Pas de vagues
Teddy Lussi-Modeste (2024)
Il est décidément dans l'air du temps de sortir des films se déroulant à l'école pour l'utiliser comme un miroir grossissant des dysfonctionnements des sociétés contemporaines, que ce soit au Japon ("L'innocence") (2023), en Allemagne ("La Salle des profs") (2022) ou en France avec "Pas de vagues". Le collège de banlieue, plus précisément de Seine-Saint-Denis étant considéré comme l'épicentre des problèmes, c'est dans l'un d'eux que se déroule le film. Pourtant l'école primaire en concentre aussi beaucoup et les lycées du 93 sont actuellement en grève pour dénoncer la vétusté de nombreux locaux. Le film met par ailleurs en scène un jeune professeur de français, dynamique mais mal formé. Il est d'ailleurs malheureux que cet aspect du problème soit passé sous silence. On ne connaît pas le statut de ce professeur qui s'il est stagiaire ou titulaire est passé par les rangs de l'INSPE (dont les enseignements je l'espère se sont améliorés depuis l'époque des IUFM) mais s'il est contractuel, est directement envoyé au casse-pipe. En tout cas, les conséquences de ses maladresses montrent qu'être professeur est un vrai métier et qu'il n'a pas grand-chose à voir avec animateur, psychologue ou assistante sociale. Encore moins avec démagogue. Chercher à séduire son auditoire pour le captiver est jouer un jeu dangereux, de même que sortir de son rôle pour gratifier ses chouchous de cadeaux en mettant les autres de côté. Le retour de bâton est terrible et à la mesure des erreurs commises, montrant une institution incapable de gérer le problème. La liberté pédagogique, c'est aussi la solitude du prof dans sa classe et elle se paye cher. Mais d'une part l'attitude déplacée du professeur n'est pas assez critiquée dans le film (certes, il est accusé à tort mais il a réellement "déconné"). Et de l'autre, hormis l'attitude fuyante du principal qui veut étouffer l'affaire pour que cela ne nuise pas à sa promotion et la vulnérabilité des établissements face aux agressions, le film manque de réalisme et passe largement à côté des véritables problèmes. Outre le manque structurel de moyens (trop d'élèves par classe, de moins en moins de profs et de personnels pour les encadrer, des fermetures de classes et suppressions de postes, la vétusté de certains locaux vus plus haut etc.), les injonctions contradictoires et impossibles à satisfaire de l'institution face à un public de moins en moins apte à les recevoir font que les professeurs, pris entre le marteau et l'enclume sont tentés de lâcher l'affaire. Et ce mal-être enseignant global n'est pas non plus évoqué. Le film se focalise sur un cas et comme dans "La Salle des profs" (2022), lâche la meute sur lui, en empiétant largement sur sa vie privée ce qui détourne encore plus de la réalité du problème. Le malaise du monde scolaire est collectif comme le montre les mouvements actuels dans le 93 mais ça visiblement, ça n'intéresse pas les cinéastes. Montrer une personne seule contre tous est plus palpitant et répond bien à la culture individualiste contemporaine. Non un établissements ne se réduit pas à 3-4 collègues qui se tirent dans les pattes, à un CPE et à un principal, des solidarités existent, les syndicats aussi. D'ailleurs, de l'aveu même du réalisateur, lorsque cela lui est arrivé, l'ensemble des professeurs se sont mis en grève. Cela n'empêche nullement Francois CIVIL d'être excellent dans le rôle et la scène de fin est même assez inspirée mais le film qui en plus est peu intéressant cinématographiquement parlant est largement à côté de la plaque.