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Le Consentement

Publié le par Rosalie210

Vanessa Filho (2023)

Le Consentement

Le film de Vanessa FILHO, adapté du livre autobiographique de Vanessa Springora n'est pas l'oeuvre du siècle mais il s'agit d'un travail honnête qui bénéficie d'une très bonne interprétation. Kim HIGELIN dans le rôle d'une adolescente sous emprise, Jean-Paul ROUVE dans celui du prédateur amateur de chair fraîche ou Laetitia CASTA en mère paumée et dépassée sont tous trois parfaits. D'ailleurs c'est après avoir vu un entretien avec Jean-Paul ROUVE, particulièrement doué pour jouer les rôles de psychopathes (je pense au collabo huileux qu'il interprétait dans "Monsieur Batignole" (2001) et qui lui avait valu le César mérité du meilleur espoir masculin) que je me suis décidée à voir le film. Sa progression dramatique colle à la descente aux enfers de Vanessa, jeune fille à peine pubère qui tombe sous l'emprise de l'écrivain pédo-criminel Gabriel Matzneff, lequel tel un vampire va vider sa proie de son énergie vitale pour en faire un objet de fantasmes dans ses livres (monde dont il a le contrôle absolu contrairement à la vie réelle) et continuer à la harceler dans sa vie d'adulte. Mais il n'aurait pu accomplir ses méfaits sans le contexte favorable d'une société elle-même pervertie: la démission des parents de Vanessa et l'adoubement du milieu littéraire parisien (et plus généralement de l'élite dirigeante, l'attitude du président de l'époque, François Mitterrand étant plus qu'ambigüe ce qui n'est guère étonnant) qui protège et valorise l'écrivain, non seulement pour son style mais aussi pour ses moeurs: la transgression, c'est "chic" et s'y opposer c'est être une "mal-baisée" (soit l'injure récurrente faite à Denise Bombardier, la seule personnalité ayant condamné publiquement les agissements de Matzneff, sans doute parce qu'elle n'était pas française et n'avait donc pas été formatée par le milieu). Cet aspect-là qui est pourtant fondamental est beaucoup moins bien rendu dans le film qui se concentre plus sur l'intime que sur le social. La description de la petite mafia ayant permis l'épanouissement du monstre se réduit à deux dîners, deux scènes de brasserie et deux émissions littéraires (dont l'une est constituée d'archives). Si un jour, "La Familia Grande" de Camille Kouchner est adapté au cinéma, j'espère que cet aspect qui est au coeur de son livre sera mieux analysé.

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Le Garçon et le Héron (Kimi-tachi wa dō ikiru ka)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2023)

Le Garçon et le Héron (Kimi-tachi wa dō ikiru ka)

Film-somme, "Le Garçon et le Héron" sort dix ans après "Le vent se leve" (2013) qui était annoncé alors comme le dernier film de Hayao MIYAZAKI. Nul aujourd'hui n'oserait pronostiquer la fin de sa carrière car il est peu probable que le maître de l'animation japonaise aujourd'hui octogénaire s'arrête tant qu'il sera en capacité de réaliser des films. "Le Garçon et le Héron" commence comme un récit de guerre réaliste et traumatique quelque part entre "Le vent se leve" (2013) et "Le Tombeau des lucioles" (1988) avant de bifurquer vers un monde parallèle qui synthétise ceux de ses précédents films, de "Le Chateau dans le ciel" (1986) à "Ponyo sur la falaise" (2008) en passant bien sûr par "Le Voyage de Chihiro" (2001) dont il approfondit les thèmes. Un monde parallèle plus que jamais influencé par le roman de Lewis Caroll "Alice au pays des merveilles" et que beaucoup voient comme une métaphore des studios Ghibli eux-mêmes avec à leur tête un vieil homme incapable de passer la main sans faire s'écrouler le domaine. A cette succession patriarcale impossible répond la quête initiatique du jeune Mahito dans les couloirs de l'espace-temps pour faire le deuil de sa mère disparue et retrouver le goût de vivre. Ses aventures constituent un hommage au film-matrice de Miyazaki, "Le Roi et l'Oiseau" (1979) et ne sont pas sans rappeler également l'oeuvre symboliste de Maurice Maeterlinck, "L'Oiseau bleu". Déjà parce que le monde parallèle à multiples dimensions est marin et peuplé d'oiseaux, principalement des pélicans et des perruches géantes, le tout dominé par le guide de Mahito, un héron cendré au plumage blanc et bleu dissimulant dans son gosier un bizarre petit homme disgracieux. Ensuite parce que Mahito est amené à rencontrer les formes primitives des enfants à naître, les warawara qui rappellent les noiraudes et les kodamas. A l'autre bout de la chronologie, il rencontre l'une des vieilles servantes travaillant au service de sa nouvelle famille, redevenue une jeune femme intrépide au pied marin. Les grands-mères plus que jamais jouent le rôle de figures tutélaires protectrices. Enfin il est amené à rencontrer sa propre mère adolescente sous la forme d'une fille du feu ainsi que sa belle-mère laquelle s'avère n'être autre que la petite soeur de sa mère. Celle-ci est sur le point d'accoucher mais une menace plane sur elle et l'enfant à naître que Miyazaki fait ressortir de plusieurs façons, teintant son long-métrage de sentiments contrastés, entre espoir et désespoir.

