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Articles avec #film de guerre tag

La chambre de Mariana

Publié le par Rosalie210

Emmanuel Finkiel (2025)

La chambre de Mariana

Ayant entendu de bonnes critiques au sujet de "La chambre de Mariana", je suis allée le voir. Mais je n'ai pas du tout adhéré au film tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, je l'ai trouvé beaucoup trop long pour ce qu'il raconte, un défaut contemporain qui entraîne un délayage du récit qui plus est, malheureusement prévisible et un manque patent de rythme. Les souvenirs et "hallucinations" de Hugo qui viennent de temps à autre interrompre la monotonie de son existence de reclus ne lui donnent pas d'élan pour autant. Sur le fond, si Melanie THIERRY porte en grande partie le film sur les épaules (son engagement est à peu près la seule chose que je sauverai), son jeune partenaire n'est pas à la hauteur. On ne ressent pas le passage du temps et les transformations physiques et psychologiques de Hugo durant les trois années cruciales durant lesquelles il est caché par Mariana dans des conditions plus que précaires et qui correspondent à son entrée dans l'adolescence dans des conditions terribles: le froid, la faim, la peur, les visions d'horreur dont il est le témoin et le climat d'hypersexualisation dans lequel il grandit auraient dû bouleverser son apparence. Même après être sorti de sa cachette, Hugo continue à subir passivement les événements. Son apathie créé une distance qui fait obstacle à l'émotion. Mais l'aspect du film qui m'a le plus posé problème, c'est le climat incestueux qui y règne. La situation scabreuse dès le départ s'y prêtait mais l'attitude équivoque de Mariana vis à vis de son protégé la renforce, nous menant jusqu'à une fin suggestive qui n'est pas interrogée, dont les conséquences sur l'avenir de Hugo ne sont pas montrées (contrairement par exemple à "Fish tank" (2009) qui fait preuve d'une hauteur de vue que celui-ci n'a pas). Bref, durant tout le film, j'ai oscillé entre ennui et malaise. Un peu plus d'esprit critique, de sensibilité et un meilleur casting n'auraient pas fait de mal.

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Un film parlé (Um filme falado)

Publié le par Rosalie210

Manoel de Oliveira (2002)

Un film parlé (Um filme falado)

"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.

Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques (...)

Élam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie."

Cet extrait de "La crise de l'esprit" de Paul Valéry, publié peu après la fin de la première guerre mondiale semble avoir été la base du film de Manoel de OLIVEIRA mais appliqué au contexte post 11 septembre qui marque l'entrée dans le XXI° siècle.

L'histoire pourtant dégage dans sa première partie un parfum anachronique. Elle se déroule à bord d'un paquebot de croisière reliant le Portugal à l'Inde via le canal de Suez, cette route des Indes si stratégique pour les puissances européennes jusqu'à leur déclin après la seconde guerre mondiale. A chaque escale, une professeure d'histoire, Rosa Maria (Leonor SILVEIRA) joue les guides culturels pour sa petite fille de huit ans, Maria Joana (Filipa de ALMEIDA) sur les sites les plus prestigieux des civilisations disparues ayant façonné la culture occidentale (Pompei, Acropole d'Athènes, Sainte-Sophie à Istanbul, pyramides égyptiennes). Le film ayant ayant plus de vingt ans, certaines des informations délivrées ne sont plus d'actualité comme celles sur Sainte-Sophie transformée de nouveau en mosquée par Erdogan après avoir été un musée sous Atatürk. Mais surtout, l'arrivée au Moyen-Orient marque une rupture dans le récit, jusqu'alors composé de séquences en extérieur sur les sites visités séparées par un plan de la partie avant du bateau fendant les flots. Celui-ci s'invite à la table du capitaine (joué par John MALKOVICH) à l'intérieur de la salle à manger du navire. Autour de lui, trois femmes présentées comme des stars et qui le sont effectivement, même si elles interprètent des personnages fictifs: Catherine DENEUVE, Stefania SANDRELLI et Irene PAPAS. Chacun parle sa langue (français, anglais, italien, grec ainsi que le portugais quand Rosa Maria et Maria Joana se joignent à eux sans parler du capitaine qui est d'origine polonaise) mais est parfaitement compris des autres. Le bateau devient donc une métaphore de l'Union européenne comme nouvelle tour de Babel. Sauf qu'elle se résume à un club de riches coupés de l'environnement qu'elle traverse, pour son plus grand malheur. Cette tour s'avère être en effet le Titanic qui tel un funeste présage, annonçait la première guerre mondiale.

