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Articles avec #documentaire tag

Le Sel de la terre

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders, Juliano Ribeiro Salgado (2014)

Le Sel de la terre

"Le Sel de la terre" est un film puissant qui sublime l'oeuvre du photographe franco-brésilien Sebastiao SALGADO disparu le 23 mai dernier à l'âge de 81 ans. A partir des années 70, il s'est fait le témoin des tragédies humaines aux quatre coins du globe (guerres, famines, grandes migrations) avant de se consacrer à un vaste projet nommé "Genesis" sur la nature et les hommes vivant en osmose avec elle à l'écart des ravages environnementaux causés par les sociétés productivistes modernes.

Le film comporte un aspect biographique, incluant les témoignages de proches et de Sebastiao SALGADO lui-même qui permet de se familiariser avec le photographe et son histoire. On y apprend notamment qu'il a suivi une formation d'économiste qui lui a donné des clés pour contextualiser ses photographies et qu'après toutes les atrocités dont il a été le témoin, c'est le travail de reforestation de la terre de ses ancêtres qui lui a redonné le goût de vivre (qu'il a poursuivi avec "Genesis"). Une polémique a d'ailleurs éclaté à la suite de la sortie du film entre autres sur les liens entre le photographe et une industrie minière qui finançait ses voyages (lien non évoqué dans le film). Mais ce sont les stupéfiantes photographies en noir et blanc, la plupart commentées qui constituent le coeur du film. C'est par leur biais que Wim WENDERS, lui même photographe l'a découvert, est devenu ami avec lui et lui a consacré le film, co-réalisé avec son fils aîné.

Quel qu'en soit le sujet, les photographies de Sebastiao SALGADO sont pleines de grandeur. Tout y apparaît magnifié, tant les paysages que les gens qui se transforment en figures héroïques ou bien martyres. Bien que ces photographies s'inscrivent dans un contexte très bien documenté (la famine en Ethiopie, le génocide du Rwanda, la guerre civile en Yougoslavie, le conflit irakien, la migration des paysans du Nordeste brésilien etc.), elles échappent au temps et semblent appartenir à l'éternité. Beaucoup les qualifient d'ailleurs d'images bibliques à l'image de l'incroyable ouverture consacrée aux photographies d'une mine d'or à ciel ouvert au Brésil envahie telle une fourmilière par des dizaines de milliers d'hommes couverts de boue piochant et portant des fardeaux. Certains ont pensé à "Aguirre, la colere de Dieu" (1972) à raison mais il y a aussi quelque chose de Sisyphe dans ce labeur mené dans des conditions terribles, la soif de l'or étant plus forte que la peur de la mort. Toute cette beauté pour décrire les pires horreurs est destinée à pousser le spectateur à la regarder (l'horreur) en face et à s'interroger. L'art élève et en élevant, il touche là où la simple information laisse le plus souvent indifférent. Montrer la part divine de l'homme au sein des populations les plus déshéritées de la terre lui donne par ailleurs une noblesse que les sociétés occidentales lui dénient par ailleurs (haine des migrants, mépris ou condescendance vis à vis des plus pauvres).

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Robert de Niro, l'arme du silence

Publié le par Rosalie210

Jean-Baptiste Pérétié (2023)

Robert de Niro, l'arme du silence

Connaissant assez mal Robert De NIRO, j'ai trouvé le documentaire qui lui est consacré très instructif. Certes, il n'est pas exhaustif (comment pourrait-il embrasser en moins d'une heure plus de cinquante ans de carrière et quelle carrière!) mais tout en étant assez classique dans sa forme, il souligne des aspects intéressants de la personnalité de l'acteur. J'en citerai trois:

- L'implication totale dans le processus créatif des films. Non seulement Robert De NIRO est un perfectionniste capable d'aller très loin dans la préparation de ses rôles (l'exemple emblématique étant son entraînement à la boxe et sa prise de poids pour "Raging Bull" (1980) qui lui valut l'Oscar du meilleur acteur) mais l'instigateur de plusieurs des films réalisés par son alter ego réalisateur Martin SCORSESE: "Raging Bull" (1980) et "La Valse des pantins" (1982) notamment. La relation fraternelle avec ce dernier est particulièrement émouvante, notamment lorsque devenus vieux, ils se laissent photographier bras dessus bras dessous par les journalistes du festival de Cannes.

