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Pas de vagues

Publié le par Rosalie210

Teddy Lussi-Modeste (2024)

Pas de vagues

Il est décidément dans l'air du temps de sortir des films se déroulant à l'école pour l'utiliser comme un miroir grossissant des dysfonctionnements des sociétés contemporaines, que ce soit au Japon ("L'innocence") (2023), en Allemagne ("La Salle des profs") (2022) ou en France avec "Pas de vagues". Le collège de banlieue, plus précisément de Seine-Saint-Denis étant considéré comme l'épicentre des problèmes, c'est dans l'un d'eux que se déroule le film. Pourtant l'école primaire en concentre aussi beaucoup et les lycées du 93 sont actuellement en grève pour dénoncer la vétusté de nombreux locaux. Le film met par ailleurs en scène un jeune professeur de français, dynamique mais mal formé. Il est d'ailleurs malheureux que cet aspect du problème soit passé sous silence. On ne connaît pas le statut de ce professeur qui s'il est stagiaire ou titulaire est passé par les rangs de l'INSPE (dont les enseignements je l'espère se sont améliorés depuis l'époque des IUFM) mais s'il est contractuel, est directement envoyé au casse-pipe. En tout cas, les conséquences de ses maladresses montrent qu'être professeur est un vrai métier et qu'il n'a pas grand-chose à voir avec animateur, psychologue ou assistante sociale. Encore moins avec démagogue. Chercher à séduire son auditoire pour le captiver est jouer un jeu dangereux, de même que sortir de son rôle pour gratifier ses chouchous de cadeaux en mettant les autres de côté. Le retour de bâton est terrible et à la mesure des erreurs commises, montrant une institution incapable de gérer le problème. La liberté pédagogique, c'est aussi la solitude du prof dans sa classe et elle se paye cher. Mais d'une part l'attitude déplacée du professeur n'est pas assez critiquée dans le film (certes, il est accusé à tort mais il a réellement "déconné"). Et de l'autre, hormis l'attitude fuyante du principal qui veut étouffer l'affaire pour que cela ne nuise pas à sa promotion et la vulnérabilité des établissements face aux agressions, le film manque de réalisme et passe largement à côté des véritables problèmes. Outre le manque structurel de moyens (trop d'élèves par classe, de moins en moins de profs et de personnels pour les encadrer, des fermetures de classes et suppressions de postes, la vétusté de certains locaux vus plus haut etc.), les injonctions contradictoires et impossibles à satisfaire de l'institution face à un public de moins en moins apte à les recevoir font que les professeurs, pris entre le marteau et l'enclume sont tentés de lâcher l'affaire. Et ce mal-être enseignant global n'est pas non plus évoqué. Le film se focalise sur un cas et comme dans "La Salle des profs" (2022), lâche la meute sur lui, en empiétant largement sur sa vie privée ce qui détourne encore plus de la réalité du problème. Le malaise du monde scolaire est collectif comme le montre les mouvements actuels dans le 93 mais ça visiblement, ça n'intéresse pas les cinéastes. Montrer une personne seule contre tous est plus palpitant et répond bien à la culture individualiste contemporaine. Non un établissements ne se réduit pas à 3-4 collègues qui se tirent dans les pattes, à un CPE et à un principal, des solidarités existent, les syndicats aussi. D'ailleurs, de l'aveu même du réalisateur, lorsque cela lui est arrivé, l'ensemble des professeurs se sont mis en grève. Cela n'empêche nullement Francois CIVIL d'être excellent dans le rôle et la scène de fin est même assez inspirée mais le film qui en plus est peu intéressant cinématographiquement parlant est largement à côté de la plaque.

