Un documentaire riche en forme d'enquête qui aborde en une heure l'art de David LYNCH, non seulement sa carrière cinématographique mais aussi son oeuvre d'artiste plasticien et ses sources d'inspiration picturales, rappelant qu'il a commencé par les beaux-arts puis par l'animation avant de se lancer dans le cinéma. L'exposition que lui a consacré en 2007 la fondation Cartier est d'ailleurs évoquée. Les films et la série "Mysteres a Twin Peaks" (1990) sont abordés de manière chronologique et ponctués d'interventions de spécialistes et de son entourage, notamment ses acteurs les plus emblématiques: Kyle MacLACHLAN, Laura DERN, Isabella ROSSELLINI ou Naomi WATTS. La chambre rouge de Twin Peaks occupe une place centrale dans le film, réunissant nombre de symboles de la filmographie du cinéaste (rose, boîte et clé bleue notamment) quand le restaurant favori de David LYNCH ne sert pas une oreille en guise de repas à Kyle MacLACHLAN, allusion à "Blue Velvet" (1986). La récurrence de l'esthétique années 50, période de l'enfance de David LYNCH mais aussi de l'apogée de "l'American way of life" est couplée avec l'exploration du "dark side" de cette même Amérique. On remarque que les violences faites aux femmes y occupent une grande place, y compris dans des aspects tabous à l'époque comme l'inceste. Gros bémol cependant: je ne m'explique pas l'absence totale de "Une histoire vraie" (1999) alors que toutes ses autres oeuvres sont évoquées, sans exception. Parce qu'il n'y a pas d'énigme à résoudre dans "The Straight Story" (1999)? Justement, quelle est la place de ce film solaire dénué a priori de mystère et de surréalisme dans l'imaginaire du cinéaste? En confiant à David LYNCH le rôle de John FORD dans "The Fabelmans" (2021), Steven SPIELBERG a en partie donné la réponse.
Contrairement à une idée reçue, une source essentielle de l'inspiration de David LYNCH lui vient de la culture populaire de son enfance et plus précisément du film de Victor FLEMING, "Le Magicien d'Oz" (1938) adapté du roman de Frank Baum. Film qui l'obsède au point d'avoir déclaré qu'il y pensait tous les jours (et pas qu'en se rasant!) C'est tout à fait revendiqué dans "Sailor & Lula" (1990) qui en constitue une relecture rock and roll/ trash mâtinée de "Roméo et Juliette". Mais c'est le cas aussi dans ses autres films, de manière plus allusive. De "Une histoire vraie" (1999) qui déroule sa simplicité, sa linéarité et sa lenteur à l'alambiqué "Lost Highway" (1997), on suit pourtant toujours la même route de briques jaunes avec ou sans chaussures rouges quand on ne s'y appelle pas Dorothy ou quand on ne se retrouve pas devant un épais rideau en forme de frontière. Ce que démontre ce brillant et passionnant documentaire qui va d'ailleurs bien au-delà de la seule filmographie du réalisateur de "Elephant Man" (1980). C'est à une véritable dissection du cinéma hollywoodien que se livrent les six cinéastes et critiques qui interviennent aux cours des six chapitres qui explorent en profondeur le monomythe théorisé par Joseph Campbell. Sans remonter jusqu'à "L'Odyssée", socle commun de toute la culture occidentale, les histoires fédératrices de la culture américaine sont montrées comme se comptant sur les doigts d'une main: "Le Magicien d'Oz" (1938) et "La Vie est belle" (1946), les deux films entretenant de nombreux points communs dont celui de passer régulièrement à la télévision et ainsi de se transmettre de génération en génération. L'utilisation du split-screen met en évidence les liens tant sur la forme que sur le fond que le film de Victor FLEMING entretient avec celui de Frank CAPRA mais aussi avec une multitude d'autres univers de cinéastes allant des frères Joel COEN et Ethan COEN à Steven SPIELBERG, de Francis Ford COPPOLA à Stanley KUBRICK, de Georges LUCAS à John FORD, c'est un monde de conteurs qui se dévoile innervés par les mêmes schémas, les mêmes symboles (rappelant tout ce que le personnel doit au collectif, l'individu au milieu dans lequel il a grandi) et même si la forme de certains de ses films peut dérouter, David LYNCH fait bien partie de ce monde de conteurs, explorant ce qui se cache derrière la surface des choses, la plupart du temps dans leurs facettes cauchemardesques avant de rentrer (ou pas) à la maison. En visionnant ce documentaire stimulant et enrichissant, me sont venues aux oreilles des phrases telles que "Let's go home Debbie" ("La Prisonniere du desert") (1956), "J'aimerais payer la facture et rentrer chez moi" ("Fisher King") (1991) ou "Téléphone, maison" ("E.T. L'extra-terrestre") (1982).
