Quand la nature façonne un film et dicte son scénario, cela donne cet extraordinaire film qu'est "Aguirre, la colère de Dieu", librement inspiré de faits historiques réels*. Un film que l'on peut résumer en un affrontement entre un chef ivre de toute-puissance, d'or et de sang et une nature écrasante dans laquelle lui et ses hommes sont ravalés à l'état d'insectes. De la première scène à flanc de montagne où serpente une interminable colonie de soldats espagnols et d'esclaves indiens avançant péniblement dans la boue comme des fourmis à la dernière sur un radeau qui prend l'eau envahi par des cohortes de petits singes, le film prend l'allure d'une fable pleine d'ironie sur la vanité humaine. Celle de prétendus conquistadors réduits à l'état d'épaves subissant un environnement hostile qui décide à leur place exactement comme les incidents réels liés à l'imprévisibilité de la nature ont infléchi la trajectoire du film, tels ces impressionnants rapides qui ont pris au piège l'un des radeaux ou la brusque montée des eaux qui a emporté une partie du matériel du tournage. Cette primauté donnée à la nature ainsi que l'escamotage systématique des scènes d'action par le montage donnent une image d'impuissance qui fait méditer sur le mythe de l'Eldorado qui aurait été créé pour que la soif d'or insatiable des espagnols les entraîne vers leur propre perte, pas seulement individuelle mais civilisationnelle (c'est, je le crois la raison de la présence de femmes à bord en tenue de cour contre toute vraisemblance historique ainsi que le fantasme incestueux d'Aguirre). Klaus Kinski, acteur complètement habité par la folie incarne à merveille l'ego surdimensionné et ridicule de leur chef, Aguirre qui fait tirer au canon sur des ennemis invisibles qui l'assaillent de tous côtés en prétendant que le monde est à lui alors que son pauvre radeau se délite sous ses pieds. 10 ans plus tard, le duo infernal formé par Werner Herzog et son acteur "fétiche" avec lequel il entretenait des rapports houleux allait accoucher d'un autre chef-d'oeuvre de démesure dans la jungle, "Fitzcarraldo".
* De l’histoire d’Aguirre telle qu’elle s’est déroulée, seule l’expédition pour trouver l’Eldorado, le nom des personnages principaux, la rébellion contre Pedro de Ursúa et le sécession de la couronne d’Espagne sont attestés, le vrai Aguirre a survécu à la jungle, a descendu tout l’Amazone jusqu’à son embouchure, a remonté l’Atlantique jusqu’au Venezuela actuel où il s’est emparé de l’île Margarita avant que l’Espagne réagisse, incite les troupes d’Aguirre à faire défection, capture le conquistador et le supplicie.
Je ne suis vraiment pas fan des histoires impliquant des têtes couronnées mais la présence de Sandra HULLER dans le rôle de la dame d'honneur de l'impératrice Elisabeth (Susanne WOLFF) m'a donné envie de jeter un coup d'oeil au film. Celui-ci en effet adopte des partis-pris intéressants. Comme le "Marie-Antoinette" (2005) de Sofia COPPOLA il donne une tournure rock and roll à la vie de Sissi à l'aide d'une bande-son anachronique idoine mais aussi en insistant sur les excentricités d'une impératrice à la fois terriblement bridée par ses obligations (intimes comme publiques) et toujours en mouvement. Pour la première fois dans un film, j'ai ressenti le lien entre la pression extérieure extrême exercée sur un corps (symbolisée comme dans "Titanic" (1997) et je le suppose d'après son titre puisque je ne l'ai pas vu, "Corsage" (2022) par les lacets d'un corset que l'on serre jusqu'à l'étouffement dès les premières images) et le traitement de choc infligé à ce corps par l'esprit qui l'habite pour en reprendre le contrôle comme pour s'en évader (drogue, tatouage, troubles du comportement alimentaire, exercices physiques, blessures, fuite sous des climats exotiques à l'opposé du carcan monarchique et conjugal etc.) On se croirait presque chez Rimbaud lorsqu'il évoque "le dérèglement de tous les sens" mais évidemment pas dans le même objectif. Frauke FINSTERWALDER créé un film solaire et organique en faisant la part belle aux fluides corporels qui viennent constamment rappeler les êtres vivants qui se dissimulent sous les costumes du XIX° siècle: sang, vomi, sueur, sperme, urine, diarrhée, larmes, pus. La sensorialité du film est particulièrement axée sur le goût au vu de l'obsession du contrôle alimentaire de Sissi mais également sur les odeurs. En témoigne le passage dans la Casbah d'Alger où ce beau monde se met de la menthe sous le nez pour conjurer les miasmes de leur environnement immédiat. Enfin "Sissi et moi" comme son titre l'indique adopte le point de vue de la dame d'honneur complètement fascinée pour ne pas dire énamourée du personnage à la fois punk et assujetti qu'elle doit accompagner ce qui fait penser à "Les Adieux a la Reine" (2012). Mais le personnage joué par Sandra HULLER est intéressant en lui-même. Vieille fille rabaissée et violentée par sa mère parce qu'elle n'entre pas dans les cases, elle est tiraillée, on le comprend assez vite entre sa pruderie qui en fait une (plus très jeune) vierge effarouchée par la personnalité de Ludwig, le cousin de Sissi et son attirance pour l'impératrice.