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Tombe les filles et tais-toi (Play it again, Sam)

Publié le par Rosalie210

Herbert Ross (1972)

Tombe les filles et tais-toi (Play it again, Sam)

Pris isolément, j'ai trouvé que "Tombe les filles et tais-toi" avait plutôt mal vieilli. L'aspect théâtral sans doute puisque le film (réalisé par Herbert ROSS) est l'adaptation de la pièce de Woody ALLEN, "Play it again, Sam" (1972). Mais aussi le jeu burlesque de Woody ALLEN, tellement outrancier qu'il n'en est même plus drôle. Ou alors ce sont les filles qu'on lui présente qui sont inexistantes, en tout cas il manque quelque chose pour que la sauce prenne. Sauf évidemment quand il est mis en présence de Diane KEATON. Leur duo est une évidence et tous les passages où ils jouent ensemble préfigurent "Annie Hall" (1977) d'autant que Diane KEATON y arbore le même look. Car si on remet le film dans le contexte de la filmographie de Woody ALLEN, on réalise combien celui-ci est un brouillon de ses futurs chefs-d'oeuvre. Sa cinéphilie irrigue tout le film au même niveau que ses névroses. Le titre est un hommage à "Casablanca" (1942), l'archétype du cinéma de l'âge d'or hollywoodien. L'introduction où Allan Felix (le personnage de fiction joué par Woody ALLEN) regarde fasciné la scène finale du film de Michael CURTIZ au cinéma, avant que Humphrey BOGART ne s'incarne à ses côtés pour lui donner des conseils de drague rappelle forcément "La Rose pourpre du Caire" (1985), seuls les genres y sont différents. Et le final où la réalité rejoint la fiction, Woody ALLEN et Diane KEATON endossant les rôles de Humphrey BOGART et Ingrid BERGMAN à l'aéroport revient dans "Meurtre mysterieux a Manhattan" (1992), à ceci près que les deux acteurs sont dans le final d'un autre film de l'âge d'or des studios hollywoodien à l'ambiance exotique, "La Dame de Shanghai" (1947) de Orson WELLES.

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Une Valse dans les Allées (In den Gängen)

Publié le par Rosalie210

Thomas Stuber (2018)

Une Valse dans les Allées (In den Gängen)

Une valse à trois temps de Strauss accompagnant le ballet des engins élévateurs dans les allées d'un supermarché est-allemand. Le film de Thomas STUBER commence comme un Stanley KUBRICK (auquel on pense pour "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) mais aussi pour "Shining" (1980) en raison de l'aspect labyrinthique de ces allées d'entrepôt aux étagères pouvant s'élever sur plusieurs dizaines de mètres façon Rubik's Cube géant) mais de par sa poésie un peu décalée et sa tendresse manifeste envers les petites gens, il se poursuit comme un Aki KAURISMAKI. On suit un jeune homme pris à l'essai en tant que manutentionnaire aux boissons qui apprend le métier aux côtés du responsable du rayon et tombe amoureux d'une de ses collègues en charge de la confiserie. En dépit de l'aspect archétypal de chacun de ces trois rôles (chacun prenant en charge une partie du récit et constituant l'un des temps de la valse), ils ont leur épaisseur propre qui les rendent attachants. C'est particulièrement vrai pour le héros, Christian (Franz ROGOWSKI), qui porte son passé sur son corps tatoué et son visage mélancolique, amoché et prématurément fatigué. En dépit de l'aspect que l'on peut juger aliénant de ce travail, il constitue pour lui une seconde chance, un moyen d'insertion dans la société et de rupture de son isolement. A l'inverse, pour Bruno (Peter KURTH) le chef de rayon qui le prend sous son aile, le boulot est le symbole de son déclassement, lui qui fait partie des perdants de la réunification allemande. Lorsqu'il invite Christian chez lui, un plan sur une plante morte abandonnée dans un coin suffit à nous renseigner sur son véritable état mental et la suite lève le voile sur l'étendue des dégâts. Enfin Marion (Sandra HULLER) a beau être jeune, charmante et apprécier les marques d'attention de Christian, elle n'est pas libre. Même si elle ne semble guère épanouie dans sa vie conjugale, elle bénéficie d'une certaine stabilité que les conditions de vie précaires de Christian (qui n'a pas de voiture et vit dans un logement aux allures de squat) ne peuvent lui offrir. Alors ils se contentent de rêver à une île paradisiaque qui orne leurs murs et leurs loisirs (comme dans "L'Impasse") (1993), la simple évocation de l'autre suffisant à faire venir le bruit de la mer au beau milieu des parkings et des palettes (l'utilisation de la bande-son est aussi maîtrisée que celle de l'image).

