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Les Suffragettes (Suffragette)

Publié le par Rosalie210

Sarah Gavron (2015)

Les Suffragettes (Suffragette)

Un sujet passionnant, celui du combat mené par une poignée de militantes féministes britanniques au début du XX° siècle contre une société hostile leur déniant leurs droits, celui de voter n'étant qu'un pied dans la porte d'un pouvoir patriarcal qui les écrase. La reconstitution historique du Londres de 1912 est soignée et permet de mesurer la violence de la répression d'Etat qui s'exerce contre les militantes, surtout les ouvrières même si le film montre une solidarité féministe transcendant les classes sociales (mais fait l'impasse sur la diversité ethnique de ces femmes, celles venant de l'Empire des Indes étant occultées). Hélas, la réalisation académique rend le film très lisse et a parfois la main lourde sur les effets mélo (Maud rentrant "just in time" après avoir été chassée du foyer familial pour voir son gamin être adopté par la décision du paternel en qui repose toute l'autorité parentale). C'est extrêmement dommage car le film, trop plat ne fait pas ressentir la montée en puissance de leurs actes, le fait d'êtres censurées et ignorées puis d'être soumises à des représailles de plus en plus féroces (dans leur couple, leur famille, leur travail, l'espace public) les poussant à se radicaliser toujours davantage jusqu'aux attentats "terroristes" (même si elles ne visent que des biens) et au tragique épisode du Derby de 1912 qui entraîna enfin leur médiatisation. Tout cela est montré de façon descriptive, scolaire, appliquée. Au moins est-ce l'occasion de réunir à l'écran d'excellentes actrices, de Carey MULLIGAN à Helena BONHAM CARTER en passant par Romola GARAI et le cameo de Meryl STREEP.

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Le Brio

Publié le par Rosalie210

Yvan Attal (2017)

Le Brio

Un film qui montre sans le dire une forme de discrimination positive (Neïla is "the one") non dénuée de calculs (donner à l'université Panthéon-Assas une image plus inclusive, blanchir un professeur accusé de propos racistes sur les réseaux et en passe d'être exclu par un conseil de discipline) sans parler du schéma convenu remettant au goût du jour l'histoire de Pygmalion et de Galatée à la sauce assimilationniste (je n'ai jamais été fan de "My Fair Lady" (1964) et de ses avatars). Bref "Le Brio" est de ces films pavés de bonnes intentions autant que de clichés qui se laisse néanmoins regarder. Principalement parce que le duo d'acteurs (Daniel AUTEUIL/Camelia JORDANA) fonctionne mais aussi parce que bien que cela ne soit qu'effleuré, l'apprentissage de la rhétorique est intéressant, notamment l'utilisation du livre de Schopenhauer, "L'Art d'avoir toujours raison" qui a dû être l'un des livres de chevet de Roy Cohn, l'avocat qui a "formé" le jeune Donald Trump, sujet du film "The Apprentice" (2024). On mesure néanmoins le fossé qui sépare le film de Ali ABBASI de celui de Yvan ATTAL, lequel ne décrit finalement qu'un parcours programmé vers la réussite individuelle selon les codes et les normes de la société occidentale. Le conflit de loyauté de Neïla entre ses deux cultures n'est pas réellement interrogé alors que la langue comme la culture française sont en constante évolution sous l'effet des multiples apports de la diversité ce qu'il aurait été intéressant de montrer également.

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Le Jardin Zen (Hamon)

Publié le par Rosalie210

Naoko Ogigami (2025)

Le Jardin Zen (Hamon)

