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Articles avec #comedie dramatique tag

Je rentre à la maison

Publié le par Rosalie210

Manoel de Oliveira (2001)

Je rentre à la maison

J'ai vu ce film d'une grande simplicité comme un "au revoir" de la part d'un réalisateur qui avait à l'époque déjà 93 ans (Manoel de OLIVEIRA est décédé à l'âge canonique de 106 ans en 2015!) Le thème de la mort et du deuil sont en effet omniprésents, de la première séquence, un long extrait de "Le roi se meurt" de Eugène Ionesco alors que trois oiseaux de mauvais augure arpentent les coulisses à la dernière, la plus belle de toutes, aussi muette qu'éloquente. Celle où un petit garçon observe son grand-père monter un escalier avec difficulté et comprend qu'il n'en a plus pour longtemps. Entre les deux, on voit Gilbert Valence, le vieux comédien joué par Michel PICCOLI se retirer discrètement du monde (d'où le titre, "Je rentre à la maison"), l'observant derrière une vitre, se faisant dépouiller de ses biens en pleine rue, chérissant ce qu'il appelle sa "solitudine" face à un agent qui insiste lourdement pour le (re)caser avec une jeune actrice après la mort brutale de ses proches*, prolongeant ses siestes, réalisant sur un plateau de tournage qu'il n'arrive plus à mémoriser son texte. Mais "Je rentre à la maison" fonctionne sur un paradoxe. Le fardeau du vieillissement et du deuil conduit Gilbert à se libérer de tout ce qui l'encombre si bien que le film est étonnamment léger, célébrant le bonheur des petites habitudes: déambuler dans Paris, boire un café, s'acheter des chaussures, discuter ici et là avec les passants, jouer avec son petit-fils, le regarder oublier systématiquement son goûter. Tout cela avec le même sens de l'épure que la scène finale et un grand talent pour faire passer l'émotion par l'image et non par la parole ce qui contraste radicalement avec les scènes théâtrales.

*La révolution #MeToo n'était pas encore passée par là et c'est l'aspect du film sans doute le plus daté.

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En tongs au pied de l'Himalaya

Publié le par Rosalie210

John Wax (2024)

En tongs au pied de l'Himalaya

"En tongs au pied de l'Himalaya" n'a rien de révolutionnaire même s'il démonte quelques clichés sur les autistes, à commencer par celui de l'autiste surdoué. Tiré du one woman show autobiographique de Marie-Odile WEISS qui joue le rôle d'une directrice de la maternelle un peu effacée, le film a le mérite de nous plonger dans le quotidien d'une famille (presque) ordinaire devant gérer les troubles de leur fils. Comme souvent en pareil cas, la révélation du handicap fait éclater le couple. Audrey LAMY est plutôt convaincante dans le rôle de Pauline, une mère dépassée mais aimante qui se bat pour que son enfant ne soit pas rejeté par l'école mais qui a tendance à se noyer face à ses problèmes, lesquels ne sont pas édulcorés (l'intolérance aux bruits, les troubles cognitifs, les stéréotypies et crises d'anxiété face aux changements, la faible tolérance à la frustration etc.) Pour ne rien arranger, Pauline dont la vie est plutôt déréglée et qui peine à joindre les deux bouts est entourée d'hommes adultes immatures, notamment son frère paumé vivant encore dans un appartement appartenant à leur père, lequel semble plus préoccupé par ses chats que par sa famille à qui il n'accorde pas d'attention réelle. Les déficiences de l'institution scolaire vis à vis de l'inclusion se réduisent au cas individuel d'une institutrice hypocrite (Tatiana GOUSSEFF) tandis que les différents dispositifs d'aide existants (AESH, groupes de parole, référente MDPH etc.) s'avèrent un poil idéalisés. La question du sous-financement et du manque d'AESH n'est par exemple pas posée. Plus embêtant, le film fait porter toute la responsabilité de l'éducation d'Andréa et toutes les défaillances à la mère. Aucune scène ne montre comment se débrouille le père qui semble n'avoir aucun problème dans la gestion de son enfant. Cette inégalité de traitement interroge. En bonus, l'apparition de Jean-Pascal ZADI qui depuis "Tout simplement noir" (2019) (film que John WAX avait co-réalisé avec lui) a fait de son réalignement dentaire un running gag, le film étant avant tout une comédie sympa au premier abord mais réactionnaire au bout du compte.