Documentaire critique différent de ceux auxquels on est habitués, "John Wayne, l'Amérique à tout prix" aurait pu s'appeler "Comment Marion Morrison est devenu John Wayne, l'incarnation de l'Amérique réac?" La thèse sur laquelle repose toute la démonstration du documentaire est la suivante: il ne s'est jamais remis de la seconde guerre mondiale. Non pas celle qu'il a faite mais celle qu'il n'a pas faite. En effet après avoir galéré des années dans le cinéma de série B, la carrière de John WAYNE décolle avec "La Chevauchee fantastique" (1939). Mais voilà que l'attaque de Pearl Harbour obligent les USA à entrer en guerre. Les stars confirmées s'engagent. John WAYNE tergiverse et choisit finalement de rester à Hollywood. Un choix payant au niveau de sa carrière mais qui le plonge ensuite dans un profond sentiment de culpabilité. John FORD qu'il appelle "Pappy" parce qu'il considère qu'il lui doit tout le couvre en effet de honte. Alors John WAYNE se spécialise dans les rôles de cow-boy ou de soldat conservateurs et ultra-patriotiques, parfois pour le meilleur dans "La Prisonniere du desert" (1956) mais souvent pour le pire comme dans "Les Berets verts" (1968). Parallèlement, il tente de réparer sa "faute" en s'engageant dans la guerre froide. Mais c'est pour assister le maccarthysme en dénonçant les communistes d'Hollywood: pas très glorieux. Dans les années 60, sa croisade réac en pleine guerre du Vietnam devient carrément pathétique tant il apparaît comme un dinosaure complètement déconnecté de son époque. Il devient la parfaite caricature du beauf sexiste, raciste, homophobe, multipliant les déclarations à l'emporte pièce jusqu'à ce que la maladie ne l'emporte. Jusqu'au bout, John WAYNE apparaît comme un costume XXL cachant un type déphasé, incertain, jouant les patrons tout en étant sous la coupe sévère de l'éternel paternel de substitution John FORD, se faisant appeler "le Duke" pour mieux cacher le fait de porter un prénom féminin et mort d'un cancer provoqué au moins en partie par les retombées radioactives mal contrôlées d'une armée américaine qu'il vénérait tant.
Intéressant décryptage de la filmographie de Blake EDWARDS par des spécialistes du septième art qui soulignent son mélange de sophistication et de trivialité, de même que son talent pour marier le vaudeville et le slapstick. Le "gag à combustion lente" dont il s'est fait une spécialité est analysé notamment à travers "La Party" (1968), bijou de satire sociale et burlesque et sommet de sa collaboration avec Peter SELLERS (sa principale "muse" avec Julie ANDREWS). Mais on parle aussi beaucoup de "Diamants sur canape" (1961), la musique de Henry MANCINI, son compositeur attitré et l'art de camoufler une histoire de prostitution sous des airs de comédie romantique. Car les intervenants évoquent la parenté évidente du cinéaste avec Billy WILDER (alcoolisme, grivoiserie, travestissement, satire du monde hollywoodien et jusqu'à un plan d'ascenseur quasi-identique) mais aussi avec Robert ZEMECKIS notamment dans "La Mort vous va si bien" (1992). Blake EDWARDS a inventé des personnages devenus en effet des stars du cartoon, à commencer par la panthère rose dont une peluche se promène dans les décors du documentaire, mais aussi les "Les Fous du volant" (1968) dérivés de "La Grande course autour du monde" (1965). Mais Blake EDWARDS n'était pas qu'un prince de la comédie et l'un des meilleurs réalisateurs burlesque du parlant, il s'est également essayé à d'autres genres, du western ("Deux hommes dans l'Ouest") (1971) au thriller ("Experiment in Terror" (1962) qui a influencé David LYNCH pour "Twin Peaks") et au drame avec "Le Jour du vin et des roses" (1962) qui évoque l'addiction à l'alcool dont il a souffert. Un autre de ses tourments majeurs concerne l'identité sexuelle. Le mâle alpha y est particulièrement malmené, ses pulsions le menant dans une incertitude proprement vertigineuse comme dans "Victor Victoria" (1982) ("un homme amoureux d'une femme se faisant passer pour un homme qui interprète des rôles de femme") quand il n'est pas obligé de se réincarner "Dans la peau d'une blonde" (1991).
