Rêverie autour du mythe de Marcello MASTROIANNI réincarné par sa fille Chiara MASTROIANNI, "Marcello Mio" aurait pu être un beau film. Mais il sonne creux. Il s'agit d'un cinéma de niche qui ne parlera qu'à ceux qui connaissent sur le bout des doigts la filmographie de l'acteur italien. Les autres se sentiront exclus de cette suite de scénettes pour initiés quelque peu prétentieuses et bourrées de références collées les unes aux autres sans véritable souci de continuité. On ne voit pas très bien où Christophe HONORE veut en venir tellement ça part dans tous les sens. L'impression dominante est qu'il a voulu se faire plaisir en superposant une imagerie gay/transgenre sur une icône du cinéma à qui on avait collé une image de "latin lover". Il n'y avait pas besoin de le faire façon "Jean-Paul Gaultier". Marcello MASTROIANNI était autrement plus troublant que les militaires que la caméra gourmande de Christophe HONORE passe en revue endormis dans des poses alanguies et cela vaut aussi pour les reconstitutions des films dans lesquels il a joué: ils font plus que pâle figure avec l'original. Et s'il est plaisant de revoir Stefania SANDRELLI, on se passerait bien de l'autofiction narcissique autour des membres starifiés de la famille du défunt n'ayant pas de rapport direct avec lui (Melvil POUPAUD et Benjamin BIOLAY) ou ne représentant qu'une petite période de sa vie (Catherine DENEUVE). Ce n'est pas la seule faute de goût dans le film. Faire pousser la chansonnette à des acteurs ou actrices ayant une voix de crécelle donne envie de se boucher les oreilles. Et la scène où Catherine DENEUVE se montre grossière face au nouveau propriétaire de l'appartement où elle a vécu, sans raison apparente, donne du showbiz une image odieuse.
"Gainsbourg (Vie heroique)" (2009) (que j'aimerais bien revoir d'ailleurs) montrait dans plusieurs séquences comment l'auteur-compositeur-interprète se voyait, sa tête étant remplacée par un chou ou par une marionnette artisanale un peu grotesque accentuant les proéminences de son nez et de ses oreilles. Il faut dire que l'homme était croqué par un réalisateur également dessinateur de BD. "Better Man" qui est consacré au parcours agité d'un autre auteur-compositeur-interprète, Robbie WILLIAMS le représente sous la forme d'un chimpanzé numérique tout au long du film. Une manière de souligner son sentiment d'inadaptation, notamment dans les situations de groupe (les autres personnages étant tous humains) et de contourner la problématique de la ressemblance du comédien avec son modèle. C'est aussi un moyen de représenter les démons qui le poursuivent. A chaque fois qu'il croit enfin s'en sortir, les visages simiesques correspondant aux moments les moins glorieux de sa vie, de ses débuts dans un boys band dans lequel il se sentait exposé comme une bête de foire à ses excès "sexe, drogue et pop-rock and roll" reviennent le narguer. Autre caractéristique du film, il s'agit d'une comédie musicale dans laquelle les tubes du chanteur sont utilisés pour illustrer les moments importants de sa vie. Celle-ci est racontée de façon chronologique, de ce point de vue, on est dans une narration parfaitement balisée. J'ai apprécié l'énergie dégagée par les morceaux chantés et dansés ainsi que leur esthétique. Certains sont très réussis, comme "Rock DJ" qui se déroule sur Regent Street et donne un cachet british à un film dont tous les codes sont pourtant ceux du blockbuster américain ou "She's the one" qui ressemble à un ballet féérique. J'aime les chansons de Robbie WILLIAMS dont j'ai apprécié de découvrir les paroles sous-titrées en français. Néanmoins le film épouse un rythme survolté (trop selon moi) et n'évite pas le pathos. Ainsi le final vendu comme émouvant m'a surtout paru politiquement correct et profondément gênant.
