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Articles avec #animation tag

Mémoires d'un escargot (Memoir of a Snail)

Publié le par Rosalie210

Adam Elliot (2025)

Mémoires d'un escargot (Memoir of a Snail)

Aussi rare que Thomas CAILLEY, Leos CARAX ou Victor ERICE, l'australien Adam ELLIOT n'a réalisé que deux films en 16 ans: "Mary et Max" (2008) et "Mémoires d'un escargot" (2024) qui est sorti mercredi 15 janvier. Tous deux récompensés du Cristal du long-métrage à Annecy, ce sont des films utilisant la technique de la stop-motion pour animer la pâte à modeler mettant en scène des personnages au physique ingrat, au fonctionnement différent, marginalisés, isolés du monde. D'ailleurs la part d'autobiographie est explicite dans "Mémoires d'un escargot" puisque l'héroïne, Grace veut devenir réalisatrice de films d'animation en stop-motion. Le père et le frère de Grace ont également hérité d'éléments de la vie du réalisateur ou de sa propre famille. L'escargot qui est la passion de Grace au point de devenir son confident est une métaphore de son introversion et de sa peur du monde, comme ses kilos en trop ou l'accumulation d'objets relatifs à sa passion dans sa maison. Le trop-plein est aussi une métaphore de son vide affectif. Grace devient orpheline très jeune et est séparée de son frère jumeau, Gilbert, à peine moins bizarre qu'elle qui est confié à une autre famille d'accueil, encore pire que celle de Grace qui la laisse livrée à elle-même. Seule la correspondance avec son frère (qui rappelle celle entre Mary et Max qui étaient éloignés géographiquement) et la rencontre avec une vieille dame excentrique, Pinky sortent Grace de son abattement. Cette amitié m'a fait penser à "Harold et Maude" (1971) d'autant que Pinky est aussi haute en couleurs que Grace est pâle et triste, un peu dans le style "femme-patate" de la dernière période de vie de Agnes VARDA. Pinky va aider Grace à embrasser la vie (c'est bateau mais bon, évidemment, il s'agit de "sortir de sa coquille") et Grace va aider Pinky à finir ses jours paisiblement. Dès le générique qui m'a fait penser à celui de "Delicatessen" (1990), on sent qu'on entre dans une antre artisanale très intime où l'âpreté est constamment contrebalancée par une tendresse, une poésie et un humour qui m'ont rappelé les meilleurs films de Albert DUPONTEL (genre "9 mois ferme") (2012) et cette impression se poursuit tout au long du film.

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Chico & Rita

Publié le par Rosalie210

Fernando Trueba, Javier Mariscal (2010)

Chico & Rita

Brillante première réalisation du duo Fernando TRUEBA et Javier MARISCAL qui fait penser, forcément pour ceux qui l'ont vu à "Buena Vista Social Club" (1999) de Wim WENDERS. Car l'histoire de Chico, inspirée par la vie du père du latin jazz Bebo VALDES (qui a composé la majeure partie de la musique du film) est celle de tous ces musiciens cubains ayant animé les cabarets de jazz sur l'île dans les années 40 et 50 avant de tomber dans l'oubli suite à la chute du dictateur pro-US Batista qui rendit cette musique et la culture associée à celle-ci "persona non grata" dans le nouvel Etat communiste. Le film étant pour l'essentiel construit sur un flashback nostalgique, on découvre d'abord Chico âgé, survivant comme cireur de chaussures. Mais comme Ruben GONZALEZ, Ibrahim FERRER ou Compay SEGUNDO et comme son modèle, Bebo VALDES, il entame une seconde carrière à l'âge de la retraite sous l'impulsion d'une nouvelle génération. Comme son titre l'indique, le film est aussi l'histoire de Rita Martinez, formant à la ville comme à la scène un duo complémentaire avec Chico. Un personnage fictif s'inspirant des chanteuses latino à la voix d'or ayant fait une carrière internationale mais s'étant heurté aux discriminations raciales et au machisme ordinaire. Les relations entre Chico et Rita en effet sont orageuses, systématiquement contrariées et pas toujours par des éléments extérieurs. Chico jeune apparaît comme un mufle, aussi veule qu'indélicat. Le film nous transporte par sa musique évidemment mais aussi par son animation qui est artisanale et de toute beauté. L'atmosphère est immersive, on se croirait véritablement transporté à La Havane d'avant la révolution avec ses cabarets aux enseignes fluo ou à New-York avec ses clubs de jazz semi-clandestins et les personnages sont incarnés. Ainsi Rita possède une telle sensualité qu'on croit voir devant nous un être de chair et de sang. Bref "Chico & Rita" est un film vibrant et vivant, incontournable, notamment pour tous les amoureux de ce style musical.

