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Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Publié le par Rosalie210

Robert Siodmak, Edgar George Ulmer (1930)

Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Voilà un film qui sidère par sa pépinière de talents, son avant-gardisme autant que par sa restitution documentaire du Berlin de la République de Weimar. D'un côté un monde disparu, de l'autre un monde qui n'est pas encore né. Le tout imaginé par un groupe de jeunes artistes débutants de la Mitteleuropa, juifs pour la plupart et devenus célèbres une fois passés de l'autre côté de l'Atlantique: Robert SIODMAK et son frère Curt SIODMAK, Edgar G. ULMER, Billy WILDER et enfin Fred ZINNEMANN. "Les hommes, le dimanche" est considéré comme le premier film indépendant de l'histoire, le précurseur des cinémas néo-réalistes et nouvelle vague en Italie, en France, aux USA. Notamment par le tournage en décors naturels, avec des non-professionnels, entre documentaire et fiction. C'est le reflet de petits moyens budgétaires (le film est muet alors que le cinéma parlant existait déjà depuis quelques mois) mais pas seulement. La scène où Erwin et Annie déchirent des photos de stars glamour (parmi lesquelles Greta GARBO et Marlene DIETRICH) a la même valeur iconoclaste que l'article de Francois TRUFFAUT dans les Cahiers du cinéma intitulé "Une certaine tendance du cinéma français".

Sorti en 1930, le film a été tourné en 1929, juste avant que la crise économique ne frappe l'Allemagne. On y voit donc un Berlin années folles en pleine effervescence artistique, jeune, actif et prospère où converge la jeunesse bohème. A l'image du groupe situé derrière la caméra, le film suit cinq jeunes gens et jeunes filles situés en marge du monde du spectacle (une figurante, une mannequin, une vendeuse de disques, un chauffeur de taxi et un colporteur ayant expérimenté divers emplois dont gigolo, métier rappelons-le alors pratiqué par Billy WILDER dans les grands hôtels berlinois sous le titre de "danseur mondain" en alternance avec ses activités de journaliste). A l'exception d'Annie la mannequin neurasthénique qui se morfond dans sa mansarde, tout ce petit monde profite de son dimanche pour partir pique-niquer et se baigner dans la banlieue de Berlin, au bord du lac du grand Wannsee. On fait alors un bond dans le futur car si l'on fait abstraction du gramophone en lieu et place du transistor, du walkman ou du MP3 sur la plage, on se croirait catapulté dans "Conte d'ete" (1996) de Eric ROHMER ou dans "Les Roseaux sauvages" (1994) de Andre TECHINE. A l'exception d'Erwin qui est marié à Annie et reste à l'écart, ça marivaude à qui mieux mieux dans l'eau et dans les bois entre le beau Wolf (l'ex-gigolo) et les deux amies, Brigitte et Christl, la blonde et la brune, toutes deux d'une beauté juvénile très moderne avec leurs coupes à la garçonne et filmées de très près. La première des deux a un visage qui se situe quelque part entre Jean SEBERG et Scarlett JOHANSSON et est complètement fascinante. Tout cela respire la fraîcheur et la liberté, même si ce n'est qu'une parenthèse, assombrie par le retour du quotidien, de la mansarde et de son occupante dépressive et par le fait que nous savons que ce monde est au bord du gouffre.

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Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Publié le par Rosalie210

Clara Kuperberg, Julia Kuperberg (2016)

Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Quatrième documentaire des soeurs Clara KUPERBERG et Julia KUPERBERG que je découvre (après ceux consacrés à Anthony HOPKINS, Ida LUPINO et Jack LEMMON), c'est aussi celui qui m'a le moins convaincu. La raison en est simple: contrairement aux autres, elles ne sont pas parvenue à capturer l'essence de l'immense réalisateur qu'était Billy WILDER. La faute d'abord à un déséquilibre patent dans la construction du documentaire. Les soeurs ont choisi de privilégier la première partie de sa carrière hollywoodienne à la Paramount (jusqu'à "Sabrina") (1954) au détriment de la deuxième, à son propre compte et beaucoup plus personnelle (elle correspond à sa collaboration avec I.A.L. DIAMOND et Jack LEMMON). Elles ne consacrent donc que quelques minutes aux chefs-d'oeuvre que sont "Ariane" (1957), "Certains l aiment chaud" (1959) et la "La Garçonnière" (1960). Quant aux pépites méconnues de la fin de sa carrière (elles aussi intimistes), elles sont passées sous silence sauf "Fedora" (1978) en raison de ses liens avec "Boulevard du crépuscule" (1949). Ce n'est d'ailleurs pas la seule lacune dans l'évocation de sa filmographie puisque "Uniformes et jupon court" (1942) est présenté comme son premier film alors que c'est inexact: il s'agit de son premier film hollywoodien mais il avait réalisé lors de son passage en France après avoir fui le nazisme un premier film en 1934, "Mauvaise graine" (1934) avec Danielle DARRIEUX. Visiblement, ce qui a le plus intéressé les soeurs Kuperberg, c'est la relation que Billy Wilder entretenait avec le cinéma hollywoodien, la façon dont il s'est approprié le film noir, a contourné le code Hays ou a montré l'envers de l'usine à rêves. Pour un portrait plus approfondi de l'homme et de l'artiste, mieux vaut se plonger dans le "Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe.