Je n'avais pas très envie d'aller voir "L'Amour Ouf" et je n'ai pas vraiment aimé le résultat. Certes, il y a d'excellentes idées de mise en scène, une photographie qui décoiffe, une envie de cinéma XXL à l'américaine qui n'est pas fréquente dans le cinéma français, une interprétation qui "déchire", surtout de la part des deux jeunes acteurs Mallory WANECQUE et Malik FRIKAH qui peuvent légitimement espérer rafler un prix révélation lors de la prochaine cérémonie des César car ils portent la moitié du film sur leurs épaules. Adele EXARCHOPOULOS et Vincent LACOSTE sont également excellents (en revanche je trouve le jeu de Francois CIVIL trop limité). Oui mais le résultat ne m'a pas convaincu. C'est trop: trop long, trop tape-à-l'oeil, trop m'as-tu vu, trop kitsch avec certains plans frôlant le grotesque (le coeur et le chewing-gum qui battent, le baiser sur fond de coucher de soleil cliché à mort). Et ce n'est pas assez à la fois parce que Gilles LELLOUCHE veut faire une sorte de cinéma total qui brasse un peu tous les genres (drame romantique, teen movie, film de gangsters, comédie musicale, film de procès, film social, comédie "buddy movie" avec Raphael QUENARD et Jean-Pascal ZADI...) mais n'arrive pas bien à les amalgamer et surtout à les creuser. Dans certains films, les contraires s'attirent et s'enrichissent mutuellement mais dans celui-ci, c'est comme s'ils se repoussaient. Peut-être parce que cela manque de dialogues un tant soit peu consistants. On a donc au final une maîtrise insuffisante et un manque de profondeur criant.
Très chouette, cette comédie musicale bariolée, énergique et colorée de Chantal Akerman, panaché de pop culture des années 80 et de nouvelle vague des années 60 qui annonce "Vénus Beauté institut" (qui s'en est inspiré de façon évidente). Côté années 80, les couleurs, les looks, les styles musicaux m'ont fait penser à la couverture de l'album de Lio "Pop Model" sorti la même année et que j'avais reçu pour mon anniversaire. Lio justement joue dans le film mais paradoxalement, ne chante pas. Côté nouvelle vague, deux références sautent aux yeux. Les comédies musicales aux couleurs pimpantes de Jacques Demy mettant en scène des commerçants derrière les vitres de leurs magasins sauf que années 80 oblige, ceux-ci travaillent désormais dans une galerie commerciale de studio qui fait penser à un décor de sitcom (surtout lors des scènes du bar tenu par Myriam Boyer). Je me demande même si le générique n'est pas une citation de celui de "Les parapluies de Cherbourg" avec une chorégraphie de jambes traversant le sol de la galerie en diagonale. Sans parler de l'un des personnages dont le coeur balance entre la jeune fille en fleurs un peu sage (Lio à contre-emploi comme une Audrey Tautou avant la lettre) et l'incendiaire femme fatale du salon de coiffure (Fanny Cottençon). Et "Baisers volés" de François Truffaut avec Delphine Seyrig dans le rôle d'une vendeuse de vêtements et de chaussures qui fait furieusement penser à Fabienne Tabard. Mais une Fabienne Tabard avec vingt ans de plus, mélancolique, fatiguée et marquée (son personnage est une ancienne déportée) mais prête à s'enflammer de nouveau pour un ancien amour auquel elle a renoncé pour un mariage "raisonnable" avec M. Schwartz (Charles Denner dont c'était le dernier film apparaît lui aussi bien fatigué). Elle apporte un peu de profondeur à un film qui sinon apparaît comme une bulle de légèreté avec ses marivaudages incessants commentés par un choeur de shampouineuses cancanières sur un air irrésistible (on oubliera en revanche leurs équivalents masculins, totalement ridicules). Belles idées de mise en scène utilisant les bacs à shampoings et les cabines d'essayage et une fin qui symboliquement s'échappe de son décor factice pour entrer dans le monde réel lorsque l'une de ces vies semble enfin sortir du carcan imposé pour s'accorder avec son désir.