Sandra HULLER s'est fait connaître à l'international avec "Toni Erdmann" (2016) et a reçu la consécration avec "Anatomie d'une chute" (2022) et "La Zone d'interet" (2021) tous deux multi-primés à Cannes, aux César et aux Oscar. En France, elle est l'actrice allemande en activité la plus connue et la première depuis Romy SCHNEIDER à avoir reçu le César de la meilleure actrice. Pourtant on sait finalement peu de choses sur elle. Ce documentaire de facture très classique a le mérite de nous en apprendre plus. On y découvre notamment qu'elle a grandi en RDA (elle avait 11 ans lors de la chute du mur) ce qui explique son attitude détachée pour ne pas dire son désintérêt vis à vis du star-system et des valeurs qui l'accompagnent (individualisme, compétition, culte de la célébrité). Autre aspect intéressant du film, il évoque longuement sa carrière théâtrale, son milieu naturel qui est plus proche de sa manière d'envisager son métier. Nombre de grands acteurs allemands ayant brillé dans le cinéma d'auteur venaient du théâtre et il apparaît que celui-ci est à la source de la puissance de son jeu et fait rayonner sa personnalité complexe à la fois énigmatique et anticonformiste. Toutes les interventions de l'actrice expliquant l'approche de ses rôles sont pertinentes et pourraient faire l'objet d'une master class. Sandra HULLER m'a fait penser à Gena ROWLANDS par l'intensité de son jeu, sa façon de se donner corps et âme dans ses rôles et son désintérêt vis à vis de son image qui lui permet d'aller explorer un registre étendu.
"Il n'y a pas d'amour, il n'y a que du désir. Il n'y a pas de bonheur, il n'y a que du pouvoir". Cette phrase que prononce Mabuse dans le film de Fritz LANG fait écho à son statut omniscient et omnipotent de "maître du jeu des hommes et des destins". Le réalisateur est allé chercher son personnage diabolique dans la littérature populaire de l'époque, celle des sérials dominés par des génies du crime comme Fantômas et Fu Manchu. Cet aspect feuilletonesque se ressent dans la durée du film en deux parties totalisant près de 5h ainsi que dans les nombreux protagonistes, péripéties, rebondissements ainsi que dans les prouesses quasi surnaturelles de son mastermind aux mille visages. Mais il a inséré le personnage créé par Norbert Jacques dans une esthétique expressionniste qui le rapproche de son contemporain, "Nosferatu le vampire" (1922) et surtout il en a fait une métaphore frappante de la République de Weimar prise entre les démons de l'après-guerre et ceux du nazisme. "Docteur Mabuse le joueur" sorti en 1922 soit un an avant la crise d'hyper inflation et le putsch de la Brasserie qui faillit faire basculer l'Allemagne dans le nazisme avec 10 ans d'avance offre une photographie saisissante d'un Berlin peuplé d'une faune de nouveaux riches décadents sur lesquels le diabolique psychanalyste exerce son emprise. Quelques années avant "Metropolis" (1927)Fritz LANG filme la ville comme une Babylone en perdition, corrompue par l'argent et le vice. Face aux passions tristes de ses contemporains, il oppose une figure intègre, celui du procureur Wenk qui tente de protéger les victimes de Mabuse et de démasquer "l'inconnu" qui tire les ficelles dans l'ombre avec ses complices.
