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Les Diaboliques

Publié le par Rosalie210

Henri-Georges Clouzot (1955)

Les Diaboliques

La piscine au cinéma est souvent implicitement comparée à un tombeau. Ainsi en est-il de l'ouverture de la "La Piscine" (1969) de Jacques DERAY ou de celle de "Boulevard du crepuscule" (1950) de Billy WILDER. Le générique de "Les Diaboliques" ne fait pas exception. Il montre une surface aquatique trouble et putride, à peine trouée par les gouttes de pluie qui s'abattent sur elle. Cette surface est bien celle d'une piscine et comme dans les deux films cités plus haut, elle est amenée à accueillir à un moment donné un cadavre... ou peut-être pas. Le film le plus célèbre de Henri-Georges CLOUZOT préfigure plusieurs thrillers de Alfred HITCHCOCK tels que "Psychose" (1960) qui repose sur un twist final et "Vertigo" (1946) qui se base sur un roman écrit par Boileau-Narcejac, duo à l'oeuvre sur "Les Diaboliques" et que Hitchcock avait déjà souhaité adapter. D'ailleurs, il suffit de comparer les titres de leurs deux romans, "Celle qui n'était plus" et "D'entre les morts" pour comprendre que les deux films qui en sont issus ont en commun une histoire de fantôme. De fait, le film de Henri-Georges CLOUZOT se situe au carrefour de deux genres: le polar à suspense et le fantastique à tendance horrifique. Et bien que la fin du film (que je ne dévoilerai pas pour ceux qui ne l'ont pas vu) apporte une explication rationnelle aux manifestations étranges qui semblent suggérer qu'un fantôme hante le pensionnat, une toute dernière scène relance le suspense et l'ambiguïté, laissant la porte ouverte à toutes les hypothèses (dimension fantastique ou énième twist renversant les rôles manipulateur/manipulé).

Néanmoins, le ton est bien plus sec et froid dans "Les Diaboliques" que dans "Vertigo". Car le film de Henri-Georges CLOUZOT est une étude de moeurs impitoyable, décrivant une galerie de personnages médiocres voire haïssables. Le pire de tous est le directeur du pensionnat joué par Paul MEURISSE, un homme odieux qui rabaisse sa femme (Vera CLOUZOT) plus bas que terre devant tout le monde et bat sa maîtresse (Simone SIGNORET), toutes deux enseignantes dans l'établissement. Mais les deux femmes ne sont pas plus sympathiques avec leur projet criminel et leur alliance de façade pleine de fiel et de faux-semblants. Quant aux personnages secondaires, ils sont peu reluisants pour la plupart bien qu'interprétés par la crème des seconds rôles de l'époque (Pierre LARQUEY, Noel ROQUEVERT, Jean LEFEBVRE, Charles VANEL ...) sans parler de nouvelles têtes prometteuses (Michel SERRAULT et même furtivement Jean-Philippe SMET!)

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Il reste encore demain (C'è ancora domani)

Publié le par Rosalie210

Paola Cortellesi (2024)

Il reste encore demain (C'è ancora domani)

Je n'ai pas tellement apprécié "Il reste encore demain" parce que je l'ai trouvé confus et sans rythme. L'histoire m'a paru bien longuette et répétitive et la fin, déceptive. Toutes ces cachotteries pour en arriver à l'exercice d'un droit dont on sait bien qu'il n'a pas mis fin aux violences faites aux femmes, ni d'ailleurs à une meilleure représentation des femmes en politique. J'ajoute qu'il y a de grosses incohérences telles que le dynamitage d'un café par un soldat US à la demande d'une pauvre mère de famille censé ne pas comprendre un mot d'anglais. Ou bien le fait qu'elle laisse de l'argent bien en vue sur une table pour sa fille alors qu'on sait que son mari leur prend tout. Là-dessus se greffent des confusions qui m'ont gêné. Au niveau du style, on a l'impression d'être dans une comédie italienne des années 70 mêlée avec le drame de Ettore SCOLA, "Une journee particuliere" (1977) mais avec des codes néo-réalistes des années 40. Au niveau du fond, les violences conjugales sont transformées en scènes de danse ce qui est d'une insigne maladresse, de même que le fait de faire disparaître les ecchymoses de Délia aussitôt apparues, comme si elles n'avaient jamais existé. D'ailleurs Délia (joué par Paola CORTELLESI elle-même) semble bien trop rayonnante dès que son mari n'est plus dans les parages pour apparaître telle qu'elle devrait être au bout de vingt ans d'un tel traitement. Rayonnante, fleur-bleue avec son ancien amoureux qui comme par hasard se trouve toujours sur son chemin, pleine d'énergie pour enchaîner quatre boulots mal payés et gueuler sur ses voisines commères. Bref, le film est plein d'intentions louables mais le rendu est assez lourd, maladroit et cliché.

