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David Lynch: The Art Life

Publié le par Rosalie210

Jon NGUYEN, Rick BARNES, Olivia NEERGAARD-HOLM (2015)

David Lynch: The Art Life

Les documentaires consacrés aux artistes sont tributaires de la qualité de leur sujet. David LYNCH a un univers créatif tellement riche qu'il est impossible d'en faire le tour en une seule fois. Aussi, comme pour David BOWIE, autre génie protéiforme, il a été nécessaire de définir un angle d'approche. "The Art life" se focalise ainsi sur ses années de jeunesse et de formation où la peinture occupe la première place jusqu'à la réalisation de son premier long-métrage, "Eraserhead" (1976). Il éclaire ainsi un pan méconnu de l'oeuvre de David LYNCH propre à intéresser les fans de l'artiste. Pour les autres, le documentaire risque de leur paraître aride.

Ce qui frappe à la vision de ce documentaire, c'est donc le fait qu'avant d'être un cinéaste, David LYNCH est un plasticien. Reposant sur la voix-off de David LYNCH qui égrène ses souvenirs au fil des archives, inédites pour la plupart, celui-ci est filmé dans l'atelier de sa demeure à Los Angeles avec sa petite dernière Lula qui avait alors environ deux ou trois ans. Pour un réalisateur considéré comme cérébral, David LYNCH apparaît pourtant comme un manuel, travaillant avec ses doigts et des outils différentes textures et différents matériaux afin de composer ses tableaux. Autre élément marquant, l'aspect ascétique et solitaire de son activité. David LYNCH raconte comment son enfance dans les années 50 au coeur de l'American Way of life l'a conduit à vivre dans d'étroits périmètres d'où la folie pouvait jaillir sans crier gare (l'anecdote connue de la femme nue qui hante "Blue Velvet" (1986) mais aussi une autre histoire à propos d'un voisin que David LYNCH ne parvient pas à la raconter mais qui semble avoir un rapport avec l'arbre foudroyé récurrent dans ses oeuvres). Il raconte aussi comment lui est venue sa vocation grâce à la rencontre d'avec deux peintres, Jack Fisk et Bushnell Keeler qui lui a ouvert son atelier. Sa jeunesse, plutôt erratique, c'est aussi le choc de son installation à Philadelphie dans les années 60, une ville alors ravagée par la désindustrialisation, en proie au chômage, à la misère, à la drogue, à la violence, à la décrépitude avec ses friches et ses paysages lunaires post-apocalyptiques en contraste total avec les pavillons pimpants de son enfance. En bref, le terreau sur lequel ont poussé ses courts-métrages et son premier long-métrage "Eraserhead" (1976).

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Deux jours, une nuit

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre et Luc Dardenne (2013)

Deux jours, une nuit

C'est à partir de "Le Gamin au velo" (2010) que j'ai cessé de suivre les films des frères Dardenne, un peu déçue de leur choix d'employer des stars en lieu et place des talents qu'ils ont révélé comme Emilie DEQUENNE, Jeremie RENIER ou mon chouchou, Olivier GOURMET qui fait ici une petite apparition dans le rôle ingrat du contremaître. Et encore, Cecile de FRANCE est belge alors que ce n'est pas le cas de Marion COTILLARD, excellente au demeurant. Mais c'est peut-être le prix à payer pour élargir la portée de leur cinéma engagé. J'ai trouvé qu'il y avait des points communs entre "Deux jours, une nuit" et "La Garconniere" (1960), notamment dans sa critique sociale et le dilemme moral final que doit trancher le personnage face à son patron (en gros choisir entre la réussite sociale ou l'intégrité morale). Mais là où Billy WILDER, juif exilé d'Europe centrale laisse sa culture d'origine subvertir l'idéologie américaine, les frères Dardenne procèdent inversement en convoquant une actrice hollywoodienne (même si d'origine européenne) au coeur de leur cinéma social ancré dans la réalité belge.

