Je n'avais pas très envie d'aller voir "L'Amour Ouf" et je n'ai pas vraiment aimé le résultat. Certes, il y a d'excellentes idées de mise en scène, une photographie qui décoiffe, une envie de cinéma XXL à l'américaine qui n'est pas fréquente dans le cinéma français, une interprétation qui "déchire", surtout de la part des deux jeunes acteurs Mallory WANECQUE et Malik FRIKAH qui peuvent légitimement espérer rafler un prix révélation lors de la prochaine cérémonie des César car ils portent la moitié du film sur leurs épaules. Adele EXARCHOPOULOS et Vincent LACOSTE sont également excellents (en revanche je trouve le jeu de Francois CIVIL trop limité). Oui mais le résultat ne m'a pas convaincu. C'est trop: trop long, trop tape-à-l'oeil, trop m'as-tu vu, trop kitsch avec certains plans frôlant le grotesque (le coeur et le chewing-gum qui battent, le baiser sur fond de coucher de soleil cliché à mort). Et ce n'est pas assez à la fois parce que Gilles LELLOUCHE veut faire une sorte de cinéma total qui brasse un peu tous les genres (drame romantique, teen movie, film de gangsters, comédie musicale, film de procès, film social, comédie "buddy movie" avec Raphael QUENARD et Jean-Pascal ZADI...) mais n'arrive pas bien à les amalgamer et surtout à les creuser. Dans certains films, les contraires s'attirent et s'enrichissent mutuellement mais dans celui-ci, c'est comme s'ils se repoussaient. Peut-être parce que cela manque de dialogues un tant soit peu consistants. On a donc au final une maîtrise insuffisante et un manque de profondeur criant.
Un succès qui ne se dément pas! "Astrid et Raphaëlle" en est déjà à sa cinquième saison et le tandem de choc se surpasse toujours autant pour nous offrir des enquêtes haletantes au léger parfum ésotérique. Il s'agit encore et toujours de pénétrer des cercles souvent très fermés ou occultes. Au menu cette fois-ci: du bouddhisme, des mormons, du vaudou, un cartel mexicain, des services secrets, un club hippique, un plateau de tournage. Bientôt la franc-maçonnerie et les Illuminati? Ceci étant, ce penchant pour le mystère et l'étrange va de pair avec la compréhension du personnage d'Astrid qui se passionne pour les puzzles et les casse-têtes tout en étant une énigme en elle-même. Les épisodes sont toutefois d'un intérêt inégal. Certains sont de purs divertissements (les deux premiers notamment). D'autres abordent des sujets plus graves comme l'exploitation des migrants, la maltraitance envers les handicapés ou la difficulté de reconnaître et d'exprimer ses sentiments quand on est autiste, problèmes qui provoquent des crises épileptiques chez Astrid. Dommage qu'ils ne soient pas davantage approfondis. En tout cas, son duo avec la fougueuse Raphaëlle est toujours aussi attachant. Le féminisme de la série est un peu plus souligné que d'ordinaire parce que toutes deux sont en couple et que leurs compagnons ne rentrent pas non plus dans les clous comme le fait remarquer un criminel à Nicolas en lui disant qu'il se laisse mener par les femmes. La fin est un cliffhanger donc aucun doute sur le fait qu'une saison 6 est déjà dans les tuyaux.
