A Normal Family (Bo-tong-ui ga-jog)
Hur Jin-ho (2025)
Après avoir vu ce film-choc, on comprend mieux pourquoi la Corée du sud détient le record mondial de la plus basse fécondité (0,75 enfants par femme en 2024). Comme la récente mini-série "Adolescence" (2025), le film fait état d'une jeunesse à la dérive, livrée à elle-même reflétant les différents aspects d'une société en crise: obsession pour l'argent, course à la réussite, soif de paraître, individualisme féroce. HUR Jin-ho qui adapte une nouvelle fois le roman de Herman Koch "Le Dîner" nous tient en haleine avec ce qui s'apparente autant à une satire sociale à la "Parasite "(2019) qu'à un thriller avec son lot de rebondissements. La famille huppée dont il dresse le portrait est dysfonctionnelle et peine à dissimuler ses failles derrière un vernis d'apparences clinquantes. Après un début percutant qui annonce la couleur, le spectateur est donc placé au coeur d'un climat de tensions latentes qui après un montage de mayonnaise en règle vont éclater. D'un côté deux frères flanqués de leurs épouses qui se réunissent régulièrement dans un restaurant de luxe pour faire semblant de faire famille, moyen d'étaler la réussite ostentatoire de l'aîné, avocat âpre au gain et cynique ce qui provoque la jalousie envieuse du deuxième pourtant chirurgien. Mais ce frère cadet tient à se faire passer pour un bon samaritain et à prouver qu'il ne court pas après l'argent. Pourtant sa mère ingérable car atteinte d'Alzheimer qu'il garde à son domicile parce que là encore, ça fait bien, a prévenu "il fait le gentil, mais c'est un enragé". La suite prouvera qu'elle avait raison. En guise de révélateur des dysfonctionnement familiaux, les enfants de ces deux couples, deux adolescents sous pression (l'un est harcelé, l'autre attend avec anxiété le résultat du concours d'admission à l'UCLA) qui pendant que leurs parents sont occupés à jouer cette pièce de théâtre ritualisée vont déverser leur rage sur une victime innocente dans une scène qui rappelle de façon troublante celle du SDF de "Orange mecanique" (1971). C'est avec une grande habileté que le réalisateur comme sans doute l'auteur avant lui place le spectateur face au même dilemme moral que les parents: faut-il privilégier la justice ou protéger ses enfants? Un suspense s'installe au fil des hésitations de l'un puis de l'autre. Le cadet a bien envie de flanquer une leçon de morale à son aîné qui renforcerait encore sa bonne image. Mais de l'autre, c'est l'occasion inespérée de se rapprocher de son fils. L'aîné perd ses certitudes face à une vidéo compromettante (sans envahir le récit, caméras de vidéo-surveillance et réseaux sociaux jouent un rôle clé). Tous deux s'intéressent enfin à leurs enfants mais ceux-ci leur échappent, s'avèrent insondables. Jusqu'à la fin dérangeante en forme de grosse claque finale. Une fin un peu caricaturale mais qui interroge le rôle de l'éducation et des responsabilités ainsi que le rapport entre la violence symbolique et la violence réelle.