Ce n'est en effet pas la seule différence notable avec le film qui les a révélés, "Rosetta" (1999) auquel "Deux jours, une nuit" est souvent comparé. Bien qu'ouvrière, Sandra, le personnage joué par Marion COTILLARD appartient à la classe moyenne avec tous les attributs de "l'American way of life" (maison, voiture, famille) et la mentalité qui va avec: le fait d'avoir quitté le logement social est perçu comme une promotion. C'est peut-être là que "Deux jours, une nuit" touche en plein dans le mille car c'est l'envers de ce rêve qu'ils explorent, l'aliénation qui en résulte. Même avant de savoir qu'elle est licenciée, Sandra est montrée comme fragile, à peine remise d'une dépression (dont les causes ne sont pas expliquées), sortant d'un arrêt-maladie, prompte à se bourrer d'anti-dépresseurs, en difficulté dans son couple, autant de maux propres aux pays occidentaux. La raison officielle qui la pousse à tenter de garder son emploi est liée au remboursement du crédit de la maison. Et les arguments avancés par nombre de ceux qui préfèrent conserver leur prime plutôt que de voter en sa faveur sont du même acabit, avec un vrai "malaise dans la civilisation". Mais tous les travailleurs ne sont pas logés à la même enseigne, les frères Dardenne soulignent plusieurs fractures entre eux, qu'elles soient générationnelles, d'origine ou de statut dans l'entreprise. Autant de différences exploitées par la direction qui a tout intérêt à diviser pour mieux régner. Cette façon de manipuler le personnel pour se défausser de ses responsabilités dans un contexte de mondialisation débridée rappelle le cynisme des nazis qui déléguaient à une police juive dans les ghettos le soin de procéder au tri de leurs propres compatriotes en vue de l'extermination de tous au final. Car le néolibéralisme et le nazisme dont les liens qui ont été remarquablement mis en lumière par le livre de François Emmanuel adapté par Nicolas KLOTZ, "La Question humaine" (2007), notamment le darwinisme social. La phrase finale du livre "je crois qu'il me plaît d'être ainsi relégué aux marges du monde" fait ainsi écho à la phrase de Sandra lorsqu'elle dit qu'elle aimerait être à la place de l'oiseau qui chante. Pour avoir souvent éprouvé ce désir et entendu d'autres personnes l'exprimer sous une forme ou sous une autre (être un chat, un poisson etc.), j'en conclus que si les frères Dardenne n'expliquent pas l'origine de la dépression de Sandra c'est qu'ils espèrent que le spectateur la trouvera par lui-même, dans sa propre vie.

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The Phoenician Scheme

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2025)

The Phoenician Scheme

Déçue par les deux derniers films de Wes ANDERSON dont la sophistication esthétique et scénaristique est devenue inversement proportionnelle à l'émotion qui s'en dégage, j'ai décidé de boycotter son dernier opus au cinéma. J'ai réalisé d'ailleurs que ce n'était pas facile car bien que les retours soient plutôt négatifs, il reste à la mode.

Par rapport à "Asteroid city" (2021), son précédent film épuisant qui partait dans tous les sens, "The Poenician Scheme" m'a semblé plus lisible mais peine à transcender une apparence de luxueuse BD d'aventures sans profondeur ni humanité. N'arrivant pas à me passionner pour la quête de Zsa-Zsa Korda (Benicio DEL TORO) pour combler son gap financier et au passage renouer avec une fille raide comme une bûche je ne me suis jamais autant focalisée sur l'aspect mécanique du jeu des acteurs. Celui-ci atteint un degré extrême avec Mia THREAPLETON (une énième "fille de...", autre signe du repli du secteur sur lui-même) qui semble compter les pas entre chacun de ses déplacements. Mais tous arborent le même visage de cire totalement vidé d'expression qui les rapprochent de poupées ou de marionnettes. Bien sûr cela fait partie du style du réalisateur à la ligne claire proche du cinéma d'animation. On dira d'ailleurs que cette galerie de figurines semblables à des momies s'accorde bien avec un récit à la "Cigares du Pharaon" qui se déroule principalement au Moyen-Orient et multiplie les références à l'Egypte antique. Mais pour avoir revu nombre d'extraits de ses anciens films en allant à l'exposition que lui a consacré la Cinémathèque, il saute aux yeux qu'il fût un temps où Wes ANDERSON laissait plus de liberté et de fantaisie à ses acteurs, que ce soit le panache dérisoire de Ralph FIENNES face à la barbarie nazie ou les yeux pétillants de malice de l'attachant filou joué par le regretté Gene HACKMAN.