"Marche à l'ombre", premier film réalisé par Michel BLANC, c'est "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (1980) avec un supplément d'âme. Un titre de RENAUD mais avec un "Téléphone"* à la main prêt à partir pour "New-York avec toi". "Marche à l'ombre" est un film en mouvement, un road movie dans lequel Paris n'est qu'une escale dans l'errance de François et Denis entre Athènes et New-York. Et encore, le Paris du film de Michel BLANC a de très forts accents africains et m'a toujours fait penser au clip de la chanson de Maxime LE FORESTIER, "Né quelque part" qui s'en est peut-être inspiré. Le déracinement est donc un puissant thème de "Marche à l'ombre" tout comme la fraternité qui réunit un temps clandestinement une communauté de migrants sous le même toit. Outre le déracinement et la fraternité, le troisième élément qui distingue "Marche à l'ombre" du film de Patrice LECONTE c'est la recherche de la beauté. Le personnage de François est sans doute l'un des plus beaux rôles (si ce n'est le plus beau) incarné par Gerard LANVIN (qui n'avait pas encore les tics de jeu qui me l'ont rendu par la suite si antipathique). En effet François a beau galérer dans un monde sordide, ce qui ressort de lui n'est qu'élévation vers les cimes du grand amour, indissociable de l'art comme le souligne la rencontre avec Mathilde (Sophie DUEZ) qui est danseuse, juste devant un cinéma. Et François est lui-même un musicien hors-pair (et sans doute trop idéaliste pour s'intégrer dans la société, comme autre loser magnifique, "Inside Llewyn Davis") (2013) qui avec ses companeros africains improvise des concerts si merveilleux qu'ils font oublier le minable squat dans lequel ils se sont réfugiés. C'est d'ailleurs par eux et aussi pour retrouver Mathilde qu'il part à New-York tenter sa chance. L'art, l'amour, la fraternité mais aussi l'amitié indéfectible qui unit François et Denis (Michel BLANC), poissard hypocondriaque ultra-"attachiant" qu'il protège comme un grand frère et qui nous fait rire avec des répliques rentrées dans les annales du cinéma, notamment la scène hallucinogène où il mélange loubards, renards et loup-garou ("les dents qui poussent").
* Jean-Louis AUBERT, ex-leader du groupe lui a rendu hommage le 4 octobre, révélant qu'ils avaient fréquentés le même lycée mais pas dans le même club.
"Viens chez moi, j'habite chez une copine" est un film de transition entre les précédentes réalisations de Patrice LECONTE avec les membres du Splendid et le premier film réalisé par Michel BLANC, "Marche a l'ombre" (1984). Celui-ci en co-signe le scénario et écrit les dialogues en plus d'offrir une variante de son personnage de Jean-Claude Dusse aux côtés d'un beau gosse "malabar" au coeur tendre joué par l'un des deux futurs "Les Specialistes" (1985) (du même Patrice LECONTE), ici Bernard GIRAUDEAU. On peut aussi souligner que le titre et une partie de la bande-son des deux films sont tirés d'une chanson de RENAUD et qu'ils ont le même producteur, Christian FECHNER. Bien qu'inscrite dans le registre de la comédie franchouillarde sans prétention, "Viens chez moi, j'habite chez une copine" s'en distingue néanmoins déjà par sa finesse d'écriture. En effet on peut se demander pourquoi Daniel qui a "tout ce qu'il faut pour être heureux" c'est à dire une vie bien rangée s'encombre d'un casse-pieds tel que Guy qui en très peu de temps va y mettre une pagaille monstre. Et bien peut-être parce que sa vie était trop rangée justement et qu'il s'ennuyait. Au moins avec Guy, on ne s'ennuie pas une seconde, c'est le remède à la routine! Héritier d'une longue lignée de personnages burlesques, le Guy de Michel BLANC est un agent du chaos à qui on pardonne tout à cause de son sourire candide et de sa fragilité intrinsèque. Ainsi Therese LIOTARD qui doit supporter ses frasques agit-elle avec lui avec beaucoup d'indulgence et une certaine dose d'ironie, le considérant comme un grand enfant. Un peu comme le faisait Margaret DUMONT avec les frères Marx. C'est pourquoi en dépit d'une liste de défauts longue comme le bras, ne garde-t-on en mémoire que son côté attachant et bien entendu la cascade de situations comiques qu'il créé par son comportement irresponsable, notamment en invitant de jolies filles (dont une ANEMONE pas piquée des vers en nymphomane) sous le nez d'un Daniel rapidement émoustillé par leurs charmes ou bien par ses combines foireuses et ses multiples maladresses.