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Diabolo menthe

Publié le par Rosalie210

Diane Kurys (1977)

Diabolo menthe

Du film-culte de Diane KURYS vu à l'adolescence, il ne me restait à peu près rien. Aussi, le revoir a été pour moi comme le découvrir pour la première fois. Une fois de plus, le contexte est essentiel pour comprendre ce film dont l'histoire est ancrée au début des années 60, époque de l'adolescence de la réalisatrice mais qui a été réalisé à la fin des années 70. Les deux époques se répondent subtilement puisqu'à travers le portrait très autobiographique d'Anne (Eleonore KLARWEIN), de sa soeur et de leurs copines de lycée, Diane KURYS dépeint une génération tiraillée entre la société française traditionnelle gaullienne extrêmement corsetée et un ardent désir d'émancipation et de liberté. Le point de vue féminin donne évidemment à cette question qui concernait l'ensemble de la jeunesse des années 60 une saveur particulière. Il y avait encore peu de réalisatrices à l'époque où Diane KURYS a réalisé son premier long-métrage et celui-ci est devenu le premier teen-movie français. Bien plus que "Les Quatre cents coups" (1959) qui ne possède pas de dimension générationnelle, sans doute parce qu'en 1959, l'adolescent comme "classe d'âge" avec ses goûts et ses désirs propres n'avait pas encore été inventé. C'est la société de consommation et l'allongement de la durée des études qui ont façonné en France cette nouvelle catégorie sociale, née avec le journal "Salut les copains" au début des années 60. Les marqueurs de la culture adolescente sont partout dans le film de Diane KURYS, yé-yé et rock affichés sur les murs ou émanant des tourne-disques et radios portatives. Et puis les photos de vacances à la mer et au ski qui rappellent que ces années-là voient l'avènement du tourisme de masse. Mais "Diabolo Menthe", c'est aussi le poids du patriarcat et des moeurs puritaines. Un lycée qui ressemble à une caserne, la non-mixité, les blouses uniformes, un personnel enseignant de cheftaines psychorigides pour la plupart pouvant aller jusqu'au sadisme (la prof de dessin), une mère certes aimante mais fliquant ses filles sur leurs horaires de sortie ou leur tenue vestimentaire, le divorce alors exceptionnel et stigmatisant, les comportements masculins déplacés etc. Dans cet univers carcéral fait d'interdictions tant sur le plan sexuel que politique, les quelques coups d'éclat marquent les esprits, que ce soit le chahut dans les cours d'une prof de maths sans autorité jouée par Dominique LAVANANT, les badges vendus par Frédérique (Odile MICHEL), le discours de Pascale (Corinne DACLA) sur les événements du métro Charonne encouragée par la prof d'histoire que l'on devine communiste ou encore la fugue de Muriel (Marie Veronique MAURIN) criant "merde, merde, merde" dans la cour du lycée avec le même caractère exutoire que les "fuck you" hurlés par une iranienne à la face du monde dans "Critical Zone" (2023)

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Sois belle et tais-toi

Publié le par Rosalie210

Delphine Seyrig (1981)

Sois belle et tais-toi

C'est en assistant à une conférence au Forum des images par un spécialiste de Delphine SEYRIG, Alexandre Moussa qui lui a consacré une thèse en 2021, "Je ne suis pas une apparition, je suis une femme" que j'ai découvert son activité de réalisatrice, la plupart du temps au sein de collectifs tels que le bien nommé "Insoumuses". C'est au sein de ce collectif féministe fondé en 1974 que Delphine SEYRIG s'est formée au maniement de la caméra vidéo sous l'égide de Carole Roussopoulos, première femme a s'être saisie de cette nouvelle technologie permettant de réaliser des documentaires militants donnant la parole à tous ceux que les médias traditionnels délaissaient, dont les femmes.