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Boule de feu (Ball of fire)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1941)

Boule de feu (Ball of fire)

J'avais envie depuis très longtemps de voir "Boule de feu" réalisé par Howard Hawks avec Billy Wilder au scénario, celui-ci n'ayant alors pas encore commencé sa propre carrière de réalisateur à Hollywood. Hélas le film est difficilement visible car non édité en DVD zone 2. Cela fait partie de ces aberrations d'édition des films de grands réalisateurs hollywoodiens en France, comme pour "Le gouffre aux chimères"... de Billy Wilder.

Avec "Boule de feu" on a donc deux cinéastes pour le prix d'un (même si le second n'avait alors réalisé qu'un seul film, en France ). On y reconnaît le genre de prédilection de Howard Hawks, la screwball comédie entre un professeur linguiste coincé genre grand dadais naïf, type de personnage dans lequel Gary Cooper excelle (il prolonge ses rôles chez Capra, en particulier Longfellow Deeds) et la gouailleuse et sexy Barbara Stanwyck en danseuse de cabaret gravitant dans l'orbite d'un groupe de gangsters et maniant l'argot avec beaucoup de pétulance. Deux mondes aussi opposés que possible qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Mais au cinéma tout est possible et c'est bien la magie de cette rencontre qui en fait tout le sel avec pour anges gardiens les sept autres professeurs assimilés aux sept nains du conte des frères Grimm. Sugarpuss (surnom évocateur et qui fait penser à la future Sugar de "Certains l'aiment chaud") est cette boule de feu projetée dans la tour d'ivoire poussiéreuse des huit têtes pensantes pour le transformer en "dancefloor" et titiller les hormones du plus jeune, le professeur Potts qui sonne comme "empoté". Il faut dire qu'il était temps qu'elle arrive pour éclairer leur lanterne puisque dans leur travail de rédaction encyclopédique, ils bloquaient à la lettre S comme Slang (argot) mais aussi comme Sex. La découverte de l'amour par ces deux-là a quelque chose de magique et on est pas près d'oublier cette scène nocturne dans lequel Bertram se trompe de chambre et parle sans le savoir à une Sugarpuss plongée dans la pénombre dont on ne voit que le regard embué avant que cela ne se termine dans une étreinte passionnée en ombre chinoise. Délicieux, tendre, rythmé, remarquablement dialogué et interprété, ce film est un régal de tous les instants.

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Mauvaise Graine

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder et Alexandre Esway (1934)

Mauvaise Graine

"Mauvaise graine" est le premier film réalisé par Billy Wilder en 1934 (épaulé par le hongrois Alexandre Esway) pendant son escale en France. Comme beaucoup d'autres cinéastes, scénaristes et techniciens allemands d'origine juive, il avait fui la nazisme et souhaitait émigrer aux USA. En attendant d'obtenir le feu vert, il eut le temps de réaliser cette première œuvre dont il co-écrivit également le scénario. La fin du film fait clairement allusion à sa situation personnelle.