Mais raconter le film n'en épuise ni le sens (multiple), ni la beauté. Celle-ci est toujours au sommet. Le style artisanal (de la 2D à l'ancienne qui rend ses films intemporels et quelques touches de 3D judicieusement placées pour faire ressortir tel ou tel élément) et perfectionniste de Hayao MIYAZAKI se reconnaît à sa précision, à sa fluidité, à ses mille et un détails enchanteurs et nous offre en prime un prisme extrêmement coloré ou bien par contraste des images de cauchemar comme l'incendie où tout est rouge et noir où les sons sont assourdis et où les traits deviennent informes.

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Beach Flags

Publié le par Rosalie210

Sarah Saidan (2014)

Beach Flags

"Beach Flags" est un court-métrage d'animation de la réalisatrice iranienne Sarah SAIDAN qui s'est installée en France en 2009. "Beach Flags" qui évoque la condition difficile des femmes athlètes en Iran a remporté de nombreux prix et s'avère d'une brûlante actualité. Le film est un récit initiatique dans lequel le sport associé à la compétition et à l'individualisme se transforme en moyen d'émancipation grâce à la solidarité entre les jeunes athlètes. La façon dont les jeunes filles retournent contre la société patriarcale leurs propres moyens d'oppression concerne également le hijab qui devient un procédé de camouflage permettant de mystifier la famille qui veut empêcher leur fille de concourir. Sur la forme, le film fait penser à "Persepolis" (2007) même s'il s'agit d'un court-métrage en couleurs. Le trait est en effet proche de celui de Marjane SATRAPI, autre réalisatrice iranienne ayant utilisé l'animation pour évoquer sa jeunesse rebelle en Iran.

Le "Beach flag" est une course sur la plage qui est la seule épreuve sportive à laquelle les nageuses-sauveteuses iraniennes peuvent participer car elles peuvent concourir habillées et voilées. Toutes les épreuves en maillot de bain leur sont, quant à elles, interdites. Un maigre espace de liberté dans un océan d'oppression que l'on ressent à travers les cauchemars de l'héroïne, Vida.

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Règlements de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral)

Publié le par Rosalie210

John Sturges (1957)

Règlements de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral)