Mais que c'est daté "Chorus line" ai-je pensé en le revoyant! Les années 80 étaient en effet friandes de films d'auditions, adaptées ou pas de spectacles de Broadway: "Fame" (1980), "Flashdance" (1983), "Que le spectacle commence" (1979) etc. "Chorus line" est le plus basique de tous puisqu'il se contente de filmer en quasi huis-clos le face à face entre le metteur en scène (Michael DOUGLAS) et la sélection de jeunes artistes, alignés en rang d'oignon sur la scène entre lesquels il doit faire son ultime choix (et à la fin, il n'en restera que huit!) Pour trancher, il tente de sonder chacun, obtenant en échange des confessions qui deviennent la plupart du temps des numéros chantés et dansés dont certains, très réussis. L'ennui c'est que le dispositif est long et répétitif, hormis au début et à la fin. La sous-intrigue censée apporter un peu de piment à l'histoire est complètement anémique et ne fait que renforcer un schéma alors non seulement prédominant mais absolument pas questionné. Celui du pouvoir sexuel d'un mâle dominant sur un cheptel interchangeable, lequel reproduit une hiérarchie patron/secrétaire ou réalisateur/actrice dont on connaît désormais tous les ressorts. Les danseurs de "Chorus line" ont été sélectionnés parce qu'ils sont bons mais aussi parce qu'ils répondent à des standards de mannequin ou de poupée blonde avec une touche ethnique pour le politiquement correct. On peut deviner dès le départ qui gagnera et qui sera recalé parce que trop vieille, trop poilu, trop petite, ayant une voix de crécelle ou refusant tout simplement de donner ce que le metteur en scène en position de dieu tout puissant attend de lui.
Il faut avoir la foi pour aimer "Tralala" mais la magie n'a pas opéré sur moi. Certes, il s'agit d'un film soigné notamment au niveau de la bande-son, de la photographie et des décors, un film qui a du style, du bon goût (clin d'oeil à Jacques DEMY, hommage à Alain BASHUNG avec un Bertrand BELIN à la troublante ressemblance y compris dans le phrasé) mais il manque l'essentiel: des personnages qui aient un tant soit peu de consistance et un scénario qui tienne la route. Le personnage de vagabond joué par Mathieu AMALRIC (abonné aux rôles distanciés) n'est pas suffisamment construit pour exister, il n'est qu'une enveloppe qui se glisse dans la peau d'une autre enveloppe, un jeune homme dont on ne sait rien sinon qu'il était un musicien et un séducteur irrésistible. Cet aspect est particulièrement peu crédible. La condition de SDF n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux pour tomber les filles à moins de s'en faire une idée très éloignée du réel. Il s'agit davantage d'une rêverie qu'autre chose. Le personnage de Melanie THIERRY en particulier semble avoir passé au moins vingt ans dans une grotte (^^) à attendre le retour de son amour de jeunesse, d'ailleurs elle dit que le temps n'a pas passé mais qu'elle va avoir quarante ans. J'espère pour elle qu'elle a vécu des choses intéressantes entretemps! L'autre ex jouée par MAIWENN n'est guère plus consistante en propriétaire d'hôtel de luxe qui elle aussi ne s'est jamais remise de ses parties de jambes en l'air dans la chambre 617 avec "Pat". Elle prétend avoir une fille de lui, Virginie (Galatea BELLUGI) alors que le vagabond était justement venu à Lourdes pour tenter une aventure avec cette dernière qu'il avait rencontré alors qu'elle faisait une fugue à Paris. Ce n'est pas de chance d'avoir endossé l'identité du père! Au moins si cela nous épargnait une scène gênante d'inceste à la "Trois places pour le 26" (1988)? Et bien même pas, puisque Tralala n'est pas son vrai père! Tout est à l'avenant, sans importance aucune. Les belles idées de mise en scène, c'est bien (Josiane BALASKO filmée à contre-jour et dont le visage peu à peu se dessine au fur et à mesure qu'elle dit reconnaître son fils disparu), mais sans aucune émotion pour leur donner vie, à quoi bon?