- L'incarnation de "la violence pulsionnelle de l'Amérique" pour reprendre l'expression du réalisateur du documentaire, Jean-Baptiste PERETIE. Dès le film qui le fit connaître, "Mean Streets" (1973), Robert De NIRO impose un jeu fébrile marqué par de terribles explosions de violence, qu'il en soit l'instigateur, la victime ou les deux. Plus encore que ses rôles de mafieux, ce sont ceux de vétérans de la guerre du Vietnam qui permettent de montrer toutes les facettes de cette violence qui s'abat tant sur les hommes que sur les femmes. Une rugosité compensée par un travail d'auto-dérision croissant au cours de sa carrière avec des rôles de plus en plus parodiques (dommage que son rôle de "super Mario subversif" dans "Brazil" (1985) ne soit pas évoqué).

- Les relations avec le show business. "l'arme du silence", le titre du documentaire ne fait pas seulement référence aux personnages joués par Robert De NIRO, murés en eux-mêmes, incapables de s'exprimer autrement que par des coups (c'est lui qui a inventé la célèbre réplique du miroir dans "Taxi Driver") (1976) mais à son rapport plus que distant avec les médias qu'il a fui, surtout dans sa jeunesse. Pourtant les quelques éléments biographiques distillés ici et là éclairent sa personnalité pudique voire taiseuse, que ce soit le rapport à son père, Robert de Niro senior, peintre obscur et homosexuel dans le placard ou l'évocation de l'un de ses fils, atteint de troubles du spectre autistique.

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Mia Farrow, ombres et lumières

Publié le par Rosalie210

Thierry Guedj (2023)

Mia Farrow, ombres et lumières

Comme Diane KEATON, Mia FARROW est si étroitement associée à Woody ALLEN pour lequel elle a tourné dans 13 films avant de s'abîmer dans une tempête judiciaire et médiatique que l'on a tendance à oublier les autres aspects de sa vie et de sa carrière. Ce documentaire dont le titre me semble être une référence à "Ombres et brouillard" (1991) nous les rappelle. Il bénéficie d'une construction thématique ce qui n'est pas fréquent. Il commence par évoquer le film qui a rendu célèbre Mia FARROW, "Rosemary's Baby" (1968) de Roman POLANSKI puis bien plus tard, revient dessus afin de montrer comment à travers le film, Mia FARROW s'est délivré du joug d'un Frank SINATRA incarnant le patriarcat (et d'une image lisse forgée à la télévision dans la série "Peyton Place" (1964) où elle a débuté) pour basculer dans l'ère hippie contestataire. Un aspect de sa personnalité qui l'a suivie jusqu'au bout à travers ses engagements humanitaires qui ont supplanté le cinéma: "Alice" (1990) est ainsi analysé comme une biographie de l'actrice qui se débarrasse de son carcan bourgeois pour prendre en main sa vie et aider les autres. Auparavant, dans "Hannah et ses soeurs" (1986), Woody ALLEN utilise d'autres aspects biographiques de l'actrice: sa propre maison est celle de Hannah et c'est sa véritable mère, Maureen O'SULLIVAN qui joue le rôle de la mère de Hannah. La riche filmographie commune avec Woody ALLEN est analysée sous l'angle d'abord de l'émerveillement du réalisateur pour sa muse qui est magnifiée dans des récits quasi magiques puis sous celui du désenchantement qui va de pair avec des personnages plus négatifs. On découvre aussi nombre de curiosités dont le "Docteur Popaul" (1972) de Claude CHABROL avec Jean-Paul BELMONDO. Un documentaire intéressant donc, même s'il est loin de répondre à toutes les questions que l'on se pose sur cette personnalité complexe.