Un classique du western dont l'intérêt repose sur l'amitié virile entre le shérif incorruptible Wyatt Earp (Burt LANCASTER) et l'ex-dentiste devenu chasseur de primes Doc Holliday (Kirk DOUGLAS). Tiré de faits réels plusieurs fois racontés au cinéma, le duel l'ayant opposé avec ses frères et Doc Holliday aux Clanton est depuis entré dans la légende. En témoigne la popularité de l'expression "règlements de comptes à O.K. Corral" ou la célébrité des noms de lieux (la ville de Tombstone en Arizona devenue un lieu touristique pour nostalgiques de l'univers western, le cimetière de Boot Hill associé aujourd'hui à celui qui se trouve à Disneyland dans son "Frontierland"). La célèbre chanson du film, interprétée par Frankie LAINE a contribué à donner au film son lyrisme au détriment de la réalité historique (car la fusillade ne s'est pas déroulée dans un enclos mais dans la rue). Si le personnage de Earp est assez lisse, celui, autodestructeur de Holliday est plus intéressant, notamment dans sa relation compliquée avec Kate (Jo Van FLEET) qui l'accuse non sans raison de lui préférer Wyatt Earp. Pour tenter de lever les ambiguïtés, le scénario flanque dans les pattes de Earp une joueuse de poker (Rhonda FLEMING) certes bien mise en valeur mais qui une fois l'hétérosexualité du shérif démontrée disparaît de l'image. On aperçoit aussi Dennis HOPPER dans un rôle secondaire où il est sous-exploité malgré un charisme assez évident. Et que dire de Lee VAN CLEEF qui n'apparaît que quelques minutes au début du film mais marque les esprits! Bref on est typiquement dans une oeuvre maîtrisée où ont convergé nombre de talents mais bridée par les conventions de l'époque. Les fans de western aimeront, les autres risqueront de rester sur leur faim.

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Second tour

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2023)

Second tour

Mi satire politico-médiatique, mi fable philosophique, "Second tour" est moins abouti que le précédent film de Albert DUPONTEL, "Adieu les cons" au niveau du rythme et de l'écriture des personnages (pas toujours bien définis ou bien manquant de crédibilité). Néanmoins, il ne manque pas de sel, alliant sens de l'observation et esprit critique. Ainsi le duo de journalistes mis au placard formé par Mlle Pove (Cecile de FRANCE) et Gus (Nicolas MARIE) au langage délicieusement incorrect leur vaut trois scènes de recadrage avec leur supérieure pète-sec où le comique de répétition joue à plein. La parodie de BFMTV avec ses premiers de la classe tête à baffes est tout aussi drôle avec ce gimmick final en forme de ouf de soulagement sur la stabilité de la bourse en dépit des rebondissements de la campagne électorale ("business as usual"). Les petits détails qui font mouche comme l'attitude du journaliste politique en coulisses qui est impoli envers sa maquilleuse et envers le candidat qu'il interroge sans écouter sa réponse donne un aperçu plus efficace de la crise démocratique que nous traversons que tous les discours. Mais l'objectif de Albert DUPONTEL n'est pas seulement le cassage en règle du système. Il propose une alternative et la phrase d'incipit qui ouvre le film "pour changer le système il faut appartenir au système" se concrétise dans le fait que le candidat favori pour la présidentielle, un clone de Macron joué par Albert DUPONTEL n'est pas ce qu'il paraît. Il est double, à tous les sens du mot. C'est le dévoilement de son secret qui amène le récit du côté de la fable, en rendant hommage au passage à deux films sortis quarante-quatre ans plus tôt: "La Gueule de l'autre" (1979) et "Bienvenue Mister Chance" (1979). Comme dans le film de Hal ASHBY, un "idiot du village" remet une société à la dérive d'aplomb. Et en ces temps de désastre environnemental, le fait qu'il soit jardinier (apiculteur plus exactement) n'a contrairement à lui rien d'innocent.

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Le Corbeau (The Raven)

Publié le par Rosalie210

Roger Corman (1963)

Le Corbeau (The Raven)

Tout d'abord, j'ai dû vérifier avant d'emprunter le titre à la médiathèque que je ne n'avais pas fait de confusion avec une autre comédie horrifique, "Le Croque-mort s'en mele" (titre video) (1963) réalisé la même année, avec le même trio d'acteurs et par la même société de production, l' AIP American International Pictures mais avec un autre réalisateur, Jacques TOURNEUR. Je n'avais pas trouvé ce dernier terrible d'ailleurs. J'ai préféré "Le Corbeau" de Roger CORMAN en dépit d'évidentes limites budgétaires (relatives car si Roger CORMAN est célèbre pour ses tournages à l'économie, il a bénéficié de moyens confortables pour ses films adaptés de Edgar Poe), esthétiques (effets spéciaux datés qui piquent parfois les yeux) et dans la direction d'acteurs qui part dans tous les sens.