Une satire sociale étonnamment "cash" dans cette société feutrée qu'est le Japon. Un Japon qui on s'en doute, ne va pas très bien et dont la réalisatrice, Naoko OGIGAMI ausculte les maux, voire les traumatismes avec beaucoup de causticité. Le délitement de la famille traditionnelle est au coeur de son récit, centré sur une épouse maniaque jusqu'à la névrose, écartelée entre son besoin de paix intérieure et celui de se venger d'un mari qui l'a abandonnée au moment de la catastrophe de Fukushima, lui laissant leur fils mais aussi son père à charge (impotent et lubrique, on pense à "Il reste encore demain") (2023). On comprend donc parfaitement ses pulsions de meurtre quand son mari revient sans crier gare quelques années plus tard pour reprendre sa place dans la maison parce qu'il est sur la paille et rongé par le cancer. Mais cela entre en contradiction aussi bien avec sa volonté de paraître zen qu'avec les attentes de la société japonaise envers la "bonne épouse et la bonne mère". D'un côté la pression du voisinage, les traditions et l'embrigadement de la secte où Yoriko a trouvé refuge qui vénère l'eau mais extorque des fortunes à ses fidèles. De l'autre, une collègue de travail sans filtre qui attise son désir de vengeance. Il s'agit de la seule personne avec laquelle Yoriko se montre naturelle et donc des seules scènes où l'eau apparaît véritablement puisqu'elles se retrouvent à la piscine. Mais cette collègue qui fonctionne comme un miroir est en réalité à la dérive. Dans la maison de Yoriko, l'eau est simplement simulée par le jardin sec et la secte la vend en bouteilles dans des contenants parfois périmés. Les sentiments tenus sous cloche forment l'essentiel du film, le refoulé affleurant sous des dehors très lisses tel cet appartement rempli de poubelles que découvre Yoriko à l'opposé de son hygiénisme forcené. Il faut attendre la scène finale pour qu'on ressente une véritable libération, par le rire et par la danse, le tout sous la pluie, enfin.

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Personne n'y comprend rien

Publié le par Rosalie210

Yannick Kergoat (2025)

Personne n'y comprend rien

Le nouveau documentaire de Yannick KERGOAT, co-réalisateur de "Les Nouveaux chiens de garde" (2011) reprend pour titre les propos de Nicolas Sarkozy tenus en 2023 dans le Figaro "Les Français sont bien en peine de résumer ce que l'on me reproche. Personne n'y comprend rien." Chiche! Le documentaire, d'utilité publique, se donne pour mission de rendre lisible l'affaire Sarkozy-Kadhafi dont le procès vient de s'ouvrir en établissant les faits, rien que les faits à partir des dizaines d'articles du journal Mediapart qui a révélé l'affaire puis l'a étayée sur une période de près de quinze ans à partir de sources soigneusement vérifiées (aspect méthodologique sur lequel insiste le documentaire qui est aussi une démonstration pédagogique du travail du journalisme d'investigation). Les nombreux procès intentés à Médiapart et perdus par les protagonistes de l'affaire sont également édifiants d'autant que, c'est bien connu, Sarkozy ne porte guère dans son coeur les contre-pouvoirs, tout particulièrement la Justice. Les journalistes-enquêteurs sont les principaux narrateurs avec l'appui de quelques témoins tels que François Molins, l'ancien procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris ou la soeur de l'une des victimes du crash de l'avion UTA 772. Une fois de plus, la duplicité du fonctionnement de la République française est révélée au grand jour grâce à ses liens très spéciaux avec un régime africain. Alors que l'on pensait la "Françafrique" révolue avec la fin de la guerre froide, le film nous prouve la vitalité des réseaux occultes et notamment de la diplomatie parallèle, dominée par des hommes tels que l'homme d'affaires Ziad Takieddine qui a joué un rôle d'intermédiaire dans l'affaire Karachi puis dans celle du financement libyen de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy. Dans cette affaire de corruption d'une démocratie par une dictature, le spectateur oscille entre fous rires (les propos de Nicolas Sarkozy qui surjoue la respectabilité outragée contredits par les pièces à conviction, les retournements de veste de Ziad Takieddine dont on nous explique les dessous) et effroi. La proximité entre le monde politique et une partie des médias qui était le sujet de "Les Nouveaux chiens de garde" (2011) est épinglée une fois de plus, l'implication de "Paris-Match" dans la fausse rétractation de Ziad Takieddine étant avérée (et le fait que Nicolas Sarkozy siège au conseil d'administration du groupe Lagardère, propriétaire du média jusqu'en 2024 n'est certainement pas une coïncidence). On constate également que les ravages de la corruption entravent tous les maillons du fonctionnement de nos démocraties, jusqu'au niveau international avec la rocambolesque exfiltration de Béchir Salah (interlocuteur privilégié dans la relation franco-libyenne après la victoire de Sarkozy en 2007 et qui a participé aux tractations du financement de sa campagne) par la France en 2012 pour le soustraire au mandat d'arrêt d'Interpol. La guerre menée par une coalition dominée par la France en Libye sous égide de l'ONU dans le contexte des printemps arabes en 2011 est ainsi éclairée par une logique cachée de destruction de preuves et de neutralisation de témoins gênants.