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Le Roman de Jim

Publié le par Rosalie210

Arnaud et Jean-Marie Larrieu (2024)

Le Roman de Jim

Les frères Larrieu surprennent avec ce mélodrame adapté d'un roman de Pierric Bailly, loin de leur registre habituel. Encore que la place centrale des paysages de montagne dans leurs films ne se démente pas, bien que l'histoire se passe dans le Jura (lieu où se passe l'intrigue du roman) et non dans leurs Pyrénées natales. Mais si la gestion de l'espace est leur point fort, ce n'est pas le cas de celle du passage du temps. Les personnages que l'on voit évoluer à l'écran (hormis Jim) ne changent guère alors qu'on est censé les suivre sur 25 voire 30 ans pour Aymeric. Or qu'ils aient 16, 30, 50 ou 60 ans, ils paraissent tous avoir l'âge des acteurs et aucun effort sérieux n'est fait pour les rajeunir ou les vieillir. Cela aplatit bien des enjeux, comme la différence d'âge entre Aymeric qui est censé avoir une vingtaine d'années quand il rencontre Florence qui elle a le double de cet âge, le scénario insistant sur le fait que sa grossesse est tardive. Cela aurait permis de mieux comprendre les dysfonctionnements de ce couple. Autre problème, la direction d'acteurs est des plus erratiques. Le pire, ce sont les prestations de Bertrand BELIN qui est ectoplasmique et de Laetitia DOSCH qui joue les évaporées libertaires alors que son personnage est en réalité machiavélique et réactionnaire. Heureusement, la prestation de Karim LEKLOU, justement récompensée aux César est formidable. Il parvient à créer un personnage émouvant et crédible de loser qui ne trouve pas sa place dans le monde, un personnage sans malice, sans carapace et sans ambition qui se fait exploiter sans réagir par un peu tout le monde (il porte le chapeau d'un cambriolage dans lequel il n'a été qu'un suiveur, il joue le père bouche-trou auprès d'un enfant sur lequel il n'a pas de droits si bien qu'il se fait jeter comme un malpropre une fois que la mère n'a plus besoin de lui etc.) Cette passivité pourrait agacer mais le contexte socio-culturel dans lequel il vit l'explique en partie: c'est un homme englué dans la précarité et qui n'a jamais quitté véritablement la région. Un homme que l'inconnu effraie, dont l'estime de soi est très basse, le sentiment de légitimité très faible et qui préfère se résigner et souffrir en silence plutôt que de se battre. Heureusement que la sincérité de l'amour qu'il a porté à Jim va finir par porter ses fruits et l'amener à une salutaire remise en question, même si une fois de plus, ce n'est pas le fruit de son initiative.

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Le Brio

Publié le par Rosalie210

Yvan Attal (2017)

Le Brio

Un film qui montre sans le dire une forme de discrimination positive (Neïla is "the one") non dénuée de calculs (donner à l'université Panthéon-Assas une image plus inclusive, blanchir un professeur accusé de propos racistes sur les réseaux et en passe d'être exclu par un conseil de discipline) sans parler du schéma convenu remettant au goût du jour l'histoire de Pygmalion et de Galatée à la sauce assimilationniste (je n'ai jamais été fan de "My Fair Lady" (1964) et de ses avatars). Bref "Le Brio" est de ces films pavés de bonnes intentions autant que de clichés qui se laisse néanmoins regarder. Principalement parce que le duo d'acteurs (Daniel AUTEUIL/Camelia JORDANA) fonctionne mais aussi parce que bien que cela ne soit qu'effleuré, l'apprentissage de la rhétorique est intéressant, notamment l'utilisation du livre de Schopenhauer, "L'Art d'avoir toujours raison" qui a dû être l'un des livres de chevet de Roy Cohn, l'avocat qui a "formé" le jeune Donald Trump, sujet du film "The Apprentice" (2024). On mesure néanmoins le fossé qui sépare le film de Ali ABBASI de celui de Yvan ATTAL, lequel ne décrit finalement qu'un parcours programmé vers la réussite individuelle selon les codes et les normes de la société occidentale. Le conflit de loyauté de Neïla entre ses deux cultures n'est pas réellement interrogé alors que la langue comme la culture française sont en constante évolution sous l'effet des multiples apports de la diversité ce qu'il aurait été intéressant de montrer également.

