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Articles avec #realisatrices tag

Partir un jour

Publié le par Rosalie210

Amélie Bonnin (2021)

Partir un jour

=Parfois les courts-métrages servent de ballon d'essai à de futurs longs-métrages. Cela pourrait faire l'objet d'une émission thématique. Et "Partir un jour" y figurerait puisque le premier long-métrage de fiction de Amelie BONNIN issue du documentaire vient de faire l'ouverture du festival de Cannes (une première) alors que Arte propose de découvrir la version courte, césarisée en 2023. J'ai tout de suite pensé à un "On connait la chanson" (1997) qui aurait été considérablement rajeuni, provincialisé et transposé dans un milieu populaire. L'alchimie entre Juliette ARMANET et Bastien BOUILLON fonctionne parfaitement. De façon assez paradoxale, alors que l'histoire repose sur le regret d'un amour de jeunesse qui ne s'est pas concrétisé, le film est plutôt joyeux grâce à l'énergie des interprètes. D'ailleurs on se dit presque que l'amour aurait gâché la tendre complicité entre ces deux amis d'enfance. Bastien BOUILLON en "adulescent" amateur de Pépito et de messages enflammés est particulièrement épatant. Et les chansons que tout le monde connaît sont très judicieusement choisies, rappelant qu'en matière d'expression des sentiments, il n'y a pas mieux que l'art lyrique. Car à l'inverse du film de Alain RESNAIS, les acteurs chantent eux-mêmes les tubes ce qui donne plus d'authenticité à leurs personnages. Hâte de voir le long-métrage!

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Annie Colère

Publié le par Rosalie210

Blandine Lenoir (2021)

Annie Colère

Les films sur la conquête du droit à l'avortement sont souvent casse-gueule car ils impliquent une reconstitution d'époque, des discours militants, des images d'archives et cela peut devenir très vite ultra pesant. Celui-ci qui se déroule à la veille de l'adoption de la loi Veil s'en sort haut la main en se focalisant sur le parcours émancipateur d'une ouvrière qui au contact du MLAC (mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception créé en 1973) prend confiance en elle et réinvente sa vie. Sans chercher à édulcorer la réalité de l'époque marquée par les ravages que faisaient les avortements clandestins et l'oppression patriarcale incarnée par les institutions, le film qui met l'accent sur l'entraide, le partage horizontal des savoirs, un accompagnement humain des actes médicaux est lumineux. Il évite également soigneusement tout manichéisme primaire. Le mouvement compte une majorité de femmes mais est également soutenu par plusieurs hommes, de jeunes médecins que l'on devine avoir hérité de l'esprit de mai 1968 ou de plus âgés ayant fait une prise de conscience. C'est donc tout un réseau de solidarité qui se forme auquel l'adoption de la loi ne met pas un point final. Avec intelligence, Blandine LENOIR montre qu'une prise en charge plus humaine des femmes dans la médecine obstétrique, d'une meilleure connaissance de son corps et d'une éducation à la sexualité digne de ce nom se pose toujours. Un bel hommage est rendu à Delphine SEYRIG dont on revoit le coup de gueule poussé lors d'un débat sur l'avortement en 1972. Côté interprétation, rien à dire, c'est du bon boulot. Laure CALAMY qui me tape si souvent sur les nerfs est ici parfaitement juste et les autres (Zita HANROT, India HAIR etc.) sont à l'unisson. On remarque également Rosemary STANDLEY issue du groupe Moriarty qui chante pour apaiser les femmes pendant les avortements qui ne sont jamais montrés comme des actes anodins tant ils touchent à l'intime.

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La rose de Versailles (Versailles no Bara)

Publié le par Rosalie210

Ai Yoshimura (2025)

La rose de Versailles (Versailles no Bara)