Et c'est encore à ce passé que l'on pense devant le regard incrédule et horrifié du capitaine fixé sur la catastrophe en hors-champ jusqu'au bout du générique de fin, notamment aux propos de Stefan Zweig dans "Le Monde d'hier, souvenirs d'un européen", " Il m’a fallu être le témoin impuissant et sans défense de cet inimaginable retour de l’humanité à un état de barbarie qu’on croyait depuis longtemps oublié, avec ses dogmes et son programme anti-humains consciemment élaborés."

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Lawrence d'Arabie (Lawrence of Arabia)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1962)

Lawrence d'Arabie (Lawrence of Arabia)

Longtemps, la figure de Lawrence d'Arabie m'a renvoyée à la chanson d'Annabelle (Mouloudji) "Fuis, Lawrence d'Arabie" dont j'avais acheté le 45 tours à sa sortie en 1987. Rien à voir avec le film de David LEAN daté de 1962 bien qu'en le regardant, j'ai tout de suite reconnu la musique de Maurice JARRE parce qu'elle est très célèbre et donc souvent jouée. Deuxième enseignement, j'ai compris d'où venait la notoriété de Peter O'TOOLE que je n'avais vu jusque là que dans des rôles oubliables. Troisième intérêt, j'ignorais que c'était grâce à "Lawrence d'Arabie" que Omar SHARIF était devenu une vedette internationale, lui que j'ai toujours associé à "Le Docteur Jivago" (1965) du même David LEAN vu quand j'étais très jeune. Bref, "Lawrence d'Arabie" est un jalon incontournable de l'histoire du cinéma, un de ces films qui impose sa marque en aval, jusqu'à l'épisode IV de Star Wars qui lui doit à mon avis autant qu'à l'oeuvre de Akira KUROSAWA. Comme on dit, il y a eu un avant et un après. Et comme dirait Luc Lagier, ce n'est pas Alec GUINNESS qui me contredirait, je dirais même que le prince Fayçal a été son passeport pour Obi Wan Kenobi.

David LEAN était particulièrement doué pour articuler des portraits d'individualités complexes à de vastes fresques historiques au souffle épique. C'est exactement ce qu'est "Lawrence d'Arabie" qui fonctionne en permanence sur ces deux échelles qui se complètent harmonieusement: Lawrence et l'Arabie. Basé sur le livre autobiographique de T.E Lawrence "Les Sept Piliers de la sagesse", il raconte le rêve fou de cet officier de liaison de l'armée britannique chargé d'encourager les arabes du Moyen-Orient à se soulever contre l'Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale en leur promettant un Etat arabe unifié. Un idéalisme voué à l'échec face à l'occupation franco-britannique et au partage de la région en zones d'influence par les accords Sykes-Picot (évoqués dans le film contrairement à la déclaration Balfour, autre promesse britannique faite cette fois au peuple juif, avec les conséquences que l'on sait). Bien que les hommes filmés par David LEAN paraissent tout petits dans l'immensité du désert majestueusement filmé, jamais on ne perd de vue le protagoniste principal et ses mystérieuses motivations qui le conduisent à devenir l'un des leaders de la révolte arabe contre les turcs puis une sorte de nouveau Moïse conduisant les tribus vers la terre promise de l'unité arabe. Une esquisse de réponse est donnée dans les problèmes identitaires de T.E Lawrence, fils illégitime qui se choisit une autre famille, celle qui lui témoigne justement de la reconnaissance. Des problèmes identitaires qui finissent par tourner cependant à l'autodestruction. La scène très symbolique dans laquelle Lawrence abat l'homme qu'il a sauvé un peu plus tôt et qui lui a valu d'être reconnu par les arabes comme l'un des leurs en est l'illustration éclatante. De même que la folie meurtrière qui s'empare de lui après son arrestation par les turcs. Un moment trouble à connotation homoérotique SM qui m'a fait penser à "Furyo" (1983).