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La Pampa

Publié le par Rosalie210

Antoine Chevrollier (2025)

La Pampa

"La Pampa" est vendu comme un "Vingt dieux" (2024) bis parce qu'il s'agit d'un premier film et d'un récit initiatique de passage à l'âge adulte en milieu rural, le Maine-et-Loire au lieu du Jura avec le motocross en lieu et place du stockcar. Je lui souhaite le même succès mais je le trouve encore plus proche de "Chien De La Casse" (2021), autant pour son atmosphère d'ennui que pour l'amitié masculine qui constitue l'un des centres du film. Mais "La Pampa" est beaucoup plus dramatique que les films de Louise COURVOISIER et Jean-Baptiste DURAND et aurait pu s'intituler "Secrets et mensonges" ou "La loi du patriarcat". Il faut dire que le réalisateur, Antoine CHEVROLLIER a fait ses gammes dans des séries dont celle que j'avais vue et adoré, "Oussekine" (2022) avec dans le rôle principal Sayyid EL ALAMI qui joue le rôle de Willy dans "La Pampa", un adolescent ombrageux, tourmenté par la mort de son père, peu motivé pour passer le bac, mécano à ses heures. A ses côtés, son "âme frère", Jojo (Amaury FOUCHER), solaire, pilote de motocross du genre tête brûlée à la James Dean mais étouffé par un père tyrannique obsédé par la victoire flanqué d'un coach pas très net (ARTUS, totalement à contre-emploi dans un rôle de lâche et d'hypocrite) qui n'hésite pas à sacrifier le moment venu Jojo sur l'autel de la morale publique pour sauver sa peau*. Celle du film est résumée par Marina (Leonie DAHAN-LAMORT), jeune fille du coin partie à Angers pour étudier les Beaux-Arts mais revenue quelque temps chez son père. Suscitant les fantasmes des garçons, elle leur répond que le village est resté bloqué dans les années cinquante avec les rumeurs, les réputations et qu'il faut s'ouvrir l'esprit. Willy est tout à fait prêt à la suivre, surtout après avoir découvert le secret de Jojo qu'il protège mais ce secret finit par être découvert par des personnes malveillantes et éventé sur les réseaux sociaux avec les conséquences que l'on peut imaginer. C'est donc dans la douleur que Willy tente de se construire, se cognant sans cesse contre sa mère angoissée à l'idée qu'il échoue et son beau-père effacé (Mathieu DEMY, parfait), tous deux écrasés par l'ombre du père défunt que Willy porte encore en lui. Ombre redoublée par celui de Jojo (Damien BONNARD) qui en père de substitution autoritaire tente de le modeler selon ses désirs. Face à ces injonctions contradictoires et aux moeurs rétrogrades du village, il n'est pas simple pour Willy d'affirmer sa personnalité et de s'extraire d'un milieu imprégné de masculinité toxique avec lequel il se découvre en décalage mais dont il a du mal à se défaire. Le film de Antoine CHEVROLLIER tient en haleine du début à la fin, il est construit comme un thriller à rebondissements, prenant des tours et des détours inattendus sur un schéma pourtant rebattu dans lequel la libre expression des jeunes s'avère clandestine, bridée, interrompue, sous surveillance (voir la scène emblématique de la piscine).

* Son comportement ressemble à celui de Clive dans "Maurice" (1987), preuve que l'homophobie n'est ni l'apanage d'un milieu social, ni d'une époque (que l'on croyait révolue mais qui reste bien vivace. Au mieux c'est "ok mais pas de ça chez nous", au pire c'est le "wokisme" mis à toutes les sauces du moindre écart à la norme).

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La Traversée de l'Atlantique à la rame

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1978)