"Sois belle et tais-toi" qui est son seul long-métrage, nommé ainsi d'après le film éponyme de Marc ALLEGRET a été tourné entre les USA et la France de 1975 à 1976. Il se compose d'une série d'entretiens réalisés avec vingt-trois actrices de différentes nationalités, très célèbres pour la plupart (Jane FONDA, Marie DUBOIS, Louise FLETCHER, VIVA, Maria SCHNEIDER, Shirley MacLAINE, Anne WIAZEMSKY etc.). En dépit de la médiocre qualité de l'image, c'est passionnant d'écouter une parole sincère pouvant s'exprimer librement et en confiance dans un rapport égalitaire. C'est le précurseur du mouvement "Metoo cinéma" et également des questions posées par le film de Justine TRIET, "Anatomie d'une chute" (2022). Dans ces conditions, il n'est guère étonnant qu'après une sortie confidentielle en 1981, il ait été restauré et soit ressorti en 2023. Nombre d'actrices sont frappées par la pertinence des questions que leur pose Delphine SEYRIG et se livrent à un constat édifiant des inégalités sexistes qui entravent leur carrière dans une industrie "faite par et pour les hommes". Tout y passe:
- Le faible nombre de rôles écrits pour les femmes, un pour cinq écrits pour les hommes en moyenne.
- Les stéréotypes attachés à ces rôles, souvent des ingénues, des femmes au foyer ou des prostituées. L'une des actrices qui tente de tirer l'un de ces rôles vers quelque chose de plus réaliste s'entend dire "c'est ce que les hommes veulent".
- L'absence presque complète d'histoire d'amitiés entre femmes (d'où le petit événement que fut à l'époque la sortie d'un film comme "Thelma et Louise") (1991).
- L'humiliation d'avoir été formée à l'Actor studios pour se voir proposer un rôle de pom pom girl.
- Variante, le "mansplaining" résumé par une actrice "Je suis idiote, expliquez-moi tout".
- Autre variante, la complicité masculine entre le réalisateur et son acteur principal au détriment de l'actrice qui se retrouve non seulement isolée mais piégée et manipulée. Maria SCHNEIDER évoque ainsi sa désastreuse expérience sur "Le Dernier tango a Paris" (1972) qui fait penser aux propos récents de Judith GODRECHE sur "La Fille de quinze ans" (1989) de Jacques DOILLON à savoir le coup de la scène de sexe rajoutée au dernier moment dans le scénario sans que l'actrice en soit informée et sans qu'elle ait son mot à dire.
- Plus globalement, ces femmes évoquent la dépossession de leur identité par des tyrans-Pygmalion contrôlant toute la chaîne de production et cherchant également à prendre le contrôle de leur image et de leur corps, la question du remodelage physique et de l'âge étant également abordée (les femmes priées de dégager avant la cinquantaine alors que les jeunes filles se retrouvent systématiquement avec des partenaires quinquagénaires).

Et s'il fallait encore convaincre de la brûlante actualité de ce film, il suffit d'écouter sa conclusion par Ellen BURSTYN: "En cet instant même, c'est la planète Terre qu'il faut sauver. (…) Ce film annonce le début du changement de ce qui doit se produire sur cette planète sans quoi il n'y aura plus de planète.” Ce film a près de cinquante ans. Sur le fond, on dirait qu'il a été tourné hier.

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Comme un lundi (Mondays)

Publié le par Rosalie210

Ryo Takebayashi (2024)

Comme un lundi (Mondays)

Comédie enlevée et sympathique, quelque part entre la série "The Office" et le cultissime "Un jour sans fin" (1993), "Comme un lundi" raconte la semaine infernale d'une employée de bureau japonaise carriériste qui pour se faire embaucher par une agence publicitaire prestigieuse sacrifie sa vie privée, son sommeil et sa santé. Jusqu'au jour où deux de ses collègues lui font remarquer qu'elle revit toujours la même semaine, du lundi au dimanche. Elle ne s'en est même pas aperçue parce que la vie pour elle se résume à un tunnel de travail dans un bureau qu'elle ne quitte quasiment jamais, même pas pour dormir, pas plus que ses collègues d'ailleurs. Et ses rêves, tous identiques se résument encore et toujours au travail. Une conception du travail très japonaise où il paraît normal de sacrifier ses soirées et ses dimanches et où la mort par excès de travail est une réalité.