Tout d'abord, une remarque: j'ignorais que Claude LELOUCH avait réalisé une multitude de scopitones dans les années 60. Cela explique la présence de Johnny HALLYDAY dans "L'aventure, c'est l'aventure" (assez méconnaissable pour moi qui ne l'ai connu que vieux) comme celle de Gilbert BECAUD dans "Toute une vie" (1974) avec des passages chantés un peu ringards. Par ailleurs, "L'aventure, c'est l'aventure" est un étrange film qui aurait pu s'appeler pour citer le personnage de Charles DENNER "la clarté dans la confusion". Le scénario est complètement foutraque, ça part dans tous les sens, la deuxième partie du film est laborieuse malgré le rebondissement final. Film de gangsters décalé, parodique, "l'aventure, c'est l'aventure" est un buddy movie humoristique façon "Tintin chez les Picaros", "frères Dalton" ou "pieds nickelés" avec un fort accent burlesque voire cartoon. D'ailleurs le film, devenu culte a été lui-même adapté en BD. Une scène qui l'illustre parfaitement est celle où les flics interrogent le personnage de Lino VENTURA à l'entrée d'un aéroport. On pense à l'expression de Henri Bergson à propos du rire quand on le voit répéter les mêmes gestes (reprendre sa serviette, claquer la porte de la voiture) avec une précision toute mécanique. Et ce jusqu'à ce que la une d'un journal vienne lui clouer le bec. Mais évidemment la scène la plus célèbre du film est celle de la plage, quand les cinq hommes se pavanent devant de jolies filles avec des attitudes ridicules calquées sur la démarche de dragueur de Aldo MACCIONE (à qui j'ai trouvé des airs de Robert De NIRO). Bref c'est un film d'acteurs un peu trop léger et désinvolte en dépit de moments vraiment amusants et réussis.
J'ai pris tout mon temps pour voir la suite des aventures de d'Artagnan par Martin BOURBOULON, anticipant le fait que la suite n'allait pas confirmer les promesses du premier volet. Je ne me suis pas trompée. Faire une suite qui fonctionne, ça ne s'improvise pas. Or c'est exactement l'impression que m'a donnée cette brouillonne et anémique deuxième partie. Exit la mise en scène combinant plusieurs arcs narratifs qui donnait du relief à la première partie. Exit également la qualité d'écriture. On se retrouve avec une intrigue pauvre et décousue qui finit par se résumer à une enfilade de scènes de bravoure: le siège de la Rochelle (transposé à Saint-Malo), le combat d'Artagnan/Milady dans les flammes etc. Tout cela est mené avec une facilité si déconcertante qu'elle enlève tout suspens: on s'infiltre dans la citadelle comme dans du beurre, d'Artagnan braque Richelieu puis s'en va comme si de rien n'était (ils sont passés où les gardes du cardinal?), il suffit à Milady de changer de vêtements pour quitter sa prison sans être inquiétée et à l'inverse, D'Artagnan et ses amis y entrent armés jusqu'aux dents comme dans un moulin (les gardes de Buckingham ne sont pas plus réactifs que ceux de Richelieu). Ce n'est pas le fait d'être invraisemblable qui est problématique mais la désinvolture avec laquelle toutes ces séquences, visiblement bâclées tant au niveau de la dramaturgie que de la chorégraphie sont traitées. Cela va de pair avec l'autre gros problème du film, la dénaturation des personnages créés par Alexandre Dumas. D'Artagnan qui court après Constance durant tout le film et s'offusque presque des avances de Milady (un comble par rapport au roman où c'est lui qui abuse d'elle par la ruse) est inintéressant, Portos et Aramis font de la figuration. Mais les deux personnages les plus transformés sont Athos et Milady. Contrairement à ce qui est annoncé dans le titre, l'intrigue ne repose pas sur Milady et pour cause. Celle-ci s'est tellement ramollie que le scénario revu et corrigé lui épargne de faire couler le sang. Au lieu de trucider Constance, elle la prend dans ses bras. Et comme si cela ne suffisait pas, elle devient même une mère. Mais où est donc passé le monstre assoiffé de vengeance de Dumas? Quant à Athos, il semble regretter ses agissements envers Milady ce qui est impensable chez un grand seigneur dont la ligne de conduite est dictée par le code d'honneur propre à son rang qui lui sert à rendre une justice expéditive. Le fait de leur inventer un fils n'explique pas à lui seul le ramollissement de Milady, après tout, l'enfant n'arrêtait nullement la vengeance de "La Mariée" dans "Kill Bill : Volume 2" (2004). On ne sait pas trop où ce scénario revu et corrigé pour le pire veut nous emmener, sinon vers une nouvelle suite totalement déconnectée des romans de Dumas. Pas sûre d'avoir envie de suivre cette voie-là. Je n'aime guère quand il y a tromperie sur la marchandise, encore moins quand après avoir soigné la première partie, on torche à ce point le travail. Ni Alexandre Dumas, ni les spectateurs ne méritent cela.
