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Articles avec #film d'histoire ou de memoire tag

Pentagon Papers (The Post)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2017)

Pentagon Papers (The Post)

Lors du ciné-club accompagnant la projection de "West Side Story" (1960) à la Cinémathèque, le remake réalisé par Steven SPIELBERG en 2019 a été évoqué. Frederic BONNAUD qui prétend ne pas l'avoir vu a dit que Steven SPIELBERG aimait bien comprendre de l'intérieur le fonctionnement des films ce que l'on ressent particulièrement bien sur "Ready Player One" (2018) qui nous projette à l'intérieur de "Shining" (1980). Je pense que c'est une démarche assez similaire qui l'a conduit à réaliser "Pentagon Papers" qui se pose en digne héritier de "Les Hommes du President" (1976), même si les faits décrits se déroulent un an avant. Même époque, même journal, un scandale d'État impliquant l'administration américaine, un bras de fer entre le président Nixon et la presse d'investigation. Les similitudes sautent aux yeux et en citant directement le film de Alan J. PAKULA dans les dernières minutes jusqu'à reprendre les mêmes cadrages, Spielberg ne cache pas ce qu'il doit au film de Alan J. PAKULA. Mais il choisit un traitement différent.

Le film de Alan J. PAKULA était contemporain de son sujet, qu'il traitait en quelque sorte "à chaud" en détaillant avec réalisme et souci du détail les méthodes de travail des journalistes d'investigation. Celui de Spielberg, réalisé plus de 40 ans après est une oeuvre historique qui raconte la genèse du Washington Post comme contre-pouvoir en mettant l'accent sur le rôle pionnier du rédacteur en chef, Ben Bradlee (joué par Jason ROBARDS dans le film de Alan J. PAKULA et par Tom HANKS dans celui de Steven SPIELBERG) et surtout sur la prise de risque considérable de la propriétaire du Washington Post, Katharine Graham surnommée "Kay" (jouée par Meryl STREEP). La grande Histoire, écrite par des vainqueurs dont on ne connaît que trop le profil a effacé les femmes comme elle a invisibilisé les minorités. "Pentagon Papers" remet les pendules à l'heure avec le portrait magistral de cette "fille de" et "épouse de", programmée pour remplir un rôle décoratif et cirer les pompes des puissants et que les circonstances vont pousser à prendre les rênes. Le plan où suite à la victoire de la presse à la Cour Suprême, Kay descend l'escalier sous les applaudissements nourris d'un public exclusivement féminin contraste avec le reste du film où elle apparaît systématiquement isolée dans un monde phallocrate qui lui conteste sa place. Kay comme la plupart des femmes a d'ailleurs intégré ce paramètre dans son logiciel et semble toujours douter de sa légitimité. C'est bien entendu tout l'enjeu du film et Spielberg n'hésite pas à mettre dans la bouche de la femme de Ben Bradlee, une ménagère effacée conforme aux standards de l'époque les mots qu'il pense et qui vont ouvrir les yeux à celui-ci: "Kay est à un poste qu'elle ne pensait jamais occuper. Plein de gens pensent qu'elle ne devrait pas l'occuper. Quand on te dit sans cesse que tu n'es pas à la hauteur, que ton opinion compte moins, quand tu es transparente, qu'à leurs yeux, tu n'existes pas, que tu vis ça depuis toujours, c'est dur de ne pas penser que c'est vrai. Alors prendre cette décision, risquer sa fortune et l'entreprise à laquelle elle a consacré sa vie, je trouve ça courageux."

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La rose de Versailles (Versailles no Bara)

Publié le par Rosalie210

Ai Yoshimura (2025)

La rose de Versailles (Versailles no Bara)