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Agnès de ci de là Varda

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2011)

Agnès de ci de là Varda

Mini-série documentaire de cinq épisodes de 45 minutes chacun qui recueille les fragments des rencontres, voyages, visites glanés ici et là par Agnes VARDA. Même si l'ensemble paraît hétéroclite, il s'organise autour des thèmes obsessionnels de la réalisatrice: le temps qui passe (l'incipit autour d'un arbre de sa cour qu'elle a fait tailler et dont elle photographie les étapes de la repousse) et la mort inéluctable (les dix dernières minutes du cinquième épisode autour des vanités et du thème de la jeune fille et la mort dont "Cleo de 5 a 7" (1961) est une version moderne). Entre les deux, une série d'instantanés artistiques pris au gré de ses nombreux voyage en France, en Europe, en Amérique qui permettent de transformer l'éphémère en gouttes d'éternité. L'éphémère, ce sont les représentations, festivals, expositions, happenings où se rend Agnes VARDA et ses rencontres avec les artistes, connus (Pierre Soulages, Annette Messager, Christian Boltanski, Chris MARKER, Jean-Louis TRINTIGNANT, Alexandre SOKOUROV, Manoel de OLIVEIRA qui imite Charles CHAPLIN etc.) ou inconnus, un simple quidam mettant un peu de poésie autour de lui pouvant être filmé par elle, notamment lorsqu'il s'agit du street art à Los Angeles à qui elle avait déjà consacré un documentaire au début des années 80, "Mur murs" (1981) et où elle se rend à nouveau en 2011 dans le cinquième épisode. L'ensemble forme un album animé d'art qui complète ceux, classiques qu'elle a feuilleté au fil du temps et dans lesquels on peut piocher à sa guise selon ses humeurs et ses goûts. Outre Los Angeles, d'autres lieux chers à la réalisatrice sont retrouvés au fil de ses pérégrinations comme Sète, le théâtre de son enfance ou Nantes, la ville natale de Jacques DEMY.

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De rockstar à tueur, le cas Cantat

Publié le par Rosalie210

Zoé de Bussierre, Karine Dusfour, Anne-Sophie Jahn, Lartigue Nicolas (2025)

De rockstar à tueur, le cas Cantat

Depuis sa sortie sur Netflix, le documentaire consacré à l'affaire Cantat fait le buzz et c'est bien normal. Car 22 ans après la mort de Marie TRINTIGNANT, la relecture de l'affaire à l'aune post Metoo permet de se rendre compte du traitement que la société et les institutions réservaient aux féminicides, surtout s'ils étaient commis par des hommes puissants. D'ailleurs le mot féminicide n'existait pas, il était remplacé par le "crime passionnel", ça permettait de se défausser de sa responsabilité. C'est d'ailleurs ce que fait à longueur d'audience Bertrand Cantat qui justifie ses actes par des forces qui l'auraient dépassé. D'ailleurs dans un premier temps, il parle d'un simple accident. Quand les faits révélés par l'autopsie (19 coups en majorité portés au visage) l'obligent à rectifier sa version, il se victimise (c'est pas moi, c'est elle qui m'a tapé la première) et les médias lui emboîtent allègrement le pas. L'émission de Thierry ARDISSON, devenue en quelques années le baromètre des mentalités de l'époque refait le procès de Vilnius en désignant Marie TRINTIGNANT comme coupable, hystérique, consommatrice d'alcool de de cannabis et infidèle parce qu'ayant eu quatre garçons de quatre pères différents alors que Bertrand Cantat est lui présenté comme un "modèle de fidélité". Seule LIO prend la défense de son amie au cours de ce tribunal médiatique, elle témoigne d'ailleurs dans le documentaire. Une parole forte qui s'inscrit en contraste avec ceux du "clan Cantat" qui minimisent comme Dominique Revert ou s'en moquent comme Pascal Nègre qui raisonne en financier pour qui la seule chose qui compte c'est que "Noir Désir", ça rapporte.

