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Mission impossible 3 (Mission: Impossible III)

Publié le par Rosalie210

J.J. Abrams (2006)

Mission impossible 3 (Mission: Impossible III)

Après Brian de Palma et John Woo, c'est au tour de J. J. Abrams d'accepter la mission impossible de Tom Cruise. Un choix judicieux car ce réalisateur venu de l'univers des séries TV ("Alias" et "Lost-Les disparus") et qui n'avait alors jamais tourné pour le cinéma est une façon de renouer avec les origines de la franchise. De fait "Mission impossible 3" est un divertissement efficace et ponctué d'excellents morceaux de bravoure. On citera le pré-générique qui met immédiatement le spectateur sous tension en révélant l'acmé du film (un Ethan Hunt torturé par le grand méchant, parfaitement incarné par Philip Seymour Hoffman), les clins d'œil aux deux premiers épisodes (la descente suspendue du 1 et l'attaque sur le pont du 2) l'épisode particulièrement spectaculaire du Vatican dont les toilettes aussi grandes et luxueuses qu'une salle de bal en mettent plein la vue et celui de Shanghai dont la magnificence nocturne est parfaitement rendue en plus de prendre le spectateur à contre-pied de ses attentes. Mais l'intrigue est assez conventionnelle et les personnages secondaires sont sacrifiés pour mettre en avant la star Tom Cruise qui en fait encore des tonnes. Si l'épisode 2 abusait des ralentis, celui-ci multiplie les plans sur son "sourire Colgate" lorsqu'il est au repos. ^^ Ce piège à filles (alors qu'il est censé être amoureux, fiancé, marié, rangé des voitures, propriétaire d'un pavillon de banlieue, ce qui sonne archi-faux) provoque surtout l'hilarité. On est bien content que celui-ci ait depuis mûri et laissé tomber ses ridicules expressions censées incarner la bogossitude ^^ pour faire plus de place par exemple à Benji (Simon Pegg) qui apparaît pour la première fois dans ce troisième épisode. Sous-employé comme tous les autres, il démontre néanmoins son potentiel comique lors d'une scène très réussie où il lui indique à Ethan Hunt l'emplacement du MacGuffin. En effet comme dans "Pulp Fiction", les personnages courent après un objet mystérieux, la "patte de lapin" dont on ne connaîtra jamais la nature. Après le dézingage du méchant qui était le seul à pouvoir damner le pion à Ethan Hunt (le charisme de Philip Seymour Hoffman met bien à mal celui de Tom Cruise), on ne termine hélas pas en beauté avec le retour de la sitcom niaise et toc du début. Un film inégal donc mais qui contient néanmoins de belles promesses pour la suite de la saga.

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La Reine Kelly (Queen Kelly)

Publié le par Rosalie210

La Reine Kelly (Queen Kelly)

Erich von Stroheim (1929)

Tous ceux qui aiment Billy Wilder et en particulier "Boulevard du crépuscule" connaissent forcément "Queen Kelly". "Boulevard du crépuscule" fait en effet référence à cette production inachevée qui fut engloutie par l'arrivée du parlant. Gloria Swanson qui joue un rôle autobiographique, celui d'une star déchue du muet se regarde en effet jouer dans un extrait de "Queen Kelly" alors que son majordome (et ex-mari) est joué par le réalisateur du film, Erich von Stroheim. Les rôles de "Boulevard du crépuscule" respectent la relation hiérarchique entre Gloria Swanson et Erich von Stroheim. La première n'était pas seulement l'actrice principale de "Queen Kelly", elle était également à la tête de sa propre société de production, la "Gloria Swanson Pictures Corporation" en association avec son amant de l'époque, Joseph Kennedy (le père de John à qui il a visiblement transmis son goût pour les stars). Erich von Stroheim était donc son subordonné.