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Allons z'enfants

Publié le par Rosalie210

Yves Boisset (1981)

Allons z'enfants

C'est le deuxième film de Yves BOISSET que je revoie et je suis une fois de plus frappée par son aspect actuel. Alors que le film date de 1981 et que l'action se déroule dans la deuxième moitié des années trente, j'ai vu dans la reconstitution de ces instituts militaires des avatars de "Notre Dame de Bétharram" vivant en autarcie selon leurs propres règles, imperméables aux valeurs et aux lois républicaines. On comprend avec le film de Yves BOISSET le creuset d'où a pu sorti l'Affaire Dreyfus et Vichy avec en particulier la haine du Front Populaire. Surtout, les écoles militaires, comme les pensionnats religieux s'avèrent être les sanctuaires de la "pédagogie noire" dénoncée par Alice Miller, c'est à dire l'éducation à la dure destinée à forger, "des hommes, des vrais" ou à mater les fortes têtes. Si les violences sexuelles ne sont pas évoquées, époque oblige sans doute, le sadisme, la brutalité et la violence tiennent lieu de méthodes éducatives. Et lorsqu'il y a "bavure" c'est à dire mort d'homme, l'institution s'avère être une experte dans l'art du mensonge et du cynisme afin de protéger les coupables. La fin évoque même la "post-vérité", l'armée allant jusqu'à forger publiquement une biographie falsifiée destinée à transformer l'insoumis en héros de guerre. Mais le film de Yves BOISSET qui est l'adaptation du livre autobiographique de Yves Gibeau ne serait pas aussi fort sans son personnage principal, Simon Chalumot (joué par un jeune et bouleversant de sensibilité Lucas BELVAUX), artiste pacifiste et esprit indépendant épris de liberté et d'idéal brisé par le talon de fer d'un père autoritaire et vaniteux (joué par un Jean CARMET abonné chez Yves BOISSET aux rôles de salaud) qui l'enferme dans la servitude militaire pour assouvir par procuration ses propres ambitions. On a souvent écrit que Yves BOISSET versait dans la caricature mais si la galerie de crétins dégénérés qui asservissent et brutalisent Simon peut le faire penser (Jean-Francois STEVENIN et Jean-Claude DREYFUS s'en donnent d'ailleurs à coeur joie), c'est aussi le courage du réalisateur qu'il faut souligner car l'armée n'a guère aimé le projet (euphémisme) et a tout fait pour lui mettre des bâtons dans les roues.

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Les Naufragés (Lifeboat)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1943)

Les Naufragés (Lifeboat)

Un tour de force que ce huis-clos à ciel ouvert dans un canot de sauvetage que la caméra ne quitte jamais, cinq ans avant "La Corde" (1948). Et pour filer la métaphore, une belle façon de tordre le cou à la propagande qui était censée motiver le public américain des salles de cinéma à acheter des "war bonds" qui aidaient l'Etat à financer l'économie de guerre. Adaptation d'une oeuvre de Steinbeck quant à elle ouvertement propagandiste, le film de Alfred HITCHCOCK est bien plus troublant en tant que démonstration des tares de deux sociétés ennemies se retrouvant embarquées "sur le même bateau". D'un côté un échantillon diversifié d'américains rescapés du torpillage de leur paquebot par un sous-marin allemand, de l'autre Willy (Walter SLEZAK), le commandant nazi de ce même sous-marin (coulé à son tour), déterminé et discipliné qui prend rapidement l'ascendant sur eux tout en se faisant passer pour un simple marin ne parlant pas leur langue et en dissimulant ses intentions comme ses ressources. Du moins un certain temps car lorsque la vérité est découverte, on voit à l'oeuvre l'un des aspects les plus détestables de l'Amérique: le lynchage collectif. Le seul à ne pas y participer est comme par hasard le seul afro-américain de l'équipage, celui qui de plus parvient à deux reprises à confondre Willy en lui dérobant des objets qui révèlent sa duplicité mais aussi ses valeurs nazies (le sacrifice de l'infirme Gus joué par William BENDIX en étant l'expression). Joe (Canada LEE) ne peut pas participer à ce règlement de comptes entre frères ennemis nourris à la même source du racisme biologique et du darwinisme social. Il se place donc en position d'observateur de cette petite comédie humaine dans laquelle la différence de classe sociale est également marquée tout en étant tournée en dérision. Ainsi la journaliste mondaine Connie Porter (Tallulah BANKHEAD) qui est la seule à avoir réussi à monter à bord du canot sans mouiller une mèche de sa mise en plis et en emportant tous ses biens voit ceux-ci lui échapper un à un de même que sa parure luxueuse, révélant in fine qu'elle n'est qu'une parvenue issue des mêmes bas-fonds de Chicago que le machiniste communiste par lequel elle est attirée, Kovac (John HODIAK) qui s'oppose à l'industriel capitaliste Rittenhouse (Henry HULL). Bref, la distance ironique à l'anglaise de Alfred HITCHCOCK, y compris vis à vis de lui-même (son cameo-signature en faveur d'un régime amincissant qui lui avait perdre 30 à 40kg sur un journal rescapé du naufrage est hilarant) s'accommode bien mal de l'appel à l'unité nationale face à l'ennemi qu'était censé être le film, il montre plutôt la réalité des fractures de l'Amérique et sa proximité idéologique cachée avec l'Allemagne. En résumé si "Lifeboat" peut tout à fait être lu comme un appel à s'unir dans la même galère face à un ennemi commun mais c'est sa lucidité qui en plus de sa virtuosité technique le rend si pertinent encore aujourd'hui.