Avec un tel titre, je le sentais bien ce documentaire et je n'ai pas été déçue! Léo Favier a fait un travail remarquable d'approfondissement qui met en lumière les contradictions du maître japonais de l'animation, jamais aussi bien retranscrites que dans "Princesse Mononoke". Le film qui lui a ouvert les portes de l'Occident et qu'il considère lui-même comme un tournant dans sa carrière (c'est après ce film qu'il envisage pour la première fois de prendre sa retraite, mainte fois repoussée depuis) est le premier où il ne cherche pas à résoudre le conflit entre nature et culture, montrant tour à tour les facettes lumineuses et sombres de chacune et laissant ensuite chacun, y compris lui-même face à ses propres questionnements. Hayao Miyazaki mêle en effet dans chacun de ses films son expérience hantée de la guerre (il est né en 1941 et ses premiers souvenirs sont liés aux bombardements) et sa fascination pour les engins volants militaires aux connexions ancestrales entre humains et esprits de la nature issus du shintoïsme rural. Le documentaire met en relief le fait que tous ses films ont été réalisé dans un contexte de catastrophe naturelle et/ou humaine, passée, présente ou même à venir. Par exemple, "Porco Rosso" durant la guerre de Yougoslavie et le bombardement de Dubrovnik situé au bord de l'Adriatique, sur les lieux-même de son film. "Princesse Mononoke" dans la foulée du tremblement de terre de Kobé ainsi que l'attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Ou "Ponyo sur la falaise", trois ans avant le tsunami ayant provoqué la catastrophe de Fukushima. Hayao Miyakazi se place ainsi à la fois dans le passé, le présent et le futur de nos sociétés, quand nos descendants (des enfants en qui il place son espoir) devront composer avec le monde post-apocalyptique issu de la guerre des "sept jours de feu" (Nausicaa) ou des grands bouleversements climatiques (Ponyo) ou encore du consumérisme effréné (Chihiro). L'intervention de Toshio Suzuki (producteur du studio Ghibli) et de l'anthropologue Philippe Descola (spécialiste des relations entre humains et non-humains qui a contribué à changer le mot "nature" pour le mot "vivant") soulignent comment la vision shintoïste du monde dans laquelle l'homme est un écosystème comme un autre, animé du même souffle que tout ce qui l'environne s'oppose à la vision occidentale d'un homme se plaçant en dehors et au-dessus de la nature pour chercher à la dominer et à l'exploiter jusqu'à ce qu'à force de regarder ailleurs, il ne tombe avec la branche qu'il a scié. Une porte ouverte à la remise en cause des fondements de notre propre civilisation, que ce soit le cartésianisme ou le capitalisme qui semblent aujourd'hui plus que jamais nous mener vers une impasse.
Documentaire retraçant la vie et la carrière de Jacques DEMY, le film de Florence PLATARETS et de son scénariste Frederic BONNAUD a pour principal atout la richesse de ses images d'archives dont certaines paraît-il sont inédites. Il faut dire que le film est produit par les enfants de Jacques DEMY et Agnes VARDA qui sont les dépositaires de l'héritage du couple de cinéastes. Beaucoup d'interviews d'époque du principal intéressé et de quelques uns de ses acteurs et actrices, Catherine DENEUVE, Jean MARAIS ou Marie-France PISIER. Mais une restitution chronologique, scolaire, qui ne propose pas de point de vue et se contente de jouer les chambres d'enregistrement. Il aurait été tellement plus intéressant d'avoir un plan thématique faisant ressortir les obsessions de Jacques DEMY mais aussi analysant les raisons de ses succès puis de ses échecs. Car le rose et le noir, ce n'est pas seulement l'amertume et la noirceur logées au coeur de ses films les plus féériques et joyeux, c'est une carrière dont on connaît les grands classiques des années 60 mais qui s'étiole après "Peau d'ane" (1970) faute de parvenir à se renouveler. Jacques DEMY est montré comme un homme intègre mais idéaliste, intransigeant et hors-sol ce qui le conduit à des impasses comme ses films produit à l'étranger et longtemps non distribués en France ou sa rupture avec le public français qui ne comprend plus ses films. Il n'est pas mentionné par exemple que le four de "Model shop" (1968) qui ne correspondait pas aux attentes des producteurs américains lui a fermé définitivement la possibilité d'une carrière aux USA en dépit d'une nouvelle tentative dix ans plus tard. Une catastrophe car c'était le seul pays qui aurait eu les moyens de lui permettre de réaliser ses rêves de grandeur. Ou le fait que des projets comme "Une chambre en ville" (1982) ou "Trois places pour le 26" (1988) sont restés dans les placards plusieurs dizaines d'années et n'ont pu se faire que grâce à la victoire de Mitterrand (pour le premier) et à Claude BERRI (pour le second). Mais ils n'ont pas évolué d'un iota ce qui en fait d'étranges objets un peu démodés avec par exemple un Yves MONTAND devenu trop âgé pour le rôle. Au moins a-t-on droit au cassage en règle de Francis HUSTER qu'il ne put empêcher de chanter dans "Parking" (1985) ce qui aboutit à un massacre! Notons enfin, contrairement à ce qui est annoncé des impasses, notamment sur la plupart de ses courts-métrages, son travail d'assistant auprès de Paul GRIMAULT ou son téléfilm, "La naissance du jour" (1980) consacré à Colette.
