage de noces quelque peu en avance sur son temps*. Mais il s'avère que les années défilent presque immédiatement sur le carnet de bord que tiennent tour à tour les deux membres du couple alors que l'océan qui semble jamais n'avoir de fin adopte leurs humeurs: une mer d'huile dans les premières années où le temps est au beau fixe puis un avis de tempête quand les relations au sein du couple deviennent orageuses avant que chacun ne se mure dans l'indifférence. Finalement l'arrivée ou plutôt l'échouage du bateau en Europe se fera bien, cinquante ans plus tard mais, devenus des vieillards, ils auront depuis longtemps quitté le navire.
* Pour mémoire il faudra attendre 1980 pour qu'un navigateur, Gérard d'Aboville réussisse à traverser l'Atlantique à la rame en un peu plus de 70 jours.
"Slocum et moi" est le septième long-métrage d'animation de Jean-Francois LAGUIONIE en quarante ans. C'est un récit fortement inspiré de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence entre la fin des années quarante et le milieu des années cinquante. Le film dépeint une triple odyssée: celle du passage à l'âge adulte de François, celle de Joshua Slocum, le premier navigateur a avoir réussi à accomplir le tour du monde à la voile en solitaire et enfin celle de la construction d'une réplique de son bateau, le Spray dans le jardin familial par le père adoptif de François. Le film est ainsi une histoire d'amour filial qui ne s'exprime pas par la parole mais par un rêve fédérateur. Le père échafaude, le fils s'évade par la lecture et les cartes et la mère fait la navette entre eux. Un voyage immobile sur les liens qui se tissent en dehors de la parenté biologique. Ainsi, imitant son père adoptif qui ne veut pas finir le bateau, François adolescent tente de lui faire croire qu'il est parti à la montagne avec des amis alors qu'il campe tout près de la maison, au bord de la Marne avec son amie. Nostalgie d'une époque disparue rendue avec le graphisme délicat et les tons pastels d'un artiste qui nous gratifie ainsi d'un superbe au revoir car on peut raisonnablement penser au vu de son âge et du temps passé sur chaque oeuvre (huit ans pour ce dernier opus) qu'il s'agit de son dernier film.
Après la version suédoise de Ingmar BERGMAN et celle, britannique de Kenneth BRANAGH, voici une nouvelle adaptation à la sauce blockbuster US du dernier opéra de Mozart. En effet bien que le réalisateur soit allemand, le vrai maître d'oeuvre est le producteur Roland EMMERICH. Les références sont transparentes: un univers copié sur celui de Harry Potter avec un train pour rejoindre une école sélect au milieu des montagnes et un portail vers un monde magique, un héros au nom, Tim Walker qui résonne comme un certain Luke Skywalker, un directeur d'école qui est joué par F. Murray ABRAHAM alias Salieri dans le chef d'oeuvre que Milos FORMAN a consacré à Mozart etc. L'objectif est clairement de toucher les jeunes générations tout en recherchant l'approbation des parents. Le résultat n'est pas désagréable mais il donne quand même l'impression d'un collage entre deux histoires qui n'ont guère de rapport l'une avec l'autre. D'un côté un teen movie tout ce qu'il y a de plus convenu (le directeur peau de vache, le bon copain, la brute de service, la jolie fille prédestinée à devenir la petite amie...), de l'autre, l'opéra de Mozart en version diluée et abrégée forcément dont on peine à saisir la teneur ésotérique et le message progressiste. La franc-maçonnerie est évoquée mais bien peu exploitée (hormis autour de la symbolique du chiffre 3). Ce qui n'arrange rien dans la version que Arte propose, c'est que le film n'existe qu'en version française avec des textes chantés en français (ou en anglais). La version allemande n'est en effet pas sous-titrée. Anecdotique.