Compte tenu des conditions difficiles de l'époque et même peut-être à cause d'elles, "Mauvaise graine" apparaît comme un film inabouti, brouillon mais également avant-gardiste et prometteur. Centré sur la jeunesse délinquante et tourné en décors naturels avec des techniciens juchés sur un camion suivant les comédiens, le film est immersif, extrêmement bien rythmé et offre un important aspect documentaire. On reconnaît les immeubles haussmanniens du centre de Paris, les bois de Vincennes et de Boulogne, on assiste à l'essor des sports nautiques avec la scène tournée sur la plage artificielle de L'Isle Adam. Le culte du risque et de la vitesse et le rejet (ou l'absence) des parents fait penser à "La Fureur de vivre" alors que les conditions de tournage donnent un sentiment de liberté qui préfigure la Nouvelle Vague. Les scènes de course-poursuite sont très belles, très immersives ("Drive" de Winding Refn n'a rien inventé). Quant à l'interprétation, on appréciera l'ironie de l'histoire. Lorsque Jean-La-Cravate (Raymond Galle) présente sa bande à Henri Pasquier (Pierre Mingand) il lui dit avec un sexisme totalement décomplexé "nous sommes onze, enfin dix et demi… il y a une femme". Or c'est cette femme qui sort du lot parce qu'elle est moderne, naturelle et photogénique à la fois. Rien de plus normal puisqu'elle est jouée par Danielle Darrieux alors adolescente (c'était déjà son sixième film) qui deviendra rapidement une star.

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Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1981)

Victor la Gaffe (Buddy Buddy)

"Buddy Buddy" sorti en France directement en VHS sans passer par la case cinéma sous le titre "Victor la Gaffe" est un nanar théâtral à grosses ficelles joué par des acteurs vieillissants qui ont du mal à placer une jambe devant l'autre. Il est dommage que Billy Wilder ait terminé sa carrière sur un film aussi médiocre mais en même temps celui-ci confirme à quel point il n'était plus en phase avec l'époque.

Paradoxalement ce n'est pas la censure ou l'oppression qui est la plus nuisible à la création mais le vide des valeurs. Wilder avait besoin de l'hypocrisie des moeurs bourgeoises conservatrices pour exprimer son talent. Celles-ci ayant été pulvérisées par la révolution sexuelle des années 70, Wilder s'est retrouvé privé de son punching-ball préféré et incapable d'envisager le sujet autrement. Son incapacité à changer de logiciel fait sombrer "Buddy Buddy" dans le ridicule et la lourdeur, notamment vis à vis de tout ce qui concerne la clinique de sexologie dirigée par le docteur Zuckerbrot (Klaus Kinski, grand-guignolesque). L'éveil à la sexualité est considéré comme quelque chose d'exotique, relevant de bonnes femmes hystériques, de pervers ou d'illuminés.

"Buddy Buddy" sent donc un peu la naphtaline ou le beurre rance (voire le sapin) et ce ne sont pas les acteurs qui vont relever le niveau. Pour la troisième et dernière fois, Wilder réunit Walter Matthau et Jack Lemmon qui ont du savoir-faire mais ne sont plus de la première jeunesse eux non plus. Ils font donc du Walter Matthau et du Jack Lemmon, le premier ronchonnant à qui mieux mieux et le second multipliant les gaffes. Quant à Paula Prentiss qui joue la femme de Lemmon elle était mieux employée chez Howard Hawks dans la screwball comedie "Le sport favori de l'homme".

Remake de "L'emmerdeur" d'Edouard Molinaro qui avait eu un certain succès aux Etats-Unis (on reconnaît d'ailleurs la patte de Francis Veber qui est l'auteur de la pièce d'origine et du scénario), "Buddy Buddy" est un film de commande tout à fait dispensable. Billy Wilder était d'ailleurs le premier à le renier. La plupart des critiques préfèrent à juste titre considérer que la carrière de Billy Wilder s'achève sur "Fedora", son testament cinématographique.

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L'Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit Of St. Louis)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1957)

L'Odyssée de Charles Lindbergh (The Spirit Of St. Louis)

"L'Odyssée de Charles Lindbergh" réalisé en 1957 est un des films invisibles de Billy Wilder. Peu connu et peu projeté depuis sa sortie, le DVD ne semble jamais avoir été édité en France (il existe cependant une version anglaise multizone avec la VF et la VOST).

La principale raison de ce désamour est le manque de personnalité du film. Impossible de voir à l'œil nu qu'il s'agit d'un Billy Wilder. Il s'agit plutôt d'un film de studio et de prestige, réalisé en Scope et en Warnercolor. Et pour cause, c'est un film de commande (je dirais même de propagande) à la gloire de l'exploit réalisé en 1927 par Charles Lindbergh lorsqu'il traversa d'une seule traite la distance séparant New-York de l'aéroport du Bourget à Paris à bord de son "Spirit of St-Louis". L'aviateur qui avait tout pouvoir sur le film et était un maniaque du contrôle avait exigé qu'il soit entièrement consacré à cet épisode héroïque si éloigné de l'esprit Wilder. Pas question d'égratigner son image immaculée auprès du public. Très ironique comme toujours, Wilder n'avait pas hésité à le taquiner à ce sujet. Un jour qu'ils effectuaient un vol agité, Wilder lui avait dit "Charles, ça serait drôle, non, si cet avion s'écrasait maintenant, vous voyez d'ici les manchettes des journaux, Lucky Lindy s'écrase avec un ami juif!" (Lindbergh était connu pour son antisémitisme et ses sympathies pro-nazies).