Reconnaissance tardive. C'est en 2022 avec la consécration de "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975) comme le meilleur film de tous les temps que j'ai entendu parler pour la première fois de Chantal AKERMAN. C'est d'ailleurs également par cet événement que s'ouvre le documentaire qui analyse une petite partie de son oeuvre (son premier film, "Saute ma ville" (1968), sa comédie musicale "Golden Eighties" (1986), son documentaire, "D'Est" (1993), son travail d'artiste plasticienne et Jeanne Dielman bien sûr) au miroir de sa vie. Faisant intervenir des amis et collaborateurs (notamment l'acteur qui joue Sylvain, le fils de Jeanne Dielman, la productrice Marylin WATELET etc.) au milieu des extraits et des images d'archives, le film brasse les thèmes du féminisme, du judaïsme, du rapport à la mère et à la mémoire mais n'évoque pas du tout l'homosexualité féminine. En revanche il y a un documentaire dans le documentaire: celui de la ville de Bruxelles qui à la suite de la reconnaissance de "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975) a inauguré en 2023 une fresque murale et une allée au coeur du Quai du commerce ainsi qu'une plaque posée devant l'immeuble où a été tourné "Jeanne Dielman". La cinémathèque de la ville a par ailleurs exhumé ses premiers courts-métrages qui restaient inédits à ce jour. Une reconnaissance qui s'inscrit dans une redécouverte des réalisatrices (comme Alice GUY en France) et dans un mouvement de féminisation des espaces publics. Tout cela trop tardivement pour que la cinéaste puisse en profiter, elle qui a mis fin à ses jours en 2015 à l'âge de 65 ans après avoir travaillé toute sa vie (comme nombre de ses consoeurs) en marge du système et en quête permanente de financements.
"Tout le monde voudrait être Cary Grant. Moi aussi, je veux être Cary Grant !". C'est dire si l'icône hollywoodienne reflétait imparfaitement celui qui la projetait. Et ce d'autant plus qu'il a passé une bonne partie de sa vie englué dans un profond trouble identitaire. L'image pleine d'assurance du séducteur dandy au charme absolument irrésistible ne pouvait pas être plus éloignée d'un homme né anglais sous le nom de Archibald Leach dans un milieu modeste. Encore que cet écart a été réduit par Charles CRICHTON dans "Un poisson nomme Wanda" (1988) puisque le personnage joué par John CLEESE se nomme Archie Leach. En attendant, seul un film méconnu "Rien qu'un coeur solitaire" sorti en 1944 (et évoqué dans le documentaire) fait ressortir le prolétaire des bas-fonds de Londres (bien que Cary Grant soit originaire de Bristol) à l'accent cockney sous le smoking de l'homme distingué au sourire craquant, à l'agilité phénoménale (fruit de son ancienne activité d'acrobate) et à la langue bien pendue. C'est d'ailleurs son rôle le plus sombre et le plus tourmenté. Pour le reste, la véritable personnalité de Cary Grant, il fallait la décoder. Ainsi l'aisance physique et verbale n'est pas la seule raison de son talent pour les screwball comédies, l'ambiguïté sexuelle et le travestissement y sont des leitmotiv majeurs. Bien que le documentaire ne s'y attarde que très brièvement, préférant évoquer les cinq mariages de Cary Grant, la bisexualité de ce dernier est maintenant bien connue (elle est évoquée d'ailleurs dans "Le Prenom") (2011). Le morceau de choix pour comprendre l'homme derrière l'artiste reste cependant les films tournés par Alfred HITCHCOCK qui sont longuement analysés. Anglais lui-même, Alfred HITCHCOCK était également passionné par la psychanalyse tandis que Cary GRANT grâce notamment à sa troisième femme avait entamé une thérapie au LSD (alors en vogue en Californie dans les années 50) avec un psychiatre qui lui a permis de faire un travail fructueux sur lui-même. Les films de Alfred HITCHCOCK avec Cary GRANT mettent en scène un homme tourmenté, à l'identité incertaine (le quiproquo de "La Mort aux trousses" mais aussi l'ambiguïté de "Soupcons") (1941) (1959) et se méfiant des femmes ("Soupcons" (1941) là encore mais surtout ce chef-d'oeuvre qu'est "Les Enchaines") (1945). La relation contrariée de Grant avec sa mère puis sa disparition qu'il crut longtemps être un abandon avant de découvrir qu'elle avait été internée par son père puis la distance qu'il conserva vis à vis d'elle ont structuré sa personnalité fuyante qui sur le tard réussit à se rassembler. Dommage que le documentaire, par ailleurs très bien documenté et passionnant ne cite pas la fin de "Charade" (1963) dans lequel Audrey HEPBURN cite tour à tour tous les pseudo dont s'est affublé le personnage joué par Cary GRANT, comme pour mieux les exorciser.