Une des meilleures mini-séries de 2022, diffusée d'abord sur Arte puis sur Netflix. Réalisée par Katell QUILLEVERE et Helier CISTERNE dont l'intérêt pour l'histoire et les questions politiques et sociales n'est plus à démontrer, elle raconte la genèse du mouvement hip-hop en France au début des années 80, indissociable de l'émergence artistique d'une jeunesse populaire et métissée jusque là invisible dans les médias alors cadenassés par l'Etat. La mini-série suit plusieurs de ces jeunes, mettant en lumière au passage les différentes facettes du hip-hop que l'on a tendance à réduire au seul rap.
Le premier d'entre eux est le DJ Dee Nasty alias Daniel Bigeault (Andranic MANET) qui a joué un rôle fondateur méconnu et pourtant essentiel. Passionné par ce mouvement qu'il a découvert à San Francisco et qu'il importe en France, il mixe et scratche dans des clubs, enregistre le premier album de rap français en 1984, anime des soirées en plein air, ouvre l'antenne des radios libres au rap et aux rappeurs, notamment sur Radio Nova entre 1988 et 1989. Tout cela en autodidacte et dans une marginalité dont il ne sortira jamais vraiment. Il est dépeint sous les traits d'un jeune homme passionné, sensible, introverti et qui s'affirme peu. Tout le contraire de son explosive compagne Béatrice (Leo CHALIE), personnage fictif mais très fortement inspiré par le parcours et la personnalité de Catherine Ringer (et Daniel a d'ailleurs des points communs avec Fred Chichin). Ce n'est d'ailleurs pas le moindre exploit de la série que de mettre en avant des femmes fortes dans un univers très masculin, à l'image de la graffeuse Lady V (Laika BLANC-FRANCARD) qui fut la compagne de Kool Shen alias Bruno Lopes, l'un des deux membres du groupe NTM.
Parmi la nouvelle génération de talents que Dee Nasty a contribué a révéler, la série se focalise en effet sur Didier Morville (Melvin BOOMER) et Bruno Lopes (Anthony BAJON) qui traversent toutes les strates de ce mouvement sans véritable solution de continuité. Ils sont d'abord danseurs, puis graffeurs (stade durant lequel ils inventent leurs pseudos, JoeyStarr et Kool Shen) et enfin rappeurs. Tout cela dans une sorte de bouillonnement culturel propre à l'époque. L'histoire s'arrête en effet avant leur starisation et ne cherche jamais à les extraire de leur milieu. Celui-ci est dépeint avec beaucoup de réalisme et c'est ce qui est passionnant. On voit par exemple leurs "battles" avec d'autres groupes de danse et de rap. On voit également comment leurs milieux familiaux à la fois proches et opposés les ont forgés. D'un côté la famille chaleureuse et unie de Bruno Lopes dont il ne veut pas s'éloigner ce qui lui fait renoncer à une carrière de footballeur. De l'autre la jeunesse chaotique de Didier Morville cherchant à échapper à un père violent. L'une de mes séquences préférées est celle où le père ouvrier de Bruno Lopes voit son fils pour la première fois à la télévision dans "Mon Zénith à moi" à l'initiative de Nina Hagen qui a connu NTM via son compagnon, Frank Chevalier qui est alors le manager du groupe: choc culturel garanti!
Le premier long-métrage de Marion VERNOUX est, trois après après "Thelma et Louise" (1991) la déclinaison française du road-movie au féminin qui a ensuite essaimé dans le cinéma français (exemple: "Elle s'en va") (2012). Quatre femmes assez dissemblables et tentées par les dissensions partagent le temps d'un voyage en camping-car vers la mer l'objectif commun de se libérer de la dépendance aux hommes. Que ce soit pour affirmer un désir propre, prendre une revanche ou fuir une situation aliénante, ces femmes sont démangés par le besoin de liberté que l'on sent parfois venir nous ébouriffer les cheveux. Et elles puisent leur force dans la sororité du groupe ce que les hommes savent faire en faisant corps là où les femmes s'isolent dans de stupides rivalités. Comme un contrepoint à leur odyssée, Marion VERNOUX filme également la fille de l'une d'entre elles, Marie (jouée par LIO) qui essuie échec sur échec en ne se définissant que par rapport aux hommes, lesquels en prennent pour leur grade (de façon trop caricaturale à mon avis). Le quatuor du camping-car est dominé de la tête et des épaules par le duo formé par Bernadette LAFONT et Bulle OGIER qui jouent des soeurs que tout oppose: l'une est alcoolique et mène une vie désordonnée, l'autre est une bourgeoise guindée qui n'imagine même pas que son mari puisse la tromper. Toutes deux sont surtout des monstres sacrés de la nouvelle vague et lorsque Annie évoque la perte de sa fille de fiction, on ne peut s'empêcher de penser aux filles bien réelles que toutes deux ont perdu, Pauline LAFONT et Pascale OGIER. Grâce à leur abattage, à la musique de ARNO et à quelques moments inspirés, on ferme les yeux sur l'aspect quelque peu confus de la mise en scène.