Tout cela est complètement absent de "Phoenician Scheme" dont le dessèchement s'étend jusqu'aux plans de maïs dans lequel vient s'écraser l'avion du richissime industriel (une référence à "La Mort aux trousses"?) (1959). C'est d'ailleurs peut-être là qu'est son intérêt: entre une apparence de livre d'images enfantines et un soubassement mortifère, Zsa-Zsa Korda étant un véritable "trompe-la-mort" qui semble lancé dans un mano à mano avec Dieu (comme le suggère le générique filmé en plongée et toutes les scènes bibliques représentées avec une imagerie naïve en noir et blanc) sans doute pour réparer sa vie vide de sens. Pas sûr au vu du résultat que cela soit suffisant (tant pour sa vie que pour le film). Très belle partition de Alexandre DESPLAT et bonheur de retrouver la photographie de Bruno DELBONNEL (l'un de mes chefs opérateurs préférés).

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Confusion chez Confucius (Du li shi dai)

Publié le par Rosalie210

Edward Yang (1994)

Confusion chez Confucius (Du li shi dai)

Après avoir vu "Mahjong" (1996), j'ai enchaîné le lendemain avec son cousin "Confusion chez Confucius" (1994) du réalisateur taïwanais Edward YANG lui aussi inédit en France. Une sortie nationale est prévue pour ces deux films le 16 juillet en version restaurée suivie le 6 août de la ressortie de son dernier film, celui qui l'a révélé en France suite à son prix de la mise en scène à Cannes, "Yi yi" (2000) également en version restaurée.

Edward YANG est décédé prématurément d'un cancer en 2007 ce qui explique qu'il n'a pu réaliser qu'une poignée de longs-métrages. Il est l'un des chefs de file de la nouvelle vague du cinéma taïwanais, survenue au début des années 80 alors que Taïwan comme les autres dragons asiatiques était en plein boom économique et s'apprêtait à basculer de la dictature à la démocratie à partir de 1987. Ses films se caractérisent par leur absence d'exotisme, leur caractère de théâtre urbain et leur structure narrative complexe, faite de multiples récits et personnages entremêlés sans que pour autant le spectateur ne s'y perde.

Il n'en va pas de même des personnages de "Confusion chez Confucius" qui comme le titre l'indique, nagent en pleine confusion entre traditions chinoises et modernité occidentale. A la manière d'une BD faite de scénettes sitcom (Edward YANG se projette dans un personnage d'écrivain un peu geek qui arbore un T-Shirt Astro en hommage à Osamu TEZUKA qu'il admire) et avec des cadrages compartimentés à la Michelangelo ANTONIONI (un mélange culturel que personnellement je trouve savoureux), le film est une satire du boom économique taïwanais et des troubles identitaires qu'il engendre au sein de sa jeunesse "dorée". Outre la dichotomie orient/occident omniprésente dans la sphère économique (publicitaires et artistes en quête de notoriété contre écrivain misanthrope), dans celle des valeurs (femmes d'affaires émancipées contre mariages arrangés) et celle de la culture avec Qiqi qui arbore une coiffure et une allure la faisant ressembler à l'Audrey HEPBURN de "Vacances romaines" (1953) alors que d'autres comme Birdy ressemblent à des geek japonais, il existe un clivage plus subtil à nos yeux entre les personnages d'origine taïwanaise et ceux d'origine chinoise qui s'expriment en mandarin. Le film est une sorte de farandole montrant différentes combinaisons possibles et finalement souvent impossibles entre des personnages instables qui ne cessent de tout remettre en question tant ils ne sont sûr de rien. Car contrairement à ce que disait Confucius, l'argent ne permet pas de mieux vivre parce qu'il corrompt les relations humaines. Cela n'empêche pas quelques beaux moments, notamment une magnifique scène filmée à contre-jour entre Molly la chef d'entreprise de publicités et son assistante Qiqi qui laisse poindre un sentiment sincère.