Outre le fait de confronter les interrogatoires de Cantat à la réalité de faits qui mettent en lumière ses mensonges, le documentaire a le mérite de reconstituer le puzzle des violences commises par le chanteur sur les femmes. Car si le meurtre de l'actrice a été présenté au procès comme un cas isolé qui a bénéficié à Cantat (sur les 15 ans requis il n'a été condamné qu'à 8 ans, n'en a fait en réalité que 4, en partie en France et dans des conditions privilégiées), c'est parce qu'il a bénéficié de l'omerta de son entourage dont celui de Kristina Rady, la mère de ses enfants. Or celle-ci avec laquelle il s'était remis s'est suicidée en 2010 et Anne-Sophie Jahn, co-réalisatrice et scénariste du documentaire s'est intéressée à son histoire, lui consacrant une enquête dans "Le Point" en 2017 venant faire contrepoids au numéro de les "Inrockuptibles" qui réhabilitaient Cantat sans mentionner une seule fois les affaires dans lesquelles il avait été impliqué. A partir des éléments laissés par Kristina Rady (une lettre, un enregistrement), des témoignages de ses proches et de son dossier médical, il apparaît qu'elle était victime de l'emprise du chanteur qui avec elle comme avec Marie TRINTIGNANT se montrait étouffant et violent. Mais qui s'en souciait? Si même une actrice connue ne faisait pas le poids face à l'icône rock alors une "nobody", n'en parlons pas. Ironie de l'histoire, au moment même où Cantat était sur le point d'être blanchi par la presse, Metoo éclatait, suscitant aux abords des concerts du groupe des tensions entre pro et anti Cantat.

On peut reprocher au documentaire des éléments de forme un peu racoleurs. Mais on ne peut pas lui reprocher sa documentation fouillée et la rage qu'il suscite en mettant le doigt là où ça fait mal. Il y a tant eu de complaisance envers Cantat qu'un autre point de vue ne peut être que salutaire.

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Clint Eastwood, la dernière légende

Publié le par Rosalie210

Clélia Cohen (2022)

Clint Eastwood, la dernière légende

Après avoir vu ce documentaire riche et éclairant - que l'on peut juger trop court mais qui fait quand même 1h17 soit plus que la moyenne standard de 52 minutes - j'ai déduit que Clint EASTWOOD était un pont, à l'image de celui qui illustre l'un de ses films les plus célèbres, "Sur la route de Madison" (1995). Un pont entre l'Amérique et l'Europe, entre la télévision et le cinéma, entre la country et le jazz (comme "The Blues Brothers" (1980), on y entend le thème de la série "Rawhide" (1959) dans laquelle il joua alors que "Bird" (1987) célèbre la musique de Charlie PARKER), entre le masculin et le féminin, facette de sa personnalité qui a été révélée au monde par "Sur la route de Madison" (1995) mais qui était déjà présente dans l'un de ses premiers films, "Breezy" (1973). Un pont aussi entre conservatisme et progressisme: connu pour ses idées républicaines et ses discours parfois réacs, Clint EASTWOOD n'a pas moins mis en scène dans ses films la plupart des minorités: des indiens ("Josey Wales, hors-la-loi") (1976), des afro-américains ("Bird") (1987), des Hmong ("Gran Torino" où d'ailleurs il tourne son image de réac raciste en dérision) (2008), des témoins de Jéhovah et des détenus en cavale ("Un monde parfait") (1993), des hippies ("Breezy") (1973), des transsexuels ("Minuit dans le jardin du bien et du mal") (1997). Enfin si le film s'intitule "Clint Eastwood, la dernière légende", c'est aussi parce qu'il fait le pont entre le cinéma classique hollywoodien (le film met en évidence l'influence d'acteurs tels que Gary COOPER et James CAGNEY sur son jeu) et le cinéma contemporain. A ce titre, l'un des moments les plus mémorables du documentaire est une archive dans laquelle Orson WELLES dit que Clint EASTWOOD était au début des années 80 l'un des réalisateurs les plus sous-estimés du monde. En effet de nombreuses images d'archives attestent qu'à l'image de Sergio LEONE, Clint EASTWOOD était alors dénigré par une critique snobinarde aussi bien comme acteur que comme réalisateur et ce jusqu'au festival de Cannes. L'homme a depuis fait taire les mauvaises langues et mis tout le monde d'accord. Même "Dirty Harry" (1971) a droit à une relecture intéressante. Outre le travail de Don SIEGEL qui a servi de modèle à Clint EASTWOOD pour son propre style de réalisation, le personnage apparaît dans certaines des scènes les plus violentes comme habité par la folie ce qui l'éloigne des super-héros surjouant leur virilité en dépit de ce que suggère la longueur du calibre qu'il utilise.