La Traversée de l'Atlantique à la rame

Palme d'or du court-métrage au festival de Cannes 1978, "La Traversée de l'Atlantique à la rame" n'est pas sans faire penser au dernier long-métrage de Jean-Francois LAGUIONIE, "Slocum et moi" (2024). Dans les deux cas, un bateau devient la métaphore de la vie humaine. Mais là où "Slocum et moi" (2024) reste dans le registre réaliste de l'aventure immobile en convoquant le rêve et l'imaginaire, "La Traversée de l'Atlantique à la rame", tout aussi onirique et contemplatif choisit la voie du fantastique. Le début s'inscrit pourtant dans le genre des exploits aventuriers de la Belle Epoque avec la célébration en fanfare du départ dans le port de New-York en 1907 de Jonathan et Adélaïde à bord de leur frêle canot, "Love and Courage" pour ce qui ressemble à un voyage de noces quelque peu en avance sur son temps*. Mais il s'avère que les années défilent presque immédiatement sur le carnet de bord que tiennent tour à tour les deux membres du couple alors que l'océan qui semble jamais n'avoir de fin adopte leurs humeurs: une mer d'huile dans les premières années où le temps est au beau fixe puis un avis de tempête quand les relations au sein du couple deviennent orageuses avant que chacun ne se mure dans l'indifférence. Finalement l'arrivée ou plutôt l'échouage du bateau en Europe se fera bien, cinquante ans plus tard mais, devenus des vieillards, ils auront depuis longtemps quitté le navire.

* Pour mémoire il faudra attendre 1980 pour qu'un navigateur, Gérard d'Aboville réussisse à traverser l'Atlantique à la rame en un peu plus de 70 jours.

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Slocum et moi

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2025)

Slocum et moi

"Slocum et moi" est le septième long-métrage d'animation de Jean-Francois LAGUIONIE en quarante ans. C'est un récit fortement inspiré de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence entre la fin des années quarante et le milieu des années cinquante. Le film dépeint une triple odyssée: celle du passage à l'âge adulte de François, celle de Joshua Slocum, le premier navigateur a avoir réussi à accomplir le tour du monde à la voile en solitaire et enfin celle de la construction d'une réplique de son bateau, le Spray dans le jardin familial par le père adoptif de François. Le film est ainsi une histoire d'amour filial qui ne s'exprime pas par la parole mais par un rêve fédérateur. Le père échafaude, le fils s'évade par la lecture et les cartes et la mère fait la navette entre eux. Un voyage immobile sur les liens qui se tissent en dehors de la parenté biologique. Ainsi, imitant son père adoptif qui ne veut pas finir le bateau, François adolescent tente de lui faire croire qu'il est parti à la montagne avec des amis alors qu'il campe tout près de la maison, au bord de la Marne avec son amie. Nostalgie d'une époque disparue rendue avec le graphisme délicat et les tons pastels d'un artiste qui nous gratifie ainsi d'un superbe au revoir car on peut raisonnablement penser au vu de son âge et du temps passé sur chaque oeuvre (huit ans pour ce dernier opus) qu'il s'agit de son dernier film.

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Eraserhead

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1977)

Eraserhead

"Eraserhead", le premier long-métrage de David LYNCH est le terreau de tous ses autres films ainsi que de la série Twin Peaks. Mais c'est une oeuvre expérimentale, aride, radicale, à la fois passionnante et repoussante qui a mis cinq ans à voir le jour, se taillant un succès d'estime underground mais durable qui a suffi pour que Mel BROOKS repère le talent du réalisateur et lui confie les clés de ce qui allait devenir son premier grand succès (et futur grand classique), "Elephant Man" (1980).

"Eraserhead", c'est la rencontre de deux univers. L'un, purement mental est énoncé dès le générique: nous allons plonger dans la tête de Henry (Jack NANCE, l'un des fidèles coéquipiers au long cours du cinéaste), jeune homme qui voit lui tomber dessus une conjugalité et une paternité non désirées, thème que l'on retrouve dans sa dernière oeuvre cinématographique "Twin Peaks : Le Retour" (2017). L'autre, environnemental, est une zone industrielle désolée et crasseuse de la ville de Philadelphie que David LYNCH qui y a vécu quelques années transforme en terrain de jeux pour ses expérimentations visuelles et sonores. On ressent l'influence de l'artiste-peintre, plasticien, animateur et musicien à chaque seconde, sa fascination pour les textures, les bruits de fond et les formes notamment dont beaucoup deviendront des leitmotivs dans sa filmographie: le grésillement des lampes, les trous noirs, le rideau de scène par exemple. Quant au fond, "Eraserhead" est construit comme le seront ses futures oeuvres sur des allers-retours permanents entre les mondes. Henry qui arbore une coiffure chargée d'électricité statique (la même que celle qui deviendra plus tard la signature de David LYNCH) cherche à fuir une réalité subie qui l'oppresse et que David LYNCH nous fait ressentir sensoriellement (espace exigu, fenêtre murée, gémissement ou bourdonnement incessant) en s'évadant dans le rêve. Rêve plus ou moins lunaire dans lequel il s'imagine avoir une aventure avec sa superbe voisine ou bien rejoindre une simili Marilyn Monroe se produisant sur scène derrière le radiateur, "over the rainbow". Mais ses angoisses contaminent ses rêves tels ces vers en forme de cordons ombilicaux ou de spermatozoïdes géants qui tombent sur la scène et que la fille écrase avec jubilation, son visage aux joues hypertrophiées ou les vagissements qui perturbent ses ébats avec la voisine. Le bébé prématuré aux allures de lapin écorché est un pur produit de body horror qui suscite chez le spectateur comme chez Henry des pulsions de meurtre. Soit exactement l'effet que produit à l'autre bout du spectre lynchien le personnage de Richard Horne dans "Twin Peaks : Le Retour" (2017), lui aussi le fruit d'une conception non désirée dont le comportement monstrueux nous fait penser comme le bébé de "Eraserhead" qu'il est une aberration de la nature  (ou d'un monde post-apocalyptique très fortement suggéré par la minéralité, la pollution, l'absence de lumière et la plante morte près du lit) et qu'il doit y retourner au plus vite. Et ce n'est pas la seule "aberration" récurrente puisque "Eraserhead" flirte aussi avec le thème de l'inceste. Non celui qui se cache au coeur de "Twin Peaks" mais sous la forme que l'on peut observer dans "Sailor & Lula" (1990): une belle-mère se jetant avidement sur son beau-fils comme si elle allait le dévorer.