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L'Armée du crime

Publié le par Rosalie210

Robert Guédiguian (2009)

L'Armée du crime

40 ans après "L'Armee des ombres" (1969), le chef d'oeuvre de Jean-Pierre MELVILLE sortait "L'Armee du crime" (2009), éclairant un autre visage de la Résistance, beaucoup plus méconnu. Celui des immigrés communistes et souvent juifs qui se battirent pour les idéaux de la République que Vichy, régime xénophobe et antisémite avait renié, s'alliant aux nazis pour traquer le "judéo-bolchévisme". Cette haine fut cristallisée par l'Affiche rouge, document de propagande de février 1944 présentant le groupe Manouchian qui venait d'être arrêté, expéditivement jugé et exécuté comme un ramassis de terroristes. Soit 22 hommes et 1 femme appartenant aux FTP-MOI (francs tireurs et partisans de la main-d'oeuvre immigrée en région parisienne) dont seulement une dizaine apparaît sur l'affiche. S'ils ne furent pas oubliés, c'est notamment grâce au poème de Louis Aragon, "Strophes pour se souvenir" publié en 1955 mis en musique par Leo FERRE et rebaptisé "L'affiche rouge" en 1961. C'est à ce même groupe que Robert GUEDIGUIAN a voulu rendre hommage, leur combat résonnant avec le sien. Comme il est impossible de se focaliser sur 23 parcours, il choisit les figures les plus charismatiques: Missak Manouchian (Simon ABKARIAN que j'ai découvert dans ce film et qui est d'une justesse remarquable), poète arménien qui a formé le groupe et en a pris la tête, Thomas Elek (Gregoire LEPRINCE-RINGUET) un brillant lycéen juif et communiste révolté et Marcel Rayman (Robinson STEVENIN), un jeune ouvrier lui aussi juif et communiste du genre tête brûlée par ailleurs champion de natation. Le film met en valeur leurs doutes et leurs contradictions: en prenant les armes, même pour une juste cause, ils s'engagent dans une spirale de violence dont ils sentent qu'ils ne sortiront pas. Néanmoins Robert GUEDIGUIAN nuance leurs portraits. Elek et Rayman n'ont aucun scrupule à tuer des soldats allemands mais reculent face aux civils alors que Manouchian répugne longtemps à tuer qui que ce soit. Face à eux, des fonctionnaires zélés dont le réalisateur montre les motivations idéologiques ou opportunistes et les agissements sordides et crapuleux (mention spéciale à Jean-Pierre DARROUSSIN dans le rôle d'un parfait salaud). La mise en scène est très sage, l'arrière-plan schématique et on peut trouver le propos très manichéen, surtout quand on le compare à celui de Jean-Pierre MELVILLE qui montrait de nombreuses ambiguïtés chez des Résistants aux mains beaucoup plus sales que celles des héros du film de Robert GUEDIGUIAN qui semblent longtemps être un club de jeunes idéalistes exaltés n'ayant aucun problème à gérer de front leur engagement et leur vie familiale et sociale. Il n'en reste pas moins que l'éclairage que porte sur eux Robert GUEDIGUIAN est digne et nécessaire: Missak et sa femme Mélinée Manouchian (jouée par Virginie LEDOYEN dans le film) ont fini par entrer au Panthéon en 2024, leurs camarades ayant droit à une plaque commémorative à l'entrée du caveau.