Le réveil de la jeune femme, puis des membres de toute l'équipe, un par un ne viendra pas d'une marmotte (ils ne dorment pas assez pour ça ^^) mais d'un pigeon qui chaque lundi vient se fracasser contre leur fenêtre. Une fois qu'ils ont tous pris conscience de la boucle temporelle dans laquelle ils sont enfermés, la question devient "comment en sortir?". Et la jeune femme d'être tiraillée par un dilemme cornélien: utiliser ce temps à rallonge pour produire un travail parfait qui lui permettra de réaliser son objectif professionnel ou se joindre à ses collègues pour enquêter sur les causes de leur infortune et briser la malédiction. La culture du collectif face à l'individualisme en somme. La solution se trouve peut-être entre les planches d'un manga à l'ancienne, c'est à dire dans la nostalgie de l'enfance qui apporte une belle touche de mélancolie à l'ensemble.

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Une famille

Publié le par Rosalie210

Christine Angot (2024)

Une famille

C'est un film brut, radical, qui prend aux tripes. Un film coup de poing qui montre la réalité de l'inceste. Non les faits en eux-mêmes mais ce qui le rend possible et ce qui lui permet de perdurer et de se reproduire dans le temps. Comme le résume parfaitement bien l'avocat de Christine ANGOT, l'inceste n'est pas un secret de famille mais l'affaire de tous. Un cancer social dont on mesure avec effroi les différentes ramifications.

Pendant que je regardais le film, j'ai réalisé pourquoi Christine ANGOT a dû tout au long de sa carrière littéraire ne cesser de dire et de redire sous une forme ou sous une autre ce qui lui était arrivé. J'ai en effet réalisé qu'elle devait avoir entre dix et vingt ans de plus que la génération Metoo: celle de Vanessa Springora, Flavie Flament, Camille Kouchner, Neige Sinno ou encore Judith GODRECHE. Le malheur de Christine ANGOT, c'est d'avoir parlé vingt ans trop tôt, quand personne n'écoutait, personne n'entendait. Bien au contraire, les images d'archives de l'émission de Thierry Ardisson en 1999 où tout le monde se moque d'elle sont aujourd'hui atroces à regarder et de ce point de vue "Une famille" apporte une pierre de plus dans le jardin de ces médias complices de l'horreur qui ne cessent plus d'être interrogés depuis l'affaire Matzneff et la violence des réactions à l'égard de Denise Bombardier, la seule personne a avoir rompu la loi du silence et de la complicité avec le bourreau.

Néanmoins, comme le titre l'indique, c'est avant tout les membres encore en vie de sa famille que Christine ANGOT interroge. Et d'abord sa belle-mère dont elle doit forcer la porte. Une scène d'une brutalité saisissante suivie d'un échange tendu qui laisse bouche bée. Car elle permet de comprendre la violence des émotions de Christine ANGOT face à ce bloc de déni parfaitement policé qu'est sa belle-mère, grande bourgeoise prétendant être de son côté tout en ne cessant de mettre en doute ses propos voire de renverser les rôles, l'accusant d'être violente voire d'avoir séduit son mari. Et la suite où elle porte plainte contre elle montre bien jusqu'où peut aller ce mécanisme pervers d'inversion. Avec sa mère également, les relations ne sont pas simples, même si une deuxième séquence vient nuancer la première qui donne l'impression que celle-ci est coupée de toute empathie. L'inertie de l'ex-mari est explicitée par le fait qu'il est lui-même une ancienne victime et donc, a été incapable de réagir de façon appropriée. On se rend compte à quel point l'inceste tord voire renverse tous les repères. La seule personne qui s'avère capable de remettre les choses à leur juste place est la fille de Christine ANGOT que le combat de sa mère a protégé et qui est solidaire d'elle. On ressort de ce film secoués et admiratifs devant le courage de cette femme pugnace dont la radicalité fait écho à la violence qu'elle a pris presque toute sa vie dans la figure et qui montre aussi la vulnérabilité et la solitude de la petite fille qu'elle fut et qu'elle refuse d'abandonner à son triste sort.

