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Lumière, l'aventure continue!

Publié le par Rosalie210

Thierry Frémaux (2025)

Lumière, l'aventure continue!

 

J'avais adoré le premier volet sorti en 2017 et cette suite tout aussi didactique et ludique sortie 130 ans jour pour jour après la première réalisation des frères Lumière est pareillement un pur enchantement. Grâce au travail de restauration effectué sur les pellicules, ce sont plus de 120 "vues Lumière", la plupart inédites et certaines jamais projetées faute de moyens techniques adéquats à l'époque qui nous sont proposées. Le projet de Thierry FREMAUX est le même qu'en 2017: déconstruire le cliché d'un "cinéma primitif" se réduisant à un plan séquence documentaire fixe en montrant la diversité et la modernité des films Lumière. Après avoir rappelé leur rôle dans la la chaîne d'innovations ayant permis d'aboutir au cinématographe (et notamment la concurrence avec Thomas EDISON), Thierry FREMAUX délaisse la technique pour évoquer l'invention de la grammaire cinématographique des origines. On a donc un festival de panoramas, ces films documentaires tournés dans un moyen de locomotion qui permettaient d'effectuer ce que l'on appelle aujourd'hui des travellings. Dans le même état d'esprit panoramique de découverte du monde, beaucoup de vues sont également prises en plongée, ce que l'on appelle en photographie la vue aérienne oblique qui met en valeur le paysage et la profondeur de champ. Les Lumière et leurs opérateurs sont allé filmer un peu partout en Europe, aux USA, au Japon de l'ère Meiji et dans les colonies françaises (Indochine, Algérie), en mer, en montagne, à la campagne, à Paris, à Lyon et dans d'autres villes de province. Ils ont rapportés un nombre impressionnant de petites fenêtres sur le monde de la Belle Epoque qui grâce à la restauration semblent avoir été tournées hier. Ils ont également filmé un nombre impressionnant de travailleurs en pleine activité, captant les mouvements des paysans, des lavandières, des menuisiers ou des pêcheurs. Mais Thierry FREMAUX rappelle aussi que la célébrissime première comédie de l'histoire, "L'arroseur arrosé" est un film Lumière dont on voit également une variante plus sophistiquée. Le remake est aussi ancien que le cinéma: "La Sortie de l'usine Lumiere a Lyon" (1895) nous est montrée en trois versions simultanément: la première, la plus belle et donc la plus connue uniquement avec des piétons, la deuxième avec en plus une voiture à cheval et des habits plus chauds (Thierry FREMAUX pense que c'est l'original tourné le 19 mars 1895), la troisième avec une voiture conduite par deux chevaux. Plusieurs films Lumière sont des making-of dans lesquels on voit l'opérateur tourner la manivelle (d'où est issu le mot "tournage"). D'autres filment des gens dont le regard est planté sur la caméra. L'influence du cinéma de Georges MELIES se fait ressentir via l'utilisation de trucages, la captation de performances d'artistes de cirque (dont le duo Chocolat & Foottit) et même un film tardif colorisé que l'on pourrait croire de sa main s'il n'y avait pas la signature "Lumière" au bas de l'image. Mais en plus de tout cela, Thierry FREMAUX exhume un film jamais projeté car le format large utilisé (75 mm) ne le permettait pas à l'époque sur l'exposition universelle de 1900 montrant l'extérieur du Grand Palais cadré de loin d'où sort une foule immense qui préfigure le cinéma à grand spectacle d'un D.W. GRIFFITH. Ne surtout pas rater le générique de fin car il recèle une séquence extraordinairement émouvante en forme d'hommage à cet amoureux du cinéma français qu'était Bertrand TAVERNIER.