Cependant si cinématographiquement parlant, j'ai trouvé "Il reste encore demain" assez mauvais, je comprends ses 5 millions d'entrées en Italie. Car sur le plan sociologique, le film vise en effet juste. Il s'interroge sur la reproduction des violences conjugales de génération en génération, plus particulièrement de mère en fille. Ainsi, Delia qui est tyrannisée au quotidien par son mari de toutes les manières possibles (contrôle de ses moindres mouvements et confiscation de son argent, insultes, coups, humiliations et dénigrement systématique) n'a longtemps qu'un seul désir: voir sa fille dans une belle robe de mariée. Fille déjà bien partie pour prendre le relai de sa mère: privée d'école, obligée de travailler pour arrondir les fins de mois de sa famille pauvre et flanquée d'un fiancé qui promet de la mettre au pas une fois qu'elle "sera à lui". Et tout le monde de se réjouir, mère et fille compris du destin qui l'attend parce qu'il y a à la clé une bague, une belle robe et un "statut de dame". Belle manière de souligner la façon dont l'aliénation est intégrée par celles qui en sont victimes. Evidemment, le film montre comment Délia torpille ce destin tout tracé et réoriente l'avenir de sa fille en prenant conscience de ses droits.

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Quelques heures de printemps

Publié le par Rosalie210

Stéphane Brizé (2011)

Quelques heures de printemps

Revoir plus d'une décennie après le premier visionnage "Quelques heures de printemps", le film par lequel j'ai découvert Stephane BRIZE m'a permis de relever les points communs qui l'unissent à "Je ne suis pas la pour etre aime" (2004). Un personnage d'homme mûr triste et désintégré, une grande difficulté à communiquer avec son entourage et une relation particulièrement difficile avec le parent qui lui reste. Pourtant, "Quelques heures de printemps" se situe dans un milieu beaucoup plus populaire et diffère par son issue. Alors que la majorité du métrage se complaît dans une ambiance morose et grise, trop longue à mon goût, d'autant que la sous-intrigue avec Emmanuelle SEIGNER est inutile et vite expédiée (il n'y a pas besoin d'elle pour comprendre le personnage d'Alain joué par l'acteur fétiche de Stephane BRIZE, Vincent LINDON), la fin change complètement de ton et offre un très beau paradoxe, comme seuls les humains en ont le secret. D'un côté, la photographie s'illumine, le paysage s'ouvre, offrant une magnifique vue sur ce qui semble être les Alpes suisses, la maison où la mère d'Alain se rend est moderne et douillette, à l'inverse de la sienne, figée dans les années 70. Enfin mère et fils se déclarent leur amour, sortant de leurs déserts affectifs respectifs, mais c'est parce qu'ils sont au seuil de la mort. En effet le spectateur ne perd jamais de vue qu'il regarde le suicide assisté d'une femme humble qui semble ne pas avoir choisi grand-chose dans sa vie, hormis de mourir dans la dignité. Autant la confrontation avec le médecin m'a paru assez lourdement didactique (principal défaut du film), autant la rencontre avec l'association qui accompagne les personnes condamnées par la maladie ayant décidé d'en finir m'a paru juste, en particulier lorsqu'elle demande à Yvette Evrard (le personnage joué par Helene VINCENT, troublante de crédibilité dans ce rôle beau et ingrat à la fois) si elle a eu une belle vie et qu'elle répond "je ne sais pas, c'est ma vie".