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La Rosière de Pessac

Publié le par Rosalie210

Jean Eustache (1979)

La Rosière de Pessac

Jean EUSTACHE revient à Pessac, son lieu de naissance “avec cette idée que si on filme la même cérémonie qui se déroule sous tous les régimes, toutes les Républiques, on peut filmer le temps qui passe […] je voudrais que les deux films soient montrés ensemble : d’abord celui de 79, ensuite celui de 68. Une façon de dire aux gens : si vous avez envie de savoir comment ça se passait avant, restez, vous allez voir”.

Inversement aux préconisations de Jean EUSTACHE, j'ai regardé son diptyque documentaire dans l'ordre chronologique ce qui est je pense une expérience tout aussi intéressante de confrontation entre la tradition et la modernité, entre la rupture et la continuité. Que l'on remonte le temps ou bien que l'on avance dans les époques, ce qui frappe l'esprit, c'est à la fois l'immuabilité du rituel et de la symbolique qui l'accompagne et les profonds changements économiques, sociaux, sociétaux et urbanistiques entre 1968, date du premier film et 1979, date du deuxième qui ausculte les signes de déclin du monde perpétué au travers de l'élection annuelle de la rosière qui n'a pris fin cependant qu'en 2015*. Jean EUSTACHE ne commente pas, il donne à voir en temps réel un cérémonial à l'oeuvre, allant de l'élection jusqu'à la célébration, sans jugement, dans un esprit proche de celui des frères Lumière.

Le film de 1968 s'inscrit dans une tradition que l'on devine quasi immuable depuis 1896, date de la réactivation d'une coutume du Moyen-Age par un notable local. On pense aux élections de miss de village comme dans "Les Vitelloni" (1953) sauf que ce n'est pas tant la beauté qui est célébrée que la "vertu", la "moralité", le "mérite" s'inscrivant dans le corps d'une jeune fille vierge et si possible pauvre, histoire de combiner moralité et charité. La séparation de l'Eglise et de l'Etat n'est visiblement pas arrivée jusqu'à Pessac, de même que la révolte alors en cours de la jeunesse contre le conservatisme des moeurs. C'est la France rurale "éternelle" célébrée par Pétain pendant la guerre qui se met en scène à travers cette cérémonie, avec ses notables, son curé, ses "dames patronnesses", ses paysans, ses femmes "naturellement" au foyer, ses familles nombreuses. L'heureuse élue est revêtue d'une robe de première communiante, d'une couronne de fleurs, est promenée dans tout le village, assiste à la messe en son honneur puis à une cérémonie à la mairie et est priée de représenter le village durant un an. Elle reçoit également un pécule. Et pour enfoncer le clou de l'immuabilité du rituel, elle remet un présent aux rosières qui l'ont précédé jusqu'à la toute première, née en 1877 et âgée de 91 ans!