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Napoléon

Publié le par Rosalie210

Abel Gance (1927)

Napoléon

Un monument du cinéma mondial qui me poursuit depuis mon adolescence, depuis que lors des fêtes du bicentenaire de la Révolution, j'avais acheté un livre répertoriant les films incontournables de cette période dans lequel "Napoléon" occupait une bonne place. Mais je ne l'avais jamais vu jusqu'ici. La dernière restauration en date effectuée par la Cinémathèque française a fait passer cette oeuvre monumentale ayant dès l'origine existé en plusieurs versions (on en compterait 22 au total!) de 5h30 à 7h18. Je n'ai cependant pu voir que la première partie dans ce nouveau format, la deuxième ayant déjà disparu du replay de France télévision. Je me suis donc rabattue sur l'avant-dernière version, celle du British film institute par Kevin Brownlow en 2000. De toutes façons, il faudra y revenir, la Cinémathèque préparant la restauration de la version présentée au cinéma Apollo en 1927 d'une durée de 9h40 (la plus longue de toutes donc à ce jour) mais sans les triptyques de la dernière demi-heure ayant participé à construire la légende du film. J'imagine qu'à terme, on aura une version de 10h la plus complète possible!

S'il ne fallait qu'un mot pour caractériser ce film-fleuve, ce serait le souffle qui s'en dégage. Tout y apparaît vivant et dynamique, de la caméra ultra-mobile aux tableaux hiératiques animés par les éléments déchaînés (vent, feu, vagues, grêle, musique!) Les morceaux de bravoure s'enchaînent, plus inspirés les uns que les autres et dressent une fresque plus révolutionnaire que proprement napoléonienne. Fresque opératique dans laquelle la naissance des hymnes (de la "Marseillaise" et on pense beaucoup à Rude et Delacroix au "Chant du départ") tiennent une grande place, traversant le corps social d'un élan collectif quasi-mystique qui semble rendre invincible l'armée la plus dépenaillée! En effet le titre du film est impropre, il aurait dû s'appeler: "L'ascension de Bonaparte" ou "Bonaparte et la Révolution". En effet Abel GANCE avait le projet encore plus fou de réaliser plusieurs films sur le personnage mais l'arrivée du parlant a fait prendre au cinéma une autre direction (où l'on se rend compte qu'on a beaucoup perdu en terme d'inventivité dans la narration par l'image) qui a coupé court à son entreprise. "Napoléon" raconte donc les jeunes années de Bonaparte, de ses 11 ans à Brienne (où il est déjà montré comme un stratège hors pair en bataille de boule de neige et une icone flanqué d'un chapeau et d'un aigle qui le caractériseront toute sa vie) aux débuts de la campagne d'Italie en 1796 où après avoir été adoubé à la Convention par les fantômes des trois "dieux" (Robespierre, Marat, Danton) il va porter les idéaux de la Révolution hors des frontières. L'accent est mis sur le génie visionnaire (systématiquement incompris d'où la solitude inhérente au héros), le patriotisme du Corse ombrageux et son refus des compromissions qui lui ont valu quelques sérieux déboires. Mais c'est pour mieux revenir à chaque fois, plus triomphal que jamais. Une narration à la D.W. GRIFFITH, une expressivité à la Sergei EISENSTEIN pour donner à l'Europe l'épopée de sa propre naissance en tant que nation-civilisation contemporaine, celle de la démocratie héritée des Lumières avec toute l'imagerie qui l'accompagne. Abel GANCE a vu très grand et son film fourmille d'idées plus dingues les unes que les autres. Le triptyque final fait encore aujourd'hui un effet "waouh", qu'il soit utilisé pour élargir le champ de vision façon Cinémascope ou fragmenté pour créer un écho entre des images réalistes et symboliques. Mais avant cela, il y a déjà dans la conclusion de certaines séquences des découpages d'écran qui semblent jouer le rôle d'accélérateur d'histoire. Et cette caméra mobile qui semble tantôt plonger dans la foule, tantôt voler en rase-motte par-dessus, tantôt tanguer comme un bateau en prise avec des flots déchaînés et qui électrise par exemple la séquence en montage alterné dans laquelle Bonaparte affronte une tempête pendant que la Convention s'apprête à condamner à mort les girondins. Gare à l'effet de houle!