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Une vie cachée (A Hidden Life)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2019)

Une vie cachée (A Hidden Life)

Alors que je n'ai pas toujours été convaincue par le positionnement surplombant et le ton grandiloquent des films de Terrence MALICK (je pense particulièrement à "Les Moissons du ciel" (1978) et à "The Tree of Life") (2010) ainsi que par ses choix d'acteurs (je ne suis pas du tout sensible à Richard GERE et à Brad PITT), "Une vie cachée" m'a bouleversée. C'est bien simple, avec ce film, Terrence MALICK atteint l'équilibre parfait entre le ciel et la terre. La signature si reconnaissable du réalisateur atteint des sommets avec une photographie époustouflante de beauté et un paysage édénique, celui du village de St Radegund situé près de Salzbourg dans les Alpes autrichiennes (et non loin de Linz, le lieu de naissance de Hitler). L'ode à la nature passe aussi par l'utilisation du grand-angle et les voix intérieures. Mais les questionnements existentiels s'y ancrent dans les faits historiques et dans les comportements humains, les plus nobles comme les plus vils. Ils s'incarnent au travers du "chemin de croix" emprunté par Franz et son épouse qui à rebours de leur communauté, refusent de signer le pacte avec le diable (c'est à dire de se soumettre à Hitler) et en payent le prix. Lui par fidélité à sa foi, elle par amour pour lui. J'ai pensé très fort à la phrase de Viktor Frankl (lui aussi autrichien) "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." C'est en ce sens qu'il faut comprendre les propos de Franz lorsqu'il dit et répète qu'il est un homme libre, alors même que Terrence MALICK montre toutes les formes de pressions, d'humiliations et de violences qu'il subit, d'abord dans son village, puis en prison*. Ses interlocuteurs se heurtent tous à sa foi inébranlable qui lui interdit toute compromission avec "l'Antéchrist". Son parcours singulier, fruit d'un choix singulier fait par contraste tomber tous les faux-semblants, particulièrement ceux qui sont liés à la religion. En effet, Terrence MALICK montre d'un côté des autorités religieuses s'accommodant (à l'image de toutes les autres formes d'autorité) du totalitarisme et un troupeau prêt à suivre aveuglément n'importe quel berger, par conformisme, par endoctrinement (la patrie ayant remplacé Dieu) mais aussi par peur. Il montre également la haine des villageois envers le mouton noir, celui qui ne suit que sa conviction intime, haine qui touche particulièrement la femme de Franz après l'arrestation de son mari et s'étend jusqu'à leurs enfants, ostracisés par ceux des autres familles. De l'autre, il montre en quoi l'indépendance d'esprit et une vie intérieure riche élève celui qui les possède au dessus des bas instincts, rendant son esprit incorruptible. Voir les chefs nazis qui se croient tout-puissants et leurs complices représentant les institutions incapables de faire plier un simple petit fermier a quelque chose de profondément satisfaisant. J'ai pensé à Sophie Scholl qui manifestait la même résistance inébranlable.
Le coup de grâce est asséné à la fin du film par l'extraordinaire confrontation entre August DIEHL et Bruno GANZ qui a joué tour à tour l'ange et le diable (et a eu le temps de passer chez Terrence MALICK avant de trépasser) et par une allusion flagrante à l'un des plus célèbres films anti-nazis, "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) de Fritz LANG.

* Comme dans la novlangue de George Orwell, le sens du mot liberté s'est restreint dans le III° Reich à la simple liberté physique d'aller et de venir, occultant le sens figuré du mot.

Au vu du nombre de gens qu'elle a pu toucher, j'ajoute exceptionnellement la présentation du film que j'ai faite sur Facebook:

Je viens de voir un film magnifique sur Arte (disponible pendant encore 3 jours): "Une vie cachée" de Terrence Malick. A part "Le nouveau monde" et "La ligne rouge" (deux films qui ont en commun avec "Une vie cachée" d'être basé sur des faits historiques), je n'avais pas été jusqu'ici très sensible à son cinéma. Comme ses autres films, "Une vie cachée" est d'une très grande beauté esthétique et rempli de questions existentielles. Mais comme il s'ancre dans les faits historiques, il témoigne également de ce qu'il y a de plus noble mais aussi de plus vil en chaque homme. Témoigne est le mot qui convient puisque le film raconte l'histoire d'un martyr du christianisme sous le III° Reich. Pas exactement un objecteur de conscience car ce n'est pas le combat que Franz refuse, c'est de devoir faire allégeance à Hitler. Malick montre l'échec de toutes les tentatives pour faire plier Franz qui ne dévie pas d'un pouce de sa trajectoire, laquelle rappelle celle de Sophie Scholl. Il montre la vilénie humaine sous les traits des autorités toujours prêtes à courber l'échine (par calcul mais aussi par peur), mais aussi sous celle des meutes humaines, ces hommes et ces femmes qui tournent le dos à leur conscience individuelle pour se fondre dans la masse et hurler avec les loups. L'hommage à Fritz Lang est aussi transparent que le rideau de "Le Testament du docteur Mabuse" qui apparaît à la fin du film est opaque. Bref tout dans "Une vie cachée" m'a fait penser à une phrase que j'aime particulièrement, "Tout peut être enlevé à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines – le choix de son attitude face à un ensemble de circonstances – pour décider de son propre chemin." (Viktor Frankl)