Comme Silvia Stucchi et son livre-hommage "La Dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", le studio MAPPA célèbre avec trois ans de retard l'anniversaire du chef d'oeuvre de Riyoko IKEDA en produisant une nouvelle adaptation sous forme d'un long-métrage d'animation d'environ deux heures. Celui-ci est un condensé des 10 volumes du manga s'appuyant également sur les adaptations du Takarazuka, revue théâtrale japonaise 100% féminine produisant des spectacles musicaux. Le film comporte donc de nombreux passages chantés. Il bénéficie également des techniques et des graphismes les plus modernes en terme d'animation. Clairement, ce remake, sorti sur Netflix le 30 avril 2025 cherche à séduire la nouvelle génération. Pourtant il n'arrive pas à la cheville de la deuxième partie de la série de 1979 produite par le studio TMS et réalisée par Osamu DEZAKI qui donnait à l'histoire une profondeur tragique et une esthétique cinématographique avec un travail incroyable sur la lumière et le regard (et ce avec les moyens limités d'une diffusion TV) sans parler de la mise en valeur du graphisme du merveilleux duo Shingo ARAKI/Michi HIMENO. Le numéro 250 d'Animeland qui vient de sortir leur consacre à tous de copieux articles à la hauteur de leurs talents conjugués. Le film du studio MAPPA reste quant à lui à la surface des personnages qui sont édulcorés: il n'y a plus de suicide, plus de mariage forcé, plus de tentative de viol, plus d'infanticides, plus de climat incestueux, plus d'ambiguïté sexuelle, plus de maladie mortelle. La grande Histoire est presque complètement escamotée alors qu'elle est dans le manga et dans la série un ressort essentiel de l'intrigue. Celle-ci, découpée à la hache et dépouillée de sa charge politique et de ses personnages secondaires est réduite aux relations sentimentales et aux fanfreluches. Seuls les questionnements et la révolte d'Oscar, reflet de la personnalité de Riyoko IKEDA donne un peu de substance à un contenu certes soigné mais inoffensif.

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La chambre de Mariana

Publié le par Rosalie210

Emmanuel Finkiel (2025)

La chambre de Mariana

Ayant entendu de bonnes critiques au sujet de "La chambre de Mariana", je suis allée le voir. Mais je n'ai pas du tout adhéré au film tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, je l'ai trouvé beaucoup trop long pour ce qu'il raconte, un défaut contemporain qui entraîne un délayage du récit qui plus est, malheureusement prévisible et un manque patent de rythme. Les souvenirs et "hallucinations" de Hugo qui viennent de temps à autre interrompre la monotonie de son existence de reclus ne lui donnent pas d'élan pour autant. Sur le fond, si Melanie THIERRY porte en grande partie le film sur les épaules (son engagement est à peu près la seule chose que je sauverai), son jeune partenaire n'est pas à la hauteur. On ne ressent pas le passage du temps et les transformations physiques et psychologiques de Hugo durant les trois années cruciales durant lesquelles il est caché par Mariana dans des conditions plus que précaires et qui correspondent à son entrée dans l'adolescence dans des conditions terribles: le froid, la faim, la peur, les visions d'horreur dont il est le témoin et le climat d'hypersexualisation dans lequel il grandit auraient dû bouleverser son apparence. Même après être sorti de sa cachette, Hugo continue à subir passivement les événements. Son apathie créé une distance qui fait obstacle à l'émotion. Mais l'aspect du film qui m'a le plus posé problème, c'est le climat incestueux qui y règne. La situation scabreuse dès le départ s'y prêtait mais l'attitude équivoque de Mariana vis à vis de son protégé la renforce, nous menant jusqu'à une fin suggestive qui n'est pas interrogée, dont les conséquences sur l'avenir de Hugo ne sont pas montrées (contrairement par exemple à "Fish tank" (2009) qui fait preuve d'une hauteur de vue que celui-ci n'a pas). Bref, durant tout le film, j'ai oscillé entre ennui et malaise. Un peu plus d'esprit critique, de sensibilité et un meilleur casting n'auraient pas fait de mal.

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Lawrence d'Arabie (Lawrence of Arabia)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1962)

Lawrence d'Arabie (Lawrence of Arabia)