"Queen Kelly" fut son dernier film en tant que réalisateur. Comme la plupart des autres, c'était un "monstre" qui devait durer à l'origine cinq heures, coûter une fortune et comporter plusieurs scènes jugées scandaleuses. C'est pour toutes ces raisons que la production fut stoppée en plein tournage, Erich von Stroheim licencié et la sortie du film repoussée à 1932, assortie d'une fin bâclée tournée par un autre réalisateur (visible dans les bonus du DVD). Il existe aujourd'hui plusieurs versions dont une qui ne contient que le prologue d'une heure et onze minutes (la seule partie achevée du film) et une autre qui ajoute à ce prologue une vingtaine de minutes de bobine retrouvée dans les années 60 racontant des événements ultérieurs se déroulant en Afrique. Des photos et des intertitres relient prologue et partie africaine et résument la conclusion que souhaitait Erich von Stroheim.

En dépit de ce charcutage, les séquences qui nous restent sont tellement saisissantes qu'elles impriment la rétine et le cerveau mieux n'importe quel film insipide complètement achevé. Mélange détonnant de conte de fée, de romantisme, d'érotisme et de décadence, le film sent le souffre dès ses premières images avec sa reine dégénérée (Seena Owen) déambulant ivre et nue dans les couloirs du palais. Une dominatrice indissociable de sa cravache dont elle cingle quiconque ose lui déplaire, à commencer par son fiancé attitré, le prince Wolfram (Walter Byron) un libertin notoire qui n'est autre que son cousin (un abus de mariages consanguins est nocif pour la santé si j'en juge par la paupière tombante de la reine ^^). Arrive alors la rencontre torride entre le prince noceur et Kitty (ou Patricia selon les versions) Kelly (Gloria Swanson), pensionnaire d'un couvent qui perd (littéralement) sa culotte devant lui avant de la lui jeter à la figure, comme quoi Madonna n'avait rien inventé ^^^^. Toutes ces scènes "hot" se déroulent devant une assemblée hilare et voyeuriste histoire de rajouter au malaise. Mais entre la maîtresse SM et cette orpheline "culottée" ^^, il n'y a pas photo pour le prince et on comprend ainsi que Kelly ne va pas rester bien longtemps dans son couvent ^^. Le passage le plus dingue reste cependant celui du bordel africain. Un passage particulièrement malsain avec le mariage forcé entre Kelly et le tenancier du bordel, Jan (Tully Marshall), un boiteux syphilitique si lubrique qu'on plaint non seulement Kelly mais aussi Gloria, obligée de se laisser peloter de longues minutes par ce personnage répugnant toujours en train de se pourlécher les babines. Erich von Stroheim a un talent incroyable pour filmer en gros plan et celui du visage crispé de Kelly avec le visage de Jan à demi-enfoui dans son voile de mariée (fabriqué à partir d'un voile de lit recouvert de poussière) reste l'un des plus puissants qu'il m'ait été donné de voir. Gloria Swanson a fait couper la partie africaine et arrêter la production sans doute parce qu'elle a pris peur devant le caractère incontrôlable de Erich von Stroheim qui l'entraînait sur des chemins de plus en plus tortueux qu'elle n'était pas prête à emprunter.

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Bamako

Publié le par Rosalie210

Abderrahmane Sissako (2006)

Bamako

L'introduction du film qui se situe avant le générique a valeur de déclaration d'intention. Un témoin qui n'a pas été appelé à la barre souhaite s'exprimer "La parole c'est quelque chose. Quand tu l'as sur le cœur, ça te saisit. Si tu ne la sors pas, ça ne va pas (…) Ma parole ne restera pas en moi".  Le juge lui signifie alors que ce qu'il a sur le coeur, il pourra le dire le moment venu. Ce témoin symbolise la société civile africaine à qui Abderrahmane Sissako offre une tribune sous forme d'un procès fictif l'opposant aux institutions internationales dominées par les pays du Nord (et en premier lieu les Etats-Unis) pour qu'elle puisse exprimer ses doléances.