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Barbarella

Publié le par Rosalie210

Roger Vadim (1968)

Barbarella

Dans "Sois belle et tais-toi" (1976), Jane FONDA raconte comment elle a été façonnée à ses débuts par Hollywood pour être une icône de studio très éloignée de sa vraie personnalité (et de son vrai corps). Roger VADIM, son mari de l'époque a revêtu à son tour les atours de Pygmalion en faisant d'elle une bombe sexuelle calquée sur Brigitte BARDOT, l'une des précédentes muses du réalisateur. La séquence de strip-tease ouvrant "Barbarella" (1968) fait d'ailleurs un clin d'oeil appuyé à l'érotisme des stars façonnées par Hollywood, plus précisément à la scène des gants de "Gilda" (1945). Pour le reste, c'est gentiment coquin et scopophile sans complexe (et hop, mine de rien, la caméra saisit par-ci par-là une fesse à moitié dénudée ou un bout de sein), Roger VADIM s'amusant à habiller et (surtout) déshabiller sa nouvelle Barbie au moindre prétexte. Des poupées aux dents d'acier et des perruches au bec affûté façon "Les Oiseaux" (1962) auront raison des différents justaucorps de Barbarella qui heureusement trouve rapidement une nouvelle tenue, toujours plus sexy que la précédente. Sans l'attraction que représente la plastique de Jane FONDA mise en valeur non seulement par ses costumes mais aussi par des décors hideux qui la magnifient par contraste, que resterait-il aujourd'hui de cette kitscherie dépourvue d'un scénario digne de ce nom? A mon avis, rien.

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Citizen Jane, l'Amérique selon Jane Fonda

Publié le par Rosalie210

Florence Platarets (2020)

Citizen Jane, l'Amérique selon Jane Fonda

Une personnalité riche pour un documentaire qui ne l'est pas moins. "Citizen Jane, l'Amérique selon Fonda" revient sur la carrière de celle qui au départ n'était qu'une "fille de" destinée à faire fantasmer les hommes avec des rôles stéréotypés de pom-pom girl. Comme elle l'explique dans "Sois belle et tais-toi" (1976), si elle a réussi à échapper à la chirurgie esthétique, elle a dû porter pendant les dix premières années de sa carrière de faux cils, des cheveux teints en blond et de faux seins, lui donnant de faux airs de Brigitte BARDOT en rejoignant la "collection" de Roger VADIM. Jusqu'à ce que comme sa consoeur féministe française, Delphine SEYRIG, elle ne se rebelle au début des années 70 après avoir tourné son premier film en prise avec le réel "On acheve bien les chevaux" (1969), notamment au travers de combats politiques (contre la guerre du Vietnam notamment) qui lui valurent de nombreux ennuis avec le gouvernement Nixon et l'Amérique conservatrice mais aussi une carrière remarquable au sein du nouvel Hollywood. Quant à sa réinvention en reine de l'aérobic dans les années 80, elle est expliquée comme un moyen de se réapproprier son corps et de vaincre ses troubles alimentaires, face au star system mais aussi face à son père qui la dévaluait constamment, la trouvant trop grosse. De fait, Jane FONDA apparaît comme une guerrière capable de surmonter traumatismes (suicide de sa mère, viol dans l'enfance, trois divorces) et maladies (plusieurs cancers), à la manière d'une Pam GRIER. Une dure à cuire que l'on a encore pu voir à l'oeuvre dans un moment d'anthologie du film "Youth" (2015) de Paolo SORRENTINO.

