C'est par l'animation japonaise que j'ai découvert "La Tulipe noire". Le film de CHRISTIAN-JAQUE a été en effet l'un des plus gros succès français au box-office mondial et a contribué à faire de Alain DELON un "Dieu vivant" au Japon. Aussi il m'a paru assez évident que le personnage du Masque noir qui possède un double dans le manga "La Rose de Versailles" (1973) était inspiré de l'intrigue du film avant que la série animée "La Tulipe noire" en 1975 ne fasse la synthèse entre le manga de Riyoko Ikeda et le film de Christian JACQUE.
Pour le reste "La Tulipe noire" qui emprunte son titre à un roman de Alexandre Dumas mais n'a strictement rien à voir avec lui appartient à un genre de films de cape et d'épée bâtis autour d'une star très à la mode dans les années 50 et 60. Le parallèle avec "Cartouche" (1962) saute aux yeux, Jean-Paul BELMONDO étant l'autre grande vedette de cette génération à cette époque et on pense aussi évidemment à "Fanfan la Tulipe" (1951) réalisé une décennie plus tôt déjà par Christian JAQUE avec Gerard PHILIPE. On peut également mettre dans cette catégorie les films de Andre HUNEBELLE avec Jean MARAIS comme "Le Capitan" (1960). Les exemples ne manquent pas!
"Fanfan la tulipe" est un divertissement sans prétention, pas le plus flamboyant dans le genre (les américains ont fait beaucoup mieux) mais sympathique avec des effets spéciaux réussis (l'incrustation indétectable des deux Delon sur la même image). Les versions japonaises ont fait de la Tulipe noire une sorte de Robin des bois alors que le personnage de Alain DELON est dual avec un Guillaume cynique face à un Julien naïf et idéaliste qui finit par se substituer à lui, la morale est sauve! Quant à la double identité, aristocrate et voleur masqué, elle fait penser à Zorro (créé en 1919 et popularisé au cinéma par Douglas FAIRBANKS), à Batman (apparu en 1939) mais aussi à Arsène Lupin (le film avec Robert LAMOUREUX sorti en 1957).
L'idée de départ consistant à démolir les stéréotypes de genre était astucieuse: confronter une femme-flic dure à cuire à la mentalité conservatrice à un homme "déconstruit" entendez par là n'appartenant pas au groupe des mâles alpha promis au mausolée par le mouvement Metoo. Hélas si le film contient quelques moments franchement hilarants, notamment les photos anti-tabac ou les affrontements entre le collectif féministe "Les Hardies" et le collectif masculiniste "SOS Papa", il a tendance à partir dans tous les sens. Autrement dit en cherchant à brouiller les pistes, il s'égare lui-même. On ne compte plus les maladresses, incohérences, idées abandonnées à peine émises sans parler d'une fin complètement bâclée qui tombe à plat (il paraît que c'est un hommage à "Calmos" (1976) que je n'ai pas vu mais ce n'est pas une justification valable pour bâcler le film!) Le problème, c'est que cet aspect foutraque brouille également le message. Je suis certaine que Michel LECLERC et Baya KASMI étaient pleins de bonnes intentions. Mais que penser du personnage de Paul qui d'un côté proclame de façon très ostentatoire qu'il est du côté des femmes tout en étant montré comme leur jouet docile? Je ne crois pas que montrer un homme "battu et content" qui se jette dans les bras d'une femme qui l'a calomnié fasse avancer quelque cause que ce soit en matière de droits humains. C'est d'ailleurs ce que démontrait Stanley KUBRICK dans "Orange mecanique" (1971) où le conditionnement transformait le bourreau en victime serpillère des autres, suscitant dans les deux cas le même dégoût. Le courage, la colère ne sont genrés que dans les discours (avoir des c.....), pas dans la réalité. Autrement dit, le scénario finit par tomber dans les stéréotypes qu'il cherchait justement à dénoncer. C'est d'autant plus incompréhensible que les véritables modèles dont prétendent s'inspirer Michel LECLERC et Baya KASMI sont Virginie DESPENTES et Jean-Jacques GOLDMAN cités explicitement pour l'une et indirectement pour l'autre à travers Vincent DELERM. Mais ils échouent à capturer l'essence de l'autrice de "King Kong Théorie" et de l'auteur-compositeur de la chanson "Doux", ne retenant que leur caricature.