Le film est un peu envers le poème de Edgar Poe ce que "La Folie des grandeurs" (1971) est à la pièce de théâtre "Ruy Blas" de Victor Hugo, à savoir une parodie qui transforme la tragédie en une comédie pleine de dérision. Si tous les gags sont loin de faire mouche, le surjeu d'un Vincent PRICE inconsolable devant la dépouille de sa défunte finit par faire sourire quand on découvre la nature vénale de celle-ci, un remède sans faille au romantisme noir. Le corbeau qui jure comme un charretier et veut son vin avant de révéler un Peter LORRE en roue libre, agaçant au possible un Boris KARLOFF dont la prestance et la diction parfaite révèle à quel point il aurait été à sa place chez Shakespeare étonne. Sauf que leurs duels infantiles ont pour enjeu non "to be or not to be" mais "qui est le plus fort" (et le sort que réserve le Dr Scarabus à la baguette du Dr Bedlo fait très "concours de bistouquettes"). Enfin si "Le Corbeau" est la cinquième adaptation de l'oeuvre de Edgar Poe par Roger CORMAN qui lui a consacré un cycle de films ayant influencé de près ou de loin nombre de réalisateurs (entre autres Mario BAVA, Dario ARGENTO, George LUCAS, Tim BURTON et Francis Ford COPPOLA, assistant-réalisateur sur plusieurs d'entre eux), c'est aussi sa deuxième collaboration avec le jeune Jack NICHOLSON (26 ans) qui bien qu'étant censé jouer les jeunes premiers montre lors d'une scène son côté sombre avec un visage grimaçant qui deviendra célèbre près de vingt ans plus tard dans "Shining" (1980).

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L'Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair)

Publié le par Rosalie210

Norman Jewison (1968)

L'Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair)

"L'Affaire Thomas Crown" est un film policier divertissant et charmant grâce au glamour de ses deux interprètes (Steve McQUEEN et Faye DUNAWAY) qui jouent à "Arrête-moi si tu peux" (2002) et à toutes sortes d'autres jeux risqués sur fond d'érotisme. Par leur classe et leur goût de l'aventure, ils m'ont tous deux fait penser à James Bond ce qui est logique car le premier choix de casting pour jouer Thomas Crown était Sean CONNERY. De même le côté ludique du film lorgne vers Alfred HITCHCOCK au point qu'on croirait voir surgir l'ombre de Eva Marie SAINT (pressentie pour le rôle de Vicki Anderson) dans la scène de vente aux enchères. Néanmoins, si Vicki Anderson a un rôle actif à jouer contrairement à celui souvent décoratif des James Bond girls des années 60, elle n'est pas pour autant à égalité avec son partenaire et son rôle n'est pas dénués de clichés. Je pense notamment au fait qu'elle fonde son enquête sur la séduction et non sur la recherche de preuves. Ou encore le fait que lors de la partie d'échecs, si la caméra adopte plusieurs fois le point de vue de Thomas Crown observant avec désir tel ou tel détail, tel ou tel geste de sa partenaire, l'inverse ne se produit jamais. En langage actuel, on dirait que cette célèbre séquence est un monument de "male gaze".

Le film n'est donc moderne qu'en apparence et cela se retrouve sur la forme. Si les chorégraphies géométriques des casses et du jeu d'échecs se répondent avec bonheur, la gestion des split-screen est moins heureuse. Cette technique venait d'être découverte et Norman JEWISON en met partout sans que cela soit justifié. L'aspect tape-à-l'oeil de la mise en scène se retrouve aussi dans la bande-son omniprésente voire parfois envahissante (composée par Michel LEGRAND dont c'était la première collaboration dans une production hollywoodienne) dont on retient surtout la chanson "Les moulins de mon coeur".