Comme Silvia Stucchi et son livre-hommage "La Dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", le studio MAPPA célèbre avec trois ans de retard l'anniversaire du chef d'oeuvre de Riyoko IKEDA en produisant une nouvelle adaptation sous forme d'un long-métrage d'animation d'environ deux heures. Celui-ci est un condensé des 10 volumes du manga s'appuyant également sur les adaptations du Takarazuka, revue théâtrale japonaise 100% féminine produisant des spectacles musicaux. Le film comporte donc de nombreux passages chantés. Il bénéficie également des techniques et des graphismes les plus modernes en terme d'animation. Clairement, ce remake, sorti sur Netflix le 30 avril 2025 cherche à séduire la nouvelle génération. Pourtant il n'arrive pas à la cheville de la deuxième partie de la série de 1979 produite par le studio TMS et réalisée par Osamu DEZAKI qui donnait à l'histoire une profondeur tragique et une esthétique cinématographique avec un travail incroyable sur la lumière et le regard (et ce avec les moyens limités d'une diffusion TV) sans parler de la mise en valeur du graphisme du merveilleux duo Shingo ARAKI/Michi HIMENO. Le numéro 250 d'Animeland qui vient de sortir leur consacre à tous de copieux articles à la hauteur de leurs talents conjugués. Le film du studio MAPPA reste quant à lui à la surface des personnages qui sont édulcorés: il n'y a plus de suicide, plus de mariage forcé, plus de tentative de viol, plus d'infanticides, plus de climat incestueux, plus d'ambiguïté sexuelle, plus de maladie mortelle. La grande Histoire est presque complètement escamotée alors qu'elle est dans le manga et dans la série un ressort essentiel de l'intrigue. Celle-ci, découpée à la hache et dépouillée de sa charge politique et de ses personnages secondaires est réduite aux relations sentimentales et aux fanfreluches. Seuls les questionnements et la révolte d'Oscar, reflet de la personnalité de Riyoko IKEDA donne un peu de substance à un contenu certes soigné mais inoffensif.

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TKT (T'inquiète)

Publié le par Rosalie210

Solange Cicurel (2025)

TKT (T'inquiète)

Le cyberharcèlement scolaire est devenu un tel fléau de société qu'il envahit la sphère du cinéma et des séries. Ainsi "TKT" peut être vue comme une version belge de "Adolescence" (2025). En prime on y voit Emilie DEQUENNE dans son dernier rôle, celui de la mère d'Emma (Lanna de Palmaert), l'adolescente victime, le père étant joué par Stephane De GROODT. L'histoire est l'enquête du fantôme d'Emma, dans le coma après sa tentative de suicide. Comment en est-elle arrivée là? Déjà par son silence puisque face aux inquiétudes de ses parents, sa seule réponse est "t'inquiètes" (en abrégé, "TKT"). Ensuite par une série d'éléments pourtant futiles séparés les uns des autres (tenues vestimentaires inappropriées, tache sur le pantalon, vengeance du petit copain largué et d'une fille jalouse, agressivité par rapport aux remarques blessantes) qui finissent par former un engrenage qui la transforme en pestiférée.

Néanmoins il y a une différence fondamentale par rapport à "Adolescence". Cette dernière n'avait pas de visée pédagogique et s'est imposée après coup comme d'utilité publique. Alors que "TKT" est moins un film de cinéma qu'une opération de sensibilisation au phénomène du harcèlement conçue spécifiquement pour le milieu scolaire avec un didactisme trop appuyé. Didactisme qui l'emporte sur la mise en scène comme sur la construction des personnages, réduits à être le véhicule du discours. C'est pourquoi selon moi la série britannique de Philip BARANTINI ou encore "Amal, Un esprit libre" (2023) lui sont très supérieurs et peuvent être qualifiés d'oeuvres "coup de poing" ce qui n'est pas le cas de "TKT" même si l'on peut s'émouvoir du sort tragique de l'adolescente.

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Agnès de ci de là Varda

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2011)