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Miyazaki, l'esprit de la nature

Publié le par Rosalie210

Léo Favier (2024)

Miyazaki, l'esprit de la nature

Avec un tel titre, je le sentais bien ce documentaire et je n'ai pas été déçue! Léo Favier a fait un travail remarquable d'approfondissement qui met en lumière les contradictions du maître japonais de l'animation, jamais aussi bien retranscrites que dans "Princesse Mononoke". Le film qui lui a ouvert les portes de l'Occident et qu'il considère lui-même comme un tournant dans sa carrière (c'est après ce film qu'il envisage pour la première fois de prendre sa retraite, mainte fois repoussée depuis) est le premier où il ne cherche pas à résoudre le conflit entre nature et culture, montrant tour à tour les facettes lumineuses et sombres de chacune et laissant ensuite chacun, y compris lui-même face à ses propres questionnements. Hayao Miyazaki mêle en effet dans chacun de ses films son expérience hantée de la guerre (il est né en 1941 et ses premiers souvenirs sont liés aux bombardements) et sa fascination pour les engins volants militaires aux connexions ancestrales entre humains et esprits de la nature issus du shintoïsme rural. Le documentaire met en relief le fait que tous ses films ont été réalisé dans un contexte de catastrophe naturelle et/ou humaine, passée, présente ou même à venir. Par exemple, "Porco Rosso" durant la guerre de Yougoslavie et le bombardement de Dubrovnik situé au bord de l'Adriatique, sur les lieux-même de son film. "Princesse Mononoke" dans la foulée du tremblement de terre de Kobé ainsi que l'attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Ou "Ponyo sur la falaise", trois ans avant le tsunami ayant provoqué la catastrophe de Fukushima. Hayao Miyakazi se place ainsi à la fois dans le passé, le présent et le futur de nos sociétés, quand nos descendants (des enfants en qui il place son espoir) devront composer avec le monde post-apocalyptique issu de la guerre des "sept jours de feu" (Nausicaa) ou des grands bouleversements climatiques (Ponyo) ou encore du consumérisme effréné (Chihiro). L'intervention de Toshio Suzuki (producteur du studio Ghibli) et de l'anthropologue Philippe Descola (spécialiste des relations entre humains et non-humains qui a contribué à changer le mot "nature" pour le mot "vivant") soulignent comment la vision shintoïste du monde dans laquelle l'homme est un écosystème comme un autre, animé du même souffle que tout ce qui l'environne s'oppose à la vision occidentale d'un homme se plaçant en dehors et au-dessus de la nature pour chercher à la dominer et à l'exploiter jusqu'à ce qu'à force de regarder ailleurs, il ne tombe avec la branche qu'il a scié. Une porte ouverte à la remise en cause des fondements de notre propre civilisation, que ce soit le cartésianisme ou le capitalisme qui semblent aujourd'hui plus que jamais nous mener vers une impasse.

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La Plus précieuse des marchandises

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2024)

