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Articles avec #realisatrices tag

Allégorie citadine

Publié le par Rosalie210

Alice Rohrwacher, JR (2024)

Allégorie citadine

Adaptation en court-métrage du spectacle "Chiroptera" par la réalisatrice italienne Alice ROHRWACHER. "Chiroptera" a été créé en novembre 2023 sur la façade de l'opéra Garnier en travaux recouverte d'une immense fresque représentant l'allégorie de la caverne de Platon, puis dans un second temps, transformée en échafaudage en forme de grille sur lequel ont évolué 153 danseurs pour une performance gratuite de 20 minutes dans lequel ceux-ci figuraient les chauve-souris de la caverne. On voit des extraits de ce spectacle dans le film qui réunit le réalisateur français Leos CARAX, l'artiste plasticien JR (auteur de la fresque et de la scénographie du spectacle) et l'ex-membre de Daft Punk Thomas BANGALTER (compositeur de la musique et de la bande sonore du spectacle). Qu'apporte de plus le court-métrage? Rien au niveau du propos plutôt lourd et abscons. Heureusement, le point de vue adopté est pour l'essentiel celui d'un enfant de 7 ans dont la mère (jouée par Lyna KHOUDRI) va passer une audition pour danser dans "Chiroptera". Et lorsque mis dans le secret par le metteur en scène (Leos CARAX), il s'échappe de la caverne, c'est pour entrer dans une autre dimension, révélant les oeuvres d'art en trompe-l'oeil sous les "défense d'afficher" et se transformant lui-même en figure animée en deux dimensions et en noir et blanc. On reconnaît bien l'art de JR, celui-là même qui illuminait les maisons de "Visages, villages". (2017)

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La Fracture

Publié le par Rosalie210

Catherine Corsini (2021)

La Fracture

Ce n'est pas parce que "La Fracture" rend compte d'une crise aigue de la société française à travers son hôpital public qu'il fallait sombrer à ce point dans l'excès hystérique et la caricature. Cet aspect "too much" se retrouve partout: des urgences saturées, en sous-effectif, assiégées par une altercation entre gilets jaunes et forces de l'ordre qui se déroule à ses grilles et se conclue par un lancer des grenades lacrymogènes dont les émanations envahissent les bâtiments, des plafonds qui tombent en lambeaux, des médicaments qui manquent, des gens qui hurlent partout, une prise d'otage et tout ça en même temps bien sûr... n'en jetez plus! D'autant que si on veut traquer les incohérences, ce n'est pas très compliqué de les trouver. Le mari de Kim l'infirmière qui débarque avec son bébé malade alors que l'hôpital est censé être en état de siège par exemple. Ou le lancer de gaz lacrymogène dans l'enceinte de l'hôpital (n'importe quoi!) Que la répression des manifestations des Gilets jaunes ait été excessive, c'est manifeste et cela constitue un authentique scandale. Que l'hôpital public, sous-doté en moyens matériels et humains s'enfonce dans des crises à répétition est un problème de société majeur. Mais il est indécent de comparer avec la destruction d'hôpitaux situés dans de véritables zones de guerre du genre Gaza. Surtout, la où le bât blesse le plus selon moi, c'est d'avoir mis l'accent sur des personnages aussi simplistes, tête-à-claques qui en plus ne sont pas crédibles pour deux sous. J'en ai très vite eu par-dessus la tête de voir le personnage de Valeria BRUNI-TEDESCHI insupportable d'égocentrisme chouiner et hurler sur sa petite amie au milieu de toute cette détresse humaine. D'ailleurs, que fait elle à cet endroit, n'a-t-elle pas les moyens vu sa catégorie socio-professionnelle de se payer une clinique privée? Bien qu'en terme de décibels, elle soit bien concurrencée par Yann, le personnage de Pio MARMAI auquel on ne croit pas une seconde en prolo revendicatif et buté. La nullité des dialogues, affligeants de manichéisme n'aide pas, c'est certain. Même un personnage beaucoup plus en retrait mais bien plus intéressant, celui d'une manifestante qui n'a cessé de minimiser sa douleur est obligée d'expliquer par A + B combien elle était pacifique et combien l'agression qu'elle a subi de la police était injustifiée. Ne valait-il pas mieux le montrer plutôt que les stupides provocations de Yann narguant les CRS qui passe son temps à jouer les rebelles en se regardant filmer? Bref, ça ne fait pas dans la dentelle et c'est pénible à voir.