"Bamako" est donc un film engagé contre une mondialisation qui ressemble à une néo-colonisation de l'Afrique par une association de malfaiteurs déguisés en bon samaritains de la finance qui après avoir laissés leurs débiteurs s'endetter n'ont plus qu'à les prendre à la gorge pour s'enrichir à leurs dépends. Il dénonce  en effet particulièrement les désastreux effets des politiques libérales d'ajustement structurel du FMI et de la BM qui ont mis sous tutelle la politique budgétaire des Etats africains pour en affecter jusqu'à 60% au remboursement de la dette au détriment des services publics, à commencer par la santé et l'éducation. La privatisation de ces services ainsi que l'obligation qui leur a été faite de s'ouvrir au commerce international et aux investissements des firmes transnationales a permis à ces dernières de faire main-basse sur les ressources en profitant de la faiblesse des Etats.  Il montre ainsi comment la dette prive ces pays de tout espoir de développement, les faisant même régresser jusqu'au désastre social et écologique.

L'originalité du film provient d'un jeu permanent entre la fiction et le documentaire, le vrai et le faux. De vrais professionnels de la justice (occidentaux comme africains) mènent le procès et les témoins apparaissent le plus souvent sous leur véritable identité. Mais Sissako s'amuse à brouiller les frontières. Tout d'abord en ayant lieu dans un lieu improbable (la cour de la maison d'enfance du réalisateur à Bamako habitée par plusieurs familles), le procès se déroule au beau milieu des événements de la vie quotidienne (un mariage, des travaux ménagers et artisanaux, un infirmier qui vient soigner un malade, des prières, un vendeur de lunettes contrefaites, des enfants en bas âge qui circulent au milieu de l'assemblée). Ensuite il laisse son film de procès se laisser traverser par d'autres genres qui illustrent le même problème. Tout d'abord le drame conjugal d'un couple qui se défait, celui de Mélé une chanteuse de bar (Aïssa Maïga) et de Chaka (Tiécoura Traoré), un homme brisé par le chômage et la pauvreté. Ensuite une séquence parodiant le western spaghetti, "Death in Timbuktu" où les représentants des banques internationales sont des cow-boys qui "nettoient" les villages de leurs trop-plein d'instituteurs, malades, femmes enceintes etc. Enfin le crime pour lequel les institutions internationales sont jugées n'existant pas (encore) dans le droit international, Sissako fait en quelque sorte un film d'anticipation où il prophétise une Afrique demandant des comptes aux pays du Nord dans un contexte où les effets négatifs de la mondialisation (terrorisme, catastrophes écologiques et émigration massive) se font de plus en plus sentir, leurs premières victimes étant issues des pays pauvres.

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Douleur et gloire (Dolor y gloria)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2019)

Douleur et gloire (Dolor y gloria)