La Plus précieuse des marchandises

La rencontre entre Michel HAZANAVICIUS et Jean-Claude GRUMBERG a accouché d'un conte qui entre en collision avec l'Histoire. La demeure isolée dans la forêt, le bébé abandonné dans la neige et recueilli par une pauvre bûcheronne en mal d'enfant, l'effroi qu'inspire au début le bûcheron puis ses collègues de travail que l'on identifie à des ogres. Mais impossible d'ignorer le contexte historique: la guerre est mentionnée, les trains ne cessent de traverser la forêt, non loin de la maison des bûcherons et lorsque le point de vue change, adoptant celui du père du bébé jeté par-dessus bord, on découvre que le camp de Auschwitz n'est qu'à quelques pas. Comment ne pas penser à "Shoah" (1985) et aux témoignages des paysans polonais gavés de préjugés antisémites ayant regardé passer les trains? Les nazis avaient bien retourné le cerveau de ces populations incultes sous l'emprise d'un catholicisme obscurantiste pour qu'ils deviennent les complices de leurs crimes. Pourtant c'est aussi en Pologne qu'il y a eu le plus de Justes et ce film le rappelle, au travers du couple de bûcherons protecteurs et également d'une gueule cassée de la grande guerre qui va apporter à l'enfant une drôle de mère nourricière sans lequel il n'aurait pas survécu. L'appel de la vie fut parfois plus fort que n'importe quelle idéologie, plus fort que les passions les plus tristes. Le choix de l'animation permet un travail remarquable de stylisation qui rend l'approche sensible: sur le blanc cotonneux de la neige étouffant les sons, les trains se détachent tels des masses noires sifflantes crachant le feu de l'enfer. Ils hantent les cauchemars des personnages, des gens simples pris dans des enjeux qui les dépassent et dont aucun ne sortira indemne. Ce qui également contribue à la force du récit, c'est d'entendre comme sortie d'outre-tombe la voix de Jean-Louis TRINTIGNANT qui a eu tout juste le temps d'enregistrer la voix du narrateur de l'histoire avant de s'éteindre en 2022.

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Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau

Publié le par Rosalie210

Gints Zilbalodis (2024)

Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau

Hayao MIYAZAKI n'en finit pas de faire des petits. En témoigne ce très beau film qui s'inspire de ses oeuvres post-apocalyptiques et plus précisément de sa série "Conan, le fils du futur" (1978). Autre inspiration majeure, celle de Alfonso CUARON, notamment dans l'art de faire monter la tension à l'intérieur de plans-séquence. Enfin, l'influence du jeu vidéo est manifeste dans le caractère immersif du film avec une caméra qui rase le sol dans les courses-poursuite, plonge avec le chat ou vole avec les oiseaux. Cependant, les choix de Gints ZILBALODIS sont bien plus radicaux que ceux dont on a l'habitude dans ce type de récit. C'est à une expérience de désanthropisation qu'il nous convie, tant sur la forme que dans le fond. Non seulement les hommes sont totalement absents du film, sinon par les traces qu'ils ont laissé mais celui-ci refuse toute forme d'anthropomorphisme et est donc dépourvu de dialogues. Les héros de l'histoire sont des animaux au comportement réaliste qui tentent de survivre à une brusque montée des eaux, thème d'une brûlante actualité. Le film raconte ainsi la cohabitation forcée à bord d'une barque de fortune entre un chat solitaire, un capybara paresseux, un lémurien collectionneur d'objets qui brillent, un chien labrador séparé de sa meute et un échassier estropié et rejeté par les siens. Leur périple, semé d'embûches suscite des émotions mélangées. La nature est dépeinte comme à la fois merveilleuse et terrifiante, notamment dans l'imprévisibilité et la puissance dévastatrice de ses manifestations alors que l'anthropocène en ruines continue à marquer les paysages et invite à la contemplation et à la rêverie. Quant aux animaux, ils doivent s'adapter pour survivre c'est à dire apprendre à vivre ensemble alors qu'ils appartiennent à des espèces différentes (ce qui remet en question les idées reçues sur la prétendue "loi de la jungle" au profit d'une solidarité qui n'est pas sans rappeler l'arche de Noé), acquérir des compétences pour conduire le bateau et apprivoiser leur environnement ce qui renvoie au titre du film. On remarque également que le réalisateur a voulu effacer les repères spatiaux-temporels. Les ruines, monumentales, sont difficilement datables (on pense autant à l'antiquité grecque qu'à des temples asiatiques) et les animaux viennent d'horizons divers.

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La Traversée

Publié le par Rosalie210

Florence Miailhe (2020)