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Bird

Publié le par Rosalie210

Andréa Arnold (2025)

Bird

Belle proposition de cinéma pour cette cinquième réalisation de Andrea ARNOLD qui cherche l'équilibre entre récit d'émancipation adolescente, âpre réalisme social des laissés-pour-compte et désir éperdu de s'échapper dans l'art et la nature. Jamais le bestiaire de son film n'aura été si bien rempli: chien, chevaux, papillons, crapaud, insectes divers tatoués sur le corps du père (qui s'appelle lui-même Bug) mais surtout oiseaux, passion de l'héroïne, Bailey (Nykiya Adams, l'une de ces non-professionnelles à la forte présence dont Andrea ARNOLD a le secret) dont le quotidien oscille entre rage et désespoir. On peine à croire qu'elle n'a que douze ans, on lui en donne facilement quinze voire seize. Il faut dire qu'elle est confrontée à des problèmes qui ne sont pas de son âge et contre lesquels elle ne peut opposer que son imaginaire et son téléphone portable qui lui sert à filmer le monde. Ses parents que l'on découvre tour à tour sont deux paumés qui l'ont eu alors qu'ils étaient adolescents et qui ne semblent pas avoir beaucoup gagné en maturité depuis. Le père (Barry KEOGHAN) qui ressemble à un gamin vit d'expédients (plutôt comiques avec son crapaud cracheur de bave hallucinogène!) dans un squat et bien que de nature aimante, il est trop autocentré pour véritablement s'occuper de sa fille et du demi-frère de celle-ci qui s'apprête à reproduire le même modèle. La mère enchaîne les relations toxiques et vit avec les trois petits demi-frères et soeurs de Bailey dans une colocation jonchée de détritus avec un petit ami extrêmement violent. "Bird" est néanmoins une histoire de métamorphose et de résilience. Malgré tout ce que sa vie a de plombant, Bailey qui ressemble au début du film a un petit hérisson plein de piquants devient progressivement une belle jeune fille qui s'ouvre à la vie en puisant des motifs d'espérer dans son environnement. Les tags se transforment en autant de messages d'encouragement et la nature amie lui envoie un drôle d'allié, sorte de vagabond à la nature hybride qui semble tout droit échappé de "Le Regne animal" (2022) et qui est joué par l'acteur fétiche de Christian PETZOLD, Franz ROGOWSKI. Même si son intégration dans l'histoire souffre de quelques maladresses d'écriture, ce personnage d'homme-enfant (à l'image de son père) est une bouffée d'air frais qui apporte à l'héroïne l'aide dont elle a besoin pour grandir.

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Vingt dieux

Publié le par Rosalie210

Louise Courvoisier (2024)

Vingt dieux

Le premier film de Louise COURVOISIER est une comédie de terroir vivifiante qui met un peu de temps à démarrer mais déborde par la suite de charme et pose des questions plus profondes qu'il n'y paraît. Le héros, Totone est irrésistible avec sa bouille à la poil de carotte et son attitude de grand dadais (notamment face aux filles) alors que sa petite soeur Claire, choupinette comme tout est bien plus mature que lui. Si Totone apparaît au début du film comme un gamin rebelle et un peu nigaud, les épreuves initiatiques du film (que beaucoup comparent à un western rural ou à "Les Quatre cents coups" (1959) dans le Jura) vont lui mettre du plomb dans la cervelle. Les coups du sort obligent en effet Totone à grandir plus vite que prévu. Il doit renoncer à sa bande de potes vivant dans une éternelle adolescence insouciante à coup de bals, alcool, glande, courses de stock-cars... mais rencontre en échange des femmes, bosseuses bien plantées sur leurs jambes qui jouent un rôle déterminant dans son apprentissage de la vie et du métier de fromager. Marie-Lise, la fille du fermier chez qui travaille un temps Totone le trouve à son goût et le lui fait savoir. Totone espère lui chiper du lait pour fabriquer une meule de comté qui lui permettra de remporter un prix et sortir un peu la tête de l'eau. Mais il découvre bien davantage que les secrets de fabrication d'une recette ancestrale, un moyen de partage, un savoir-faire qui lui permette de redresser la tête, une identité le rattachant à ses racines. Les deux jeunes acteurs, tous deux agriculteurs et jurassiens sont d'un naturel épatant tout comme le reste du casting. "Vingt Dieux" est un film bien ancré dans le sol et qui fait du bien offrant un regard positif sur une jeunesse déclassée dans un territoire dit "périphérique".