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La Plus précieuse des marchandises

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2024)

La Plus précieuse des marchandises

La rencontre entre Michel HAZANAVICIUS et Jean-Claude GRUMBERG a accouché d'un conte qui entre en collision avec l'Histoire. La demeure isolée dans la forêt, le bébé abandonné dans la neige et recueilli par une pauvre bûcheronne en mal d'enfant, l'effroi qu'inspire au début le bûcheron puis ses collègues de travail que l'on identifie à des ogres. Mais impossible d'ignorer le contexte historique: la guerre est mentionnée, les trains ne cessent de traverser la forêt, non loin de la maison des bûcherons et lorsque le point de vue change, adoptant celui du père du bébé jeté par-dessus bord, on découvre que le camp de Auschwitz n'est qu'à quelques pas. Comment ne pas penser à "Shoah" (1985) et aux témoignages des paysans polonais gavés de préjugés antisémites ayant regardé passer les trains? Les nazis avaient bien retourné le cerveau de ces populations incultes sous l'emprise d'un catholicisme obscurantiste pour qu'ils deviennent les complices de leurs crimes. Pourtant c'est aussi en Pologne qu'il y a eu le plus de Justes et ce film le rappelle, au travers du couple de bûcherons protecteurs et également d'une gueule cassée de la grande guerre qui va apporter à l'enfant une drôle de mère nourricière sans lequel il n'aurait pas survécu. L'appel de la vie fut parfois plus fort que n'importe quelle idéologie, plus fort que les passions les plus tristes. Le choix de l'animation permet un travail remarquable de stylisation qui rend l'approche sensible: sur le blanc cotonneux de la neige étouffant les sons, les trains se détachent tels des masses noires sifflantes crachant le feu de l'enfer. Ils hantent les cauchemars des personnages, des gens simples pris dans des enjeux qui les dépassent et dont aucun ne sortira indemne. Ce qui également contribue à la force du récit, c'est d'entendre comme sortie d'outre-tombe la voix de Jean-Louis TRINTIGNANT qui a eu tout juste le temps d'enregistrer la voix du narrateur de l'histoire avant de s'éteindre en 2022.

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Papy fait de la résistance

Publié le par Rosalie210

Jean-Marie Poiré (1983)

Papy fait de la résistance

Encore un film culte que je n'avais jamais vu, sinon par extraits. Cette mise en pièce de la France sous l'occupation, je l'ai trouvée un peu inégale. Les coutures du patchwork se voient un peu trop. Alors du côté du meilleur, il y a la composition inénarrable de Gerard JUGNOT dans la peau d'Adolfo (!) Ramirez, un gestapiste français avide de revanche. Je soupçonne d'ailleurs très fortement Jean-Paul ROUVE de s'en être inspiré pour le personnage collaborationniste odieux qu'il interprète dans "Monsieur Batignole" (2001) réalisé par ce même Gerard JUGNOT. De façon plus générale, comme dans les années 80, la France n'assumait pas encore son passé vichyste (c'est l'époque où Mitterrand apportait encore des fleurs à Pétain), le film est très en verve pour épingler les collabos. Il faut voir la façon dont Jean YANNE dans la peau d'un milicien susurre à ses interlocuteurs venus se plaindre des dégâts causés par l'occupation allemande dans leur château "et au fait, dans votre famille, il n'y a pas de juifs?" Sans parler du retour de Ramirez "junior" en parfait petit facho bolivien dans le pastiche de "Les Dossiers de l'écran" à la fin. Nul n'ignore qu'un certain nombre de nazis se sont réfugiés en Amérique latine après la guerre où ils ont fait souche. Et puis bien sûr, il y a la dernière demi-heure et le numéro hilarant de Jacques VILLERET dans la peau du demi-frère d'Hitler interprétant à l'heure allemande le "Je n'ai pas changé" du latin lover Julio IGLESIAS. Mais en fait ce qui m'a posé problème provient de l'hommage assumé qu'est "Papy fait de la Résistance" à Louis de FUNES (qui venait juste de mourir et qui aurait dû jouer le rôle du Papy finalement interprété par son complice, Michel GALABRU). En effet Jean-Marie POIRE veut coller ensemble deux morceaux qui s'ajustent mal: "La Grande vadrouille" (1966) bien sûr mais aussi la série des "Fantomas" (1964). C'est de cette source, celle des romans feuilletons et des films de Louis FEUILLADE (bien avant Andre HUNEBELLE) que provient "Super-Résistant", le personnage joué par Martin LAMOTTE, un justicier masqué qui ressemble à Arsène Lupin mais qui comme Zorro ou Batman a une double identité puisque le jour, il joue le rôle d'un coiffeur efféminé, une couverture insoupçonnable. Mais aussi une caricature assez gênante. Par ailleurs, le personnage de "Super-Résistant" vient percuter une page d'histoire tragique en la déréalisant complètement ce que ne faisait pas "La Grande vadrouille" (1966). La scène de la rafle de résistants qui commençait ainsi très bien avec notamment le personnage joué par Jacques FRANCOIS ou "le plus petit rôle du film" confié à Bernard GIRAUDEAU (complice de Michel BLANC qui comme d'autres membres du Splendid, Josiane BALASKO et Thierry LHERMITTE vient faire son petit cameo) se termine ainsi dans la facilité alors qu'elle aurait pu donner lieu à une brillante parodie comique de "L'Armee des ombres). (1969)