 "Douleur et gloire" est un film intimiste et introspectif où Pedro Almodovar poursuit sa réflexion sur les relations qu'entretiennent l'art et la vie à partir d'un personnage que l'on devine être le double de lui-même. Il aurait pu s'appeler également "De la dépression au désir" tant ce dernier s'avère crucial dans le processus créatif comme le souligne la société de production de Pedro Almodovar qui s'appelle El Deseo. Ainsi la panne d'inspiration de Salvador Mallo (Antonio Banderas), un réalisateur vieillissant et angoissé est indissociable de sa dépression. A l'inverse, la remontée progressive du fil de ses souvenirs (le premier flashback, magnifique et lumineux se déroule d'ailleurs au bord d'une rivière et convoque le personnage central de la mère jouée dans ses jeunes années par l'actrice fétiche de Petro Almodovar, Penelope Cruz) ponctuée de retrouvailles, de réminiscences et de réconciliations l'entraîne jusqu'au "premier désir", un nouveau scénario qui s'avère être la chair du film que nous regardons. Et ce n'est pas la seule mise en abyme du film, il y en a beaucoup d'autres. Certaines fournissent des pages entières de scénario, d'autres sont à peine esquissées. Deux m'ont particulièrement touchée. La première est suggérée par un simple mouvement de caméra au tout début du film qui suit le fil d'une cicatrice, celle qui barre de bas en haut le torse d'Antonio Banderas. De cette cicatrice, il n'en sera ensuite plus question, car elle est recouverte par la multitude de maux psychosomatiques égrenés par Salvador Mallo, persuadé d'être atteint d'une maladie grave et addict aux drogues et aux médicaments. A la fiction de l'hypocondrie s'oppose ainsi une réalité bien charnelle: celle du corps scarifié de l'acteur après l'opération du cœur qui a suivi sa crise cardiaque en 2017. La seconde concerne les relations entre Salvador Mallo et Alberto Crespo (Asier Etxeandia), un acteur qu'il a dirigé 30 ans plus tôt mais avec lequel il s'est ensuite brouillé. Il parvient à le retrouver et à se réconcilier avec lui. Alberto qui traverse lui aussi un passage à vide créatif (rempli par la drogue) lui propose de jouer au théâtre l'un de ses scénarios auto-fictionnel, "L'Addiction" évoquant le grand amour perdu de Salvador. La représentation (qui est à la fois théâtrale et cinématographique comme pour souligner leurs deux personnalités) sonne comme une double renaissance. En tant que vecteur d'émotions pour Alberto et en tant que sujet désirant pour Salvador puisque à peine évoqué, son ex, Federico (Leonardo Sbaraglia) se matérialise miraculeusement, d'abord devant son double de fiction, puis devant lui.  Comment ne pas y voir un reflet de la relation entre Pedro Almodovar et Antonio Banderas, lequel joue devant nous ce que nous savons être une histoire très proche de la vie de l'auteur en se confondant le plus possible avec lui ou plutôt en se fondant en lui car même s'il a revêtu ses habits et s'est entouré de ses objets familiers, il s'agit d'un don de soi, un don absolu, qui, lorsqu'il a lieu entre un réalisateur et son acteur/actrice touche au sublime. Et ce après une très longue période de séparation (22 ans) et des retrouvailles compliquées sur le tournage de "La piel que habito" (2011). C'est pourquoi il n'est guère étonnant que ce soit pour ce rôle qu'il ait obtenu la consécration à Cannes, lui qui n'avait jusqu'ici jamais remporté de récompense majeure et qu'il ait déclaré que c'était aussi le prix de Pedro Almodovar.

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La Belle de Moscou (Silk Stockings)

Publié le par Rosalie210

Rouben Mamoulian (1957)

La Belle de Moscou (Silk Stockings)

"La Belle de Moscou" se situe au crépuscule de l'âge d'or de la comédie musicale MGM. C'est aussi un remake musical de "Ninotchka" de Ernst Lubitsch sorti 20 ans plus tôt. C'est également le dernier film de Rouben Mamoulian. Fred Astaire a 58 ans, Cyd Charisse en a 35, ce sont leurs derniers rôles dansants. Sans parler du pauvre Peter Lorre qui en a 53 et s'est reconverti en petit comique de la danse ^^. Il règne donc dans ce film une ambiance de fin de règne propre aux pages sur le point de se tourner. Les chansons font d'ailleurs allusion à la concurrence croissante de la télévision en faisant la promotion du technicolor, du cinémascope et du son stéréophonique pour tenter de retenir les spectateurs dans les salles (une surenchère technologique qui fait penser aujourd'hui à la 3 et 4D, au dolby surround et autres gadgets censés en mettre plein les yeux et les oreilles mais qui sont les aspects des films qui vieillissent toujours le plus vite). L'intrigue oppose toujours de manière aussi manichéenne l'occident et l'URSS qui sont alors en pleine guerre froide. Le premier est dépeint comme un paradis de l'hédonisme. Amusant quand on sait qu'un gardien du code Hays était présent sur le tournage, obligeant Cyd Charisse à cacher le plus possible son corps considéré comme trop légèrement vêtu derrière un fauteuil ou une porte de placard lors de la très belle scène de strip-tease où, transfigurée par l'amour, elle enfile les bas de soie qui donnent leur titre au film en VO. Le second est présenté comme un régime totalitaire psycho-rigide entièrement tourné vers l'utilitarisme. Si nul ne s'offusque de voir Fred Astaire jouer les jeunes premiers alors qu'il a l'âge d'être papy (évidemment l'inverse n'est même pas imaginable), cette convention a quand même un côté assez grotesque. Si ses duos avec Cyd Charisse dégagent toujours beaucoup de charme, la musique de Cole Porter est visiblement trop moderne pour lui avec notamment un dernier titre rock'n roll dans lequel il est à la peine ^^. Mais il faut lui reconnaître un réel panache pour assumer ainsi le passage de témoin. Heureusement, il est bien épaulé par ses partenaires féminines. Outre Cyd Charisse pour le glamour, il y a Janis Paige qui compose une Esther Williams sur le retour un peu neuneu avec autant d'inventivité que Jean Hagen dans "Chantons sous la pluie".