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Jacques Demy, le rose et le noir

Publié le par Rosalie210

Florence Platarets (2023)

Jacques Demy, le rose et le noir

Documentaire retraçant la vie et la carrière de Jacques DEMY, le film de Florence PLATARETS et de son scénariste Frederic BONNAUD a pour principal atout la richesse de ses images d'archives dont certaines paraît-il sont inédites. Il faut dire que le film est produit par les enfants de Jacques DEMY et Agnes VARDA qui sont les dépositaires de l'héritage du couple de cinéastes. Beaucoup d'interviews d'époque du principal intéressé et de quelques uns de ses acteurs et actrices, Catherine DENEUVE, Jean MARAIS ou Marie-France PISIER. Mais une restitution chronologique, scolaire, qui ne propose pas de point de vue et se contente de jouer les chambres d'enregistrement. Il aurait été tellement plus intéressant d'avoir un plan thématique faisant ressortir les obsessions de Jacques DEMY mais aussi analysant les raisons de ses succès puis de ses échecs. Car le rose et le noir, ce n'est pas seulement l'amertume et la noirceur logées au coeur de ses films les plus féériques et joyeux, c'est une carrière dont on connaît les grands classiques des années 60 mais qui s'étiole après "Peau d'ane" (1970) faute de parvenir à se renouveler. Jacques DEMY est montré comme un homme intègre mais idéaliste, intransigeant et hors-sol ce qui le conduit à des impasses comme ses films produit à l'étranger et longtemps non distribués en France ou sa rupture avec le public français qui ne comprend plus ses films. Il n'est pas mentionné par exemple que le four de "Model shop" (1968) qui ne correspondait pas aux attentes des producteurs américains lui a fermé définitivement la possibilité d'une carrière aux USA en dépit d'une nouvelle tentative dix ans plus tard. Une catastrophe car c'était le seul pays qui aurait eu les moyens de lui permettre de réaliser ses rêves de grandeur. Ou le fait que des projets comme "Une chambre en ville" (1982) ou "Trois places pour le 26" (1988) sont restés dans les placards plusieurs dizaines d'années et n'ont pu se faire que grâce à la victoire de Mitterrand (pour le premier) et à Claude BERRI (pour le second). Mais ils n'ont pas évolué d'un iota ce qui en fait d'étranges objets un peu démodés avec par exemple un Yves MONTAND devenu trop âgé pour le rôle. Au moins a-t-on droit au cassage en règle de Francis HUSTER qu'il ne put empêcher de chanter dans "Parking" (1985) ce qui aboutit à un massacre! Notons enfin, contrairement à ce qui est annoncé des impasses, notamment sur la plupart de ses courts-métrages, son travail d'assistant auprès de Paul GRIMAULT ou son téléfilm, "La naissance du jour" (1980) consacré à Colette.

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Chantal Akerman, Always on the road

Publié le par Rosalie210

Katherine Schmelzer, Pieter Verbiest (2024)