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The Brutalist

Publié le par Rosalie210

Brady Corbet (2025)

The Brutalist

"The Brutalist" est un film hors-normes, d'une ambition que l'on croyait révolue dans le cinéma américain avec l'avènement des plateformes et de l'IA. Les films d'une amplitude comparable, il faut aller les chercher dans les années 70 et 80 avec "Le Parrain, 2e partie" (1974) ou "Il était une fois en Amerique" (1984)* et "The Brutalist" va même jusqu'à ressusciter l'entracte avec la vente ambulante de confiseries dans un panier d'osier! Pourtant si, "The Brutalist" fait penser à ces illustres prédécesseurs et inscrit son histoire dans l'Histoire avec une fresque allant de l'après-guerre jusqu'aux années 80, c'est bien d'aujourd'hui qu'il nous parle tant politiquement que cinématographiquement. L'affiche comme la première séquence du film ont une valeur programmatique semblable à l'ouverture de "La Zone d'interet" (2021) ou "Le Fils de Saul" (2015) soit les oeuvres les plus récentes ayant pour sujet la Shoah: au sortir d'un chaos sensoriel matriciel (voix de femme sur images d'un homme essayant de s'extraire du néant), le film "accouche" d'une étrange vision. Celle d'un cliché retourné. La statue de la Liberté, premier aperçu de la "terre promise" aux migrants mais vue à l'envers. L'envers du rêve américain, donc. "The Brutalist" est en effet l'histoire d'une reconstruction/déconstruction. Celle de son héros (fictionnel), Laszlo Toth, architecte juif hongrois rescapé des camps de la mort, tout comme le reste de sa famille. Le film inscrit les traumatismes dans leur chair: Laszlo outre son nez cassé est alcoolique et toxicomane, sa femme est paralytique et sous médicaments pour supporter de vives douleurs qui l'assaillent la nuit au milieu de ses cauchemars, leur nièce est mutique. Ce "passé qui ne passe pas" agit dans un présent qui rejoue certains aspects de ce qu'ils ont vécu. L'Amérique comme promesse de nouveau départ s'avère donc être un mirage. Le film, dans une démarche là aussi très contemporaine déconstruit le mythe de l'âge d'or américain des années 50 en montrant aussi bien la brutalité des rapports de classe fondés sur l'argent et le pouvoir que l'antisémitisme qui s'y exprime sans retenue. La relation entre Laszlo et son mécène, le richissime Harrison Van Buren qui est au coeur du récit est cruelle et perverse. Car le second fait miroiter au premier la possibilité du "temps retrouvé", celui où il était un grand architecte reconnu du Bauhaus pour mieux le "crucifier". Sous l'emprise de ce prédateur, semblable à celle de sa toxicomanie, Laszlo se consume sous les yeux effarés du spectateur. C'est le choc de ces deux volontés titanesques, l'une mue par ses désirs de toute-puissance, l'autre par un besoin créatif existentiel qui s'inscrit dans la cathédrale brutaliste (mot à l'évidence polysémique tant il définit les rapports humains autant qu'un style architectural) qu'ils sont contraints d'ériger ensemble. Une alliance contre-nature puisque enfantée par l'éternel conflit entre l'art et l'argent à l'image de cette cathédrale dont le sens caché est révélé à la fin du film. Le nom de Brady CORBET m'était totalement inconnu avant ce film. Il ne m'a pas marqué en tant qu'acteur et les deux films qu'il a réalisé avant ne sont pas sortis (sans doute sortiront-ils dans le sillage de celui-ci). Son irruption dans le paysage cinématographique en est d'autant plus saisissante. On peut également souligner son sens du casting. Grâce à lui, Adrien BRODY trouve enfin un rôle à la hauteur de celui qu'il avait interprété plus de vingt ans auparavant pour Roman POLANSKI et il en va de même pour son antagoniste, l'excellent mais trop rare Guy PEARCE.