Le concept du premier film de Alan PARKER est génial: faire jouer les juniors dans la cour des grands. Enfin presque, car pour revêtir les habits des films de gangsters de l'entre-deux-guerres tels que "Le Petit Cesar" (1930) ou "Scarface" (1931), il a fallu faire quelques adaptations. Les bootleggers et speakeasy trafiquent et servent des sirops "on the rocks", les automobiles sont des voiturettes à pédale impeccablement customisées, les armes sont celles du cinéma burlesque: tartes à la crème pour le gang de Fat Sam et lanceurs de petits suisse maquillés en mitraillettes pour celui de Dan le Dandy. L'acquisition de ces armes plus élaborées est d'ailleurs l'objectif du gang de Fat Sam. Les garçons jouent les truands, les flics ou les artistes de speakeasy et les filles sont danseuses ou chanteuses. Tout ce petit monde est plus vrai que nature dans un univers classieux reconstitué à la perfection, au point que si ce n'étaient les visages juvéniles et les tailles miniature, l'illusion serait parfaite. Le résultat est délicieusement parodique, le sexe et la violence étant ramenés à un jeu d'enfants dans lequel il s'agit d'être le plus fort ou la plus belle. L'aspect burlesque du film nous ramène à l'époque du muet (on voit d'ailleurs le tournage d'un film selon les techniques de cette époque tout à fait comme dans "Babylon") (2021) mais aussi à Billy WILDER et à "Certains l'aiment chaud" (1959) ou encore à Blake EDWARDS (plus particulièrement à la séquence tarte à la crème de "La Grande course autour du monde") (1965). Quant à l'aspect comédie musicale, elle évoque le futur "Cotton Club" (1984). La BO de Paul WILLIAMS ("Phantom of the Paradise") (1974) est somptueuse et addictive. Enfin si la plupart des enfants-acteurs sont ensuite retournés à l'anonymat, Jodie FOSTER âgée de 13 ans brille dans l'un des rôles principaux, l'année même où elle deviendra une star avec "Taxi Driver". (1976)
Après le "je est un autre" de Arthur Rimbaud, le "Je suis deux" prononcé par Manitas del Monte en route pour devenir Emilia Perez est à l'image d'un film à cheval sur plusieurs genres, certains considérés comme virils (le thriller, le film de gangsters, le film de procès) et d'autres, plus féminins ou queer (le mélo, la comédie musicale). L'identité ibérique du film coule de source car situer l'intrigue principalement au Mexique avec des actrices hispanophones participe du brouillage des repères du film et permet de jouer sur le clivage entre deux formes de "culture" nationale opposées: l'univers des cartels de la drogue d'un côté et celui des telenovelas de l'autre. L'actrice trans Karla Sofia GASCON en provient et en la choisissant, Jacques AUDIARD a franchi un Rubicon qui n'avait pas été souvent foulé par les cinéastes ayant pignon sur rue. Combien de polémiques sur des personnages trans joués par des acteurs ou des actrices qui ne l'étaient pas, à l'image des blackfaces d'autrefois. A chaque époque ses tabous à transgresser dans les sociétés occidentales productrices de la culture mondialisée. Pedro ALMODOVAR enfant de la Movida avait montré le chemin. En réalité "Emilia Perez" n'est pas le seul film de Jacques AUDIARD traitant d'un personnage déchiré par deux identités contraires. "De battre mon coeur s'est arrete" (2005) en parlait également, sans caractère transgressif mais avec une polarisation tout aussi extrême: d'un côté la sensibilité artistique, de l'autre le gangstérisme, le yang étant perçue comme la voie rédemptrice du yin. Mais si Cannes a primé toutes les actrices du film, c'est sans doute parce que choisir entre Karla Sofia GASCON (qui crève l'écran tant en Manitas qu'en Emilia et s'avère d'une humanité qui fait passer toutes les pilules) et Zoe SALDANA était impossible (les deux autres actrices primées ont leur moment de gloire mais sont tout de même en retrait). Car celle-ci impressionne tout autant dans le rôle de l'avocate, notamment dans les numéros musicaux et dansés. L'introduction montre qu'elle n'a pas de place dans le film de procès classique où les hommes se répartissent tous les rôles. Manitas va lui offrir sur un plateau un chemin de traverse par où elle pourra non seulement s'épanouir dans l'exercice de sa profession mais également dans sa vie personnelle. On peut regretter quand même un final revenant labourer un chemin bien balisé au lieu de s'enfoncer en territoire inconnu. La scène dans laquelle Emilia qui s'est racheté une virginité en fondant une ONG pour les familles de victimes du narcotrafic voit renaître en elle les pulsions sanguinaires de Manitas (qui passe par la transformation de sa voix, brillante idée) quand son ancienne famille est sur le point de lui échapper aurait pu donner lieu à une conclusion moins facile. Quitte à suivre les pas du génial "Annette" (2019) (l'influence opératique est identique, une expérience de cinéma total), autant aller jusqu'au bout! Mais ce qu'a osé Jacques AUDIARD en cassant les codes à la manière d'un Thomas Jolly est déjà suffisamment audacieux pour mériter un grand coup de chapeau!