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Le Jardin Zen (Hamon)

Publié le par Rosalie210

Naoko Ogigami (2025)

Le Jardin Zen (Hamon)

Une satire sociale étonnamment "cash" dans cette société feutrée qu'est le Japon. Un Japon qui on s'en doute, ne va pas très bien et dont la réalisatrice, Naoko OGIGAMI ausculte les maux, voire les traumatismes avec beaucoup de causticité. Le délitement de la famille traditionnelle est au coeur de son récit, centré sur une épouse maniaque jusqu'à la névrose, écartelée entre son besoin de paix intérieure et celui de se venger d'un mari qui l'a abandonnée au moment de la catastrophe de Fukushima, lui laissant leur fils mais aussi son père à charge (impotent et lubrique, on pense à "Il reste encore demain") (2023). On comprend donc parfaitement ses pulsions de meurtre quand son mari revient sans crier gare quelques années plus tard pour reprendre sa place dans la maison parce qu'il est sur la paille et rongé par le cancer. Mais cela entre en contradiction aussi bien avec sa volonté de paraître zen qu'avec les attentes de la société japonaise envers la "bonne épouse et la bonne mère". D'un côté la pression du voisinage, les traditions et l'embrigadement de la secte où Yoriko a trouvé refuge qui vénère l'eau mais extorque des fortunes à ses fidèles. De l'autre, une collègue de travail sans filtre qui attise son désir de vengeance. Il s'agit de la seule personne avec laquelle Yoriko se montre naturelle et donc des seules scènes où l'eau apparaît véritablement puisqu'elles se retrouvent à la piscine. Mais cette collègue qui fonctionne comme un miroir est en réalité à la dérive. Dans la maison de Yoriko, l'eau est simplement simulée par le jardin sec et la secte la vend en bouteilles dans des contenants parfois périmés. Les sentiments tenus sous cloche forment l'essentiel du film, le refoulé affleurant sous des dehors très lisses tel cet appartement rempli de poubelles que découvre Yoriko à l'opposé de son hygiénisme forcené. Il faut attendre la scène finale pour qu'on ressente une véritable libération, par le rire et par la danse, le tout sous la pluie, enfin.

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Le Brasier ardent

Publié le par Rosalie210

Ivan Mosjoukine (1923)

Le Brasier ardent

En regardant "Le Brasier ardent" j'ai pensé à propos de Ivan MOSJOUKINE que le seul autre acteur muet capable d'une telle expressivité était Lon CHANEY. D'ailleurs si de nos jours, son nom est oublié hors du cercle des spécialistes (mais c'est le cas pour la grande majorité des acteurs du muet), il envoûtait à l'époque le public. Réalisé deux ans après "L'enfant du carnaval" (1921) toujours pour les studios Albatros fondés par des russes exilés à Paris après la révolution de 1917, "Le Brasier ardent" s'ouvre sur une scène de cauchemar qui dure plus de dix minutes. Une femme mariée à un vieil homme riche qui l'a sortie du pétrin rêve d'un homme qui la poursuit après avoir manqué la jeter dans un brasier. Tout cela à partir, on le comprend un peu plus tard d'une lecture de roman policier qui a visiblement emballé son imaginaire, peu sollicité par son terne mari. Lequel souhaite rentrer au pays (Amérique du sud) alors que sa femme traîne logiquement des pieds à l'idée de devoir renoncer aux tentations de la capitale, incluant de beaux et jeunes hommes. Au terme d'une course-poursuite endiablée, le mari s'adresse à une sorte de société secrète (avec effets spéciaux sympathiques) pour "retrouver" sa femme et tombe sur un détective qui n'est autre évidemment que "l'homme de ses rêves". "Le Brasier ardent" adopte la logique décousue de l'onirisme, l'histoire n'étant qu'un prétexte pour laisser le champ libre aux expérimentations. Outre le cauchemar du début, il y a une scène de danse endiablée qui mérite le détour sans parler des dons de Ivan MOSJOUKINE pour le transformisme, il est aussi bluffant dans ce registre que dans celui de l'émotion. Dommage que l'intrigue se perde ainsi en route, c'est un peu trop en roue libre.