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Tabou (Gohatto)

Publié le par Rosalie210

Nagisa Oshima (1999)

Tabou (Gohatto)

Dernier film de Nagisa Oshima, « Tabou » se situe dans la continuité de « Furyo » en continuant d’explorer les ravages que le désir homosexuel suscite dans des communautés fermées de guerriers.  Se déroulant au XIX° siècle contrairement à « Furyo » qui se déroulait pendant la seconde guerre mondiale, il met en scène la danse de désir et de mort qui se développe autour de Kano, un jeune samouraï androgyne dont la beauté envoûtante ne laisse personne indifférent. Même ceux qui semblent les plus imperméables sont déstabilisés, tels le commandant Isami Kondo et le capitaine Toshizo Hijikata. Je n’ai pas « ce penchant » disent-ils, comme pour se justifier avant de s’en aller patauger dans la brume ^^. Plusieurs moments humoristiques montrent qu’aucun samouraï n’est à l’abri de ce « penchant », y compris ceux qui revendiquent haut et fort leur hétérosexualité. Kano est d’autant plus mystérieux et fascinant qu’il ne se départit jamais de son masque d’impassibilité que ce soit face à Eros ou à Thanatos. Son visage est une page blanche sur lequel chacun peut projeter ses fantasmes. La continuité avec « Furyo » est également assurée par le retour de Ryuichi Sakamoto à la musique et de Takeshi Kitano dans le rôle du capitaine.

Dans « Tabou » comme dans « Furyo », Oshima montre le caractère profondément subversif du désir qui menace de détruire toute une communauté bâtie sur des règles strictes qui se veulent intangibles et immuables mais ne résistent ni au désir, ni au temps. Kano, le seul samouraï vêtu de blanc (symbole de mort au Japon) est un ange exterminateur annonciateur de la fin du Shogunat. L’histoire se déroule en effet en 1865 soit deux ans seulement avant la révolution Meiji qui abolira le système féodal japonais et sa caste de samouraïs. Cette « chute » est admirablement suggérée par un plan final d’anthologie quand le capitaine tranche d’un seul coup de sabre le tronc d’un cerisier en fleurs, le symbole même de l’impermanence au Japon.

« Tabou » est également un film superbe sur le plan esthétique que ce soit par la musique, le choix des couleurs, les chorégraphies ou la composition des cadres. Le film se déroule à plus de 90% dans le huis-clos très cadré du temple Nishi-Honganji de Kyoto mais la scène de fin très onirique se déroule dans un univers fantomatique nocturne et marécageux qui n’est pas sans rappeler le marigot sensuel et vénéneux des premières séquences de « l’Aurore » de Murnau.

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Rosita, chanteuse des rues (Rosita)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1923)

Rosita, chanteuse des rues (Rosita)