je ne rate jamais l'occasion de regarder un Laurel et Hardy quand Arte en propose, souvent au moment des fêtes de noël. Disons-le tout net, "Laurel et Hardy conscrits" est surtout une curiosité. Un film pas drôle car pâtissant d'une réalisation très plate là où le burlesque pour fonctionner a besoin de rythme, un scénario famélique, des gags répétitifs et éculés qui tombent souvent à plat eux aussi. Les une heure et des poussières que dure le film semblent bien longuettes. Pourtant celui-ci n'est pas complètement dénué d'intérêt. Si question comique, on est aux fraises, le thème récurrent de la séparation et de la mort du duo intrigue et finit par jeter un voile de mélancolie sur l'ensemble. Dès le début de l'histoire, Hardy veut se marier ce qui sous-entend de quitter son ami. Apprenant que la jeune fille est déjà prise, il veut se suicider. Par la suite, les deux amis sont condamnés à mort et lors de leur évasion rocambolesque, ont un accident d'avion qui s'avère fatal à Hardy. Laurel se retrouve alors lors d'un plan saisissant seul avec son baluchon, vagabond solitaire comme celui de Charles CHAPLIN. Même si une pirouette finale surréaliste remet le film sur les rails du cartoon plutôt que du réalisme, cet hommage n'est certainement pas fortuit. Car plus tôt dans le récit, Laurel rend un autre hommage à un acteur burlesque qui se métamorphosait en artiste lyrique et mélancolique à l'intérieur de ses films: Harpo MARX, transformant son lit en harpe et reprenant à l'identique ses gestes lorsqu'il en jouait. Enfin comment interpréter la petite phrase que Hardy prononce au début du film et qui était prononcée par Greta GARBO dans "Grand hotel" (1931): "I want to be alone"?
"Les mauvais garçons", César du meilleur court-métrage en 2022 sort du lot pour au moins trois raisons qui font que l'on a envie de voir son réalisateur, Elie GIRARD passer au format long (ce qui est en cours de concrétisation):
- La beauté de la photographie, métier initial de Elie GIRARD. On est dans un quasi huis-clos, l'intérieur d'un kebab, les "1001 nuits", filmé en plan fixe et de nuit ce qui joue beaucoup dans l'atmosphère introspective et mélancolique du film.
- La présence de Raphael QUENARD dans l'un des rôles principaux (son partenaire, Aurelien GABRIELLI est excellent lui aussi).
- Une thématique universelle traitée certes du point de vue masculin mais qui peut tout autant concerner les "Bande de filles" (2014): le temps qui passe et défait les amitiés les plus fusionnelles à la façon du clip de Jean-Jacques Goldman, "Pas toi". Lorsque Victor, le pote de lycée de Cyprien et Guillaume leur annonce qu'il va être père et disparaît de leur vie, ces deux derniers se retrouvent plongés dans une crise existentielle. 40 minutes à réfléchir à ce qui a bien pu dysfonctionner pour qu'à trente ans passés ils se retrouvent aussi seuls. Le choc de voir leur ami construire sa famille les oblige à regarder en face le désastre de leur propre vie sentimentale. Non sans humour certes car leurs déboires ont quelque chose de comique et de pathétique à la fois. Elie GIRARD ne cherche pas à enjoliver et montre la déprime et l'angoisse qui résultent d'une telle situation. Mais aussi le réconfort d'avoir quelqu'un avec qui partager son intimité.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.