Oeuvre de commande réalisé par un Jacques BECKER en fin de carrière, "Les aventures d'Arsène Lupin" est un divertissement estampillé "années 50" élégant mais bien léger. Elégant car bien que regroupant trois de ses "aventures", on n'a pas l'impression d'être dans un film à sketches. Il est bien construit avec une longue séquence d'introduction qui nous plonge tout de suite dans le vif du sujet, avant que le deuxième de ses méfaits nous permette d'en savoir plus sur ses méthodes et que le troisième (un peu longuet par contre) ne parachève son "oeuvre". Robert LAMOUREUX est gouailleur et classieux dans le rôle principal, un as du déguisement et de la prestidigitation qui maîtrise sur le bout des doigts les codes d'un monde dont il fait partie tout en se jouant de lui. A condition de ne pas se poser de questions et de ne rechercher aucun réalisme, on passe un moment agréable en sa compagnie. On peut quand même souligner que le film déroule un programme parfaitement huilé sans enjeu ni surprise. L'Arsène Lupin du film apparaît comme un personnage obscur dont on ne comprend pas les motivations car en fait il n'y en a pas d'autre que nous divertir. De ce point de vue, c'est réussi.
J'avais pris un faux départ avec "Mammuth" (2010) que je n'avais pas aimé à l'époque (mais il me faut le revoir). "Louise-Michel" est l'une de ces comédies sociales vachardes et vengeresses trempée à l'humour belge et à l'esprit canal d'antan. Mais qui va au-delà de la fable potache. D'abord en s'inscrivant dans une filiation historique explicite: celle de l'institutrice anarchiste de la Commune qui, comme la Louise/Jean-Pierre de Gustave KERVERN et Benoit DELEPINE portait tout aussi bien le flingue. Mieux en tout cas que son comparse avec lequel elle forme un couple à la "Family Compo", Michel/Cathy, la "lopette mythomane" jouée par Bouli LANNERS. Mais aussi dans le sillage d'une filmographie implicite que j'ai perçue en écho: celle de "Les Temps modernes" (1936) avec le tapis de course qui s'enraye et les paroles mécaniques prononcées par le financier qui s'escrime dessus mais aussi celle de "Les Raisins de la colere" (1940). L'odyssée jusqu'au-boutiste et absurde de "Louise-Michel" résonne avec les propos échangés entre fermiers expulsés et bons petits soldats du capitalisme du film de John FORD adapté du roman de John Steinbeck se défaussant de leurs responsabilités sur une entité abstraite et lointaine: " Qui tuer ? Le conducteur reçoit ses ordres d’un type qui les reçoit de banque qui reçoit ses consignes de l’Est. Peut-être qu’il n’y a personne à tuer. Il ne s’agit peut-être pas d’hommes. Comme vous dites, c’est peut-être la propriété qui est en cause." Dans "Louise-Michel" où le politiquement correct est mis de côté puisque ce sont des malades en phase terminale qui sont chargés d'exécuter les "contrats", chaque nouveau mort, loin de constituer une catharsis s'avère n'être qu'un leurre menant le duo dans un périple à la Victor Hugo, de leur Picardie originelle à Bruxelles et de Bruxelles à Jersey devenu un paradis fiscal. Sur leur chemin, des rencontres loufoques avec des acteurs-réalisateurs bien connus pour leur regard critique sur le système tels que Mathieu KASSOVITZ en propriétaire d'une ferme estampillée "développement durable" et Albert DUPONTEL en tueur à gages serbe muet et frappadingue.