Le film de 1979 est un choc (et j'imagine que l'inverse est tout aussi vrai). Le cérémonial est exactement le même avec d'autres acteurs dans les mêmes rôles, la symbolique également. Cependant, l'artifice de l'opération saute aux yeux. Pas seulement parce que la couleur a remplacé le noir et blanc. Mais parce que la ville a remplacé la campagne. Certes, le centre de Pessac n'a pas changé, mais la jeune fille choisie habite à Formanoir, un quartier HLM typique des 30 Glorieuses et qui rend tangible tout d'un coup la proximité de Bordeaux et l'intégration de la commune de Pessac dans une grande métropole. Alors qu'en 1968, la jeune fille devait être issue d'une famille de Pessac, celle de 1979 est originaire de Normandie et illustre l'exode rural, de même qu'il est devenu impossible de confier à un aéropage de femmes de cultivateurs le soin de procéder à l'élection. La fin des paysans se combine à des allusions permanentes à la crise économique et au chômage. Enfin et surtout, Jean EUSTACHE saisit avec une acuité remarquable les propos "off" des membres du jury qui tombent les masques. Entre celui qui se demande pourquoi cela ne pourrait pas être un homme qui serait élu "rosier" et les dames du coin qui se demandent quelle est leur utilité en passant par celle qui raconte qu'elle a été marraine d'une rosière ayant fait une fausse couche trois mois avant être élue, on comprend que si chacun continue à jouer son rôle social dans le jeu du pouvoir local, personne n'est dupe. Ainsi si le film de 1968 a une grande valeur historique et anthropologique, celui de 1979 y ajoute une forte dose de dimension critique.

* Nul doute que s'il avait vécu plus longtemps, il y aurait eu une troisième voire une quatrième rosière de Pessac!

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La Rosière de Pessac

Publié le par Rosalie210

Jean Eustache (1968)

La Rosière de Pessac

Jean EUSTACHE revient à Pessac, son lieu de naissance “avec cette idée que si on filme la même cérémonie qui se déroule sous tous les régimes, toutes les Républiques, on peut filmer le temps qui passe […] je voudrais que les deux films soient montrés ensemble : d’abord celui de 79, ensuite celui de 68. Une façon de dire aux gens : si vous avez envie de savoir comment ça se passait avant, restez, vous allez voir”.

Inversement aux préconisations de Jean EUSTACHE, j'ai regardé son diptyque documentaire dans l'ordre chronologique ce qui est je pense une expérience tout aussi intéressante de confrontation entre la tradition et la modernité, entre la rupture et la continuité. Que l'on remonte le temps ou bien que l'on avance dans les époques, ce qui frappe l'esprit, c'est à la fois l'immuabilité du rituel et de la symbolique qui l'accompagne et les profonds changements économiques, sociaux, sociétaux et urbanistiques entre 1968, date du premier film et 1979, date du deuxième qui ausculte les signes de déclin du monde perpétué au travers de l'élection annuelle de la rosière qui n'a pris fin cependant qu'en 2015*. Jean EUSTACHE ne commente pas, il donne à voir en temps réel un cérémonial à l'oeuvre, allant de l'élection jusqu'à la célébration, sans jugement, dans un esprit proche de celui des frères Lumière.

Le film de 1968 s'inscrit dans une tradition que l'on devine quasi immuable depuis 1896, date de la réactivation d'une coutume du Moyen-Age par un notable local. On pense aux élections de miss de village comme dans "Les Vitelloni" (1953) sauf que ce n'est pas tant la beauté qui est célébrée que la "vertu", la "moralité", le "mérite" s'inscrivant dans le corps d'une jeune fille vierge et si possible pauvre, histoire de combiner moralité et charité. La séparation de l'Eglise et de l'Etat n'est visiblement pas arrivée jusqu'à Pessac, de même que la révolte alors en cours de la jeunesse contre le conservatisme des moeurs. C'est la France rurale "éternelle" célébrée par Pétain pendant la guerre qui se met en scène à travers cette cérémonie, avec ses notables, son curé, ses "dames patronnesses", ses paysans, ses femmes "naturellement" au foyer, ses familles nombreuses. L'heureuse élue est revêtue d'une robe de première communiante, d'une couronne de fleurs, est promenée dans tout le village, assiste à la messe en son honneur puis à une cérémonie à la mairie et est priée de représenter le village durant un an. Elle reçoit également un pécule. Et pour enfoncer le clou de l'immuabilité du rituel, elle remet un présent aux rosières qui l'ont précédé jusqu'à la toute première, née en 1877 et âgée de 91 ans!