Malgré toutes ces qualités, "Mahjong" qui se situe dans la même veine m'a paru infiniment plus abouti car plus approfondi dans son approche des personnages et plus humaniste alors que la caricature domine dans "Confusion chez Confucius" ce qui peut parfois donner l'impression d'une frénésie qui tourne à vide.

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Insomnia

Publié le par Rosalie210

Erik Skjoldbjaerg (1996)

Insomnia

Arte a la bonne idée de diffuser la version originale de "Insomnia" dont Christopher NOLAN a fait un remake quelques années plus tard avec Al PACINO et Robin WILLIAMS. Le film norvégien m'a toutefois semblé légèrement supérieur. Cela tient à une sécheresse de trait qui certes limite l'amplitude de l'oeuvre mais qui dessine bien mieux les contours du flic antipathique joué par Stellan SKARSGARD que chez Christopher NOLAN. Et ils font froid dans le dos, à l'image d'une atmosphère glaciale et glauque. Avec son visage d'une minéralité indéchiffrable peu à peu défait par les nuits sans sommeil, Jonas instaure un malaise qui se creuse un peu plus à chaque séquence au fil de ses agissements erratiques au point que l'on finit par oublier qu'il s'agit d'un flic. Dans un tel cadre, le brouillard comme la lumière aveuglante prennent un sens particulier. Le brouillard symbolise la perte des repères qui atteint son maximum quand Jonas tue "par erreur" son collègue. La lumière aveuglante, c'est celle de sa conscience qui refuse de lui laisser le moindre repos, chaque tentative pour l'occulter se soldant par un échec. Ce sont peut-être aussi ses pulsions sexuelles inassouvies qui le tourmentent, au vu de son attitude face aux jeunes hommes et aux jeunes femmes qui croisent sa route. Quand à ses réactions face aux animaux, un moyen souvent utilisé comme sérum de vérité au cinéma, il glace le sang. Bref Jonas apparaît de plus en plus comme le grand malade de l'histoire, voire un psychopathe au point d'éclipser complètement le personnage de l'écrivain qui certes, n'est peut-être qu'une projection de lui-même mais qui manque singulièrement de charisme.

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Mahjong (Ma jiang)

Publié le par Rosalie210

Edward Yang (1996)

Mahjong (Ma jiang)

Première immersion dans la filmographie du réalisateur taïwanais Edward YANG par le biais de la Cinémathèque avec ce splendide film resté jusqu'ici inédit en France. Bonne nouvelle, comme "Confusion chez Confucius" (1994), lui aussi inédit, une sortie nationale est prévue pour le 16 juillet en version restaurée suivie le 6 août de la ressortie de son dernier film, celui qui l'a révélé en France suite à son prix de la mise en scène à Cannes, "Yi yi" (2000), lui aussi en version restaurée.

Edward YANG, décédé prématurément d'un cancer en 2007 ce qui explique qu'il n'a pu réaliser qu'une poignée de longs-métrages est l'un des chefs de file de la nouvelle vague du cinéma taïwanais, survenue au début des années 80 alors que Taïwan comme les autres dragons asiatiques était en plein boom économique et s'apprêtait à basculer de la dictature à la démocratie à partir de 1987. Ses films se caractérisent par leur absence d'exotisme, leur caractère de théâtre urbain et leur structure narrative complexe, faite de multiples récits et personnages entremêlés sans que pour autant le spectateur ne s'y perde. "Mahjong" est d'ailleurs un titre qui annonce tout à fait la tonalité de ses films. Le jeu fondé sur le principe de combinaisons multiples entre éléments différenciés est utilisé de façon métaphorique pour désigner les nombreux personnages, la complexité identitaire de Taïwan entre traditions chinoises dévoyées et américanisation bling-bling et le mélange des genres, "Mahjong" étant à la fois un film de gangsters et une désopilante comédie burlesque.