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Lumière, l'aventure continue!

Publié le par Rosalie210

Thierry Frémaux (2025)

Lumière, l'aventure continue!

 

J'avais adoré le premier volet sorti en 2017 et cette suite tout aussi didactique et ludique sortie 130 ans jour pour jour après la première réalisation des frères Lumière est pareillement un pur enchantement. Grâce au travail de restauration effectué sur les pellicules, ce sont plus de 120 "vues Lumière", la plupart inédites et certaines jamais projetées faute de moyens techniques adéquats à l'époque qui nous sont proposées. Le projet de Thierry FREMAUX est le même qu'en 2017: déconstruire le cliché d'un "cinéma primitif" se réduisant à un plan séquence documentaire fixe en montrant la diversité et la modernité des films Lumière. Après avoir rappelé leur rôle dans la la chaîne d'innovations ayant permis d'aboutir au cinématographe (et notamment la concurrence avec Thomas EDISON), Thierry FREMAUX délaisse la technique pour évoquer l'invention de la grammaire cinématographique des origines. On a donc un festival de panoramas, ces films documentaires tournés dans un moyen de locomotion qui permettaient d'effectuer ce que l'on appelle aujourd'hui des travellings. Dans le même état d'esprit panoramique de découverte du monde, beaucoup de vues sont également prises en plongée, ce que l'on appelle en photographie la vue aérienne oblique qui met en valeur le paysage et la profondeur de champ. Les Lumière et leurs opérateurs sont allé filmer un peu partout en Europe, aux USA, au Japon de l'ère Meiji et dans les colonies françaises (Indochine, Algérie), en mer, en montagne, à la campagne, à Paris, à Lyon et dans d'autres villes de province. Ils ont rapportés un nombre impressionnant de petites fenêtres sur le monde de la Belle Epoque qui grâce à la restauration semblent avoir été tournées hier. Ils ont également filmé un nombre impressionnant de travailleurs en pleine activité, captant les mouvements des paysans, des lavandières, des menuisiers ou des pêcheurs. Mais Thierry FREMAUX rappelle aussi que la célébrissime première comédie de l'histoire, "L'arroseur arrosé" est un film Lumière dont on voit également une variante plus sophistiquée. Le remake est aussi ancien que le cinéma: "La Sortie de l'usine Lumiere a Lyon" (1895) nous est montrée en trois versions simultanément: la première, la plus belle et donc la plus connue uniquement avec des piétons, la deuxième avec en plus une voiture à cheval et des habits plus chauds (Thierry FREMAUX pense que c'est l'original tourné le 19 mars 1895), la troisième avec une voiture conduite par deux chevaux. Plusieurs films Lumière sont des making-of dans lesquels on voit l'opérateur tourner la manivelle (d'où est issu le mot "tournage"). D'autres filment des gens dont le regard est planté sur la caméra. L'influence du cinéma de Georges MELIES se fait ressentir via l'utilisation de trucages, la captation de performances d'artistes de cirque (dont le duo Chocolat & Foottit) et même un film tardif colorisé que l'on pourrait croire de sa main s'il n'y avait pas la signature "Lumière" au bas de l'image. Mais en plus de tout cela, Thierry FREMAUX exhume un film jamais projeté car le format large utilisé (75 mm) ne le permettait pas à l'époque sur l'exposition universelle de 1900 montrant l'extérieur du Grand Palais cadré de loin d'où sort une foule immense qui préfigure le cinéma à grand spectacle d'un D.W. GRIFFITH. Ne surtout pas rater le générique de fin car il recèle une séquence extraordinairement émouvante en forme d'hommage à cet amoureux du cinéma français qu'était Bertrand TAVERNIER.