La Wilder's touch se réduit à la portion congrue dans le film, cependant elle existe. L'événement est traité de façon journalistique (l'ancien métier de Wilder), il nous est présenté en temps quasi réel comme une retransmission. L'accent est mis sur l'obstination du héros littéralement obsédé par cette course (et la peur de se faire doubler par ses concurrents) au point d'en perdre le sommeil et de prendre de gros risques. A l'intérieur du cockpit où est confiné Lindbergh pendant 33 heures, Wilder apporte des touches de réalisme documentaire bienvenue en plus de flashbacks rythmant la progression dramatique. On le voit lutter contre le sommeil, contre la peur, contre la solitude, contre le givre qui recouvre son appareil. James Stewart sur qui repose le film est parfait pour le rôle même s'il a 20 ans de trop. D'abord parce qu'il est un ancien pilote de guerre, ensuite parce qu'il incarne parfaitement le héros américain, patriote et valeureux homme d'action.

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Le Gouffre aux chimères (Ace in the Hole)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1951)

Le Gouffre aux chimères (Ace in the Hole)

Si vous croyez que le cirque médiatique, la télé-réalité exploitant les plus bas instincts de la nature humaine, la presse de caniveau faisant ses choux gras de la misère d'autrui ("une bonne nouvelle ce n'est pas une nouvelle") la diffamation et les fake news sont une nouveauté détrompez-vous. Le Gouffre aux chimères réalisé en 1951 par Billy Wilder en fait la démonstration éclatante.

Le film n'est pas une comédie, c'est une farce macabre, une satire grinçante et très sombre de la société américaine au temps des 30 glorieuses. Pas d'hommes dans ce désert du nouveau Mexique mais une chasse aux "crotales" et la montagne des sept "Vautours". Les crotales et les vautours se bousculent en effet pour alimenter ce "Grand carnaval" (titre alternatif du film). Le premier est le "héros" bien involontaire de cette mascarade, Léo Minosa, un pilleur de tombes indiennes situées dans une montagne sacrée qui à la suite d'un éboulement (une vengeance divine?) se retrouve coincé au fond d'un trou. Il accepte de se prêter naïvement au "jeu" sans le comprendre, le personnage se caractérisant autant par sa stupidité que par sa cupidité. Le deuxième est un journaliste local arriviste et suffisant qui ronge son frein depuis un an à Albuquerque, Charles Tatum (Kirk Douglas). Il voit dans cet événement tragique une occasion inespérée de redorer son CV terni par 11 licenciements de journaux prestigieux à cause de ses démêlés sentimentaux, de son alcoolisme et de ses "petits arrangements" avec la vérité et la morale. Léo devient pour lui une vache à lait ou pour reprendre le titre du film en VO "l'as dans le trou" ("Ace in the hole"). Pour cela il va mettre en scène un sauvetage spectaculaire, digne des meilleurs spectacles hollywoodiens quitte à s'arranger une fois de plus avec la vérité et la morale. Car pour alimenter le show et se réserver l'exclusivité du reportage, il réussit à corrompre l'entourage de Léo Minosa. L'épouse vénale de Léo, Lorraine qui rêve de quitter le trou perdu où l'a conduit son mariage accepte de jouer les épouses éplorées car le tiroir-caisse de son café-restaurant se remplit brusquement avec les centaines et centaines de rapaces qui viennent chaque jour par la route ou dans un train "spécial Léo Minosa" assister au spectacle. Les affaires sont bonnes à en juger par l'augmentation du prix du parking (25 cents au début puis 50 cents puis 1 dollar), l'installation d'une fête foraine sur place, de campeurs faisant de la publicité pour leurs activités, d'une tente de presse, de chansons à la gloire de Léo etc. Le tout étant supervisé par le shérif local, un homme véreux à qui Tatum a promis grâce à ses articles une réélection clé en main (le slogan s'affiche d'ailleurs à flanc de montagne) en échange du maintien des autres journalistes à distance. Plus grave encore, Tatum et le shérif empêchent les secours de sortir Léo par des moyens rapides, leur voracité n'ayant pas de limites.