"Mahjong" qui se déroule à Tapei se focalise sur un gang de jeunes et la faune internationale qui gravite autour d'eux, appâtée par les opportunités d'enrichissement facile liées au boom économique de Taïwan. Tout ce petit monde se retrouve pour une scène d'exposition magistrale au "Hard Rock Café" après une très belle scène nocturne électrisante en voiture. Au centre du récit, une française, Marthe (jouée par Virginie LEDOYEN qui avait alors environ une vingtaine d'années et qui a expliqué lors de la présentation du film à la Cinémathèque comment elle avait rencontré Edward YANG, séquence que l'on peut voir sur Youtube) qui se retrouve ballotée durant tout le récit entre d'un côté un destin confortable auprès de ses congénères parvenus et un autre plus rock and roll mais tout aussi vénal au contact de jeunes taïwanais privés de repères essayant de se frayer un chemin dans la frénésie capitaliste de Taipei. Le portrait du chef de bande, Red Fish est particulièrement fouillé et apparaît aussi comme une victime de parents compromis jusqu'au cou dans le système (un père endetté et recherché qui se cache, une mère ayant prospéré sur la corruption initiée par le père). Dévoyant émotions et valeurs, la marchandisation des corps au coeur du film selon la règle tacite que tout le monde est à tout le monde et la fausse croyance selon laquelle tout s'achète et tout se vend se transforme en ronde complètement dingue qui fait beaucoup pour l'aspect comique du film, même si celui-ci est fondamentalement sombre. Sombre mais jamais caricatural. Derrière cette frénésie de panier de crabes, les émotions affleurent quand même. Le père dépressif de Red Fish trouve l'apaisement mais est renié par son fils ce qui les condamne tous deux alors que Marthe, contrairement à son homologue chinoise échappe aux tourbillons qui cherchent à l'aspirer, avançant en funambule le long d'une ligne de crête avec comme guide le seul membre non corrompu de la bande à Red Fish.

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Vortex

Publié le par Rosalie210

Gaspar Noé (2021)

Vortex

Les films sur la fin de vie se multiplient ces dernières années. Pas seulement parce que le sujet dans nos sociétés vieillissantes est sensible. Mais aussi parce que parler de la mort c'est parler du cinéma. Un art qui filme "la mort au travail" disait Jean-Luc GODARD, un "cimetière" pour reprendre l'expression de David CRONENBERG. De fait, il est impossible de regarder "Vortex" sans penser à "Amour" (2012) avec son couple d'intellectuels pris dans les affres du naufrage de la vieillesse interprété par deux acteurs français légendaires de la nouvelle vague eux-mêmes dans les dernières années de leur vie (Jean-Louis TRINTIGNANT et Emmanuelle RIVA) et à "The Father" (2019) pour l'immersion sensorielle dans le cerveau d'un vieil homme atteint de la maladie d'Alzheimer, interprété par l'immense Anthony HOPKINS, le tout dans le huis-clos d'un appartement.