C'est avec "Ya Basta" (2010) que j'ai découvert le cinéma jubilatoire de Gustave KERVERN. Cinéma robin des bois où de manière drôle, inventive et pacifique les damnés de la terre prennent leur revanche sur ceux qui les écrasent ou les méprisent. "Je ne me laisserai plus faire" dont le titre se dévoile par bribes tout au long du film raconte comment la révolte d'Emilie (Yolande MOREAU) sur le point d'être jetée à la rue après la mort de son fils faute de pouvoir payer son Ehpad se propage de proche en proche, d'abord à Lynda, une femme de ménage ayant bien du mal à joindre les deux bouts (Laure CALAMY) puis au duo de flics mous du genou chargés de les poursuivre (Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD). L'épopée vengeresse d'Emilie ressemble à un pastiche de "Kill Bill" avec sa liste de personnes lui ayant fait du tort contre lesquels elle imagine des stratagèmes dignes de ceux que subit Collignon dans "Le Fabuleux destin d'Amelie Poulain" (2001) (dans lequel jouait justement Yolande MOREAU). Gustave KERVERN en profite au passage pour tirer des flèches satiriques sur tout ce qui "bourge" que ce soit l'exploitation de "l'or gris" par une directrice d'Ehpad politiquement très incorrecte, la gentrification ou les lotissements pavillonnaires de banlieue. La fuite en avant d'Emilie et de Lynda qui renforcent leurs liens au fur et à mesure de la progression de leur vengeance donne au film un caractère de road movie qui n'est pas sans rappeler "Thelma et Louise" (1991) tandis qu'à l'inverse, les personnages joués par Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD, au départ réduits à l'uniforme de leur fonction se singularisent progressivement par une introspection qui les conduit à réparer une période traumatique de leur passé.
Deuxième film de Michel BLANC réalisé dix ans après "Marche a l'ombre" (1984), "Grosse fatigue" est le miroir d'un acteur qui a cassé son image après "Tenue de soiree" (1986) qui lui a valu le prix d'interprétation masculine au festival de Cannes. Exit les avatars de Jean-Claude Dusse? Pas tout à fait. Car dans "Grosse fatigue", le Michel BLANC devenu respectable aux yeux de l'intelligentsia s'invente un sosie de loser obsédé (bref une version sombre de Jean-Claude Dusse) bien décidé à tout faire pour prendre sa place. Comme si cette place, il n'y avait pas droit. Même si "Grosse fatigue" reste une comédie où on rit beaucoup des quiproquos liés à la confusion entre Michel et Patrick, ce dédoublement ouvre de vertigineux questionnements existentiels liés au syndrome de l'imposteur en plus d'être une mise en abyme du cinéma français (qui traversait une mauvaise passe). Celui de Michel BLANC mais aussi celui de Bertrand BLIER qui lui a suggéré l'idée du film (qui s'inspire par ailleurs d'une mésaventure authentique arrivée à Gerard JUGNOT) et imprime sa marque dessus. Quoi de plus normal pour le réalisateur à l'origine de la mue de Michel BLANC, symbolisée par la disparition de sa moustache à la fin de "Tenue de soiree" (1986)? Pas étonnant que la bande du Splendid, convoquée au complet ne parvienne pas à le reconnaître dans "Grosse fatigue" (1994). Et que sa partenaire dans le film soit Carole BOUQUET. Car sur "Grosse fatigue" plane l'ombre de "Trop belle pour toi" (1989). Qu'est-ce que j'ai de moins que Josiane BALASKO finit-elle par dire en substance, comme si le questionnement du film de Bertrand BLIER se prolongeait dans celui de Michel BLANC. Michel et Carole y sont en effet poursuivis par leur image, celle du "casse-couille" et celle de la femme "froide". Une froideur déconstruite par Michel BLANC qu'elle couve avec des accents qui rappellent de manière troublante Therese LIOTARD dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine". (1980) A moins que Michel ne soit Patrick qui préfère les femmes avec un T-shirt Mickey à celles en tailleur Chanel?