Longtemps, la figure de Lawrence d'Arabie m'a renvoyée à la chanson d'Annabelle (Mouloudji) "Fuis, Lawrence d'Arabie" dont j'avais acheté le 45 tours à sa sortie en 1987. Rien à voir avec le film de David LEAN daté de 1962 bien qu'en le regardant, j'ai tout de suite reconnu la musique de Maurice JARRE parce qu'elle est très célèbre et donc souvent jouée. Deuxième enseignement, j'ai compris d'où venait la notoriété de Peter O'TOOLE que je n'avais vu jusque là que dans des rôles oubliables. Troisième intérêt, j'ignorais que c'était grâce à "Lawrence d'Arabie" que Omar SHARIF était devenu une vedette internationale, lui que j'ai toujours associé à "Le Docteur Jivago" (1965) du même David LEAN vu quand j'étais très jeune. Bref, "Lawrence d'Arabie" est un jalon incontournable de l'histoire du cinéma, un de ces films qui impose sa marque en aval, jusqu'à l'épisode IV de Star Wars qui lui doit à mon avis autant qu'à l'oeuvre de Akira KUROSAWA. Comme on dit, il y a eu un avant et un après. Et comme dirait Luc Lagier, ce n'est pas Alec GUINNESS qui me contredirait, je dirais même que le prince Fayçal a été son passeport pour Obi Wan Kenobi.

David LEAN était particulièrement doué pour articuler des portraits d'individualités complexes à de vastes fresques historiques au souffle épique. C'est exactement ce qu'est "Lawrence d'Arabie" qui fonctionne en permanence sur ces deux échelles qui se complètent harmonieusement: Lawrence et l'Arabie. Basé sur le livre autobiographique de T.E Lawrence "Les Sept Piliers de la sagesse", il raconte le rêve fou de cet officier de liaison de l'armée britannique chargé d'encourager les arabes du Moyen-Orient à se soulever contre l'Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale en leur promettant un Etat arabe unifié. Un idéalisme voué à l'échec face à l'occupation franco-britannique et au partage de la région en zones d'influence par les accords Sykes-Picot (évoqués dans le film contrairement à la déclaration Balfour, autre promesse britannique faite cette fois au peuple juif, avec les conséquences que l'on sait). Bien que les hommes filmés par David LEAN paraissent tout petits dans l'immensité du désert majestueusement filmé, jamais on ne perd de vue le protagoniste principal et ses mystérieuses motivations qui le conduisent à devenir l'un des leaders de la révolte arabe contre les turcs puis une sorte de nouveau Moïse conduisant les tribus vers la terre promise de l'unité arabe. Une esquisse de réponse est donnée dans les problèmes identitaires de T.E Lawrence, fils illégitime qui se choisit une autre famille, celle qui lui témoigne justement de la reconnaissance. Des problèmes identitaires qui finissent par tourner cependant à l'autodestruction. La scène très symbolique dans laquelle Lawrence abat l'homme qu'il a sauvé un peu plus tôt et qui lui a valu d'être reconnu par les arabes comme l'un des leurs en est l'illustration éclatante. De même que la folie meurtrière qui s'empare de lui après son arrestation par les turcs. Un moment trouble à connotation homoérotique SM qui m'a fait penser à "Furyo" (1983).

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La Vie devant moi

Publié le par Rosalie210

Nils Tavernier (2025)

La Vie devant moi

Le sujet est fort, l'interprétation excellente, le point de vue original mais il manque quelque chose au film de Nils TAVERNIER pour véritablement convaincre et sortir du lot. Le parti-pris, tiré d'une histoire vraie était pourtant intéressant: filmer le huis-clos d'une famille juive obligée de se cacher dans une minuscule chambre de bonne pendant deux ans, entre la rafle du Vel d'Hiv et la libération de Paris. A défaut de pouvoir se déployer dans l'espace (et encore: on a vu la manière géniale dont Jonathan GLAZER parvenait à suggérer le hors-champ rien qu'avec la bande-son), Nils TAVERNIER aurait pu travailler le passage du temps. Car vivre deux ans enfermé dans un espace minuscule, dans la promiscuité, avec tantôt la peur, tantôt la faim au ventre, sous les combles, dans le froid ou sous la chaleur accablante, ça laisse des traces. Particulièrement pour une adolescente qui passe deux années cruciales de sa vie entre quatorze et seize ans sans pouvoir la vivre. Si tous ces aspects sont abordés, ils ne sont pas incarnés. Les acteurs ne changent pas d'un iota et n'ont pas grand-chose à faire: le père (Guillaume GALLIENNE) reste assis en regardant par la fenêtre, la mère (Adeline d'HERMY) frotte une assiette les yeux dans le vague. Seule la fille (Violette GUILLON) semble exprimer ce que son personnage vit, tant dans ses cauchemars, ses questionnements que par sa soif de liberté qu'elle ne peut étancher qu'en se promenant sur les toits. Néanmoins, la mise en scène reste trop timide pour donner de l'ampleur à ses élans. Le pire réside dans les rares sorties que la famille s'accorde lorsqu'elle n'a pas le choix (autrement dit, quand c'est une question de vie ou de mort). Jamais on ne ressent la chape de plomb du Paris en guerre ou la terreur que devrait inspirer le fait de se mettre ainsi à découvert et de devoir interagir avec des étrangers dont chacun peut être potentiellement mortel. Les témoignages au début et à la fin du film ainsi que les images d'archives achèvent d'illustrer platement ce qui aurait pu être une expérience sensorielle marquante.