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Au revoir les enfants

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1987)

Au revoir les enfants

"Au revoir les enfants" est un film bouleversant. Un film à la fois juste, précis et d'une très grande sensibilité. Car il est construit au travers du regard de Julien, un enfant plus sensible que les autres (c'est à dire le réalisateur lui-même -il s'agit de ses souvenirs, même s'ils sont romancés-). Les autres, ce sont les camarades du pensionnat religieux où il étudie avec lesquels il n'a guère d'affinités. La première scène où sa mère aimante le serre dans ses bras sur le quai de gare avant le départ nous fait prendre conscience de son innocence, de sa vulnérabilité, de son besoin de tendresse. Elle renvoie à la terrible scène de la fin du film dans laquelle Julien regarde longuement, sans un mot, Joseph, l'ancien homme à tout faire du collège, celui qui a dénoncé à la Gestapo le père Jean et les trois enfants juifs qu'il cachait dont Jean Bonnet qui était devenu son ami, le renvoyant à nouveau dans sa solitude, l'innocence en moins. La scène dans laquelle Julien et Jean se retrouvent seuls, perdus dans la forêt, ce dernier lui demandant s'il n'y a pas de loups (plus tard, il lui dira qu'il a tout le temps peur) est une métaphore assez transparente de l'histoire du film tout entier si celui-ci avait été un conte. Car l'autre aspect frappant du film de Louis MALLE, c'est la précision et la justesse de sa reconstitution de la France de Vichy. Dans "Lacombe Lucien" (1974) qui avait fait scandale, il avait déjà taillé en pièces le mythe résistancialiste et montré le parcours sinueux d'un jeune homme aux motivations primaires. Il reprend le même procédé dans "Au revoir les enfants", avec Joseph qu'il définit comme "le petit cousin de Lucien". Mais il y a beaucoup d'autres personnages secondaires dans "Au revoir les enfants" dont les comportements ou les propos renvoient l'image d'un pays nageant en eaux troubles. Cela va de la religieuse qui dénonce un enfant juif du regard pendant qu'un surveillant (réfractaire du STO) essaye de le cacher à la mère de Julien qui lâche un "il ne manquerait plus que ça" (que nous soyons juifs) à un camarade de classe de Julien qui dit un "Tu crois qu'ils vont nous emmener? On a rien fait, nous, hein?" qui renvoie à une supposée culpabilité intrinsèque des juifs. La culpabilité d'ailleurs imprègne aussi le personnage de Julien (double de Louis MALLE) qui semble suggérer que c'est son regard vers Jean sous l'oeil du chef de la Gestapo qui l'a dénoncé. Le père Jean lui-même, héroïque figure de la Résistance est montré comme un homme en proie aux doutes (la scène de l'hostie le met en face d'un terrible dilemme, trahir Jean Bonnet ou trahir la religion de celui-ci) et faillible (le renvoi de Joseph édicté selon sa ligne de conduite morale est le déclencheur de la tragédie finale). Tant de nuances dans un film où si peu de mots sont prononcés mais où le regard (celui des personnages, celui de la caméra) en dit tant est tout simplement admirable.

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