La Traversée

Film d'animation aussi beau que prenant, "La Traversée" dépeint les pérégrinations de deux adolescents fuyant la guerre et les persécutions dans leur pays. Volontairement, celui-ci n'est pas identifiable, pas plus que le contexte historique afin de donner à l'histoire une résonance universelle. Mais la réalisatrice, Florence MIAILHE dont c'est le premier long-métrage y rend hommage à ses parents, obligés de fuir en zone libre pendant la seconde guerre mondiale et à ses arrières grands-parents ayant quitté l'Ukraine au début du siècle dernier pour fuir les pogroms. Elle effectue ainsi la jonction avec les migrations forcées d'aujourd'hui et ce avec brio - rien à voir par exemple avec le raté "Transit" (2018) de Christian PETZOLD. L'animation est évidemment un élément-clé dans la réussite de l'entreprise, donnant à l'histoire des allures de conte. On oublie trop souvent combien les contes initiatiques peuvent être cruels. Or les épreuves que traversent Kyona et son petit frère Adriel coïncident avec leur passage de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à l'âge adulte, celui-ci étant accéléré par les événements. Très tôt séparés du reste de leur famille qui ne réapparaîtra pas, Kyona et Adriel s'engagent dans une périlleuse aventure peuplée d'obstacles qui révèlent leurs caractères et leur capacité de survie: la première par la rébellion et le dessin, le second par des capacités d'adaptation qui ne sont pas sans faire penser au "Zelig" (1983) de Woody ALLEN. Les personnages qu'ils rencontrent sont tous extrêmement intéressants. A l'exception de Jon, le trafiquant, tous sont à l'image du conseil donné par l'un d'entre eux à Kyona, celui d'apprendre à voir le monde en gris plutôt qu'en noir et blanc. Ce sont des tueurs, des exploiteurs, des combinards, des mouchards, des gens rudes vivant à la dure mais ces mêmes personnes peuvent aussi abriter, protéger, aider, aimer. Cette palette élargie se retrouve dans l'animation qui est superbe. La mère de Florence MIAILHE était peintre et la réalisatrice a mis au point une technique d'animation originale consistant à peindre sur une plaque de verre directement sous la caméra, prendre le cliché, effacer et recommencer, le mouvement se construisant ainsi au fil de l'eau, sans filet. Le style qui a été comparé à celui de Chagall oscille entre fauvisme et abstraction. Les couleurs flamboient d'autant plus qu'elles s'inscrivent dans un univers sombre et gris. Jamais le film ne cède au misérabilisme ou au pathos. L'image de la pie voleuse qui symbolise impertinence et liberté vient toujours à point nommé désamorcer les situations les plus tendues sans pour autant les édulcorer.

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Linda veut du poulet !

Publié le par Rosalie210

Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (2023)

Linda veut du poulet !

Film d'animation haut en couleurs aux accents proustiens, "Linda veut du poulet" est une course-poursuite menée tambour battant pour mettre la main sur le précieux volatile, ingrédient principal de la recette du poulet aux poivrons. Celle-ci est le plus cher souhait de Linda parce que c'est le seul souvenir qu'il lui reste de son père disparu quand elle était bébé. Et sa mère qui l'a punie injustement est prête à se couper en quatre pour se faire pardonner. Le problème est que Paulette ne cuisine pas et qu'elle ne peut pas faire de courses ce jour-là, les magasins étant fermés pour cause de grève générale. Il va donc lui falloir trouver sa matière première à la source et de façon plutôt cavalière mais ne maîtrisant pas les gestes de la fermière, le poulet va faire des siennes. D'autres personnages entrent bientôt dans la danse: les amies de Linda qui tentent de l'aider à faire le plat ce qui est surtout matière à divers gags (les poivrons qui brûlent, le chien qui mange le poulet...), des policiers zélés, un camionneur allergique aux plumes de poulet, Astrid, la soeur de Paulette etc. Tout cela est mis en scène avec une belle énergie et une symbolique qui fait mouche. A chaque personnage est attribué une couleur qui de loin, le fait ressembler à une tache colorée ce qui finit par former une sorte de guirlande multicolore lorsque tous les participants passent à table. La nuit, seuls les contours des personnages restent en couleur et Linda se demande si tout est noir quand on est mort. Contre l'oubli, restent les sensations. La symbolique du père perdu et retrouvé ne s'arrête pas à ce repas pris ensemble, il concerne aussi la punition injustement donnée à l'origine de l'affaire. Une punition relative à une bague, elle aussi liée au père que Paulette croit perdue et qu'elle finit par retrouver. Proust avait sa madeleine, Linda a désormais son poulet.