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Thelma et Louise, un western féministe

Publié le par Rosalie210

Leni Mérat et Joséphine Petit (2024)

Thelma et Louise, un western féministe

Excellent documentaire qui retrace la genèse du film culte de Ridley SCOTT dans son contexte et montre son caractère visionnaire au vu des problématiques qui sont les nôtres aujourd'hui. C'est comme si le film sorti en 1991 décrivait déjà l'ère post #Metoo avec d'un côté la prise de conscience des discriminations et violences genrées à tous les niveaux de la société et en même temps la contre-offensive réactionnaire masculiniste dans et hors du film. Le documentaire souligne à quel point le scénario écrit par Callie KHOURI qui était pourtant novice en la matière (et justement peut-être parce qu'elle était novice!) déconstruisait les codes du western dont le road movie est un héritier direct. En plaçant au centre de l'histoire deux amies (relation rarissime au cinéma et souligné d'ailleurs par le "Sois belle et tais-toi" (1976) de Delphine SEYRIG) parties pour une excursion qui se transforme en cavale lorsqu'elle se heurtent à la violence masculine et décident d'y répondre en se plaçant sur le même terrain qu'eux, Callie KHOURI bouleverse les repères et offre une odyssée jouissive et libératrice. Le documentaire analyse plusieurs séquences à l'aune des codes traditionnels, celui du man power et du male gaze pour montrer le renversement des rôles: la scène où Thelma et Louise jouent les pétroleuses et braquent le magasin, celle où elles enferment le policier dans le coffre qui est comparée à celle de "Psychose" (1960), celle où Thelma exprime son désir pour le personnage de Brad PITT vu comme un objet sexuel rapportée à celle du loup de Tex AVERY ou encore celle où elles décident de mourir plutôt que de capituler face à l'autorité masculine vis à vis d'une une séquence de fin alternative qui aurait pu en changer le sens. Le documentaire explique que si le film a pu voir le jour, c'est grâce à la productrice Mimi POLK GITLIN proche de Ridley SCOTT alors que Callie KHOURI essuyait refus sur refus ainsi que grâce à Rebecca Pollack qui dirigeait le studio Pathé. Pourtant, ce dernier n'a pas tout de suite pensé à réaliser le film lui-même alors que Thelma et Louise ne sont pas les premières guerrières qu'il a mis en scène, il y avait déjà eu Ripley dans "Alien, le huitieme passager" (1979). Enfin, le documentaire revient sur les polémiques à sa sortie, le film ayant été taxé de misandre et de violent. Ce qui est évidemment faux. Geena DAVIS rappelle, non sans humour qu'il n'y a que trois morts dans le film, dont Thelma et Louise, très loin de l'abattage en série des films testostéronés de l'époque. Et si les comportements machos sont épinglés, du tyran domestique au harceleur en passant par le violeur, des hommes plus nuancés sont également mis en valeur dans le film, à commencer par le personnage de Harvey KEITEL. Mais le documentaire n'en parle pas et c'est son point faible. Car Harvey KEITEL, toute sa carrière le démontre a construit une masculinité où la virilité n'est pas l'ennemie de la féminité et il aurait été utile de rappeler que deux ans après "Thelma et Louise" (1991), il rayonnait dans "La Lecon de piano" (1993).

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Pas son genre

Publié le par Rosalie210

Lucas Belvaux (2014)