Tout d'abord, une remarque: j'ignorais que Claude LELOUCH avait réalisé une multitude de scopitones dans les années 60. Cela explique la présence de Johnny HALLYDAY dans "L'aventure, c'est l'aventure" (assez méconnaissable pour moi qui ne l'ai connu que vieux) comme celle de Gilbert BECAUD dans "Toute une vie" (1974) avec des passages chantés un peu ringards. Par ailleurs, "L'aventure, c'est l'aventure" est un étrange film qui aurait pu s'appeler pour citer le personnage de Charles DENNER "la clarté dans la confusion". Le scénario est complètement foutraque, ça part dans tous les sens, la deuxième partie du film est laborieuse malgré le rebondissement final. Film de gangsters décalé, parodique, "l'aventure, c'est l'aventure" est un buddy movie humoristique façon "Tintin chez les Picaros", "frères Dalton" ou "pieds nickelés" avec un fort accent burlesque voire cartoon. D'ailleurs le film, devenu culte a été lui-même adapté en BD. Une scène qui l'illustre parfaitement est celle où les flics interrogent le personnage de Lino VENTURA à l'entrée d'un aéroport. On pense à l'expression de Henri Bergson à propos du rire quand on le voit répéter les mêmes gestes (reprendre sa serviette, claquer la porte de la voiture) avec une précision toute mécanique. Et ce jusqu'à ce que la une d'un journal vienne lui clouer le bec. Mais évidemment la scène la plus célèbre du film est celle de la plage, quand les cinq hommes se pavanent devant de jolies filles avec des attitudes ridicules calquées sur la démarche de dragueur de Aldo MACCIONE (à qui j'ai trouvé des airs de Robert De NIRO). Bref c'est un film d'acteurs un peu trop léger et désinvolte en dépit de moments vraiment amusants et réussis.
Comme tant et tant de gens ayant connu cette époque, j'ai vu "3 hommes et un couffin" au cinéma à sa sortie, sans doute plusieurs fois, dans des salles pleines et je me souviens encore de ma mère (qui m'accompagnait étant donné mon jeune âge d'alors mais qui elle-même ne fréquentait pas les cinémas) riant aux larmes devant certaines des situations montrées dans le film. En le revoyant près de quatre décennies plus tard, j'ai été frappée par une évidence: toutes les scènes entre les trois hommes et le bébé n'ont pas pris une ride alors que celles qui montrent leur vie sociale apparaissent affreusement datées. Même s'il y a quelques longueurs et artifices dans le scénario, l'essentiel réside dans la relation qui se noue entre le bébé et ses trois pères, surtout les deux pères d'adoption d'ailleurs. En déplaçant les curseurs des rôles genrés, Coline SERREAU ne s'interroge pas seulement sur l'équilibre entre travail et vie de famille. Elle déconstruit un modèle de masculinité égocentrique ne reposant que sur la compétition virile et la recherche du plaisir sans limites. Avec un bébé dans les pattes, les trois hommes découvrent les responsabilités, les compromis qui résultent de la charge mentale mais aussi la tendresse. Seulement, il ne faut pas la montrer aux autres ce qui est source de situations ou de réparties comiques. Au final, "3 hommes et un couffin" se rapproche de "La Belle verte" (1996) en montrant une société marchant sur la tête remise à l'endroit. Le maternage est montré comme pouvant être aussi bien assuré par l'un que par l'autre sexe s'il se donne la peine de s'investir ce qui aboutit à la désopilante scène de confrontation entre Pierre et Mme Rapon (Dominique LAVANANT). Après le départ du bébé, l'aspect factice, vide, mécanique de la vie des trois hommes leur saute au visage au point que Jacques (Andre DUSSOLLIER) fait une couvade, Michel (Michel BOUJENAH) n'a plus d'inspiration alors que Pierre (Roland GIRAUD) tombe en dépression. Bref, comme les autres films de la réalisatrice, "3 hommes et un couffin" n'est pas seulement une comédie culte, c'est un film en avance sur son temps, ébranlant le patriarcat et ébauchant un nouveau modèle parental et familial.