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L'Enfant du carnaval

Publié le par Rosalie210

Ivan Mosjoukine (1921)

L'Enfant du carnaval

"L'Enfant du carnaval" maintenant disponible sur la plateforme HENRI de la Cinémathèque fait partie des films qui ont permis au public français de découvrir au début des années vingt Ivan MOSJOUKINE. Acteur russe exilé en France après la révolution de 1917, Ivan MOSJOUKINE a réalisé deux films pour les studios Albatros: celui-ci et "Le Brasier ardent" (1923). Ce déraciné est ensuite parti aux USA puis est revenu en Europe, d'abord en Allemagne puis de nouveau en France où il a terminé sa carrière notamment en jouant dans le remake parlant de "L'Enfant du carnaval" (1934) réalisé cette fois par Alexandre VOLKOFF.

"L'Enfant du carnaval" qui a été souvent comparé au beaucoup plus célèbre "Le Gosse" (1921) de Charles CHAPLIN*, notamment parce que les deux films sont sortis à quelques mois d'intervalle, abordent des thématiques proches et ont pour figure principale un acteur-réalisateur d'origine immigrée est cependant une oeuvre au ton singulier, naviguant entre comédie et mélodrame avec une fin poignante "à la russe". Le charisme de Ivan MOSJOUKINE y est incandescent et son jeu moderne, sensible et expressif m'a fascinée dès les premières secondes. Il incarne dans le film un aristocrate immature, noceur invétéré qui va voir sa vie bouleversée lorsqu'il trouve un bébé abandonné sur le pas de sa porte. Le comique burlesque lié à sa vie de fêtard cède alors la place à des émotions de plus en plus profondes au contact de ce bébé et de sa mère en détresse qui refait surface en prenant l'identité de sa nurse. A signaler également une superbe photographie de Fedote BOURGASOFF, notamment lors d'un plan en ombres chinoises d'une farandole de noceurs sur la promenade des Anglais qui n'est pas sans faire penser à celle qui clôt "Le Septieme sceau" (1957) de Ingmar BERGMAN.

* Preuve de cette célébrité mondiale, le personnage du vagabond apparaît sur l'un des chars du carnaval de Nice dans le film.

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Dans la peau de Blanche Houellebecq

Publié le par Rosalie210

Guillaume Nicloux (2024)

Dans la peau de Blanche Houellebecq

Guillaume NICLOUX me paraît être un réalisateur éclectique. En effet ses deux derniers films, "Sarah Bernhardt, La Divine" (2024) et "Dans la peau de Blanche Houellebecq" sont très différents, à part peut-être l'excentricité de leur tête d'affiche. Encore qu'il semble dormir debout le Michel HOUELLEBECQ dans le film. Les diverses substances qu'il s'injecte et la langueur des îles n'expliquent pas tout ^^. Heureusement, il cohabite à l'insu de son plein gré durant les 2/3 du film avec une Blanche GARDIN (elle aussi dans son propre rôle) dont le prénom est en soi tout un programme dans le contexte guadeloupéen. L'apparition dès les cinq premières minutes de film de Jean-Pascal ZADI qui prolonge son personnage en quête de rôle de "Tout simplement noir" (2019) (mockumentaire auquel j'ai beaucoup pensé) auprès d'un Gaspard NOE (dans son propre rôle également) prêt à embaucher Michel HOUELLEBECQ dans son prochain film "pas très catholique" donne le ton. Ca va tirer à boulets rouges sur les séquelles du colonialisme avec une galerie de locaux bien décidés à en découdre avec le sulfureux duo symbole de la "blanchité métropolitaine". Alors certes, ça part dans tous les sens mais il y a quand même pas mal de dialogues et de situations qui font mouche. Le gag de Jean-Pascal ZADI neveu de Francoise LEBRUN rappelle "l'albinos de la famille" de "Le Havre" (2011), les tresses africaines de Luc, l'assistant juif de Houellebecq deviennent sujet de polémique avant l'inévitable concurrence victimaire à la DIEUDONNE et tout le film est dans cette tonalité là. Michel HOUELLEBECQ en dépit de son état de zombie joue assez bien la carte de l'autodérision alors que Blanche GARDIN qui en prend aussi pour son grade devient sans jeu de mots son ange gardien ce qui ne manque pas de sel quand on connaît sa personnalité et ses opinions.