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L'Exorciste (The Exorcist)

Publié le par Rosalie210

William Friedkin (1973)

L'Exorciste (The Exorcist)

Comme "Les Dents de la mer" (1975), "L'Exorciste" (1972) est un film dont j'avais vu des bribes tant il a infusé dans le cinéma et au-delà. L'ouverture de l'album "Tubular Bells" de Mike OLFIELD, l'affiche inspirée du tableau surréaliste de René Magritte "L'Empire des Lumières" où s'affrontent le jour et la nuit d'où se détache l'ombre de la haute silhouette de Max von SYDOW ou encore les plans de contorsions physiques du personnage de Regan (Linda BLAIR) instaurent une familiarité avec un film qu'aujourd'hui pourtant peu ont réellement vu. Un film que ses images les plus célèbres sont loin d'épuiser tant il contient de mystères et de symboles dont nous n'avons pas forcément la clé (ou une clé simpliste) comme l'escalier, la vierge profanée, les flashs mentaux ou le rêve du père Karras (Jason MILLER). Pour ma part, le film m'inspire quelques réflexions:
- L'importance que joue le "retour du refoulé" dans le film. Ce n'est pas par hasard si la première séquence qui se déroule en Irak montre des fouilles archéologiques menées notamment par le père Merrin (Max von SYDOW) qui aboutissent à l'exhumation d'une statue de démon. L'Irak est l'un des berceaux de l'humanité, aussi ces fouilles peuvent être interprétées comme un retour aux sources et ce retour aux sources s'accompagne de la redécouverte du mal et de tout ce qui lui est associé, chassé de la civilisation occidentale par la religion chrétienne mais aussi par le rationalisme scientifique, lui-même très lié à la philosophie des Lumières. Est-il alors surprenant que le film montre des représentants de ces deux institutions (l'Eglise et la Science) face au retour en force de ce mal, insidieusement suggéré par la rengaine obsédante de "Tubular Bells"?
- La nature de ce mal est forcément le négatif de tout ce que n'est pas la Science, la Raison et la Religion. Elle relève de l'inconscient (ultra-présent dans le film qui fonctionne comme un long cauchemar) c'est à dire toutes les forces obscures et incontrôlables tapies en l'homme qui ne sont ni rationalisables par la Science ni moralisables par la Religion. C'est bien pour cela qu'elles représentent "l'altérité" dans un monde que ces pensées rendent binaires et manichéen: l'Orient contre l'Occident mais aussi l'homme contre la femme. Car les institutions fonctionnent selon le modèle du patriarcat et c'est justement son délitement au niveau familial dans les années 70 (la mère de Regan est séparée du père et élève sa fille seule) qui ouvre une brèche dans lequel le mal va s'engouffrer. La femme (puissante sexuellement) associée au démon dans le christianisme l'est aussi dans la médecine en tant qu'être irrationnel (c'est à dire sensible aux émotions) face à un homme qui ne serait que raison. Ainsi l'hystérie est intrinsèquement lié au féminin par le langage puisque hystéra signifie utérus en grec.
- Il y a donc un parfait continuum dans le film entre le supplice qu'inflige la médecine à Regan et celui que lui inflige la religion: une véritable crucifixion. "L'Exorciste" décrit de façon clinique puis sataniste l'acharnement thérapeutique vain des institutions patriarcales sur une très jeune fille dont il n'aura échappé à personne qu'elle est à la veille de sa puberté, donc de ses règles et de son éveil sexuel. Tout cela étant refoulé au profit de la vision puritaine (seule acceptable) de la jeune fille -dont la statue de la Vierge est l'émanation avant sa profanation éloquente - cela se manifeste d'une manière monstrueuse. Un monstre qui ne peut être vaincu que de deux façons: en tuant Regan (l'autre) ou en laissant entrer le monstre en soi. Car si "L'Exorciste" est si puissant, il ne le doit pas seulement a ses moments-chocs mais aussi à l'étirement extrême des séquences de "traitement", mettant au supplice le spectateur à qui il n'épargne aucun détail.