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Thelma et Louise, un western féministe

Publié le par Rosalie210

Leni Mérat et Joséphine Petit (2024)

Thelma et Louise, un western féministe

Excellent documentaire qui retrace la genèse du film culte de Ridley SCOTT dans son contexte et montre son caractère visionnaire au vu des problématiques qui sont les nôtres aujourd'hui. C'est comme si le film sorti en 1991 décrivait déjà l'ère post #Metoo avec d'un côté la prise de conscience des discriminations et violences genrées à tous les niveaux de la société et en même temps la contre-offensive réactionnaire masculiniste dans et hors du film. Le documentaire souligne à quel point le scénario écrit par Callie KHOURI qui était pourtant novice en la matière (et justement peut-être parce qu'elle était novice!) déconstruisait les codes du western dont le road movie est un héritier direct. En plaçant au centre de l'histoire deux amies (relation rarissime au cinéma et souligné d'ailleurs par le "Sois belle et tais-toi" (1976) de Delphine SEYRIG) parties pour une excursion qui se transforme en cavale lorsqu'elle se heurtent à la violence masculine et décident d'y répondre en se plaçant sur le même terrain qu'eux, Callie KHOURI bouleverse les repères et offre une odyssée jouissive et libératrice. Le documentaire analyse plusieurs séquences à l'aune des codes traditionnels, celui du man power et du male gaze pour montrer le renversement des rôles: la scène où Thelma et Louise jouent les pétroleuses et braquent le magasin, celle où elles enferment le policier dans le coffre qui est comparée à celle de "Psychose" (1960), celle où Thelma exprime son désir pour le personnage de Brad PITT vu comme un objet sexuel rapportée à celle du loup de Tex AVERY ou encore celle où elles décident de mourir plutôt que de capituler face à l'autorité masculine vis à vis d'une une séquence de fin alternative qui aurait pu en changer le sens. Le documentaire explique que si le film a pu voir le jour, c'est grâce à la productrice Mimi POLK GITLIN proche de Ridley SCOTT alors que Callie KHOURI essuyait refus sur refus ainsi que grâce à Rebecca Pollack qui dirigeait le studio Pathé. Pourtant, ce dernier n'a pas tout de suite pensé à réaliser le film lui-même alors que Thelma et Louise ne sont pas les premières guerrières qu'il a mis en scène, il y avait déjà eu Ripley dans "Alien, le huitieme passager" (1979). Enfin, le documentaire revient sur les polémiques à sa sortie, le film ayant été taxé de misandre et de violent. Ce qui est évidemment faux. Geena DAVIS rappelle, non sans humour qu'il n'y a que trois morts dans le film, dont Thelma et Louise, très loin de l'abattage en série des films testostéronés de l'époque. Et si les comportements machos sont épinglés, du tyran domestique au harceleur en passant par le violeur, des hommes plus nuancés sont également mis en valeur dans le film, à commencer par le personnage de Harvey KEITEL. Mais le documentaire n'en parle pas et c'est son point faible. Car Harvey KEITEL, toute sa carrière le démontre a construit une masculinité où la virilité n'est pas l'ennemie de la féminité et il aurait été utile de rappeler que deux ans après "Thelma et Louise" (1991), il rayonnait dans "La Lecon de piano" (1993).

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John Cassavetes par Thierry Jousse

Publié le par Rosalie210

Camille Clavel (2024)