Un portrait nourri d'archives inédites de Alain RESNAIS, décédé il y a tout juste 10 ans, de ses premières années à ses derniers films. On y apprend notamment qu'il était timide, de santé fragile et qu'il a passé son enfance dans un relatif isolement ce qui l'a amené à jeter sur le monde un regard décalé, notamment par rapport à son milieu bourgeois conservateur qui le prédestinait à une carrière de pharmacien. Sa filmographie est montrée comme scindée en deux parties. Dans la première, il s'avère être un expérimentateur de génie notamment grâce à sa maîtrise du montage et un grand cinéaste de l'histoire et de la mémoire, n'hésitant pas à se heurter à la censure vis à vis de la collaboration du régime de Vichy comme vis à vis de la colonisation et de la guerre d'Algérie. Dans la seconde partie que Pierre ARDITI qualifie de "comédie Resnais" éclate son amour de la musique et du théâtre qui magnifie les performances d'acteurs, en particulier celles de Pierre ARDITI, Andre DUSSOLLIER et Sabine AZEMA qui forment une véritable petite troupe, enrichie par la suite de nombreux autres apports. Si le goût de la collaboration artistique et littéraire est mis en avant pour les premiers films de Alain RESNAIS (avec Chris MARKER, Marguerite DURAS puis Alain ROBBE-GRILLET) plus le documentaire avance, plus cet aspect pourtant fondamental de son cinéma est expédié voire occulté. Agnes JAOUI fait partie des intervenants mais son travail avec Jean-Pierre BACRI, fondamental pour "Smoking/No Smoking" (1993) et "On connait la chanson" (1997) n'est pas analysé. Le partenariat avec la troupe de Arnaud DESPLECHIN sur "Les Herbes Folles" (2008) est passé sous silence. D'autres thèmes (son amour pour la BD par exemple) sont sous-exploités. Mais il aurait fallu 1h30 de film au moins: Alain RESNAIS le méritait!
Court-métrage québécois sensible et lumineux sur la fin de l'enfance lors d'un dernier été vécu comme un moment suspendu avant le retour au temps du réel, à la manière de "Tomboy" (2010). Tout fait penser dans ce film justement titré "Oasis" à une bulle d'insouciance avec les activités estivales en pleine nature, baignades, pédalo, pêche, camping, vélo, paddle etc. Le temps suspendu, c'est aussi le skatepark qui ouvre et ferme le court-métrage (on pense forcément un peu à Gus van SANT). Mais c'est aussi dans ce lieu que se profile la séparation des deux frères jumeaux de 14 ans Raphaël et Rémi que la réalisatrice connaît pour les avoir gardé quand ils étaient petits. En effet contrairement aux scènes dans les bois, celles qui se déroulent dans le skatepark forment un petit théâtre social qui souligne le décalage entre les deux frères. Le premier en train d'entrer dans l'adolescence, entouré de son groupe de skateurs et le second resté dans l'enfance en raison de son handicap, assis à l'écart occupé à gonfler des ballons et à les modeler. Comme souvent en pareil cas, celui des frères ou des soeurs qui n'est pas handicapé est appelé à jouer le rôle de protecteur et d'aidant. Dans le contexte du film de Justine MARTIN, ce rôle est mis à mal par le désir de s'intégrer au groupe et de grandir. C'est en naviguant entre ces différents pôles (temps suspendu/temps réel, nature/culture, fusion/séparation etc.) que le film trouve son centre de gravité.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.