"Rosita, chanteuse des rues" est le premier film américain de Ernst LUBITSCH. Surnommé le "D.W. GRIFFITH allemand", il acquiert une célébrité internationale dès la fin des années 10. En 1923, il est invité aux USA par Mary PICKFORD qui vient de fonder sa propre société de production. Il est donc logique qu’il lui renvoie l’ascenseur en lui donnant le premier rôle de "Rosita". Adapté d’une pièce de théâtre, "Don César de Bazan" qui se déroule dans l’Espagne du XVII° siècle, "Rosita" est une délicieuse comédie romantique pleine de quiproquos et de rebondissements où les femmes, magnifiées par la caméra de Ernst LUBITSCH osent tenir tête au pouvoir masculin et affirmer leurs propres désirs. Une solidarité de fait se créée ainsi entre Rosita la chanteuse des rues et la femme du roi (Irene RICH) pour mettre au pas l’époux volage (Holbrook BLINN), une fripouille libidineuse au possible (dont l’aspect physique n’est pas sans rappeler Serge Lama jouant Napoléon ^^). On pense au "mariage de Figaro" de Beaumarchais qui se déroule aussi en Espagne et qui partage avec "Rosita" le même caractère pétillant et une intrigue assez similaire : un époux volage et lubrique, une épouse bien décidée à ne pas se laisser faire et qui devient de ce fait l’alliée d’une femme de condition inférieure convoitée par le mari mais qui est amoureuse d’un autre et défend bec et ongles son droit au bonheur. Même si Mary PICKFORD se plaignait du fait que Lubitsch préférait filmer des portes plutôt qu’elle-même, elle est fort bien servie par celui-ci dans son premier vrai rôle de femme et non dans plus dans celui d’une éternelle gamine. Et quelle femme! Fidèle à elle-même, elle en fait des tonnes mais son énergie et son exubérance vont bien avec son rôle piquant de chanteuse satiriste de de la cour, sa cible préférée étant bien entendu le roi à qui elle en fait voir de toutes les couleurs pour la plus grande jubilation du spectateur. La célèbre scène où elle pique des raisins dans la corbeille à fruits symbolise fort bien son appétit de la vie. Ernst LUBITSCH orchestre d’ailleurs admirablement sa relation avec Don Diego (George WALSH), la séparation et l’adversité ne faisant au final que les rapprocher toujours plus l’un de l’autre, au point d’oser suggérer des scènes d’intimité physique dans la prison en ombres chinoises. Et pour couronner le tout il lie cet intimisme avec a contrario de superbes scènes de foule (l’histoire se déroule pendant le carnaval de Séville), remarquablement filmées.

A noter que le film a bénéficié d’une restauration en 2017 par le MOMA qui a également complété les intertitres manquants. Il est disponible jusqu’en août sur Arte replay.

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Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray)

Publié le par Rosalie210

Albert Lewin (1945)

Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray)