Pas son genre

Je suis loin de connaître la totalité de la filmographie de Emilie DEQUENNE, néanmoins pour ce que j'en ai vu, ce sont les belges qui ont su le mieux mettre en valeur son talent alors que le cinéma français l'a souvent sous-exploitée. Ainsi dans "Pas son genre", elle vole la vedette à son partenaire, Loic CORBERY et rayonne comme un soleil au point de faire émerger un autre thème que celui qui est présenté comme étant au coeur du film. Alors oui, bien sûr que "Pas son genre" raconte un impossible dépassement de différence de milieu socio-culturel à la manière d'autres films ayant traité le même sujet de façon plus ou moins subtile ("Le Gout des autres" (1999), "La Vie d'Adele - chapitre 1 et 2 -" (2013) etc.) Par-delà la différence de goûts, de références, d'activités qui n'est pas insurmontable (pas besoin d'être fusionnel pour former un couple viable) c'est le mépris de classe qui est le plus dévastateur. Rien de tel que le test de la rencontre inopinée entre le couple naissant et les amis de celui qui en constitue le membre le plus aisé pour s'en rendre compte: dans "Pas son genre" (2014) comme dans "Minnie and Moskowitz" (1971) ou "Les Amants du Capricorne" (1949), le plus défavorisé se retrouve brutalement éclipsé par une complicité de classe dont il est exclu, son partenaire, confus et honteux préférant l'ignorer. Une violence qui se traduit tellement bien sur le visage de Emilie DEQUENNE (dans une scène de carnaval qui n'a pas dû être choisie au hasard) qu'elle n'a pas besoin de l'exprimer par les mots. Et qui laisse la fin, celle où elle s'efface pour de bon du paysage ouverte à l'interprétation. Car comme je le disais plus haut, un autre thème émerge dans le film, celui qui questionne l'épanouissement dans le couple. Le personnage de Clément nous est présenté en amont de sa rencontre avec Jennifer comme un intellectuel de la rive gauche (ajoutant le parisianisme mondain considérant la province comme un exil punitif aux autres attributs de son appartenance bourgeoise) mais aussi comme un infirme émotionnel et relationnel. Un misanthrope froid, distant, taciturne, refusant de s'engager et de fonder une famille. A l'opposé, Jennifer, solaire et énergique est l'incarnation de la joie de vivre. Elle ne dégage que des ondes positives, que ce soit avec son fils, avec ses amis ou avec ses clients. Sa rencontre avec Clément agit comme un éteignoir. On la voit le porter à bout de bras, déployer de l'affection, de la tendresse pour deux (comme dans la scène du karaoké) mais à un moment donné, le manque de réciprocité la vide de son énergie d'autant qu'elle est suffisamment lucide pour comprendre qu'elle n'est pour Clément qu'un bouche-trou et que leur romance est surtout physique. Seulement voilà, elle a été façonnée par le mythe du prince charmant* comme l'ont été des générations de femmes avant elle et comme le sont encore trop de jeunes filles aujourd'hui, la rencontre amoureuse étant "vendue" comme l'horizon incontournable de l'accomplissement de soi. Ainsi, sous couvert d'analyse sociologique, c'est également à une analyse des rapports genrés aux résonances bien actuelles que se livre ce film d'une grande richesse et aussi d'une grande justesse. En disparaissant, Jennifer échappe à toutes les formes de domination que Clément, consciemment ou non lui impose et donc à son propre conditionnement de femme soumise, passive, ayant intériorisé son infériorité, si bien analysé dans le livre poignant de Christine ANGOT, "Un amour impossible" (2018). Ainsi contrairement aux apparences, le film de Lucas BELVAUX dépeint une émancipation féminine, bien aidé par une Emilie DEQUENNE impériale.

* Mythe analysé notamment par le sociologue Jean-Claude Kaufman dans son livre "La femme seule et le prince charmant".

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Ecoute le temps (Fissures)

Publié le par Rosalie210

Alanté Kavaïté (2007)

Ecoute le temps (Fissures)

Le "Blow Out" (1981) du pauvre ai-je pensé devant ce film fantastique dans lequel le personnage joué par Emilie DEQUENNE qui est ingénieure du son mais possède un matériel rudimentaire a recours à la magie pour enquêter sur l'assassinat de sa mère. Elle enregistre les dialogues du passé directement dans les fissures des murs de la maison où sa mère a été assassinée en accomplissant des gestes ésotériques censés permettre de déterminer où ces conversations ont eu lieu. Pour tenter de faire croire à cette magie, les craquements cèdent la place à une désagrégation de la maison à la fin du film lorsqu'elle coupe les cordes qu'elle a tendu d'un mur à l'autre et les flashbacks montrent que la mère (Ludmila MIKAEL) avait un troisième oeil lui ayant permis de connaître des secrets gênants. Tout cela est conceptuel, confus, lent, plat et ressemble à une mauvaise blague. Le scénario anémique est truffé d'incohérences. La voisine hostile retourne ensuite complètement sa veste pour dédouaner son fils comme si elle ne comprenait qu'à la fin du film que les assiduités de celui-ci auprès de la mère de Charlotte pouvaient le faire suspecter. Le chevreuil renversé dans l'introduction du film est ensuite évoqué comme étant un cerf. Charlotte est censé travailler dans le documentaire animalier mais elle fait du Haroun TAZIEFF (après tout les bruits de la vie et ceux de la terre, c'est pareil) avant de s'improviser enquêtrice à la place de la police grâce à ses super-pouvoirs, un enterrement sauvage de déchets polluants suffit à rendre un verre d'eau mortel etc. En prime, les personnages, plus sinistres les uns que les autres ne dégagent aucune émotion.