Il y a du Wes ANDERSON dans ce "Mods" dandyesque et vintage aux références pointues, à la mécanique bien huilée, aux cadres fixes ultra-composés. Références pointues car "Mods" fait référence à une sous-culture britannique jeune urbaine, chic et branchée des années 50 et 60 avec une garde-robe très étudiée destiné à se démarquer notamment des rockers, de même que dans les goûts musicaux (mods fait référence au "modern jazz") et styles de danse. Mécanique bien huilée car dans ce film, tout est chorégraphié au millimètre. Les personnages prennent la pose, répètent les mêmes phrases, reviennent à intervalles réguliers et lorsqu'à cinq reprises, la musique se manifeste et qu'ils se mettent subitement à danser, c'est à la manière quelque peu saccadée et répétitive de l'attraction "danse avec les robots", chaque geste se détachant distinctement des autres. Enfin les cadres fixes ultra-composés rapprochent "Mods" d'une succession de photographies ou de tableaux plus que d'un mouvement cinématographique. On peut également souligner l'enfermement comme trait commun aux deux univers. Le cinéma "maison de poupées" de Wes ANDERSON correspond bien à ce huis-clos universitaire tourné dans quelques uns des plus beaux fleurons anglo-saxons notamment de la cité universitaire de Paris. L'influence manifeste de la nouvelle vague, comme chez Hal HARTLEY les réunit. Mais gare à l'excès de zèle, la forme tendant à supplanter le fond.
Car par-delà cette intrigante et originale forme, de quoi est-il question exactement dans "Mods"? D'un thème archi-classique, le chagrin d'amour qui plonge le délaissé dans un état quasi catatonique. Pour le sortir de sa torpeur, ses deux frères militaires sont invités par l'une des responsables du campus et le film repose pour une bonne part sur la confrontation de ces deux personnages raides comme des triques à un univers complètement décalé.
"All that jazz" est l'avant-dernier film de Bob FOSSE qui a obtenu la palme d'or à Cannes en 1980. Il m'a fait penser à une version musicale, flamboyante et sombre de "Le Testament d'Orphee" (1959) de Jean COCTEAU. D'autres le comparent à "Huit et demi" (1963) de Federico FELLINI. Parce que Joe Gideon (Roy SCHEIDER), c'est Bob FOSSEqui sent venir sa fin prochaine et décide de faire un dernier tour de piste avant de tirer sa révérence. Alors dans "All that jazz" ("Tout ce tralala"), il y a du très bon, du surprenant mais aussi de l'agaçant. Le très bon, c'est l'élaboration d'un spectacle "sexe, drogue and rock and roll" fait pour choquer les producteurs conservateurs et qui atteint parfaitement son objectif. Quelques chorégraphies plus intimistes avec la compagne, l'ex-femme et la fille de Gideon fonctionnent aussi très bien. Le surprenant est la juxtaposition d'Eros et de Thanatos. Evoquer en musiques et en images à l'aide d'un montage percutant et d'une musique entraînante la vie à cent à l'heure, l'opération chirurgicale et la mort est inhabituel: d'un côté les corps nus, chauds, vibrants de désir de l'autre la viande saignante et froide. Enfin pour ce qui est de l'agaçant, le bilan d'une vie tourne parfois trop à l'exercice de style narcissique où le "moi moi moi" supplante le chorégraphe de talent. Il faut dire que Gideon est un être excessif, travailleur acharné mais aussi jouisseur et coq de basse-cour, trônant en majesté au milieu de ses danseuses, des coups d'un soir pour la plupart au milieu desquelles se détachent son ex-femme, sa maîtresse et sa fille. L'exercice d'introspection penche ainsi vers l'autocélébration complaisante (même la mort prend la forme d'une jeune et jolie femme: Jessica LANGE) et si Bob FOSSE peut se le permettre étant donné son talent, cela coupe l'émotion.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.