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They Shot the Piano Player (Dispararon al pianista)

Publié le par Rosalie210

Fernando Trueba et Javier Mariscal (2024)

They Shot the Piano Player (Dispararon al pianista)

"They shot the Piano Player" est la deuxième collaboration du réalisateur Fernando TRUEBA et du dessinateur Javier MARISCAL après "Chico & Rita" (2010). On y retrouve l'animation et la musique latino mais "They shot the Piano Player" est aussi un film politique au travers d'une enquête sur la disparition d'un pianiste de jazz brésilien virtuose, Francisco Tenório Júnior, à la veille du coup d'Etat en Argentine en 1976. Plus de 30 ans après les faits, le journaliste américain fictif Jeff Harris (l'alter ego de Fernando TRUEBA) qui doit écrire un livre sur la bossa nova découvre un enregistrement du musicien disparu. Subjugué, il part à la recherche de ceux qui l'ont connu et ressuscite l'âge d'or de la musique brésilienne au travers de ses représentants les plus prestigieux dont on entend la voix au travers de leur avatar animé. Même moi qui ne suis pas une spécialiste, j'ai reconnu Chico BUARQUE, Gilberto GIL ou encore Caetano VELOSO. Et si d'autres me sont inconnus, je les connais en réalité à travers leurs oeuvres (Vinicius de MORAES qui accompagnait le pianiste lors de la tournée durant laquelle il a disparu est l'auteur des paroles de "The girl from Ipanema"). Des anecdotes impliquant également de grands noms du jazz afro-américain comme Ella FITZGERALD sont évoquées. Et le parallèle créatif avec la nouvelle vague française (bossa nova se traduit par nouvelle vague), l'influence de Francois TRUFFAUT surtout se retrouve à travers le titre, hommage à "Tirez sur le pianiste" (1960). Mais en parallèle de cette effervescence de sons et de couleurs, le film évoque la terrible période des dictatures militaires s'étant abattues en Amérique latine avec la complicité de la CIA et leur coordination au travers de l'opération condor pour traquer leurs opposants communistes ou supposés tels. Car Tenório n'étant pas politisé, il peut être considéré comme une victime collatérale de ce terrorisme d'Etat se trouvant au mauvais endroit et au mauvais moment, embarqué à cause de son apparence l'assimilant aux révolutionnaires, torturé puis exécuté pour l'empêcher de témoigner de ce qu'il avait vu et vécu. L'enquête de Jeff Harris l'amène donc à reconstituer les lieux de détention, de torture et d'exécution, la disparition des corps, les bébés enlevés à leur mère pour être adoptés par des familles soutenant le régime et les séquelles sur les survivants (la femme de Tenório privée du statut de veuve et des ressources allant avec par exemple). Un peu ardu à suivre par moments avec quelques redites et longueurs mais on y apprend beaucoup, on y voit et y entend beaucoup et on repart avec une question lancinante "Comment tant de douceur et de beauté ont pu cohabiter avec tant de barbarie?".

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Pluto (Puruto)

Publié le par Rosalie210

Toshio Kawaguchi (2023)

Pluto (Puruto)

Naoki Urasawa est l'auteur de mes deux mangas préférés: "20th Century Boys" et "Pluto", tous deux primés à Angoulême, respectivement en 2004 et en 2011. Tout en bâtissant des intrigues palpitantes et des personnages intenses, Naoki Urasawa insuffle à ses oeuvres une dimension existentielle d'une puissance rare. Ainsi en est-il de "Pluto" qui rend hommage au père des mangas, Osamu Tezuka et à "Tetsuwan atomu" alias "Astro le petit robot" chez nous. Un auteur qui développait dans ses oeuvres nombre de thèmes religieux et philosophiques. Mais l'oeuvre d'Urasawa est plus sombre, plus adulte, plus mélancolique, plus inquiète, hantée par le mal. Elle prolonge à la fois la réflexion d'Asimov et celle de Philip K. Dick sur les robots avec un questionnement très simple mais imparable sur nos profondes contradictions humaines. L'homme a voulu créer le robot à son image mais il ne veut pas qu'il mente ni qu'il tue tout en l'utilisant comme machine de guerre dans les conflits armés. Il veut en garder le contrôle tout en lui insufflant des émotions par essence incontrôlables et ensuite s'effraie de voir celui-ci lui échapper. Le dernier avatar de Frankenstein s'appelle d'ailleurs Bora dans "Pluto" et ressemble à la créature d'eau et de glaise de Prométhée.  