Était-ce une époque propice aux titres à rallonge remplis de questionnements existentiels pour ce qui était alors la nouvelle génération de cinéastes allemands nés de la seconde guerre mondiale? Toujours est-il qu'après "L'Angoisse du gardien de but au moment du penalty" (1971) de Wim WENDERS vint "La grande extase du sculpteur sur bois Steiner" (1974) de son compatriote Werner HERZOG. De sculpture sur bois, il n'en sera guère question dans ce documentaire dont le sujet central est le saut à skis dont le dénommé Walter Steiner fut un champion au brillant palmarès* survolant c'est le cas de le dire tous les autres participants. Lui-même passionné par ce sport Werner HERZOG en fait une métaphore de sa vision du cinéma. Je connais peu la filmographie de Werner HERZOG mais tout de même assez pour y voir une quête philosophique et spirituelle du dépassement qui s'accorde parfaitement avec le sujet du film mais aussi avec son traitement. Là encore, comme son compatriote, Wim WENDERS, Herzog filme le vol comme un état de grâce absolu. Il en fait un moment qui échappe aux lois terrestres grâce au pouvoir que possède le cinéma de distordre le temps. Celui-ci plus que jamais suspend son vol avec de superbes ralentis d'éternité avant le moment inévitable de la chute qui marque le retour au réel. Un réel qui ramène au contexte dans lequel a été réalisé le film, celui des compétitions sportives servant d'exutoire aux peuples captifs du rideau de fer, ici la Yougoslavie de Tito qui organisait les championnats du monde en 1972 à Planica (aujourd'hui en Slovénie). Comme le cinéma, le sport est tiraillé entre son pouvoir émancipateur et son instrumentalisation à des fins politiques (distraire les masses, faire la propagande du régime). Comme à l'époque des gladiateurs, peuple et organisateurs en quête de frissons et de records tentent de pousser au-delà des limites un champion hors-normes animé par le désir mystique de fusion avec l'univers, quitte à mettre sa vie en danger.
* Il fut deux fois champion du monde de vol à skis en 1972 donc mais aussi en 1977 et vice-champion olympique à Sapporo en 1972.
J'ai aimé l'atmosphère de "Woyzeck", son alternance entre la place d'une ville typique d'Europe centrale qui enferme les personnages pour toutes les scènes en rapport avec le théâtre social et ses échappées dans une campagne bucolique pour les scènes où les instincts sauvages prennent le dessus. Le travail sur la photographie, brumeuse ou en clair-obscur est fabuleux et plusieurs scènes ressemblent à des tableaux vivants. La scène du meurtre au ralenti est très expressive. Mais le propos m'a paru trop alambiqué. On y voit un soldat (joué par l'acteur fétiche de Werner HERZOG, Klaus KINSKI, complètement halluciné) se faire constamment harceler et humilier par ses supérieurs, par ses pairs, par le médecin militaire du camp qui effectue des expériences douteuses sur lui-même et sur les animaux, par sa femme aguicheuse qui le trompe. Et ce jusqu'à ce qu'il sombre dans la folie meurtrière. Cependant, on a bien peu d'empathie pour le personnage de Klaus KINSKI lequel apparaît frappadingue dès les premières images alors que les propos tenus par ceux qui l'entourent sont alourdis par des considérations philosophiques sur la condition humaine quelque peu hermétiques. Enfin le fait que le seul échappatoire que trouve Woyzeck à ses malheurs soit de commettre un féminicide achève de le rendre complètement repoussant. En résumé j'ai admiré l'esthétique du film mais je suis resté complètement en dehors de ce qui s'y jouait.