John Cassavetes par Thierry Jousse

Documentaire brillant sur le cinéma de John CASSAVETES par Thierry JOUSSE. Pour mémoire, cet ancien rédacteur en chef de "Les Cahiers du cinéma" et grand mélomane a consacré un ouvrage de référence à John CASSAVETES et une émission de la série "Blow up" sur Arte. Il est reçu dans une salle de montage par Camille CLAVEL et tous deux évoquent six films de John CASSAVETES soit la moitié de sa filmographie: "Une femme sous influence" (1974), "Shadows" (1958), "Faces" (1968), "Meurtre d'un bookmaker chinois" (1976), "Gloria" (1980) et "Love Streams - Torrents d'amour" (1983). Mon seul regret n'est pas celui que déplore Jacques MORICE dans Télérama, à savoir l'absence d'extraits, remplacés par des photogrammes mais le fait que le film ne dure pas plus longtemps ce qui aurait permis de rajouter deux ou trois analyses supplémentaires, notamment de "Minnie and Moskowitz" (1971) "Husbands" (1970) et "Opening Night" (1977) qui manquent à l'appel. Mais tel quel, le documentaire est déjà passionnant, c'est bien simple, au bout de cinq minutes, je m'étais emparée d'un carnet et je prenais des notes tellement ce que dit Thierry JOUSSE résonne avec ma propre expérience du cinéma de John CASSAVETES. A commencer par cette "nudité existentielle" qu'il parvenait à obtenir en filmant ses acteurs en gros plan et qui transperçait l'écran, et ce dès "Shadows" (1958). Le seul cinéaste qui m'a procuré des émotions comparables avec ses "visages-paysages", c'est Chris MARKER dans "La Jetee" (1963). Autre aspect majeur de ses films bien évoqué qui les ont toujours rendus haletants à mes yeux (je me souviens encore de mes doigts crispés sur le siège de la salle qui projetait "Opening Night") (1977), c'est la manière dont il filme en plan-séquence des scènes qui semblent prises en temps réel et dont il est impossible de deviner à l'avance quelle tournure elles vont prendre, même s'il y introduit dedans souvent un malaise laissant entendre que cela peut dégénérer. Enfin, à partir de "Meurtre d'un bookmaker chinois" (1976), il introduit dans son cinéma une dimension irréelle, fantomatique (celui de Myrtle jeune, celui de Gloria etc.) qui exprime ce qu'il se passe dans la tête de ses personnages, de même qu'il parvient grâce à la sensualité de son cinéma à faire ressentir la circulation d'affects pourtant invisibles. Quant à Gena ROWLANDS lorsqu'il dit qu'elle se situe au-delà du jeu, qu'elle n'imite personne alors que le rôle de Mabel se prêterait à la performance, cela m'a fait sourire tant cela me paraît être une évidence. Et c'est pourquoi tant d'actrices qui ont tenté justement de l'imiter s'y sont cassé les dents.

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Sandra Hüller-Anatomie d'une anti-star (Sandra Hüllers Geheimnis)

Publié le par Rosalie210

Antje Harries (2025)

Sandra Hüller-Anatomie d'une anti-star (Sandra Hüllers Geheimnis)

Sandra HULLER s'est fait connaître à l'international avec "Toni Erdmann" (2016) et a reçu la consécration avec "Anatomie d'une chute" (2022) et "La Zone d'interet" (2021) tous deux multi-primés à Cannes, aux César et aux Oscar. En France, elle est l'actrice allemande en activité la plus connue et la première depuis Romy SCHNEIDER à avoir reçu le César de la meilleure actrice. Pourtant on sait finalement peu de choses sur elle. Ce documentaire de facture très classique a le mérite de nous en apprendre plus. On y découvre notamment qu'elle a grandi en RDA (elle avait 11 ans lors de la chute du mur) ce qui explique son attitude détachée pour ne pas dire son désintérêt vis à vis du star-system et des valeurs qui l'accompagnent (individualisme, compétition, culte de la célébrité). Autre aspect intéressant du film, il évoque longuement sa carrière théâtrale, son milieu naturel qui est plus proche de sa manière d'envisager son métier. Nombre de grands acteurs allemands ayant brillé dans le cinéma d'auteur venaient du théâtre et il apparaît que celui-ci est à la source de la puissance de son jeu et fait rayonner sa personnalité complexe à la fois énigmatique et anticonformiste. Toutes les interventions de l'actrice expliquant l'approche de ses rôles sont pertinentes et pourraient faire l'objet d'une master class. Sandra HULLER m'a fait penser à Gena ROWLANDS par l'intensité de son jeu, sa façon de se donner corps et âme dans ses rôles et son désintérêt vis à vis de son image qui lui permet d'aller explorer un registre étendu.

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