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18 ans après

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (2003)

18 ans après

C'est vraiment dommage que cette suite de "3 hommes et un couffin" (1985) soit si bâclée. Parce que l'énergie si communicative des films de Coline SERREAU est là mais gâché par un scénario paresseux et une mise en scène peu inspirée. Pour j'imagine faire plaisir au public du premier film, on reprend à l'identique le trio de pères conservé au congélateur pendant 18 ans dans leur appartement. Non mais qui peut croire que ces quinquagénaires (voire sexagénaire pour Roland GIRAUD) vivent encore comme s'ils étaient adolescents? De plus, si le trio d'acteurs est toujours aussi excellent, il est relégué à l'arrière-plan et n'a pas grand-chose à faire. Pourtant un trio d'hommes élevant ensemble un enfant, il y aurait eu de quoi dire mais le thème des nouvelles familles est à peine effleuré. Au contraire, il est recouvert par une intrigue censée plaire aux jeunes mais mal ficelée: celle du beau-père américain caricatural de Marie et de ses deux fils dont l'un est sa copie conforme et est donc un repoussoir et l'autre fait figure de vilain petit canard cachant évidemment en réalité un beau cygne. La métamorphose de Arthur n'est pas crédible car ce n'est pas avec quelques séances de musculation qu'on transforme un empoté en athlète (le rôle est tenu par James THIERREE qui n'est autre que le petit-fils de Charles CHAPLIN et cela se voit: non seulement il lui ressemble mais dans la dernière scène, il s'essaie au hip-hop avec une souplesse d'acrobate). Reste le personnage de la gouvernante (joué par Line RENAUD) et de l'amie de Marie flanquée de son petit frère mais ils sont sous-exploités. Le format numérique, censé apporter de la modernité au film ne semble pas non plus servir à grand-chose.

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Je rentre à la maison

Publié le par Rosalie210

Manoel de Oliveira (2001)

Je rentre à la maison

J'ai vu ce film d'une grande simplicité comme un "au revoir" de la part d'un réalisateur qui avait à l'époque déjà 93 ans (Manoel de OLIVEIRA est décédé à l'âge canonique de 106 ans en 2015!) Le thème de la mort et du deuil sont en effet omniprésents, de la première séquence, un long extrait de "Le roi se meurt" de Eugène Ionesco alors que trois oiseaux de mauvais augure arpentent les coulisses à la dernière, la plus belle de toutes, aussi muette qu'éloquente. Celle où un petit garçon observe son grand-père monter un escalier avec difficulté et comprend qu'il n'en a plus pour longtemps. Entre les deux, on voit Gilbert Valence, le vieux comédien joué par Michel PICCOLI se retirer discrètement du monde (d'où le titre, "Je rentre à la maison"), l'observant derrière une vitre, se faisant dépouiller de ses biens en pleine rue, chérissant ce qu'il appelle sa "solitudine" face à un agent qui insiste lourdement pour le (re)caser avec une jeune actrice après la mort brutale de ses proches*, prolongeant ses siestes, réalisant sur un plateau de tournage qu'il n'arrive plus à mémoriser son texte. Mais "Je rentre à la maison" fonctionne sur un paradoxe. Le fardeau du vieillissement et du deuil conduit Gilbert à se libérer de tout ce qui l'encombre si bien que le film est étonnamment léger, célébrant le bonheur des petites habitudes: déambuler dans Paris, boire un café, s'acheter des chaussures, discuter ici et là avec les passants, jouer avec son petit-fils, le regarder oublier systématiquement son goûter. Tout cela avec le même sens de l'épure que la scène finale et un grand talent pour faire passer l'émotion par l'image et non par la parole ce qui contraste radicalement avec les scènes théâtrales.