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Little Girl Blue

Publié le par Rosalie210

Mona Achache (2023)

Little Girl Blue

L'idée de départ du film était prometteuse: en finir avec la reproduction d'un traumatisme familial se transmettant de génération en génération au moyen d'une enquête approfondie se basant sur les archives pléthoriques laissées par la mère et la grand-mère de la réalisatrice, Mona ACHACHE: livres, carnets, photographies, enregistrements d'émissions de radio et de télévision etc. Mais aussi en faisant incarner Carole Achache, la mère de Mona par une actrice professionnelle, Marion COTILLARD. Disons-le tout de suite, sa prestation est incroyable et devrait être montrée à tous les détracteurs de cette actrice tant elle est aux antipodes des rôles dans lesquels on est habitué à la voir. Marion COTILLARD est une formidable actrice de composition, ce qu'elle avait brillamment démontré dans "La Mome" (2007) qui lui avait ouvert les portes de Hollywood mais depuis, ce talent avait été sous-exploité. Hélas, la réalisatrice n'a pas réussi à tricoter les matériaux hétéroclites qu'elle avait à disposition en un ensemble qui puisse tenir la route. Le film est extrêmement brouillon si bien que rapidement, on ne sait plus ce qui appartient à Monique (la grand-mère), à Carole (la mère) et à Mona (la fille). C'est sans doute voulu pour montrer la malédiction de la répétition du même schéma familial mais cela finit par nous faire décrocher. Plus embêtant, la sophistication du procédé retenu et la saturation du cadre par les archives, notamment les milliers de photos représentant Carole créé un effet de distanciation et de saturation narcissique qui tue dans l'oeuf toute émotion. Il y a quelque chose de poseur dans ce film, de complaisant. On se lasse de voir le même visage, le même corps (souvent dénudé), la même voix dupliquée des centaines de fois nous racontant ses expériences de jeune bourgeoise cherchant à s'encanailler. Ca se regarde et s'écoute beaucoup trop parler et à force d'ambivalences, cela jette un doute sur la volonté même de vouloir vraiment en finir avec la culture du viol. Jean Genet est par exemple décrit comme une ordure mais aussi comme quelqu'un de bien qui a quand même "formé" Carole. Ne pas avoir su ou pu en finir avec ce discours du "en même temps" laisse planer un grand doute sur l'effet de réparation recherché par la fille envers elle-même et envers sa mère, à l'inverse d'une Christine ANGOT et de sa fille Eléonore qui ne montrent aucune espèce de fascination pour le milieu qui a causé leurs maux.

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Bon voyage

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (2003)

Bon voyage

J'ai trouvé le film absolument virtuose sur le plan de la mise en scène. Tel un chef d'orchestre, Jean-Paul RAPPENEAU mène tout son petit monde sur un rythme allegro-presto et pourtant, tout s'y écoule de façon parfaitement limpide, jusqu'au plus petit rôle. Parce qu'il ne faut pas sous-estimer la difficulté que représente le fait de maintenir ce rythme trépidant tout au long du film tout en restant lisible. Si on regarde plus en détail, on s'aperçoit que le scénario est bien structuré avec plusieurs sous-intrigues impliquant un ou plusieurs personnages qui reviennent en leitmotiv tout au long du film: les gangsters, les espions, les scientifiques, les politiciens etc. Car oui, "Bon voyage" ressemble à une partition de musique avec sa soliste star (Isabelle ADJANI qui n'a pas l'âge du rôle certes mais qui en a l'aura et qui joue la fausse ingénue manipulatrice avec brio), ses duettistes (Gregori DERANGERE et Yvan ATTAL, Virginie LEDOYEN et Jean-Marc STEHLE), ses triangles amoureux (Gregori DERANGERE, Isabelle ADJANI et Gerard DEPARDIEU, Gregori DERANGERE, Yvan ATTAL et Virginie LEDOYEN ) sans parler de la petite musique distillée par le moindre petit rôle incarné par des acteurs de caractère (Michel VUILLERMOZ, Edith SCOB) avec en arrière-plan, le choeur d'une reconstitution historique sachant rendre à merveille le chaos de l'exode de l'élite française à Bordeaux en mai-juin 1940. Chapeau!