Comme Robert Louis Stevenson avec son "Etrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde", Oscar Wilde a transformé la dualité schizophrène de la société victorienne en œuvre fantastique avec "Le Portrait de Dorian Gray" et Albert LEWIN, cinéaste esthète quelque peu marginal dans le système hollywoodien a redoublé cette dualité avec un film tiraillé entre oeuvre de studio intellectuelle et sensibilité toute personnelle marquée par de brusques bouffées expressionnistes et psychanalytiques toute européennes. La mise en scène ciselée est entièrement construite sur le modèle pictural. Pas seulement parce qu’il y a des tableaux dans le film mais parce que le film est lui-même construit comme un enchâssement de tableaux. Pendant que Dorian Gray (Hurd HATFIELD) se fait tirer le portrait, Lord Henry Wotton (George SANDERS), son mauvais génie capture, tue et encadre un très beau papillon : façon de symboliser la transfusion de la vie à la mort qui s’opère dans la création du portrait qui fige pour l’éternité la jeunesse et la beauté de Dorian Gray en tuant la vie en lui. Or le Dorian Gray de chair et de sang scelle un pacte faustien avec son double pictural par lequel il lui vend son âme ce qui a pour effet d’intervertir des rôles. Alors que le vivant désormais emprisonné dans la toile se décompose lentement sous les effets du temps et du vice, l’image qui a remplacé le corps de Dorian Gray reste intacte. Seulement elle est totalement inexpressive, comme une page blanche « à noircir de rêves » (Greta GARBO aurait été effectivement parfaite dans le rôle si la censure hollywoodienne ne s’était pas offusquée de la transgression de genre que cela impliquait) ce qui fait de Dorian Gray un support de fantasmes pour tous ceux qui l’approchent, chacun ayant sa propre vision du personnage. C’est d’autant plus facile que Dorian Gray semble être aussi vide en apparence qu’intérieurement ce qui le met à la merci de toutes les influences et fait de lui une girouette. Basil Hallward le peintre humaniste (Lowell GILMORE) d’un côté et Lord Henry Wotton le dandy cynique de l’autre se disputent son âme (à défaut du reste qui reste indicible, code de censure oblige). Albert LEWIN a d’ailleurs dirigé Hurd HATFIELD (à qui le rôle va comme un gant avec sa beauté androgyne à la limite de l’irréel) de façon à ce qu’il soit le plus neutre possible, ne le filmant plus après 16h pour éviter l’apparition de marques de fatigue sur son visage. Le résultat est aussi fascinant qu’effrayant avec quelque chose de cadavérique, de spectral qui le rend inquiétant. D’une certaine façon, on pressent la décomposition qui se cache derrière ce masque lisse et diaphane qui n’est autre que celui de l’aristocratie victorienne, elle-même biface : d’un côté la mascarade sociale de la respectabilité avec sa morale rigide et étouffante, de l’autre le déchaînement de la débauche dans les bas-fonds. C’est pourquoi la plupart des personnages, et tout particulièrement ceux de la haute société sont filmés dans des encadrements ou déjà à l’état de portraits encadrés tout comme Dorian Gray. En censurant toute représentation frontale du vice et en muselant les désirs, le code Hays, redoublant le puritanisme victorien donne encore plus de relief à cet incroyable portrait. L’idée géniale de le filmer en technicolor alors que tout le reste du film baigne dans le noir et blanc suggère la réalité de l’âme enfermée dans l’objet alors que tout le reste n’est que simulacre. Et l’oeuvre du peintre américain Ivan Le Lorraine Albright qui s’est spécialisé dans la représentation du vieillissement et de la mort prend aux tripes suscitant autant de fascination que de dégoût.

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Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

Publié le par Rosalie210

Victor Fleming (1941)

Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

"Dr.Jekyll et Mr. Hyde" de Victor FLEMING est le remake du film de Rouben MAMOULIAN de 1931. Il en reprend en effet l’intrigue et de nombreuses scènes quasi à l’identique tout en gommant la plupart de ses aspérités. Le code Hays est passé par là encore que Victor FLEMING ne s’en tire pas si mal en représentant le désir manifeste que Jekyll (Spencer TRACY) a pour sa fiancée Beatrix (Lana TURNER) et qui indispose son père (Donald CRISP) ainsi que quelques visions oniriques assez réussies notamment celle des femmes-chevaux dévêtues fouettées par Jekyll transformé en cocher. Mais Ivy (Ingrid BERGMAN) ne peut plus s’offrir nue à Jekyll puisque la prostitution ne peut pas être représentée frontalement, elle devient donc pudiquement une simple « serveuse » et ce changement rend bancal son personnage jusqu’à la fin (la manière dont elle retrouve Jekyll est particulièrement peu crédible). De ce point de vue on peut considérer cette version comme une rencontre entre deux formes de puritanismes : le victorien et l’américain qui se renforcent l’un l’autre. Le film est par ailleurs une œuvre de prestige très soignée tant au niveau des costumes que des éclairages (la photographie du visage des actrices est superbe) et de l’atmosphère en général (réaliste pour Jekyll et expressionniste pour Hyde) mais la mise en scène est paresseuse par rapport à la version précédente. Autre gros problème, Spencer TRACY n’est pas crédible dans le rôle. Il est trop vieux pour jouer le jeune premier et le choix de créer un Hyde qui n’est qu’une version grimaçante et hirsute de lui-même rend invraisemblable le fait qu’il ne soit pas immédiatement reconnu par son entourage. De plus il est assez insipide en Jekyll là où Fredric MARCH était beaucoup plus tourmenté, laissant transparaître son démon intérieur sous son visage d’ange. Ingrid BERGMAN tire en revanche son épingle du jeu en jouant une Ivy sous l'emprise d'un tyran domestique proche de son futur rôle dans "Hantise" (1944) de George CUKOR.