Si "Vortex" s'inscrit clairement dans le sillage des deux films cités plus haut, il apporte aussi sa petite musique personnelle, la signature Gaspar NOE. Le titre déjà, "Vortex" évoque le tourbillon du temps aspirant les êtres dans le trou noir du néant. Il y a aussi l'idée de dédoublement à l'oeuvre dans tout le film. L'aspect méta tout d'abord qui existe aussi chez Michael HANEKE mais qui est beaucoup plus explicite chez Gaspar NOE. Les personnages n'ont pas de nom alors que les acteurs et actrices apparaissent au générique avec leur date de naissance sur fond de muraille ce qui évoque une plaque funéraire dédiée à des genres et mouvements du cinéma révolus: la nouvelle vague avec Francoise LEBRUN (peu importe que Jean EUSTACHE se situe à la marge de ce courant, l'actrice de "La Maman et la putain (1973) a fini par acquérir un statut aussi iconique que Jean-Pierre LEAUD) et le giallo italien avec Dario ARGENTO. L'appartement lui-même, véritable capharnaüm labyrinthique contient la mémoire du cinéma du XX° siècle. L'autre dédoublement à l'oeuvre dans le film, c'est le dispositif du split screen qui ici se justifie pleinement. Evocateurs de casiers funéraires avant qu'ils ne viennent surcadrer l'image, cette démarcation qui s'installe nous montre la désyncronisation d'un couple formé en réalité de deux solitudes étanches. Si l'isolement est l'un des problèmes majeurs de la fin de vie, la maladie qui frappe la psychiatre à la retraite jouée par Francoise LEBRUN est révélatrice du dysfonctionnement de son couple. Alors qu'on la voit en temps réel sombrer dans la confusion et se perdre dans l'espace, son mari ne se préoccupe guère d'elle, sauf quand elle vient le déranger dans son travail de rédaction d'un énième livre sur le cinéma ou dans ses amours, l'homme ayant une relation extraconjugale au sein du cercle qu'il fréquente. D'une certaine manière, ce sont les faux-semblants conjugaux et familiaux que Gaspar NOE ausculte avec le fils dépassé (Alex LUTZ) et englué dans des problèmes d'addiction l'empêchant d'avoir prise sur ses proches. Une dissonance familiale qui atteint un "climax" avec la scène dans laquelle Kiki entrechoque bruyamment et répétitivement ses petites voitures, creusant la souffrance psychique de la mère sans pour autant que le fils ne parvienne à arrêter le bruit sous le regard indifférent du père qui semble plus que jamais absent. Lui aussi est donc condamné à mourir seul.

Même si quelques effets tournoyants sont de trop dans le film, celui-ci s'avère donc plutôt sobre et réfléchi dans sa démarche. La fin est particulièrement puissante montrant à travers des photographies comme autant de "fenêtres témoin" comment la mort fait le vide et comment le temps efface les traces, rendant dérisoire le fait de s'accrocher aux objets du passé: tout finira emporté comme le chante avec nostalgie Francoise HARDY.

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A Bicyclette

Publié le par Rosalie210

Mathias Mlekuz (2025)

A Bicyclette

"A Bicyclette" est un docu-fiction plus docu que fiction d'ailleurs, en tout cas en ce qui me concerne, je n'y ai jamais cru, à la fiction. Empruntant au genre du road-movie, le film suit deux compères, le réalisateur et son ami acteur quittant leur port pour effectuer une traversée de l'Europe sur les traces du fils décédé de l'un d'eux un an plus tôt. La bicyclette du titre est plus symbolique que réelle: les deux hommes ont un certain âge, ne sont pas sportifs, l'un d'eux est en surpoids, l'autre boit et fume beaucoup. On ne sera donc pas surpris de voir des trajets en bus et en stop s'intercalant entre des passages où ils roulent sur des routes voire des chemins de campagne, sans hommes ni habitations, ou presque. Entre les étapes, des Eglises (pour se recueillir), des écoles (pour donner des petits spectacles de clown en hommage au défunt qui en avait fait sa profession) et des discussions au coin du feu ou au bord d'une rivière. Tout cela est assez mou du genou, redondant et plat. De façon paradoxale, Mathias MLEKUZ pleure beaucoup devant la caméra mais ne nous donne pas accès à son intériorité, pas plus qu'à celle de son fils disparu qui reste un parfait inconnu. Le spectateur se sent pris en otage par un dispositif voyeuriste et exhibitionniste qui ne semble pas avoir été assez réfléchi, ni construit. Paradoxalement encore, la volonté manifeste (tout est "manifeste" dans ce film) de spontanéité sonne faux, artificiel. On est typiquement face à un film de double contrainte "soyons spontanés" pour que vous "soyez émus". Ces injonctions, repérables dans d'autres films documentaires ou "docu-fictionnels" de parents d'enfants ne pouvant s'exprimer à la fois narcissiques et dégoulinants de pathos ("La Guerre est declaree" (2010), "Penelope mon amour") (2021) me donnent envie de fuir.