*La révolution #MeToo n'était pas encore passée par là et c'est l'aspect du film sans doute le plus daté.

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Inland Empire

Publié le par Rosalie210

David Lynch (2006)

Inland Empire

"Inland Empire" est le dernier long-métrage de David LYNCH, un film expérimental de près de trois heures, sorte de labyrinthe mental très "Shining" (1980) et "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) mais qui s'apparente aussi à un microcosme de tout l'univers lynchien. Les références à ses oeuvres antérieures sont innombrables. L'introduction rappelle celle de "Lost Highway" (1997) sauf que le magicien d'Oz est cette fois-ci une femme, Grace ZABRISKIE (la mère de Laura Palmer dans "Mysteres a Twin Peaks" (1990), sa préquelle et sa suite) qui vient annoncer à Nikki Grace (Laura DERN, l'actrice fétiche de David LYNCH qu'il filme en gros plans sous toutes les coutures et tous les éclairages) ce qu'il va lui arriver sous la forme d'un conte cruel. Conte qui ressemble aussi à l'intrigue de "Mulholland Drive" (2001) (Laura HARRING fait d'ailleurs une apparition-éclair): une jeune fille perdue (entre deux identités contraires, celle de l'épouse en pleine crise conjugale sur fond d'adultère et celle de la prostituée) qui se projette dans la peau d'une star hollywoodienne (Nikki qui signifie la victoire en grec et Grace dont le patronyme fait penser à Grace KELLY, icône hitchcockienne) avec une vision de l'usine à rêves commençant comme un rêve de princesse dans un château et se terminant comme un cauchemar sur le trottoir de Hollywood Boulevard au milieu des SDF. Coralie FARGEAT s'est sûrement inspirée de cette séquence de démythification du Walk of Fame pour créer le visuel de l'étoile souillée et pour le personnage d'Elisabeth dont l'avatar jeune se prénomme Sue, soit le nom du rôle que décroche Nikki Grace. Car questions mises en abymes, on est servi. Nikki Grace n'est qu'une projection de l'esprit "sur l'écran noir de mes nuits blanches" sauf que la frontière entre cinéma et télévision est abolie. La jeune fille perdue entre chambre d'hôtel de passe et espace domestique regarde à la façon d'une image-miroir une étrange sitcom surréaliste autour d'une famille lapin qui en réalité est un court-métrage lynchien intitulé "Rabbits" réalisé juste après "Mulholland Drive" (2001) avec les voix de Naomi WATTS et Laura HARRING. L'ambiance glauque m'a beaucoup rappelé celle de "Eraserhead" (1976) qui évoquait déjà la famille comme un film d'horreur. Nikki Grace interprète elle-même un rôle, celui de Sue dans un film qui s'avère être le remake d'un film allemand lui-même adapté d'un conte polonais. Conte qui ressemble peu ou prou à celui que la mystérieuse voisine raconte à Nikki Grace, le film ajoutant une fin horrifique: l'assassinat des deux acteurs principaux sur le tournage. Par conséquent le film dans le film (la jeune fille coincée entre deux réalités glauques rêvant de Grace qui joue Sue) se double d'un film derrière le film (l'original germano-polonais qui ne cesse de s'inviter dans son remake). Le spectateur se demande donc si Nikki parviendra à sortir vivante de cet infernal labyrinthe ou bien si elle y succombera comme d'autres avant elle: David LYNCH rend une fois de plus hommage aux actrices sacrifiées avec une allusion à Judy GARLAND et également au film de Stanley KUBRICK, "Lolita" (1962) dont l'actrice s'appelait justement Sue (Sue LYON). Bref, à condition de se laisser embarquer sans se poser de questions, on voit que même un film aussi destructuré en apparence que "Inland Empire" n'est pas si abscons qu'il n'y paraît, qu'il y a toujours chez David LYNCH une trame (et ce même si le film a été réalisé en partie sans scénario!) parce qu'il est certes un artiste plasticien mais aussi un conteur, qualité ô combien précieuse qui le distingue radicalement par rapport à nombre de cinéastes sacrifiant le fond à la forme.