Chantal Akerman, Always on the road

Reconnaissance tardive. C'est en 2022 avec la consécration de "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975) comme le meilleur film de tous les temps que j'ai entendu parler pour la première fois de Chantal AKERMAN. C'est d'ailleurs également par cet événement que s'ouvre le documentaire qui analyse une petite partie de son oeuvre (son premier film, "Saute ma ville" (1968), sa comédie musicale "Golden Eighties" (1986), son documentaire, "D'Est" (1993), son travail d'artiste plasticienne et Jeanne Dielman bien sûr) au miroir de sa vie. Faisant intervenir des amis et collaborateurs (notamment l'acteur qui joue Sylvain, le fils de Jeanne Dielman, la productrice Marylin WATELET etc.) au milieu des extraits et des images d'archives, le film brasse les thèmes du féminisme, du judaïsme, du rapport à la mère et à la mémoire mais n'évoque pas du tout l'homosexualité féminine. En revanche il y a un documentaire dans le documentaire: celui de la ville de Bruxelles qui à la suite de la reconnaissance de "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975) a inauguré en 2023 une fresque murale et une allée au coeur du Quai du commerce ainsi qu'une plaque posée devant l'immeuble où a été tourné "Jeanne Dielman". La cinémathèque de la ville a par ailleurs exhumé ses premiers courts-métrages qui restaient inédits à ce jour. Une reconnaissance qui s'inscrit dans une redécouverte des réalisatrices (comme Alice GUY en France) et dans un mouvement de féminisation des espaces publics. Tout cela trop tardivement pour que la cinéaste puisse en profiter, elle qui a mis fin à ses jours en 2015 à l'âge de 65 ans après avoir travaillé toute sa vie (comme nombre de ses consoeurs) en marge du système et en quête permanente de financements.

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The Substance

Publié le par Rosalie210

Coralie Fargeat (2024)

The Substance

A l'image de son affiche, "The Substance" joue à fond des contrastes tels que le clinique et l'organique. Mais aussi le propre et le sale, le noir et le blanc, le vieux et le jeune, la laideur et la beauté ou bien les trois couleurs primaires: jaune de l'oeuf (sur lequel est expérimenté la substance), de l'activator du dédoublement et du manteau d'Elisabeth ("la matrice" de son double jeune), rouge du sang et des organes et le "rêve bleu" des chimères, la robe de princesse des contes et du sommet des dieux hollywoodiens. Tous ces pôles de contrastes sont reliés entre eux par un cordon ombilical serpentin (repris sur le motif du peignoir d'Elisabeth) ou par de longs corridors qui ont un caractère de révélateur de la vraie nature de ce qui est relié, comme les deux facettes d'une même pièce. Pour ne donner qu'un exemple, le click and collect dans lequel Elisabeth vient récupérer son kit et ses recharges est, à l'image de sa salle de bain, d'une blancheur éblouissante alors que cette dernière dissimule un cadavre dans le placard et que pour accéder aux casiers il faut traverser un garage désaffecté et jonché de détritus. Cette esthétique de l'agencement des contraires par le montage, Coralie FARGEAT l'a puisé dans le cinéma de David LYNCH et Stanley KUBRICK dont elle se réapproprie les labyrinthes mentaux de "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) et de "Shining" (1980). Mais, et c'est ce qui rend son film jouissif, elle se les réapproprie avec beaucoup d'ironie. Dans cette réinvention féministe de "Le Portrait de Dorian Gray" (1944) croisée avec le syndrome de Frankenstein, "Ainsi parlait Zarathoustra" n'annonce pas la venue d'un être supérieur mais accouche au contraire d'un monstre qui n'est pas sans rappeler "Elephant Man" (1980). Le personnage d'Elisabeth est une coquille vide qui ne vit que de des souvenirs de son ancienne gloire (comme dans "Boulevard du crepuscule") (1950) et d'images, celles que lui renvoie le monde patriarcal dans lequel elle vit, obsédé par le jeunisme et le corps parfait. Lorsque son âge la prive de la dernière émission qu'elle présentait (un show matinal d'aérobic à la Jane FONDA) par la décision d'un producteur masculiniste grotesque (Dennis QUAID) ayant décrété que 50 ans était une date de péremption, elle a l'impression de ne plus exister car elle n'a plus rien à quoi se raccrocher. La scène où elle tente sans succès de sortir de son isolement en se heurtant sans cesse à un miroir lui renvoyant un reflet haï souligne cet enfermement mortifère dans l'apparence. L'expérience de dissociation à laquelle elle se livre entre un moi jeune (idéalisé*) et un moi vieux (haï) tourne donc à l'autodestruction et non à la collaboration comme le présuppose un protocole médical qui semble avoir été produit par une IA plutôt que par un humain. Mais elle en fait également profiter la société du spectacle dont elle est le produit ce qui nous gratifie de quelques séquences hautement jubilatoires digne de la fin de "Carrie au bal du diable" (1976) croisé avec la mutation de "Akira" (1988) et de "La Mouche" (1986). Demi MOORE est exceptionnelle, n'ayant peur de rien et surtout pas des transformations physiques les plus audacieuses ce qui donne lieu, là encore à des séquences désopilantes faisant penser à la vieille sorcière de Blanche-Neige.