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L'Accident de piano

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2025)

L'Accident de piano

Avec "L'Accident de piano", Quentin DUPIEUX montre pour ceux qui en doutaient encore qu'il ne fait pas du cinéma pour plaisanter. Il réussit un instantané saisissant et d'une noirceur extrême de l'impasse existentielle dans laquelle notre monde s'est fourré. Le réchauffement climatique devient dans son film un froid polaire et dans le petit microcosme pourri par le fric et le buzz qu'il nous dépeint, il n'y a rien à sauver.

Magalie (jouée par une Adele EXARCHOPOULOS complètement givrée telle qu'elle sait l'être chez Quentin DUPIEUX) surnommée "Magaloche" par ses fans est influenceuse sur les réseaux sociaux. Elle a trouvé le bon filon pour exciter les basses pulsions de son public en réalisant de petites vidéos d'elle-même en train de soumettre son corps à toutes les tortures possibles et inimaginables. Masochiste "Magaloche"? Oui et non: insensible surtout et de ce fait, coupé de son environnement. Comme d'autres protagonistes de Quentin DUPIEUX, Magalie est une sociopathe enfermée dans une solitude absolue et dans une logique de radicalisation autodestructrice. La scène centrale de son interview avec une journaliste (Sandrine KIBERLAIN) qui a forcé le passage pour décrocher un scoop lui est rapidement insupportable. Le spectateur qui voit d'abord en elle une teigne absolument odieuse, méprisante, blasée, moqueuse et injurieuse réalise peu à peu que tout ce qu'elle a dit à la journaliste en mode "je rigole" est vrai (jouer sur l'illusion et le réel est une spécialité de Quentin DUPIEUX) tout comme son refus de répondre est lourd de sens. Aussi lourd que le fameux piano qui s'abat sur elle. L'écriture de "L'Accident de piano" est en effet d'une précision chirurgicale. Tout ce qui est dit ou montré a son importance. Par-delà le cas de Magalie qui croule sous un fric qu'elle a gagné sur du vide et donc qu'elle méprise comme le reste, c'est tout une galerie de dégénérés qui passe sous nos yeux: la journaliste sans scrupules, l'assistant souffre-douleur qui court après l'argent et fuit femme et enfants (Jerome COMMANDEUR dans un rôle qui rappelle par certains aspects celui de Jean DUJARDIN dans "Le Daim" (2019) bien que ce dernier ait également des traits de "Magaloche"), le fan décérébré (Karim LEKLOU, excellent en crétin des Alpes). Vraiment très très noir.

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Central do Brasil

Publié le par Rosalie210

Walter Salles (1998)

Central do Brasil

J'ai profité de son passage sur Arte pour regarder "Central do Brasil" dont j'avais beaucoup entendu parler depuis que j'ai découvert Walter SALLES avec le remarquable "Je suis toujours la" (2023). Je suis plus mitigée sur "Central do Brasil" en dépit de la ribambelle de prix prestigieux qu'il a reçu. Peut-être que j'en attendais trop. Je l'ai trouvé en fait inégal. Ce que j'ai préféré, c'est la seconde partie, plus fluide et plus ample narrativement que la première qui se calque sur la valse-hésitation de Dora, une ex-institutrice à la retraite amorale qui se retrouve brutalement avec un gamin sur les bras dont elle ne sait que faire. Je me dis que ce gamin, c'est sa conscience qu'elle a laissé au vestiaire ou plutôt dans le tiroir à l'image des lettres qu'elle écrit pour de pauvres gens illettrés mais n'envoie pas quand elle ne les déchire pas. Dans cette première partie, le récit patine, se répète, bref je l'ai trouvé laborieux. Quand Dora et Josué prennent la route, le récit s'ouvre, laisse entrer les émotions et parallèlement radiographie de façon remarquable la société brésilienne avec quelques passages saisissants (la scène du pèlerinage et plus généralement le poids de la religion dans la société qui marque autant que sa violence). La fin est cependant en deçà de ce que l'on pouvait espérer et n'arrive pas à la hauteur du film auquel "Central do Brasil" fait immanquablement penser, "Gloria" (1980).

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