* Avec tout le respect que je dois à Paul Thomas ANDERSON, ses films n'ont pas la même portée.

Présentation:

J'ai pris un certain retard sur les sorties cinéma, la faute au décès de David Lynch et de Bertrand Blier que j'aimais beaucoup tous les deux et qui m'a conduit à me replonger dans leurs oeuvres. Mais je ne pouvais pas passer à côté de "The Brutalist". Parce que j'adore Adrien Brody et que depuis "Le Pianiste", je suis toujours restée sur ma faim quant aux rôles qui lui ont été proposé. Je pourrais dire presque la même chose de Guy Pearce d'ailleurs. Parce que les thèmes du film m'intéressent également beaucoup ainsi que la manière de les raconter. En effet si "The Brutalist" peut faire penser aux grandes fresques des années 70-80 sur l'Amérique vue par un immigré, il s'agit d'une oeuvre bien contemporaine. La Shoah y est présente comme elle peut l'être dans "La Zone d'intérêt", non plus à travers les faits mais à travers les signes. Car finalement, c'est son héritage que l'on ausculte aujourd'hui. Ainsi lorsqu'à la mi-temps du film apparaît l'entracte, j'ai fixé longuement la photo qui nous fait patienter avant la deuxième partie. Et j'ai pensé à un plan précis de "Shoah" de Claude Lanzmann: celui de l'ancienne synagogue de Grabow transformée en magasin de meubles... comme celui où Laszlo atterrit au début de son périple en Amérique. Est-ce un hasard?

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Le Brasier ardent

Publié le par Rosalie210

Ivan Mosjoukine (1923)

Le Brasier ardent

En regardant "Le Brasier ardent" j'ai pensé à propos de Ivan MOSJOUKINE que le seul autre acteur muet capable d'une telle expressivité était Lon CHANEY. D'ailleurs si de nos jours, son nom est oublié hors du cercle des spécialistes (mais c'est le cas pour la grande majorité des acteurs du muet), il envoûtait à l'époque le public. Réalisé deux ans après "L'enfant du carnaval" (1921) toujours pour les studios Albatros fondés par des russes exilés à Paris après la révolution de 1917, "Le Brasier ardent" s'ouvre sur une scène de cauchemar qui dure plus de dix minutes. Une femme mariée à un vieil homme riche qui l'a sortie du pétrin rêve d'un homme qui la poursuit après avoir manqué la jeter dans un brasier. Tout cela à partir, on le comprend un peu plus tard d'une lecture de roman policier qui a visiblement emballé son imaginaire, peu sollicité par son terne mari. Lequel souhaite rentrer au pays (Amérique du sud) alors que sa femme traîne logiquement des pieds à l'idée de devoir renoncer aux tentations de la capitale, incluant de beaux et jeunes hommes. Au terme d'une course-poursuite endiablée, le mari s'adresse à une sorte de société secrète (avec effets spéciaux sympathiques) pour "retrouver" sa femme et tombe sur un détective qui n'est autre évidemment que "l'homme de ses rêves". "Le Brasier ardent" adopte la logique décousue de l'onirisme, l'histoire n'étant qu'un prétexte pour laisser le champ libre aux expérimentations. Outre le cauchemar du début, il y a une scène de danse endiablée qui mérite le détour sans parler des dons de Ivan MOSJOUKINE pour le transformisme, il est aussi bluffant dans ce registre que dans celui de l'émotion. Dommage que l'intrigue se perde ainsi en route, c'est un peu trop en roue libre.

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