* Les séquences avec Margaret QUALLEY filmées avec un male gaze appuyé sont là encore un summum d'ironie, montrant que Elisabeth n'a généré qu'une version ancienne d'elle-même, poupée gonflable objet des fantasmes masculins n'ayant aucune existence propre. Elisabeth s'avère incapable de la moindre forme de détachement de cette aliénation au regard masculin concupiscent, lequel est tourné en ridicule de façon jouissive.

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Les Rendez-vous d'Anna

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (1978)

Les Rendez-vous d'Anna

L'errance n'est pas du tout incompatible avec l'enfermement comme j'ai essayé récemment de le démontrer lors d'un colloque à propos du cinéma de Wim WENDERS. Et cela est également valable pour Chantal AKERMAN. D'ailleurs, j'ai lu récemment un commentaire qui rapprochait "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975) de "Perfect Days" (2022) et sa solitude faite de trajectoire en boucle et de moments routiniers. Et bien ce rapprochement, on peut également le faire entre "Paris, Texas" (1984) ou la trilogie de l'errance et "Les Rendez-vous d'Anna" (1978). Le road/rail movie ponctué de rencontres ne sert en effet qu'à renvoyer le/la protagoniste à sa solitude intrinsèque. Le trajet d'Anna (que l'on devine être le double de la réalisatrice) de Essen à Paris via Cologne et Bruxelles s'effectue dans une atmosphère grise et morne. Les espaces traversés sont froids, impersonnels, désolés. Le contact avec les autres est fondamentalement déceptif. Lorsque Anna se retrouve prise dans la foule, elle a le plus grand mal à s'en extraire comme si celle-ci était un élément hostile qui l'oppressait. Mais les tête à tête ne sont pas plus chaleureux. Aux deux extrémités de son voyage, Anna tente de passer la nuit avec un homme dans une chambre d'hôtel. Un blond, rencontre d'un soir qui tente de la convaincre d'entrer dans sa vie (Helmut GRIEM) mais qu'elle repousse et un brun, amant parisien (Jean-Pierre CASSEL) qui pris de fièvre se refuse à elle. Même quand Anna retrouve sa propre mère ou la mère d'un ancien compagnon, c'est sur un quai de gare ou dans une chambre d'hôtel comme si elles n'avaient nulle part ailleurs où aller. Ce refus d'intimité fait écho à l'opacité d'Anna (Aurore CLEMENT) qui semble traverser le film comme absente à elle-même. Cependant au fil des discours qui se tissent entre Anna et ses divers interlocuteurs, on comprend peu à peu que ce bouclier sert à se protéger des injonctions au mariage et à la maternité qui étaient bien plus puissantes en 1978 qu'aujourd'hui, de même qu'être une femme cinéaste c'était être un OVNI. Mais surtout, au détour d'une confession faite à sa mère, on comprend que Anna a éprouvé un bouleversement à la suite d'une rencontre avec une femme qu'elle cherche sans succès à joindre depuis le début du film, le téléphone et le répondeur devenant des machines à spleen. En résumé "Les rendez-vous d'Anna" dresse le portrait d'une femme qui ne parvient pas à trouver sa place dans un monde conformiste qui les assigne encore largement à des rôles d'épouse et de mère au foyer. Est-ce un hasard si l'une des autres rares femmes cinéastes de cette époque, Agnes VARDA a également dépeint quelques années plus tard une errance féminine remplie d'insatisfaction à travers "Sans toit ni loi" (1985)?

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Divertimento

Publié le par Rosalie210

Marie-Castille Mention-Schaar (2021)