Arte a eu bien raison de programmer le dernier film de Howard HAWKS pour les fêtes de fin d'année. "Rio Lobo" est le mal-aimé de la trilogie de westerns en couleur que le réalisateur a tourné avec John WAYNE et a souffert de la comparaison avec "El Dorado" (1965) et surtout "Rio Bravo" (1959), sommet du western et de la filmographie de Howard HAWKS. Pourtant, le plaisir est là. Celui de se lover dans un univers familier et chaleureux dont "Rio Lobo" offre une déclinaison peut-être en mode mineur mais savoureuse en compagnie du Duke, certes vieillissant et bedonnant mais qui fait office comme le dit l'un des personnages féminins du film (il y en a trois!) d'excellente "bouillotte". Ce n'est pas le seul trait d'auto-dérision qui nous régale, outre le qualificatif de "bébé baleine" relatif à son embonpoint il doit subir également un charcutage chez le dentiste parce qu'il serait un "trop mauvais acteur" (une façon intelligente de répondre à ses détracteurs). A ses côtés, l'ami fidèle et ancien adversaire (Jorge RIVERO), son jeune adjoint (joué par le fils de Robert MITCHUM) et un vieux briscard pittoresque râleur et amateur d'alcool. Non plus Walter BRENNAN mais Jack ELAM dont la gueule mal rasée et l'oeil à moitié fermé est resté célèbre pour l'ouverture de "Il était une fois dans l'Ouest" (1968). A ce "men's club" hétéroclite et retranché devant se défendre contre des ennemis plus nombreux et plus forts, il faut ajouter les trois jeunes femmes du film, au physique trop mannequin pour s'intégrer harmonieusement dans le western mais qui sont partie prenante du récit, maniant la gâchette et prenant les coups au lieu de regarder passer les trains. Il y a quelques longueurs mais aussi d'excellents morceaux de bravoure comme l'attaque du train par les sudistes au début du film. "Rio Lobo" a beau restituer toute la saveur de l'univers hawksien, le magnifique générique mélancolique à la guitare sèche nous rappelle que c'est son film-testament, son chant du cygne.
C'est noël et ses nombreux rituels. Parmi ceux que j'aime, la diffusion de séries de la BBC adaptées de classique de la littérature et toujours gage de qualité. La preuve encore avec "Les Grandes espérances" de Charles Dickens déclinées sur trois épisodes de 54 minutes chacun. L'emballage est particulièrement soigné avec une attention toute particulière aux décors, costumes et maquillages de Miss Havisham (Gillian ANDERSON) et de son château qui tombe réellement en poussière au fil des épisodes. Il moisit, pourrit sur pied tout en dégageant un certain charme gothique et macabre, noyé dans la brume comme le veut le roman original. Le noircissement de la robe de mariée que porte perpétuellement Miss Havisham et sa mise de plus en plus négligée la font passer du statut de reine des neiges un peu givrée à celui de zombie. Ce personnage et ce lieu, centre de gravité du film a d'ailleurs sans nul doute inspiré le très beau générique où l'on assiste à l'éclosion d'un papillon blanc qui s'obscurcit jusqu'au noir intégral. L'autre aspect très réussi de la série est son scénario qui met l'accent sur les problèmes identitaires des personnages et leurs obscures filiations. A commencer par Pip (Douglas BOOTH), balloté entre deux mondes et qui en aspirant à rejoindre la haute par amour pour une étoile inaccessible risque de se brûler les ailes. Cela peut également être un autre sens du papillon noir qui se serait calciné au contact de Miss Havisham et de sa protégée, Estella (Vanessa KIRBY). Un coeur aveuglé par la honte sociale et donc injuste. Mais Estella, manipulée depuis l'enfance par une marâtre qui l'utilise comme un outil de vengeance n'est pas mieux lotie: elle se retrouve prisonnière dans une cage aux fauves qui menace de la dévorer. Au passage, je souligne l'élégance de la mise en scène à ce moment-là qui déplace la violence sur un cheval (tout en la suggérant pour sa maîtresse) et fait de celui-ci le protagoniste de la délivrance de l'héroïne. La nature est en effet montrée comme salvatrice face à une société toxique: l'une des scènes les plus inspirées de la série montrent Pip et Estella s'embrasser au milieu d'une rivière, les gambettes en contact avec l'eau et le sol. La plupart des seconds rôles sont soignés même si quelques uns sont un peu survolés. Petit bémol sur l'interprétation de Douglas BOOTH, un peu lisse.
"Etre critique, ce n'est pas donner son avis, c'est se construire comme sujet travers les films que l'on voit" (Emmanuel Burdeau)
"La cinéphilie est moins un rapport au cinéma qu'un rapport au monde à travers le cinéma" (Serge Daney)