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Les Naufragés (Lifeboat)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1943)

Les Naufragés (Lifeboat)

Un tour de force que ce huis-clos à ciel ouvert dans un canot de sauvetage que la caméra ne quitte jamais, cinq ans avant "La Corde" (1948). Et pour filer la métaphore, une belle façon de tordre le cou à la propagande qui était censée motiver le public américain des salles de cinéma à acheter des "war bonds" qui aidaient l'Etat à financer l'économie de guerre. Adaptation d'une oeuvre de Steinbeck quant à elle ouvertement propagandiste, le film de Alfred HITCHCOCK est bien plus troublant en tant que démonstration des tares de deux sociétés ennemies se retrouvant embarquées "sur le même bateau". D'un côté un échantillon diversifié d'américains rescapés du torpillage de leur paquebot par un sous-marin allemand, de l'autre Willy (Walter SLEZAK), le commandant nazi de ce même sous-marin (coulé à son tour), déterminé et discipliné qui prend rapidement l'ascendant sur eux tout en se faisant passer pour un simple marin ne parlant pas leur langue et en dissimulant ses intentions comme ses ressources. Du moins un certain temps car lorsque la vérité est découverte, on voit à l'oeuvre l'un des aspects les plus détestables de l'Amérique: le lynchage collectif. Le seul à ne pas y participer est comme par hasard le seul afro-américain de l'équipage, celui qui de plus parvient à deux reprises à confondre Willy en lui dérobant des objets qui révèlent sa duplicité mais aussi ses valeurs nazies (le sacrifice de l'infirme Gus joué par William BENDIX en étant l'expression). Joe (Canada LEE) ne peut pas participer à ce règlement de comptes entre frères ennemis nourris à la même source du racisme biologique et du darwinisme social. Il se place donc en position d'observateur de cette petite comédie humaine dans laquelle la différence de classe sociale est également marquée tout en étant tournée en dérision. Ainsi la journaliste mondaine Connie Porter (Tallulah BANKHEAD) qui est la seule à avoir réussi à monter à bord du canot sans mouiller une mèche de sa mise en plis et en emportant tous ses biens voit ceux-ci lui échapper un à un de même que sa parure luxueuse, révélant in fine qu'elle n'est qu'une parvenue issue des mêmes bas-fonds de Chicago que le machiniste communiste par lequel elle est attirée, Kovac (John HODIAK) qui s'oppose à l'industriel capitaliste Rittenhouse (Henry HULL). Bref, la distance ironique à l'anglaise de Alfred HITCHCOCK, y compris vis à vis de lui-même (son cameo-signature en faveur d'un régime amincissant qui lui avait perdre 30 à 40kg sur un journal rescapé du naufrage est hilarant) s'accommode bien mal de l'appel à l'unité nationale face à l'ennemi qu'était censé être le film, il montre plutôt la réalité des fractures de l'Amérique et sa proximité idéologique cachée avec l'Allemagne. En résumé si "Lifeboat" peut tout à fait être lu comme un appel à s'unir dans la même galère face à un ennemi commun mais c'est sa lucidité qui en plus de sa virtuosité technique le rend si pertinent encore aujourd'hui.