Mais qu'il est beau ce film! Je suis encore enchantée d'avoir pu l'attraper au vol, juste avant qu'il ne disparaisse sur Arte. Parfois (c'est loin d'être toujours le cas), la conjonction de talents aboutit à un résultat harmonieux, cohérent où chacun donne le meilleur de lui-même et converge dans le même sens. C'est l'un des plus beaux rôles de Jean-Paul BELMONDO qui conjugue ici l'action, l'élégance, la sobriété avec une profonde mélancolie qui le rapproche de son fabuleux personnage de "La Sirene du Mississipi" (1969). Les décors, les costumes et la photographie forment un écrin d'une rare justesse, on s'y croirait. Le tout au service d'un puissant récit contestataire de l'ordre social en phase avec le contexte historique retranscrit, la fin du XIX° siècle. L'auteur de l'oeuvre originale, Georges Darien était un libertaire, partisan de l'anarchisme, un mouvement transnational qui avait mené en France au début des années 1890 des attentats sanglants destinés à déstabiliser l'Etat bourgeois (l'assassinat du président Sadi Carnot en 1894 par exemple) avant d'être impitoyablement réprimé. Louis MALLE et Jean-Claude CARRIERE ont ainsi pu à travers son récit régler leurs propres comptes avec la bourgeoisie et faire souffler l'esprit du futur mai 68. Avant de devenir un cambrioleur professionnel (et un obsessionnel compulsif du vol de bijoux), Georges Randal est montré en effet comme une victime de cet ordre social bourgeois, personnifié par son oncle et tuteur, Urbain Randal (Christian LUDE) qui le prive de son héritage et de sa fiancée. Ce faisant, il créé un ennemi de classe au mode opératoire minutieusement retranscrit et symbolique. Il y a un côté hautement jouissif à voir cet homme se venger encore et encore en forçant les portes, fenêtres, coffre-fort et autres secrétaires des maisons patriciennes qu'il ravage systématiquement, ne laissant derrière lui que désordre et désolation. Mais ses interventions subvertissent également les stratégies de ses ennemis en matière matrimoniale comme successorale. Quant il ne se paye tout simplement pas leur tête, ceux-ci rivalisant de bêtise. Les coups de griffe n'épargnent pas le cléricalisme, coupable de sa collusion avec le milieu bourgeois. Ainsi le personnage joué par Julien GUIOMAR s'avère être un abbé escroc alors que offense suprême vis à vis de son oncle, Georges Randal le prive de funérailles religieuses en falsifiant son testament. Les femmes, quel que soit leur statut sont les meilleures alliées de Georges, trouvant à ses côtés le moyen de prendre une revanche vis à vis d'un ordre patriarcal qui les opprime. C'est l'occasion de voir un beau défilé d'actrices: Bernadette LAFONT, Genevieve BUJOLD, Marie DUBOIS, Francoise FABIAN, Marlene JOBERT ou encore Martine SARCEY.
Film d'animation haut en couleurs aux accents proustiens, "Linda veut du poulet" est une course-poursuite menée tambour battant pour mettre la main sur le précieux volatile, ingrédient principal de la recette du poulet aux poivrons. Celle-ci est le plus cher souhait de Linda parce que c'est le seul souvenir qu'il lui reste de son père disparu quand elle était bébé. Et sa mère qui l'a punie injustement est prête à se couper en quatre pour se faire pardonner. Le problème est que Paulette ne cuisine pas et qu'elle ne peut pas faire de courses ce jour-là, les magasins étant fermés pour cause de grève générale. Il va donc lui falloir trouver sa matière première à la source et de façon plutôt cavalière mais ne maîtrisant pas les gestes de la fermière, le poulet va faire des siennes. D'autres personnages entrent bientôt dans la danse: les amies de Linda qui tentent de l'aider à faire le plat ce qui est surtout matière à divers gags (les poivrons qui brûlent, le chien qui mange le poulet...), des policiers zélés, un camionneur allergique aux plumes de poulet, Astrid, la soeur de Paulette etc. Tout cela est mis en scène avec une belle énergie et une symbolique qui fait mouche. A chaque personnage est attribué une couleur qui de loin, le fait ressembler à une tache colorée ce qui finit par former une sorte de guirlande multicolore lorsque tous les participants passent à table. La nuit, seuls les contours des personnages restent en couleur et Linda se demande si tout est noir quand on est mort. Contre l'oubli, restent les sensations. La symbolique du père perdu et retrouvé ne s'arrête pas à ce repas pris ensemble, il concerne aussi la punition injustement donnée à l'origine de l'affaire. Une punition relative à une bague, elle aussi liée au père que Paulette croit perdue et qu'elle finit par retrouver. Proust avait sa madeleine, Linda a désormais son poulet.
"Etre critique, ce n'est pas donner son avis, c'est se construire comme sujet travers les films que l'on voit" (Emmanuel Burdeau)
"La cinéphilie est moins un rapport au cinéma qu'un rapport au monde à travers le cinéma" (Serge Daney)