Le résultat est que les robots de "Pluto" sont des vétérans de guerre remplis de tourments. Les plus sophistiqués d'entre eux ont une apparence humaine qui les rend indécelables à l'oeil nu. Ils ont un subconscient, une mémoire traumatique, sont submergés par la haine ou l'empathie, jouent du piano, peignent, jardinent, ont une famille, ne comprennent pas d'où viennent leurs larmes, mentent aux autres comme à eux-mêmes. Alors évidemment en dépit du tabou nimbé d'une épaisse couche de déni, il apparaît évident que ces robots peuvent tuer, et pas seulement d'autres robots. L'enquête porte d'ailleurs sur une intelligence artificielle qui commet des meurtres, sur les robots les plus puissants du monde mais aussi sur des humains qui leur sont liés. Tous ont trempé dans un conflit sanglant qui s'inspire de l'invasion de l'Irak par les USA en 2003, le "39° conflit d'Asie centrale".

Mais cette enquête en rejoint une autre, beaucoup plus intime. Gesicht, le robot-inspecteur chargé des investigations veut comprendre l'origine des cauchemars qu'il fait toutes les nuits, comprenant peu à peu que sa mémoire a été trafiquée par ses supérieurs humains pour reprendre le contrôle sur lui et les armes redoutables qu'il possède dans son corps. Armes et démons intérieurs ne faisant pas bon ménage, il éprouve le besoin d'interroger Brau 1589, seul robot a avoir officiellement tué un humain en violation de la législation inspirée des lois d'Asimov. Celui-ci est prisonnier mais n'a pas été détruit parce que les humains, dépassés par son cas ont peur des conséquences. Peu à peu, Gesicht reprend possession de ses souvenirs et de son identité et c'est de cette mémoire que hérite Astro. Tous deux sont reliés par le souvenir d'un enfant mort et des émotions extrêmes qu'elle a déclenché, des émotions incontrôlables qui les ont propulsé à un stade d'évolution supérieur. Alors bien évidemment, la question angoissante qui se pose aux humains dépassés face à ces robots ayant acquis le libre-arbitre c'est "que vont-ils choisir?" 

 

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Le Chat du Rabbin

Publié le par Rosalie210

Joann Sfar, Antoine Delesvaux (2010)

Le Chat du Rabbin

Vraiment très sympa, "Le Chat du rabbin". En dépit d'un scénario décousu qui a tendance à survoler nombre de personnages avant de se terminer en queue de poisson, la faute sans doute à la volonté de synthétiser les albums BD en 1h30, le charme opère. Cette fable philosophique qui se déroule dans l'Afrique coloniale de l'entre-deux-guerres évoque la coexistence religieuse des juifs et des musulmans, certains ouverts et tolérants et d'autres, beaucoup moins. Le rabbin et le cheik font partie des seconds et se lancent à l'aventure en quête d'une nouvelle Jérusalem en Ethiopie avec un attelage aussi hétéroclite qu'eux. Leur périple est l'occasion d'envoyer des piques bien senties sur l'interprétation des textes religieux. Le statut des images fait par exemple l'objet d'un passage bien ironique dans lequel le chef d'une tribu de musulmans fondamentalistes ne voit aucun inconvénient à se faire tirer le portrait tant que cela flatte son ego. Ses justifications alambiquées montrent que les dogmes sont à géométrie variable: ainsi dans sa bouche la peinture n'est plus de l'idolâtrie contrairement à la sculpture. Même traitement ironique du colonialisme à travers l'hilarant passage où nos amis rencontrent Tintin au Congo flanqué d'un accent belge à couper au couteau (c'est Francois DAMIENS qui le double) et qui les prend de haut. Comme dans toutes les fables il y a des animaux, ici un âne, un perroquet et surtout un chat qui parle et ne croit en rien. Les questions gênantes qu'il pose à son maître remettent en question les croyances religieuses alors que le racisme pseudo-scientifique se prend un gros coup de poing dans la figure et que la violence des pogroms est mise à distance par l'effet cartoon. Seule l'étrange séquence du cauchemar du chat où il voit la fille de son maître mourir et celui-ci sombrer vient véritablement rompre l'atmosphère plutôt bon enfant de l'ensemble mais elle ne trouve pas d'explication ultérieure dans le film, laissant le spectateur qui n'a pas lu les BD à ses conjectures.

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