Le film de 1979 est un choc (et j'imagine que l'inverse est tout aussi vrai). Le cérémonial est exactement le même avec d'autres acteurs dans les mêmes rôles, la symbolique également. Cependant, l'artifice de l'opération saute aux yeux. Pas seulement parce que la couleur a remplacé le noir et blanc. Mais parce que la ville a remplacé la campagne. Certes, le centre de Pessac n'a pas changé, mais la jeune fille choisie habite à Formanoir, un quartier HLM typique des 30 Glorieuses et qui rend tangible tout d'un coup la proximité de Bordeaux et l'intégration de la commune de Pessac dans une grande métropole. Alors qu'en 1968, la jeune fille devait être issue d'une famille de Pessac, celle de 1979 est originaire de Normandie et illustre l'exode rural, de même qu'il est devenu impossible de confier à un aéropage de femmes de cultivateurs le soin de procéder à l'élection. La fin des paysans se combine à des allusions permanentes à la crise économique et au chômage. Enfin et surtout, Jean EUSTACHE saisit avec une acuité remarquable les propos "off" des membres du jury qui tombent les masques. Entre celui qui se demande pourquoi cela ne pourrait pas être un homme qui serait élu "rosier" et les dames du coin qui se demandent quelle est leur utilité en passant par celle qui raconte qu'elle a été marraine d'une rosière ayant fait une fausse couche trois mois avant être élue, on comprend que si chacun continue à jouer son rôle social dans le jeu du pouvoir local, personne n'est dupe. Ainsi si le film de 1968 a une grande valeur historique et anthropologique, celui de 1979 y ajoute une forte dose de dimension critique.

* Nul doute que s'il avait vécu plus longtemps, il y aurait eu une troisième voire une quatrième rosière de Pessac!

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Austin Powers 2: L'espion qui m'a tirée (Austin Powers, the spy who shagged me)

Publié le par Rosalie210

Jay Roach (1999)

Austin Powers 2: L'espion qui m'a tirée (Austin Powers, the spy who shagged me)

En revoyant ce deuxième opus quasiment à la suite du premier, je n'ai pu m'empêcher de les comparer. J'ai trouvé globalement le personnage d'Austin Powers moins flamboyant, moins drôle, peut-être est-ce dû à l'obsession de la perte de son "mojo" qui revient toutes les trois secondes dans ses dialogues et forme une intrigue pour laquelle on ne se passionne guère. Il y a également un certain nombre de redites, de la femme-robot (également présente dans le troisième volet de la trilogie) à l'agent du docteur D'enfer tentant d'assassiner Austin Powers en boîte de nuit et se prenant un retour de boomerang ainsi que le personnage de Mustafa (Will FERRELL) qui n'en finit plus de commenter sa souffrance hors-champ alors qu'il est censé être plus que mort. Néanmoins, ces réserves ne sont que relatives tant le film est un festival de trouvailles burlesques plus réjouissantes les unes que les autres. Citons entre autre une séquence cartoon du meilleur effet, les références à Star Wars, à Bruce LEE, à Esther Williams et à "Le Dictateur" (1939), le montage jouant sur les synonymes du mot "pénis" dans des scénettes variées elles aussi souvent référencées, un jeu d'ombres chinoises salace très développé et très drôle, la mise en abyme du SLN au travers du Jerry SPRINGER show et l'introduction du génial personnage de Mini-moi. Autre point fort, l'esthétique pop et psychédélique avec entre autre un pastiche des sérigraphies de Andy WARHOL est encore plus travaillée si possible que dans le premier volet qui était déjà bien flashy. Mais ce qui m'a le plus enthousiasmée dans ce deuxième volet, c'est la triple performance de Mike MYERS qui joue Austin, le Dr. D'Enfer et un nouveau personnage, Gras double qui n'est pas sans rappeler le Mr. Creosote des Monty Python dans "Monty Python : Le Sens de la vie" (1982). En effet, dès, "Austin Powers" (1997), les allusions à "Docteur Folamour" (1964) m'avaient sauté aux yeux mais c'est encore plus évident ici où la triple performance de l'acteur rappelle celles de Peter SELLERS dans le film de Stanley KUBRICK (dont "Full Metal Jacket" (1987) fait également l'objet d'un pastiche désopilant).

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