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Les Suffragettes (Suffragette)

Publié le par Rosalie210

Sarah Gavron (2015)

Les Suffragettes (Suffragette)

Un sujet passionnant, celui du combat mené par une poignée de militantes féministes britanniques au début du XX° siècle contre une société hostile leur déniant leurs droits, celui de voter n'étant qu'un pied dans la porte d'un pouvoir patriarcal qui les écrase. La reconstitution historique du Londres de 1912 est soignée et permet de mesurer la violence de la répression d'Etat qui s'exerce contre les militantes, surtout les ouvrières même si le film montre une solidarité féministe transcendant les classes sociales (mais fait l'impasse sur la diversité ethnique de ces femmes, celles venant de l'Empire des Indes étant occultées). Hélas, la réalisation académique rend le film très lisse et a parfois la main lourde sur les effets mélo (Maud rentrant "just in time" après avoir été chassée du foyer familial pour voir son gamin être adopté par la décision du paternel en qui repose toute l'autorité parentale). C'est extrêmement dommage car le film, trop plat ne fait pas ressentir la montée en puissance de leurs actes, le fait d'êtres censurées et ignorées puis d'être soumises à des représailles de plus en plus féroces (dans leur couple, leur famille, leur travail, l'espace public) les poussant à se radicaliser toujours davantage jusqu'aux attentats "terroristes" (même si elles ne visent que des biens) et au tragique épisode du Derby de 1912 qui entraîna enfin leur médiatisation. Tout cela est montré de façon descriptive, scolaire, appliquée. Au moins est-ce l'occasion de réunir à l'écran d'excellentes actrices, de Carey MULLIGAN à Helena BONHAM CARTER en passant par Romola GARAI et le cameo de Meryl STREEP.

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The Brutalist

Publié le par Rosalie210

Brady Corbet (2025)