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Les 3 vies d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2012)

Les 3 vies d'Agnès

Documentaire réalisé en 2012 et proposé en bonus dans le coffret DVD Tout(e) Varda, "Les 3 vies d'Agnès" fait référence aux trois activités artistiques auxquelles elle a consacré sa vie: la photographie, le cinéma et les arts plastiques auxquels elle préférait l'expression "arts visuels". Chacune de ses activités a occupé le devant de la scène de façon chronologique d'où "les 3 vies". Agnes VARDA avait en effet une formation de photographe qui l'a entraîné vers le cinéma qu'elle a pratiqué à partir du milieu des années cinquante et son premier film "La Pointe courte" (1954) précurseur de la nouvelle vague sous diverses formes et formats avant qu'au milieu des années 2000 elle ne diversifie encore plus le champ de ses activités. Il est cependant évident qu'il y a toujours eu une circulation entre toutes ces formes d'art, son cinéma se nourrissant de son oeil de photographe tout en préfigurant ses installations par leur mise en scène de l'hétérogénéité. C'est évident dès "La Pointe courte" (1954) qui alterne entre passages documentaires et passages de fiction, les deux grands genres entre lesquels Agnes VARDA n'a cessé de naviguer durant toute sa carrière. A l'autre bout du spectre, "Les Plages d'Agnes" (2007) fonctionne sur le principe du collage, du patchwork alors que dans "Visages, villages" (2017), elle revient à ses premières amours de photographe, épaulée par JR comme un passage de relai.

En dépit de son titre et de son ouverture sur des photographies (dont certaines déjà évoquées dans "Les Plages d'Agnes" (2007) comme l'exposition à Avignon consacrées à celles du TNP de Jean VILAR), le documentaire évoque surtout la troisième vie de Agnes VARDA, fonctionnant comme un catalogue d'expositions de l'artiste. Un art du fragment, que ce soit au travers d'une série de portraits et miroirs brisés, un recueil de témoignages ("Quelques veuves de Noirmoutier") (2006) que l'on écoute séparément alors qu'un grand écran les relie tous ou encore le travail de mémoire effectué à l'occasion de l'hommage aux Justes de France en 2007. Un travail de mémoire également présent lors de l'évocation de la rétrospective de l'oeuvre de, Agnes VARDA en Chine en 2012, plus de cinquante ans après son premier voyage sous l'ère Mao. Comme le rappelle l'artiste, la révolution culturelle a détruit une grande partie du patrimoine culturel de la Chine mais également nombre de souvenirs personnels. Si bien que les photographies et objets rapportés du voyage de 1957 constituent une sorte d'exhumation de vestiges d'un passé perdu. S'y ajoute une réflexion sur les différences de perception de ses installations en France et en Chine et sur la délicate question de la traduction des témoignages. La permanence de quelques totems comme la cabane, revisitée façon pagode sert de fil rouge entre tous les éclats de l'artiste. Un documentaire passionnant donc pour tous les fans de Agnes VARDA et plus généralement d'art tous azimuts.

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Christmas Carole

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Christmas Carole

Agnes VARDA a eu une longue et prolifique carrière mais ce que l'on sait moins, ce sont tous les projets auxquels elle a dû renoncer, essentiellement par manque de financement. "Christmas Carole" fait partie de ceux-là. Il s'agit d'un bout d'essai tourné dans le but de convaincre un producteur-distributeur de se lancer dans le projet, Agnes VARDA n'ayant pas obtenu l'avance sur recettes. De ces quelques minutes de film, on retient l'esthétisme des plans, le discours critique envers la société de consommation, une vision avant-gardiste de la jeunesse (on se croirait déjà en 1968) et un Gerard DEPARDIEU de 17 ans qui crève l'écran dans son premier rôle. Car on ne le souligne pas assez, Agnes VARDA a été une défricheuse de talents. Jacques DEMY et elle avaient misé sur Harrison FORD dix ans avant qu'il ne perce au cinéma et elle a fait débuter Yolande MOREAU dans "7p., cuis., s. de b., ... a saisir" (1984) puis "Sans toit ni loi" (1985). Ces choix avant-gardistes s'ils paraissent évidents aujourd'hui lui ont coûté cher. C'est ainsi précisément à cause de la prestation de Gerard DEPARDIEU jugée sans valeur par les fils du producteur-distributeur que le film ne s'est pas fait. S'en sont-ils mordu les doigts par la suite?

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