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Docteur Jekyll et M. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

Publié le par Rosalie210

Rouben Mamoulian (1931)

Docteur Jekyll et M. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde)

La version de Rouben MAMOULIAN réalisée au début du parlant allie excellence de l'interprétation et mise en scène inspirée pour ce qui est sans doute la meilleure adaptation de la nouvelle de Robert Louis Stevenson à ce jour. La scène d'introduction suggère d'une manière admirable les troubles de la personnalité du docteur Jekyll (Fredric MARCH). Tout d'abord elle est tournée en caméra subjective, tout comme un peu plus tard sa première métamorphose. De ce fait, nous ne voyons pas tout de suite Jekyll. Ce que nous voyons d'abord, c'est d'abord l'ombre de sa tête projetée sur une partition musicale et ensuite son reflet dans le miroir, une façon d'opposer son image sociale respectable et l'envers masqué de cette image, son intériorité inavouable et donc cachée (et en anglais, cacher se dit hide). Dans une société qui accepterait l'être humain tel qu'il est, celui-ci n'éprouverait pas le besoin de se diviser. Mais la société victorienne marquée par une morale extrêmement puritaine est fondée sur la dissociation entre ce qui est considéré comme pur chez l'être humain et qui est célébré et ce qui est considéré comme impur -en premier lieu la sexualité- et doit être rejeté. Par conséquent le puritanisme fabrique une société duale avec d'un côté une façade conforme aux principes moraux qu'elle prône et de l'autre une arrière-cour fétide remplie de ce qu'elle rejette et qui parfois remonte à la surface, à l'image dans le film de la casserole pleine de liquide bouillant qui déborde et fait sauter le couvercle.

Ce dualisme est donc au cœur du film. Il est à l'origine du dédoublement de personnalité de Jekyll qui est qualifié "d'ange" et c'est bien parce que ceux qui font les anges font aussi les bêtes que son ombre prend la forme d'une bête simiesque. Il est frappant également de constater combien le point nodal de la dissociation est lié à la répression sexuelle. Jekyll qui sent la pulsion monter en lui espère la canaliser "honorablement" dans le mariage avec Muriel (Rose HOBART). Sauf que le père retarde l'échéance alors que la frustration devient insupportable, selon le credo bien connu qui prête à l'homme des désirs sexuels incontrôlables alors que la femme n'aurait, elle, pas de désir. C'est la rencontre avec Ivy (Miriam HOPKINS) qui précipite le drame. Car tout comme l'homme, la femme est dissociée. D'un côté il y a les filles de bonne famille, vierges jusqu'au mariage et ensuite dépourvues de libido par une prison psychique inculquée dès l'enfance les privant de corps sauf pour la reproduction. Et de l'autre, les prostituées, des "égouts" sur pattes servant à satisfaire les pulsions sexuelles jugées irrépressibles des mâles qui sinon perturberaient l'ordre social. Et pour encore mieux souligner cette dualité, Rouben MAMOULIAN divise l'écran à plusieurs reprises ce qui en fait un pionnier du split screen.

Sauf que Ivy ne devient pas seulement la maîtresse de Hyde, elle devient également sans le savoir le réceptacle de la haine que Jekyll a de lui-même (c'est à dire de son corps, de ses désirs, de ses besoins). Il la terrorise, la martyrise et en définitive, la tue, poussant jusqu'à son extrême aboutissement la logique de domination patriarcale sur le corps des femmes et la haine des puritains vis à vis de l'amour, de la beauté, du plaisir, bref tout ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. Poussé ainsi à l'extrême, le système victorien si bien huilé déraille. Car Jekyll le subvertit avec sa science. En séparant radicalement deux parties de son être, il créé un monstre incontrôlable qui le détruit mais menace également d'éclater à la figure de toute la bonne société: c'est la casserole qui déborde, autrement dit le "Docteur Jekyll et Mister Hyde" (1931)" de Rouben MAMOULIAN n'est pas que l'étude d'un symptôme, c'est la radiographie d'un scandale. 

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