The Brutalist

"The Brutalist" est un film hors-normes, d'une ambition que l'on croyait révolue dans le cinéma américain avec l'avènement des plateformes et de l'IA. Les films d'une amplitude comparable, il faut aller les chercher dans les années 70 et 80 avec "Le Parrain, 2e partie" (1974) ou "Il était une fois en Amerique" (1984)* et "The Brutalist" va même jusqu'à ressusciter l'entracte avec la vente ambulante de confiseries dans un panier d'osier! Pourtant si, "The Brutalist" fait penser à ces illustres prédécesseurs et inscrit son histoire dans l'Histoire avec une fresque allant de l'après-guerre jusqu'aux années 80, c'est bien d'aujourd'hui qu'il nous parle tant politiquement que cinématographiquement. L'affiche comme la première séquence du film ont une valeur programmatique semblable à l'ouverture de "La Zone d'interet" (2021) ou "Le Fils de Saul" (2015) soit les oeuvres les plus récentes ayant pour sujet la Shoah: au sortir d'un chaos sensoriel matriciel (voix de femme sur images d'un homme essayant de s'extraire du néant), le film "accouche" d'une étrange vision. Celle d'un cliché retourné. La statue de la Liberté, premier aperçu de la "terre promise" aux migrants mais vue à l'envers. L'envers du rêve américain, donc. "The Brutalist" est en effet l'histoire d'une reconstruction/déconstruction. Celle de son héros (fictionnel), Laszlo Toth, architecte juif hongrois rescapé des camps de la mort, tout comme le reste de sa famille. Le film inscrit les traumatismes dans leur chair: Laszlo outre son nez cassé est alcoolique et toxicomane, sa femme est paralytique et sous médicaments pour supporter de vives douleurs qui l'assaillent la nuit au milieu de ses cauchemars, leur nièce est mutique. Ce "passé qui ne passe pas" agit dans un présent qui rejoue certains aspects de ce qu'ils ont vécu. L'Amérique comme promesse de nouveau départ s'avère donc être un mirage. Le film, dans une démarche là aussi très contemporaine déconstruit le mythe de l'âge d'or américain des années 50 en montrant aussi bien la brutalité des rapports de classe fondés sur l'argent et le pouvoir que l'antisémitisme qui s'y exprime sans retenue. La relation entre Laszlo et son mécène, le richissime Harrison Van Buren qui est au coeur du récit est cruelle et perverse. Car le second fait miroiter au premier la possibilité du "temps retrouvé", celui où il était un grand architecte reconnu du Bauhaus pour mieux le "crucifier". Sous l'emprise de ce prédateur, semblable à celle de sa toxicomanie, Laszlo se consume sous les yeux effarés du spectateur. C'est le choc de ces deux volontés titanesques, l'une mue par ses désirs de toute-puissance, l'autre par un besoin créatif existentiel qui s'inscrit dans la cathédrale brutaliste (mot à l'évidence polysémique tant il définit les rapports humains autant qu'un style architectural) qu'ils sont contraints d'ériger ensemble. Une alliance contre-nature puisque enfantée par l'éternel conflit entre l'art et l'argent à l'image de cette cathédrale dont le sens caché est révélé à la fin du film. Le nom de Brady CORBET m'était totalement inconnu avant ce film. Il ne m'a pas marqué en tant qu'acteur et les deux films qu'il a réalisé avant ne sont pas sortis (sans doute sortiront-ils dans le sillage de celui-ci). Son irruption dans le paysage cinématographique en est d'autant plus saisissante. On peut également souligner son sens du casting. Grâce à lui, Adrien BRODY trouve enfin un rôle à la hauteur de celui qu'il avait interprété plus de vingt ans auparavant pour Roman POLANSKI et il en va de même pour son antagoniste, l'excellent mais trop rare Guy PEARCE.

* Avec tout le respect que je dois à Paul Thomas ANDERSON, ses films n'ont pas la même portée.

Présentation:

J'ai pris un certain retard sur les sorties cinéma, la faute au décès de David Lynch et de Bertrand Blier que j'aimais beaucoup tous les deux et qui m'a conduit à me replonger dans leurs oeuvres. Mais je ne pouvais pas passer à côté de "The Brutalist". Parce que j'adore Adrien Brody et que depuis "Le Pianiste", je suis toujours restée sur ma faim quant aux rôles qui lui ont été proposé. Je pourrais dire presque la même chose de Guy Pearce d'ailleurs. Parce que les thèmes du film m'intéressent également beaucoup ainsi que la manière de les raconter. En effet si "The Brutalist" peut faire penser aux grandes fresques des années 70-80 sur l'Amérique vue par un immigré, il s'agit d'une oeuvre bien contemporaine. La Shoah y est présente comme elle peut l'être dans "La Zone d'intérêt", non plus à travers les faits mais à travers les signes. Car finalement, c'est son héritage que l'on ausculte aujourd'hui. Ainsi lorsqu'à la mi-temps du film apparaît l'entracte, j'ai fixé longuement la photo qui nous fait patienter avant la deuxième partie. Et j'ai pensé à un plan précis de "Shoah" de Claude Lanzmann: celui de l'ancienne synagogue de Grabow transformée en magasin de meubles... comme celui où Laszlo atterrit au début de son périple en Amérique. Est-ce un hasard?

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Les Roseaux sauvages

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1994)

Les Roseaux sauvages

Mon film préféré de Andre TECHINE est aussi celui dans lequel il a glissé le plus de souvenirs personnels. Pourtant, à la base il s'agissait d'une commande d'Arte qui souhaitait produire une collection de neuf téléfilms sur l'adolescence intitulée "Tous les garçons et les filles de leur âge". Parmi eux, trois finissent par sortir au cinéma en version longue dont celui de Andre TECHINE qui reçoit le prix Louis Delluc et quatre César.