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Tout de suite maintenant

Publié le par Rosalie210

Pascal Bonitzer (2016)

Tout de suite maintenant

Un conte moral comme les aime Pascal BONITZER dans lequel il prend pour cible la haute finance et son "univers impitoyable" comme les hautes sphères politiques dans "Cherchez Hortense" (2011) ou le marché de l'art dans le récent "Le Tableau vole" (2023). Toute une galerie de personnages gravite dans le sillage du cabinet de conseil en fusions-acquisitions où se fait embaucher Nora (Agathe BONITZER) qui gravit rapidement les échelons au grand dam de son collègue Xavier (Vincent LACOSTE) qui n'a pas la chance, comme elle, d'être du sérail. Il faut dire que Nora est la fille d'un ancien camarade de (grande) école de Barsac, le patron (Lambert WILSON) et de son associé (Pascal GREGGORY). Barsac s'empresse d'ailleurs de prendre la jeune recrue sous son aile, tant et si bien que Nora découvre dans la maison de Barsac son double plus âgé en la personne de Solveig (Isabelle HUPPERT), l'épouse de Barsac. Celle-ci qui semble bien névrosée a également très bien connu le père de Nora, Serge Sator (Jean-Pierre Bacri). Quant à l'associé de Barsac, il n'apprécie guère d'être mis sur la touche et le fait savoir, quitte à nuire à lui-même et à la boîte. Peu à peu, on découvre la nature des liens entre tous ces personnages, Lambert WILSON incarnant une fois de plus un requin sans scrupules (comme dans "On connait la chanson") (1997) et Jean-Pierre BACRI, un idéaliste blessé. Le monde de la finance sert de prétexte à des déballages intimistes alors que les jeunes acteurs sont un peu sacrifiés au profit de leurs aînés, même si Vincent LACOSTE fait une prestation tout à fait convaincante. "Tout de suite maintenant" souffre de ce déséquilibre ainsi que d'un certain manichéisme (argent contre science, cynisme contre poésie, amour contre intérêt, coeur contre intelligence etc.) Quelques personnages sont difficiles à cerner comme celui de la bonne des Barsac ou sont survolés comme celui de la soeur de Nora. Bref l'ensemble, quelque peu superficiel et brouillon déçoit.

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Mommy

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2014)

Mommy

Au début du film, j'ai cru que le format carré de l'image était dû à un mauvais paramétrage tant il restreint le champ, comme si on regardait à travers des oeillères. Mais il s'agit évidemment d'un choix esthétique reflétant l'enfermement des personnages en eux-mêmes et dans une vie sans perspectives. D'ailleurs le format ne change, temporairement, que deux fois. La première, c'est lors d'un rare moment de plénitude et d'harmonie durant lequel Steve, l'ado tourmenté roule sur la route en skateboard, casque sur les oreilles suivi de près par sa mère et l'amie de celle-ci à vélo sur "Wonderwall" du groupe Oasis, élargissant le cadre en écartant les bras. La deuxième fois, c'est sa mère qui rêve à une autre vie dans laquelle son fils deviendrait adulte et s'accomplirait dans ses études, dans sa vie sentimentale et en tant que père. Evidemment, il n'en est rien et le retour à la réalité est brutal. "Mommy" dépeint ainsi de rares moments de grâce au milieu de la relation fusionnelle et dysfonctionnelle qui unit envers et contre tout une mère cash, excentrique veuve et précaire et son fils, un adolescent TDAH complètement ingérable sur qui plane l'épée de Damoclès de l'internement. Les films de Xavier DOLAN décrivent souvent des relations hystériques ce qui parfois m'indispose. Cependant ici, il introduit un élément d'équilibre à travers le personnage de la voisine, Kyla qui devient l'amie, la confidente et le soutien du duo. Kyla qui est douce, posée, apaisante tout en étant ferme, attentive et peu loquace et pour cause, elle bégaie. Un défaut d'élocution qui ne semble pas de naissance mais lié à un traumatisme, la jeune femme ayant suspendu son activité d'enseignante et semblant coupé du reste de sa famille, laquelle comporte un membre manquant: son fils. Grâce à elle, une nouvelle famille prend corps, fragile, temporaire mais qui montre qu'un autre monde est possible et c'est justement cela qui élargit le cadre et donne quand même de l'espoir. J'ajoute que le duo des deux actrices fétiches de Xavier DOLAN, Anne DORVAL et Suzanne CLEMENT fonctionne extrêmement bien tant elles sont à la fois semblables et complémentaires. Antoine-Olivier PILON est tout aussi remarquable, rendant Steve tantôt aussi effrayant qu'une bête sauvage et tantôt attachant comme le petit garçon qu'il est encore par certains aspects. Bref, "Mommy" est le film de la maturité pour Xavier DOLAN qui sans renoncer à son identité, en maîtrise bien mieux les caractéristiques que dans ses premiers films (la bande-son des années 90, les ralentis sont bien mieux dosés et font tous sens au même titre que les relations entre protagonistes sont mieux équilibrées).

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