Mais arrive un moment où la machine trop bien huilée s'enraye et échappe au contrôle de son instigateur. Celui-ci pour parfaire son "storytelling" n'envisage pas une autre fin qu'heureuse. Un film américain sans happy end, ce n'est pas vendeur. Mais on ne peut pas avoir le beurre (laisser un homme enterré vivant pendant sept jours) et l'argent du beurre (espérer qu'il s'en sortira). Alors Tatum devra payer son crime au prix fort (contrairement à ce que son acolyte affirmait plus tôt "on est la presse, on ne paie jamais") alors que l'on démonte le grand barnum et que l'on rend l'endroit à sa nature aride comme s'il ne s'était rien passé.

Je précise enfin qu'en dépit de sa férocité, le film n'est pas qu'une satire moraliste ou une caricature au vitriol. Il s'agit aussi d'une comédie humaine alimentée par son auteur (qui a été journaliste dans une autre vie). La rage et les frustrations de Tatum sont clairement montrées comme étant à l'origine de son comportement et l'interprétation de Kirk Douglas lui donne une vraie épaisseur. De même Wilder étudie les mécanismes psychologiques de la domination machiste à travers la relation brutale et trouble entre Tatum et Lorraine.

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Death Mills

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1945)

Death Mills

Death Mills ("Les moulins de la mort" en VF) est le premier documentaire montrant ce que les alliés découvrirent lorsqu'ils libérèrent des camps de concentration et d'extermination en 1945. Il s'inscrit dans le cadre de la politique de dénazification menée par les USA dans l'Allemagne occupée. Il était destiné à être projeté aux allemands et aux autrichiens dans le but de leur ouvrir les yeux sur les crimes de leurs dirigeants. C'est pourquoi il fut tourné à l'origine avec une bande-son allemande et c'est pourquoi il insiste tant sur la notion de responsabilité collective. Il montre notamment comment les américains ont obligé les habitants des villes qui se trouvaient à proximité des camps à venir voir de leurs propres yeux les horreurs qui s'y trouvaient et à enterrer les cadavres de leurs propres mains.

Le manque de recul du documentaire (que l'on peut qualifier d'exemple "d'histoire immédiate") explique la large confusion qui y règne dans la qualification des crimes commis par les nazis. Les américains et leurs alliés ont principalement libéré des camps de concentration allemands (Dachau, Buchenwald, Bergen-Belsen etc.) Par conséquent la litanie des crimes égrenée par la voix off dans le documentaire témoigne de l'horreur concentrationnaire (privations de toutes sortes, exécutions, expériences médicales et autres tortures diverses) et non de la spécificité de la Shoah qui fut connue bien plus tard. En effet la Shoah se concentra dans 6 centres de mise à mort en Pologne dont 4 furent totalement rasés par les nazis en 1943. Les deux autres (Maidanek et Auschwitz) étaient mixtes c'est à dire qu'ils combinaient la concentration et l'extermination et ne furent que partiellement détruits. Ces deux camps furent libérés par les russes alors alliés des USA. Dans le documentaire, on voit surtout des images du camp de concentration d'Auschwitz I (les camps de concentration portaient l'inscription ironique "Arbeit macht frei") néanmoins et sans en mesurer le caractère spécifique, le documentaire évoque l'extermination des juifs à Birkenau (le pillage des biens des juifs, l'exploitation des corps, le gazage au Zyklon B qui contrairement à ce qu'il affirme n'était utilisé qu'à Birkenau, les fours crématoires).

Billy Wilder qui avait fui le nazisme et perdu une partie de sa famille à Auschwitz a réalisé ce film coup de poing entre Assurance sur la mort et Le Poison. Deux films aux titres assez évocateurs même si leur intrigue n'a rien à voir avec les crimes nazis. Le meilleur témoignage qu'il apportera sur l'après-guerre dans un film de fiction sera La Scandaleuse de Berlin en 1947.

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Avanti!

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1972)

Avanti!

Avanti est l'un des films de Billy Wilder que j'aime le moins. Non qu'il soit mauvais. On y trouve les qualités d'écriture habituelle de Wilder et Diamond avec de multiples allusions ironiques au contexte international de l'époque, l'atmosphère enchanteresse du sud de l'Italie en été et son invitation à la flânerie, un mélange de comédie et de sourde mélancolie, des acteurs toujours aussi bien dirigés... Mais le choc des cultures entre les USA et l'Italie est dépeint de façon vraiment trop caricaturale. D'un côté un homme d'affaires overbooké et puritain, de l'autre une micro-société où règne le fameux déjeuner latin qui dure trois heures, où les tracasseries administratives n'en finissent plus et où l'hédonisme est roi. Si l'on rajoute pour le pittoresque quelques mafieux et une sicilienne vengeresse et moustachue on a une belle enfilade de clichés dont l'effet comique paraît forcé. A cela on peut rajouter quelques longueurs (le film dure 2h20!) et un aspect vaudeville issu de la pièce de théâtre d'origine que Wilder ne parvient pas tout à fait à gommer.