Les qualités du film sont nombreuses: il fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français en révélant une nouvelle génération d'acteurs dont Elodie BOUCHEZ, il évoque avec une grande sensibilité le passage à l'âge adulte dans le contexte dans lequel Andre TECHINE l'a vécu, celui de la fin de la guerre d'Algérie dans le sud-ouest de la France avec le retour des pieds-noirs. La mort qui rôde autour des jeunes appelés et le désir bouillonnant des adolescents se mêlent harmonieusement. Le film est à la fois lumineux et douloureux. Lumineux car de nombreuses scènes ont été tournées en pleine nature et exaltent ce désir adolescent en pleine éclosion qui fait fi des clivages politiques, sociaux et même de façon éphémère de l'orientation sexuelle. Douloureux aussi car ces mêmes adolescents sont tourmentés par le contexte historique et politique qui les impactent plus ou moins directement (le frère appelé de l'un, l'appartenance de la mère de l'autre au PCF, la présence en classe d'un jeune pied-noir ombrageux et révolté) mais aussi par leur sexualité. Le personnage de François (Gael MOREL) qui peut être vu comme un double du réalisateur découvre son homosexualité à une époque où elle était taboue. Le poids de sa différence, Andre TECHINE nous le fait ressentir à travers la scène du mariage campagnard et ses chansons paillardes, le père agriculteur qui se méprend sur la nature de sa relation avec son âme soeur, Maïté (Elodie BOUCHEZ) son rapport à la littérature et au cinéma en décalage avec son environnement, ses relations avec le garçon fruste qu'il désire, Serge (Stephane RIDEAU) ou enfin, sa tentative de trouver un interlocuteur en la personne d'un adulte homosexuel dont la bouche cousue et le regard plein de désarroi en disent plus long que tous les discours. Pourtant François est le personnage le plus libre de tous et au vu des scènes finales, son influence sur l'évolution du rapport de Maïté à son corps, à ses désirs et au reste du monde semble déterminante. Leurs partenaires, en dehors de quelques parenthèses enchantées dont la plus frappante est celle de la fin sont rattrapés par le poids de leur héritage familial et se soumettent à cette fatalité en mettant leur individualité de côté.

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Je suis toujours là (Ainda Estou Aqui)

Publié le par Rosalie210

Walter Salles (2025)

Je suis toujours là (Ainda Estou Aqui)

Ce film qui m'en en rappelé d'autres par son sujet ("They Shot the Piano Player" (2022) pour l'Argentine, "Missing/Porte disparu" (1982) pour le Chili ou même la pièce de théâtre "L'Atelier" de Jean-Claude GRUMBERG dans laquelle un personnage reçoit quelques années après la guerre un acte de décès de son mari mentionnant qu'il est "mort à Drancy") est comme une flamme qui s'éteint. Bien que le réalisateur nous fasse ressentir dès la première image la menace que représente la dictature brésilienne, celle-ci paraît durant un certain temps lointaine pour la famille Paiva dont on découvre le quotidien joyeux et insouciant. Leur maison lumineuse, joyeuse, traversée en tous sens par les cinq enfants toujours en mouvement est le théâtre d'une effervescence artistique permanente (par le cinéma, la danse, la photo) et donne directement sur la plage de Copacabana. C'est la période hippie et l'aînée des enfants ressemble à n'importe quel jeune étudiante américaine ou européenne de ces années-là, écoutant la même musique, fréquentant les mêmes chevelus et fumant les mêmes joints. Mais le contrôle musclé qu'ils subissent en traversant un tunnel en voiture a valeur d'avertissement, pour eux comme pour le spectateur: il y a bien une épée de Damoclès qui pèse sur eux. Le régime est sur les dents. En dépit de son apparence inoffensive, Rubens Paiva, le père est dans la ligne de mire du régime en tant qu'ex-député travailliste aux opinions de gauche soutenant les persécutés du régime. Dès que la maison est investie par les hommes du régime et que Rubens est enlevé ainsi que durant quelques jours sa femme et l'une de ses filles, temps et mouvement s'arrêtent, portes et fenêtres se ferment, tout n'est plus que pénombre, silence et fixité, bref la vie est brisée et rien ne sera plus jamais comme avant. Mais un deuxième film commence avec le combat d'Eunice, l'épouse rescapée de Rubens pour connaître la vérité mais aussi pour prendre sa relève et assurer la subsistance de sa famille. Ce deuil d'une vie révolue à laquelle il faut s'arracher est admirablement décrit de même que le courage de cette femme pour se réinventer à 48 ans. Fernanda TORRES a remporté à juste titre un golden globe pour ce rôle qu'elle interprète sur plusieurs décennies. Walter SALLES veut rendre compte des évolutions du Brésil, un peu comme l'a fait Florian HENCKEL von DONNERSMARCK dans "La Vie des autres" (2006) mais il a du mal à trouver des idées sur la fin. Cependant cela n'enlève rien à la force d'évocation de ce film inspiré d'une histoire vraie comme il y en eu tant au Brésil dans ces années-là.