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Viens je t'emmène

Publié le par Rosalie210

Alain Guiraudie (2020)

Viens je t'emmène

"Viens je t'emmène" (2020) est un petit cru de la part de Alain GUIRAUDIE. Cela ressemble presque à une comédie de boulevard (avec mari jaloux et amant collant), la crudité sexuelle et l'onirisme en plus. Comme toujours chez Alain GUIRAUDIE, le désir danse avec la mort sans que l'on sache où il nous mène mais la sauce a du mal à prendre. Les craintes suscitées par le jeune Sélim, hormis dans un rêve ont tout du pétard mouillé tant l'attitude du jeune homme ne concorde pas avec les événements terroristes dépeints à l'image. Jamais il ne fait peur et jamais il ne suscite le trouble. En le recueillant, Médéric prend un risque donc limité d'autant que la plupart des voisins de l'immeuble pensent comme lui, le seul qui râle s'avérant hypocrite. Le film tourne donc à la farce burlesque avec la prostituée-mariée-battue et contente quinquagénaire jouée par Noemie LVOVSKY qui gueule de laisir dans tous les coins, la frustration permanente de Médéric qui ne parvient jamais à "conclure" avant qu'une sonnerie retentisse ou ses filatures qui se heurtent à un "surmoi" du genre flic intrusif ou bande de jeunes menaçants (en réalité de petits dealers). C'est marrant mais ça ne va pas très loin, sans doute parce que le style du réalisateur ne fonctionne pas aussi bien dans un contexte réaliste et qu'il se perd un peu dans toutes les directions.

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Mystères à Twin Peaks (Twin Peaks)

Publié le par Rosalie210

David Lynch et Mark Frost (1990/1991)

Mystères à Twin Peaks (Twin Peaks)

La mort de David LYNCH dont j'aimais l'univers et les documentaires qui ont été diffusés à cette occasion ont été à l'origine de ma résolution de regarder enfin les deux saisons de la série "Mystère à Twin Peaks" ce que je voulais faire depuis des années comme un rendez-vous longtemps attendu et maintes fois reporté. Son visionnage a eu un impact sur mon activité onirique (parce que l'ayant regardée sur près de dix jours sans chercher à connaître la suite, j'ai eu le temps d'en rêver, littéralement et de m'en souvenir au réveil), ravivé ma mémoire du temps où j'étais téléphage, stimulé mes neurones. J'ai eu envie d'écrire ce qu'elle m'inspirait sous forme d'abécédaire concocté par mes soins n'ayant aucune prétention à l'exhaustivité. Ne les ayant pas encore regardés, il n'inclut ni le film, ni la troisième saison tournée 26 ans après.

A comme ARBRES: ils font partie des leitmotivs qui conduisent le spectateur vers une autre dimension que celle des plateaux-théâtres statiques codifiés des séries. Les plans sur leur frémissement (autant que la musique de Angelo BADALAMENTI) est un appel vers les forces obscures de la forêt qui sous-tendent toute la série selon un dualisme comparable à "Blue Velvet" (1986).

B comme BUCHE: Morceau de tronc d'arbre portatif ne quittant jamais les bras de Margaret, lui permettant de se connecter à son troisième oeil ^^.

C comme CORRUPTION: Elle est endémique dans toute la série comme une gangrène qui ressurgit même au sein d'une entité maléfique repentie ayant essayé de l'arrêter en se coupant le bras ^^.

D comme DUALITE: Elle est au coeur de la série. La ville bien nommée "Twin Peaks" est à la fois un cocon protecteur de l'american way of life et la poubelle où se déverse le refoulé du puritanisme américain (drogue, prostitution, corruption, proxénétisme etc.) Les personnages sont eux-mêmes bipolarisés, dédoublés qu'ils aillent du lumineux vers le sombre ou du sombre vers le lumineux, certains se retrouvant coincés entre leurs deux facettes opposées d'où un nombre impressionnant de chocs, traumatismes, comas et autres coups de folie dans la série.