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En tongs au pied de l'Himalaya

Publié le par Rosalie210

John Wax (2024)

En tongs au pied de l'Himalaya

"En tongs au pied de l'Himalaya" n'a rien de révolutionnaire même s'il démonte quelques clichés sur les autistes, à commencer par celui de l'autiste surdoué. Tiré du one woman show autobiographique de Marie-Odile WEISS qui joue le rôle d'une directrice de la maternelle un peu effacée, le film a le mérite de nous plonger dans le quotidien d'une famille (presque) ordinaire devant gérer les troubles de leur fils. Comme souvent en pareil cas, la révélation du handicap fait éclater le couple. Audrey LAMY est plutôt convaincante dans le rôle de Pauline, une mère dépassée mais aimante qui se bat pour que son enfant ne soit pas rejeté par l'école mais qui a tendance à se noyer face à ses problèmes, lesquels ne sont pas édulcorés (l'intolérance aux bruits, les troubles cognitifs, les stéréotypies et crises d'anxiété face aux changements, la faible tolérance à la frustration etc.) Pour ne rien arranger, Pauline dont la vie est plutôt déréglée et qui peine à joindre les deux bouts est entourée d'hommes adultes immatures, notamment son frère paumé vivant encore dans un appartement appartenant à leur père, lequel semble plus préoccupé par ses chats que par sa famille à qui il n'accorde pas d'attention réelle. Les déficiences de l'institution scolaire vis à vis de l'inclusion se réduisent au cas individuel d'une institutrice hypocrite (Tatiana GOUSSEFF) tandis que les différents dispositifs d'aide existants (AESH, groupes de parole, référente MDPH etc.) s'avèrent un poil idéalisés. La question du sous-financement et du manque d'AESH n'est par exemple pas posée. Plus embêtant, le film fait porter toute la responsabilité de l'éducation d'Andréa et toutes les défaillances à la mère. Aucune scène ne montre comment se débrouille le père qui semble n'avoir aucun problème dans la gestion de son enfant. Cette inégalité de traitement interroge. En bonus, l'apparition de Jean-Pascal ZADI qui depuis "Tout simplement noir" (2019) (film que John WAX avait co-réalisé avec lui) a fait de son réalignement dentaire un running gag, le film étant avant tout une comédie sympa au premier abord mais réactionnaire au bout du compte.

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Le Mal n'existe pas (Aku wa sonzai shinai)

Publié le par Rosalie210

Ryusuke HAMAGUCHI (2023)

Le Mal n'existe pas (Aku wa sonzai shinai)

J'adore le cinéma japonais dans toute sa diversité. Il n'y a qu'un seul cinéaste japonais parmi ceux et celles dont j'ai vu les films qui m'inspire de réelles réticences et il s'agit justement de Ryusuke HAMAGUCHI. Ce que j'ai écrit à propos de "Drive My Car" (2021) et "Contes du hasard et autres fantaisies" (2021) vaut aussi bien pour "Le mal n'existe pas". A savoir l'art de faire compliqué là où on pourrait faire simple pour s'attirer les bonnes grâces des critiques. J'ai pourtant cru que Ryusuke HAMAGUCHI avait laissé au vestiaire le côté poseur de son cinéma quasiment jusqu'au bout du film. La mise en scène contemplative, la beauté des images, la réelle pertinence des échanges entre des locaux incisifs et les employés d'une compagnie désirant monter à la va-vite un business hors-sol dans une région rurale en mettant en péril l'écosystème forestier, la remise en question existentielle des deux employés tout cela est réussi. On est au Japon, pays où le masque social et l'obéissance à la hiérarchie pèsent particulièrement lourd et on le ressent bien au travers de ces deux employés. Mais la fin est venue me rappeler de façon cinglante de quel bois creux est fait le cinéma de Ryusuke HAMAGUCHI. La fin, c'est important au cinéma. On dit souvent que neuf films sur dix sont trop longs. Mais pour moi, le pire, ce sont les fins qui révèlent que la démarche était insincère depuis le début. Peu importe ce qu'il a voulu faire avec cette fin pseudo ouverte, elle est en réalité complètement toc et ne fera se pâmer que ceux qui aiment "la branlette intellectuelle".

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