Brillant! On s'attend à un film de jeunesse de Ernst LUBITSCH compte tenu de la date de sa réalisation (1919 soit dans l'après première guerre mondiale bien que sa tonalité annonce déjà les années folles) et on se retrouve face à un petit bijou satirique et burlesque qui témoigne d'une maîtrise parfaite de l'outil cinéma. "La princesse aux huîtres" aurait pu s'appeler "la folle journée" bien que le film évoque davantage Marivaux que Beaumarchais. Encore que l'épidémie de Fox-Trot qui met sans dessus-dessous la hiérarchie sociale évoque aussi le deuxième. Sur le plan chorégraphique et rythmique, le film est une merveille d'horlogerie suisse (bien que Ernst LUBITSCH soit allemand ^^). On voit une armée de domestiques se démener tel un corps de ballet pour servir le roi des huîtres et sa capricieuse fille Ossi qui piquée au vif par le mariage d'une concurrente avec un lord (la fille du roi du cirage, cela sent la parodie des magnats américains de l'acier et du pétrole à plein nez!) veut convoler sur-le-champ en justes noces avec un prince. Sinon, elle casse tout sous le regard indifférent de son père que rien n'impressionne. Mais le promis, non content d'être criblé de dettes, envoie son homme de main jouer son rôle sans savoir qu'il va lui aussi finir par se retrouver embarqué dans la danse. Car le film de Ernst LUBITSCH, concentré d'énergie pousse la science du dérèglement à son paroxysme tout en la maîtrisant parfaitement. Les personnages semblent montés sur ressorts et se déplacent avec une grâce folle, tourbillonnant au son d'un orchestre hystérique (mené par Curt BOIS alors tout jeune, lui que j'ai découvert sous les traits d'un vieillard dans "Les Ailes du desir") (1987). Même sans musique, les personnages semblent se déplacer selon un canevas chorégraphié, que ce soit en cercle ou en ligne, seuls, en duo ou au sein d'un groupe. Sans parler de l'alcool qui coule à flots et n'est pas pour rien dans le vaste délire collectif qui nous est donné à voir (alcool et peut-être plus mais on n'en saura rien). Délire alimenté par des quiproquos menant tout droit à la chambre à coucher. Car on reconnaît la Lubitsch touch, mélange d'élégance et de grivoiserie à ces plans suggérant une caméra qui regarde par le trou de la serrure ce qu'il se passe dans le lit d'Ossi. Car c'est la seule chose qui finalement intéresse son blasé de père. Un film qui donne la pêche et met de bonne humeur!
Peter LORRE avait un physique atypique avec son visage lunaire, ses yeux globuleux et sa silhouette trapue. Il est aussi un acteur à jamais associé à un rôle, celui de M dans "M le Maudit" (1931) de Fritz LANG. Il a d'ailleurs à la fin de sa carrière plusieurs fois joué avec un autre acteur hors-norme associé à un rôle de monstre à visage humain: Boris KARLOFF. Cependant ce qui frappe lorsqu'on regarde le documentaire qui lui est consacré, c'est le parallèle que l'on peut faire entre la personnalité tourmentée de l'acteur et un parcours qui ne l'est pas moins. La carrière de Peter LORRE comme celle de ses contemporains austro-hongrois épouse en effet les soubresauts de l'histoire. Né dans un Empire englouti à la fin de la première guerre mondiale, il part faire carrière dans le théâtre à Berlin au cours des années 20 avant de jouer dans le film de Fritz LANG qui le rendit célèbre dans le monde entier. Contraint à l'exil après l'arrivée au pouvoir de Hitler qui ne l'avait pourtant pas identifié au départ comme juif (ce qu'il était, son véritable nom étant Laszlo Löwenstein), il entame une deuxième carrière au Royaume-Uni puis aux USA où il excelle dans des seconds rôles de classiques tels que la première version de "L'Homme qui en savait trop" (1934), "Arsenic et vieilles dentelles" (1941) ",Le Faucon maltais" (1941) ou encore "Casablanca" (1942). Néanmoins, il est cantonné dans des rôles de méchant et ne parvient pas à s'affranchir de l'image de monstre qui lui colle à la peau. C'est peut-être pour exorciser ses démons (externes mais aussi internes, l'homme étant enclin aux addictions et instable) qu'il retourna en Allemagne réaliser son seul film, au titre profondément évocateur, "Un homme perdu" (1951). Son échec le contraignit à revenir aux USA et à des films fantastiques de série B où l'on constate la dégradation de son apparence avant une mort prématurée en 1964.