E comme EPICURIEN: Un aspect très important de la philosophie de vie du personnage principal, Dale Cooper (Kyle MacLACHLAN). Cela commence par le petit cadeau qu'il se fait à lui-même chaque jour en savourant une gorgée de café, un beignet ou une part de tarte à la cerise (variante du livre de Philippe Delerm "La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" qui a été tant cité au moment de la sortie de "Le Fabuleux destin d'Amelie Poulain" (2001)) et cela se termine plus profondément par l'absence de crainte face à la mort qu'il affronte dans un état proche des limbes au début de la saison 2: "ce n'est pas si terrible tant qu'on peut empêcher la peur d'envahir son esprit".

Attention spoiler (ne pas lire si pas vu la fin):

Cela rend d'autant plus terrible la tasse de café solidifié, imbuvable du dernier épisode dans lequel son psychisme s'écroule quand il est possédé à son tour par le mal.



F comme FRONTIERE: Twin Peaks est une ville-frontière, celle qui sépare les USA du Canada mais il s'agit d'une frontière dans de nombreux autres domaines: entre la ville et la forêt, les vivants et les morts, le rêve et la réalité, les dieux et les hommes, les cieux et les souterrains, la sagesse et la folie, le jour et la nuit.

G comme GEANT: Esprit messager qui apparaît dans les visions de Dale Cooper dans les moments critiques pour essayer de le guider.

H comme HIBOUX: Ces créatures de la nuit sont intimement liées à la forêt et aux forces obscures. Ce sont de puissants esprits messagers voire des guides spirituels. Le fait que Dale Cooper n'aime pas les oiseaux et ne sache donc pas décrypter leurs messages ("les hiboux ne sont pas ce qu'ils semblent être") agit comme un présage funeste de son destin.

I comme INNOCENCE: Quête ou état commun à de nombreux personnages et qui se manifeste de multiples manières: l'innocence de l'idiot, la tentative de se refaire une virginité en devenant bon ou en fréquentant un homme bon, le fait de retomber en enfance, la claustration volontaire pour se protéger du mal ou de la corruption. Cela peut être traité en mode comique ou tragique.

J comme Judy Garland: Le major Briggs, un des personnages les plus mystiques de la série, bien caché sous ses habits militaires comme Dale Cooper sous son costume d'enquêteur du FBI a pour prénom Garland (cela ne s'invente pas) et sous substance psychotrope croit qu'on l'appelle "Judy Garland". Mais ce qui m'a le plus touché dans la série faisant référence à l'actrice et à l'oeuvre fétiche de David LYNCH, "Le Magicien d'Oz" (1938), c'est le sauvetage par Dale Cooper de Audrey Horne, séquestrée et droguée dans le bordel "Jack n'a qu'un oeil". J'ai eu la certitude à ce moment-là qu'il s'agissait de la projection du désir de David LYNCH d'arracher Judy GARLAND adolescente à l'enfer de la drogue administrée par les corrupteurs hollywoodiens. D'ailleurs "Blue Velvet" (1986) présente un schéma similaire avec un personnage féminin prénommé Dorothy (cela ne s'invente pas non plus) qu'un jeune homme (déjà joué par Kyle MacLACHLAN) veut arracher au monde des ténèbres, prenant le risque de se faire contaminer lui aussi.

K comme Kubrick: Les moments les plus angoissants de la série m'ont ramené à mes toutes premières sensations devant la bande-annonce de "Shining" (1980). Lents travellings flippants, moquette aux motifs géométriques de la salle d'attente de la loge noire et surtout, plan cauchemardesque de "Bob" surgissant depuis l'arrière-plan du salon pour sauter à la gorge de Maddy (dont la caméra épouse le point de vue). Le sang de "Shining" sortant de l'ascenseur pour envahir le cadre m'avait fait le même effet. Il y a aussi bien sûr les esprits maléfiques en quête de possession d'êtres vulnérables à la peur et cet hôtel du grand nord qui est le théâtre d'une grande partie de l'intrigue dont on ne sait pas s'il a été construit sur un cimetière indien mais dont le terrain a été volé aux indigènes (avant que les descendants des colons ne s'entretuent ou ne s'arnaquent pour les posséder comme on le voit dans la série). Les messages extra-terrestre font penser quant à eux à "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968).