Mais ce qui m'a le plus dérangé lorsque je l'ai vu pour la première fois c'est l'aspect néo-conservateur et fataliste du film. Au point d'ailleurs de ne pas reconnaître le Wilder subversif de Certains l'aiment chaud ou de la Garçonnière. Le site DVD classik a d'ailleurs bien résumé ce sentiment "Le personnage de Wendell Ambruster (joué par Jack Lemmon) pourrait être le CC Baxter de la Garçonnière dix ans après s'il avait vendu son âme à Sheldrake." Le couple Wendell-Pamela découvre en effet le plaisir de vivre en reproduisant à la virgule près le modèle des parents fait de double vie donc de mensonges et de secrets. 11 mois de convenances sociales pour un mois de bonheur loin de la réalité. Le mode de vie du bourgeois qui une fois par semaine va s'encanailler. Et un bonheur très formaté lui aussi puisque se résumant en des vacances de luxe au soleil avec une petite touche libertaire inoffensive due à l'époque de sortie du film (le début des années 70). Wilder lui-même considérait son film de cette manière "La révélation aurait été beaucoup plus audacieuse et dramatique si le fils avait découvert que son défunt père passait ses vacances en Italie non pas parce qu'il avait une maîtresse mais parce qu'il était homosexuel. Alors le film aurait vraiment été courageux. Tel quel, il est tout simplement trop pépère, trop sage, trop vieux."  

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Stalag 17

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1953)

Stalag 17

Stalag 17 fut un grand succès à sa sortie en 1953 mais est un peu oublié aujourd'hui. C'est dommage car c'est un excellent cru. Wilder, spécialiste du mélange des genres réussit à panacher avec brio la comédie et le film de guerre, le tragique et l'humour, le huis-clos de la pièce de théâtre d'origine et le grand cinéma populaire, le documentaire historique sur les conditions des vie des prisonniers de guerre et une enquête policière haletante. Une autre caractéristique du cinéma wildérien est particulièrement bien traitée ici: il s'agit des apparences trompeuses. Une taupe se dissimule dans la baraque 4 du stalag 17 (situé sur les bords du Danube) où sont enfermés des prisonniers de guerre américains en 1944. Leurs paroles compromettantes, leurs tentatives d'évasion, leurs cachettes clandestines sont systématiquement dénoncées au sergent Schultz (un faux débonnaire jouant double jeu) ou au commandant Von Scherbach (joué par Otto Preminger parce qu'il avait la réputation d'être aussi sadique que son personnage). Elles se soldent ainsi par des confiscations, exécutions et arrestations. Tous les regards accusateurs se tournent vers le sergent Sefton (William Holden) qui fait figure de coupable idéal. D'une part parce qu'il est farouchement individualiste, se tenant à l'écart des autres et ne leur faisant pas de cadeaux. D'autre part parce que sa moralité est plus que douteuse. Sefton est opportuniste et combinard, n'hésitant pas à extorquer les quelques biens que reçoivent ses camarades pour faire du marché noir avec les allemands et ainsi se payer toutes sortes de petits privilèges. Pourtant Wilder parvient à travers lui à condamner l'arbitraire, la justice sommaire et le lynchage. Plus le film avance, plus le personnage de Sefton gagne en intérêt et en complexité. Ses motivations à démasquer le vrai coupable et à sauver l'une de ses victimes restent ambigües (on peut penser qu'il n'agit que pour pouvoir s'enrichir, ce personnage ayant soif de revanche sociale). Mais il n'en reste pas moins qu'il agit avec sang-froid, clairvoyance et courage et que ses actions servent le "bien". William Holden remarquablement dirigé a reçu un oscar du meilleur acteur pleinement mérité.

Malgré le sérieux du sujet, le film n'a rien de pesant car la vie des soldats prisonniers parfois montrée de façon réaliste est aussi l'occasion de scènes de comédie pure comme celle où toute la baraque se déguise en Hitler pour parodier un rassemblement nazi et la lecture de Mein Kampf!

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