Je ne sais pas si c'est intentionnel, mais le point de départ de "Si on s'aimait" m'a fait penser à la première partie de la pièce "Oh les beaux jours" de Samuel Beckett. Soit une femme vieillissante qui tombe dans un trou et se retrouve coincée sous son plancher, seul le haut de son corps émergent du sol. Soit une métaphore assez limpide de la situation de cette sexagénaire séparée de son mari dont la seule perspective se résume à attendre la mort. Helga n'est pas à proprement parler isolée mais au cours du film, sa solitude est mise en évidence par les coups de fils de sa fille qui n'a pas le temps d'aller la voir, par ses amies superficielles et surtout par la scène du concert où elle se rend avec son homme de ménage faute d'avoir trouvé quelqu'un d'autre pour l'accompagner avant de fondre en larmes à la vue de son ex-mari venu avec sa nouvelle compagne. Cet homme de ménage qui surgit à l'improviste pour un remplacement a tout de la pièce ronde à introduire dans un univers carré: il est étranger et ne parle pas l'allemand (et Helga ne parle pas anglais ce qui rend leur communication difficile), il est moins âgé qu'elle et surtout, il brouille les repères du patriarcat puisque Helga le domine socialement. Toutes proportions gardées car Ryszard n'est pas jeune, n'est pas un apollon et n'a rien d'exotique, leur relation fait penser à celles que certaines riches occidentales esseulées s'offrent avec de jeunes hommes issus de pays pauvres. La question de l'argent et celle du regard social constituent des entraves au moins aussi importantes que la barrière de la langue. Comme dans le modèle du genre, "Tout ce que le ciel permet" (1955) mais sur le mode de la comédie. Comment faire exister cette histoire dans un monde qui n'est pas adapté pour elle, sinon en faisant les réajustements qui s'imposent, à commencer par déménager. Mais Helga fait moins qu'elle ne laisse faire, les faux-semblants tombants tout seuls comme des fruits mûrs. Un grand ménage de printemps parfaitement salutaire!
Une revenante. Comme Ana TORRENT, Natja BRUNCKHORST est devenue mondialement célèbre très jeune grâce à "Moi, Christiane F., 13 ans, droguee, prostituee..." (1981) avant de disparaître (ou presque) de la circulation pendant des décennies. Et voilà que Arte nous donne de ses nouvelle en diffusant le film qu'elle a réalisé en 2020, "L'Ordre des choses". Très bonne initiative de leur part!
"L'Ordre des choses" repose sur la rencontre de deux personnes dont les appartements reflètent les conceptions opposées de la vie. Un thème archi-classique mais le traitement l'est moins. En effet très rapidement, Fynn, jeune ingénieur informatique qui ne possède que le strict nécessaire dans son appartement se retrouve temporairement sans domicile et contraint de squatter chez sa voisine avec sa valise. Et l'essentiel de l'intrigue prend place dans cet appartement archi-encombré. Marlen est en effet atteinte de syllogomanie et accumule chez elle des objets inutiles au point qu'il devient compliqué de s'y déplacer et d'y vivre. Si contrairement au cas exposé par Thierry Jonquet dans "La Bête et la Belle" qui s'accompagne du syndrome de Diogène, l'appartement est propre et ressemble plus à une vieille librairie ou à une boutique d'antiquités qu'à un dépotoir, les troubles associés à ce syndrome sont bien présents. Marlen vit seule, fuit les relations sociales et s'est isolée du monde, refusant toute intrusion dans son appartement qu'elle sait non conforme aux normes de sécurité. Et elle s'avère incapable de se débarrasser de son bric-à-brac. Celui-ci forme une sorte de carapace à l'intérieur de laquelle elle peut se réfugier. Elle vit la présence de Fynn plutôt mal donc mais celui-ci cherche à l'apprivoiser et imagine diverses stratégies pour l'aider à reprendre le contrôle de son environnement qui menace de lui échapper.
Le film est centré sur Marlen, le personnage masculin étant en quelque sorte son chevalier servant, ce qui est plutôt original, les portraits de femme étant moins nombreux et moins fouillés que ceux des hommes la plupart du temps. Fynn tel un chevalier servant met ses talents d'ingénieur au service d'une organisation plus rationnelle de son intérieur. Le résultat est particulièrement beau et poétique et sans remettre en cause son mode de vie est une métaphore réussie d'une vie plus harmonieuse.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.