L comme LUNE: Leitmotiv de la série que l'on peut rattacher aux arbres, au monde de la nuit, forces obscures, cosmiques mais qui fait aussi figure de repère (comme les feux tricolores) dans un monde où le temps semble s'écouler de façon cyclique plutôt que linéaire. On s'aperçoit en effet que le temps ne semble pas avancer dans la série, parfois même il recule avec tous ces personnages ramenés au stade bébé-enfant-adolescent ou bien n'existe plus dans la loge où les esprits parlent à l'envers.

M comme MIROIR: Lié à la dualité. La première image de la série tout comme la dernière (de la deuxième saison) montre un personnage face à son miroir et lie ainsi les destins de Josie (personnage dévoré par le mal sous un visage d'ange) et de Dale Cooper (ange dont la tranquillité d'esprit cache une faille par où celui-ci peut pénétrer). Entre les deux, l'assassin de Laura Palmer aura eu largement le temps de nous montrer son visage diabolique de l'autre côté de ce même miroir. James Baldwin avait essayé en son temps de tendre un miroir à la société américaine WASP se mirant sous les traits de Doris DAY ou de Gary COOPER tout en projetant ses pulsions indésirables sur les afro-américains.

N comme NAIN: Celui qui danse dans les rêves et visions de Dale Cooper s'avère être un esprit de la loge. Un Munchkin échappé de "Le Magicien d'Oz" (1938)? Eux aussi comme Judy GARLAND avaient leur propre dualité: personnages merveilleux dans la fiction, acteurs infernaux en réalité comme le révèle notamment le documentaire "Lynch/Oz" (2022), sans doute pour se venger de leur infériorisation (notamment salariale).

O comme OTNI: objet télévisuel non identifié. "Twin Peaks" est à l'image de son contenu, une série duale. D'un côté, elle se rattache à des genres bien identifiables pour les spectateurs de télévision afin qu'ils mordent à l'hameçon comme le polar ou le soap opéra. Je me suis ainsi souvenue d'un rebondissement identique que j'avais vu dans "Santa Barbara" (1984), un personnage féminin soi-disant mort mais revenant sous un déguisement et une fausse identité. De l'autre, elle les déglingue afin d'essayer de les entraîner en territoire inconnu. Ainsi les personnages sont à la fois stéréotypés et décalés puisqu'ils ont tous des manies ou des infirmités qui les rendent tantôt drôles, tantôt mystérieux et parfois terrifiants quand on découvre "la face cachée de la lune".

P comme PEUR: La porte d'entrée du mal dans l'esprit humain. Cela m'a fait penser à "La peur dévore l'âme", la pièce de Rainer Werner FASSBINDER qui a servi de base au scénario de "Tous les autres s'appellent Ali" (1973) où cette phrase est prononcée par le personnage principal.

Q comme QUALITE: Alors que la saison 1 et les premiers épisodes de la saison 2 sont d'une qualité exceptionnelle, la série connaît ensuite un véritable trou d'air avant la claque que représente le dernier épisode. Le critique Victor Inisan explique cette brusque baisse de qualité par l'effacement de David LYNCH de la mise en scène après avoir cédé aux demandes du public et aux pressions de la chaîne qui diffusait la série en révélant le nom de l'assassin dès le 14ème épisode. On touche du doigt la contradiction inhérente à la culture télévisuelle grand public: celle-ci réclame du plaisir immédiat alors que les dimensions plus subtiles et plus profondes prennent du temps avant d'être comprises et appréciées à leur juste valeur. Et "Twin Peaks" est une série qui se caractérise par sa lenteur justement. Heureusement, David LYNCH est revenu pour réaliser le dernier épisode de la saison 2, un coup d'éclat vis à vis de tous ceux qui ne voulaient voir en "Twin Peaks" qu'une simple série policière ou un soap opera.

R comme RIDEAUX: Les rideaux sont la forêt de l'âme et m'ont fait penser à mon peintre préféré, René Magritte. Les rideaux rouges de "Twin Peaks" cachent ainsi bien autre chose qu'une scène de théâtre et ce même si "Twin Peaks" comporte sa/ses séquences scéniques chantées et/ou dansées.