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L'Armée du crime

Publié le par Rosalie210

Robert Guédiguian (2009)

L'Armée du crime

40 ans après "L'Armee des ombres" (1969), le chef d'oeuvre de Jean-Pierre MELVILLE sortait "L'Armee du crime" (2009), éclairant un autre visage de la Résistance, beaucoup plus méconnu. Celui des immigrés communistes et souvent juifs qui se battirent pour les idéaux de la République que Vichy, régime xénophobe et antisémite avait renié, s'alliant aux nazis pour traquer le "judéo-bolchévisme". Cette haine fut cristallisée par l'Affiche rouge, document de propagande de février 1944 présentant le groupe Manouchian qui venait d'être arrêté, expéditivement jugé et exécuté comme un ramassis de terroristes. Soit 22 hommes et 1 femme appartenant aux FTP-MOI (francs tireurs et partisans de la main-d'oeuvre immigrée en région parisienne) dont seulement une dizaine apparaît sur l'affiche. S'ils ne furent pas oubliés, c'est notamment grâce au poème de Louis Aragon, "Strophes pour se souvenir" publié en 1955 mis en musique par Leo FERRE et rebaptisé "L'affiche rouge" en 1961. C'est à ce même groupe que Robert GUEDIGUIAN a voulu rendre hommage, leur combat résonnant avec le sien. Comme il est impossible de se focaliser sur 23 parcours, il choisit les figures les plus charismatiques: Missak Manouchian (Simon ABKARIAN que j'ai découvert dans ce film et qui est d'une justesse remarquable), poète arménien qui a formé le groupe et en a pris la tête, Thomas Elek (Gregoire LEPRINCE-RINGUET) un brillant lycéen juif et communiste révolté et Marcel Rayman (Robinson STEVENIN), un jeune ouvrier lui aussi juif et communiste du genre tête brûlée par ailleurs champion de natation. Le film met en valeur leurs doutes et leurs contradictions: en prenant les armes, même pour une juste cause, ils s'engagent dans une spirale de violence dont ils sentent qu'ils ne sortiront pas. Néanmoins Robert GUEDIGUIAN nuance leurs portraits. Elek et Rayman n'ont aucun scrupule à tuer des soldats allemands mais reculent face aux civils alors que Manouchian répugne longtemps à tuer qui que ce soit. Face à eux, des fonctionnaires zélés dont le réalisateur montre les motivations idéologiques ou opportunistes et les agissements sordides et crapuleux (mention spéciale à Jean-Pierre DARROUSSIN dans le rôle d'un parfait salaud). La mise en scène est très sage, l'arrière-plan schématique et on peut trouver le propos très manichéen, surtout quand on le compare à celui de Jean-Pierre MELVILLE qui montrait de nombreuses ambiguïtés chez des Résistants aux mains beaucoup plus sales que celles des héros du film de Robert GUEDIGUIAN qui semblent longtemps être un club de jeunes idéalistes exaltés n'ayant aucun problème à gérer de front leur engagement et leur vie familiale et sociale. Il n'en reste pas moins que l'éclairage que porte sur eux Robert GUEDIGUIAN est digne et nécessaire: Missak et sa femme Mélinée Manouchian (jouée par Virginie LEDOYEN dans le film) ont fini par entrer au Panthéon en 2024, leurs camarades ayant droit à une plaque commémorative à l'entrée du caveau.

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