Divertimento

La mort récente de Niels ARESTRUP a fait ressurgir à la télévision son dernier film, "Divertimento". Un biopic qui a le mérite de mettre en lumière la cheffe d'orchestre Zahia Ziaouni (interprétée par Oulaya AMAMRA) dont les années de formation ont été semées d'embûches relatives à son genre, à sa classe sociale et à ses origines. D'ailleurs le film rappelle s'il en était besoin que dans le monde seulement 6% des chefs d'orchestre sont des femmes et encore moins en France (4%). Zahia détonne donc dans le milieu machiste et élitiste de la direction d'orchestre classique, tout comme sa soeur jumelle, Fettouma, brillante violoncelliste (jouée par Lina EL ARABI). L'amour du père (Zinedine SOUALEM) pour la musique classique est mis en avant pour expliquer l'éveil musical précoce de ses deux filles et leur engagement visant à permettre à un plus large public d'accéder à la culture. Ces parcours hors-normes auraient cependant mérité d'être illustrés de façon moins convenue et moins maladroite. Tel quel, le film accumule les poncifs du genre "avec la persévérance, on y arrive" et les maladresses. Après un bizutage en bonne et due forme, l'hostilité des élèves parisiens friqués fond comme neige au soleil lorsque Zahia est repérée par un mentor faisant autorité c'est à dire un chef d'orchestre reconnu et cochant toutes les cases du bon profil. Heureusement que c'est Niels ARESTRUP qui l'interprète mais son personnage a tendance hélas à se réduire à sa fonction, rebattue au cinéma: propulser Zahia Ziaouni vers la réussite. Il en va de même avec la facilité déconcertante avec laquelle Zahia et sa soeur réussissent à créer de la mixité avec leur orchestre mêlant beaux quartiers parisiens et conservatoire de banlieue, y incluant même une jeune fille handicapée. Bref, on est davantage dans le conte de fées que dans la réalité, dans des schémas usés jusqu'à la corde que dans la nouveauté. Le récent "En fanfare" (2023) qui pose également la question du comblement du fossé social par la musique et l'illustre dans sa scène finale par l'interprétation du Boléro de Ravel s'avère autrement plus percutant.

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Je, tu, il, elle

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (1974)

Je, tu, il, elle

"Je tu il elle" est le premier film de Chantal AKERMAN réalisé juste avant "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975). Je le précise parce que les liens entre les deux films sautent aux yeux: les longs plans fixes, la solitude et l'enfermement dans un appartement, la routine des gestes filmés en temps réel, la centralité marginale à l'époque d'une femme dont on entend les pensées, dont on voit se matérialiser les désirs de façon radicale. Une radicalité qui se marie avec une mise en scène travaillée. "Je tu il elle" se décompose en trois parties bien distinctes. Dans la première ("je tu"), on voit une jeune femme (Chantal AKERMAN elle-même alors âgée de 24 ans) essayer d'écrire une lettre après une rupture amoureuse dans une pièce qu'elle dépouille de ses meubles avant de se mettre à nu. Une façon imagée de "faire le vide". L'aspect expérimental (que l'on retrouvera sur "Jeanne Dielman") passe notamment par un décalage entre l'image et la narration: soit elle annonce que que nous allons voir, soit c'est l'inverse ce qui m'a fait penser au court-métrage de Jean EUSTACHE, "Les Photos d'Alix" (1980) dans lequel image et commentaires finissaient par se désynchroniser. Elle travaille le temps de la même façon que dans "Jeanne Dielman" avec beaucoup de répétitions obsessionnelles qui fait ressentir que cette claustration dure plusieurs semaines. Dans la deuxième partie ("il") qui est une transition, Julie a renoncé à écrire au profit de l'action directe. Elle s'échappe de la cellule et le film se transforme alors en road-movie sous influence américaine avec l'apparition d'un Marlon BRANDO français: Niels ARESTRUP alors âgé de 25 ans! Il joue en effet le rôle d'un camionneur qui prend Julie en stop. Mais la relation s'avère être elle aussi pleine de vide quand elle n'est pas à sens unique: masturbation et confidences crues aussi gênantes que désespérantes à la fois sur la vie de couple et de famille. Enfin dans la troisième partie (elle"), Julie retrouve l'amie à qui elle essayait d'écrire au début du film et les deux femmes se livrent à une longue étreinte rageuse et intense de quinze minutes filmée comme une chorégraphie ou une installation. Cette scène d'homosexualité féminine avait valu au film une interdiction aux moins de 18 ans à sa sortie et fait figure de manifeste pionnier, près de 40 ans avant "La Vie d'Adele - chapitre 1 et 2 -" (2013). Au final, "Je tu il elle" ressemble à la confession en images d'une jeune fille (Chantal AKERMAN) qui se heurte davantage à l'autre qu'elle n'entre en contact avec lui.

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