S comme SATURNE: Le portail de la loge noire s'ouvre lorsque Saturne entre en conjonction avec Jupiter. Logique, ce sont deux planètes portant des noms de divinités romaines symbolisant "le mal que les hommes font". Jupiter symbolise la toute-puissance patriarcale alors que Saturne est la romanisation de Cronos, le Dieu qui a mangé ses propres enfants. "Twin Peaks" est une série révolutionnaire en ce qu'elle se place du point de vue des gens qui souffrent avec une forte empathie pour les femmes et des jeunes filles dont Laura Palmer est la quintessence ainsi que pour les hommes exprimant leur masculinité d'une manière autre que prédatrice. Quant aux prédateurs, ils sont à un moment ou à un autre frappés par le destin et ramenés à leur condition première d'être en souffrance.

T comme TIBET: Un autre aspect très important de la philosophie de vie de Dale Cooper est sa fascination pour le bouddhisme tibétain. Elle m'a ramené à mon premier contact avec cette spiritualité, "Tintin au Tibet" qui m'avait fasciné et dont toute l'enquête est fondée sur un rêve/une vision qui confine à la télépathie ou au chamanisme. Si "Tintin" est la seule BD franco-belge à laquelle j'ai accroché dans mon enfance, c'était notamment à cause de l'amitié entre Tintin/Hergé et Tchang qui l'ouvrait sur d'autres horizons qui allaient bien au-delà du simple feuilleton d'aventures exotiques.

U comme UNIVERS: "Twin Peaks" est un univers complet et cohérent qui brasse diverses mythologies allant de la légende arthurienne au seigneur des anneaux.

V comme VENUS: Les statues de Vénus de la loge noire peuvent représenter les femmes objets de désirs et pétrifiées par la mort par opposition aux planètes symboles de masculinité toxique qui l'ouvrent et aux esprits maléfiques qui la peuplent.

W comme WEST SIDE STORY: "Twin Peaks" est traversé de références au cinéma américain et particulièrement à la comédie musicale, bien que le terme convienne mal à "West Side Story" (1960) qui est un drame. Deux acteurs de "Twin Peaks" proviennent du film de Robert WISE et Jerome ROBBINS: Richard BEYMER alias Tony qui joue le rôle de Benjamin Horne, un homme d'affaires peu recommandable de prime abord et Russ TAMBLYN alias Riff, le meilleur ami de Tony qui joue le docteur Jacoby, un psychiatre complètement perché qui lors d'un moment savoureux vient tenter de soigner la régression au stade infantile de Benjamin Horne.

X comme X-FILES: Parce que Si "Twin Peaks" a absorbé de multiples références, elle est à son tour devenue une source d'inspiration pour d'autres, à commencer par "X-Files". Les agents Scully et Mulder sont des émanations de Dale Cooper et du major Briggs. La filiation est présente jusque dans le casting. David DUCHOVNY joue un rôle savoureux dans "Twin Peaks" alors que Don DAVIS alias le major Briggs joue de façon très logique le père de Dana Scully (Gillian ANDERSON).

Y comme YIN/YANG: Parce que l'univers de "Twin Peaks" est basé sur un savant équilibre entre les dualités qui régissent l'univers et que celles-ci donnent lieu parfois à de savoureux rebondissements. Par exemple lorsqu'un nouveau personnage de prédateur/gangster/mâle alpha apparaît tel que Jean Renault qui veut détruire Dale Cooper survient dans le même épisode Denise Bryson (alias David DUCHOVNY) agent du FBI transgenre qui vient enquêter sur les accusations contre Dale Cooper et qui est évidemment l'antidote à Jean Renault. Cependant dans le tout dernier épisode, ce principe d'équilibre se rompt.

Z comme ZEMECKIS: Il y a une parenté évidente entre les deux cinéastes, mise en valeur par le documentaire "Lynch/Oz" (2022). "Twin Peaks" ressemble au "Hill Valley" des années cinquante du premier "Retour vers le futur" (1985). Cet aspect vintage se retrouve dans les lieux, les personnages, les situations et même les programmes TV! Cependant si Robert ZEMECKIS est critique vis à vis de ce prétendu âge d'or de l'American way of life dont il montre les travers (la psychose nucléaire par exemple) et les promesses non tenues, David LYNCH est carrément horrifique, faisant surgir des coins les plus sombres les pires monstres. Autre point commun, l'attirance pour les outre-mondes. Le major Briggs à l'écoute des messages extra-terrestre m'a fait penser au personnage de Jodie FOSTER dans "Contact". (1997)

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