Agnès de ci de là Varda

Mini-série documentaire de cinq épisodes de 45 minutes chacun qui recueille les fragments des rencontres, voyages, visites glanés ici et là par Agnes VARDA. Même si l'ensemble paraît hétéroclite, il s'organise autour des thèmes obsessionnels de la réalisatrice: le temps qui passe (l'incipit autour d'un arbre de sa cour qu'elle a fait tailler et dont elle photographie les étapes de la repousse) et la mort inéluctable (les dix dernières minutes du cinquième épisode autour des vanités et du thème de la jeune fille et la mort dont "Cleo de 5 a 7" (1961) est une version moderne). Entre les deux, une série d'instantanés artistiques pris au gré de ses nombreux voyage en France, en Europe, en Amérique qui permettent de transformer l'éphémère en gouttes d'éternité. L'éphémère, ce sont les représentations, festivals, expositions, happenings où se rend Agnes VARDA et ses rencontres avec les artistes, connus (Pierre Soulages, Annette Messager, Christian Boltanski, Chris MARKER, Jean-Louis TRINTIGNANT, Alexandre SOKOUROV, Manoel de OLIVEIRA qui imite Charles CHAPLIN etc.) ou inconnus, un simple quidam mettant un peu de poésie autour de lui pouvant être filmé par elle, notamment lorsqu'il s'agit du street art à Los Angeles à qui elle avait déjà consacré un documentaire au début des années 80, "Mur murs" (1981) et où elle se rend à nouveau en 2011 dans le cinquième épisode. L'ensemble forme un album animé d'art qui complète ceux, classiques qu'elle a feuilleté au fil du temps et dans lesquels on peut piocher à sa guise selon ses humeurs et ses goûts. Outre Los Angeles, d'autres lieux chers à la réalisatrice sont retrouvés au fil de ses pérégrinations comme Sète, le théâtre de son enfance ou Nantes, la ville natale de Jacques DEMY.

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La Folie Almayer

Publié le par Rosalie210

Chantal Akerman (2011)

La Folie Almayer

"La Folie Almayer", dernier long-métrage de fiction de Chantal AKERMAN est un incroyable trip hypnotique dans la jungle malaise tout en travellings et plans-séquence. Autrement dit soit on s'ennuie face à la lenteur contemplative des scènes, soit on adhère à la démarche qui s'avère être une invitation au voyage d'une sensorialité fascinante. En effet bien que l'histoire se déroule en Asie du sud-est, entre Malaisie et Indonésie, Nina (Aurora MARION) que l'on voit en gros plan dès le début du film ressemble à une tahitienne sortie d'un tableau de Gauguin. Adaptation du premier roman de Joseph Conrad paru en 1895 transposé dans les années cinquante, l'histoire raconte la déliquescence de la société coloniale dont les derniers rejetons se perdent dans les limbes. Almayer (Stanislas MERHAR) qui vit au bord d'une rivière au milieu de la jungle en quête d'une mine d'or imaginaire dépérit lentement mais sûrement. Sa fille métisse, Nina lui est enlevée sur décision du beau-père d'Almayer (Marc BARBE) pour être éduquée à l'occidentale dans un pensionnat-prison dont elle s'échappe quelques années plus tard. Déchirée entre ses deux cultures, l'occidentale qui lui est présentée comme supérieure mais qui la rejette et l'indigène méprisée par les blancs, elle se fuit perpétuellement. Peut-être cherche-elle également à fuir "la Folie Almayer", ce trou perdu où cohabitent sans se parler son père et sa mère, chacun essayant de se l'approprier. On pense à "Aguirre, la colere de Dieu" (1972) mais également à la plantation coloniale de "Apocalypse Now" (1976), moments suspendus cernés par l'enfer vert où la civilisation occidentale vient se perdre. J'ai également pensé à un film tourné bien après, "Pacifiction - Tourment sur les iles" (2021) en raison notamment de la troublante ressemblance (en dépit d'une différence de corpulence) entre Stanislas MERHAR et Benoit MAGIMEL, l'ambiance exotique, la lenteur, l'insularité (réelle ou imaginaire) d'un occidental vêtu de blanc perdu dans un monde qui n'est pas le sien.

Présentation

La Folie Almayer, Chantal Akerman, 2011

La rétrospective Chantal Akerman sur Arte étant sur le point de disparaître, j'ai regardé le dernier film de la série, "La Folie Almayer", son dernier long-métrage de fiction. J'en suis ressortie profondément troublée en me demandant pourquoi le cinéma de cette réalisatrice lorsqu'il travaille la durée me happe à ce point alors qu'il en révulse d'autres (si je me réfère aux réactions autour de "Jeanne Dielman"). "La Folie Almayer" est pourtant assez voisin de films contemplatifs qui m'avaient barbé, qu'ils soient tournés dans la jungle comme "Oncle Boomee" ou qu'ils confrontent un occidental en voie de déliquescence à un écosystème indigène impénétrable comme "Pacifiction, tourment sur les îles".

"La Folie Almayer", adaptation du roman de Joseph Conrad sur des occidentaux en proie à des chimères dans lesquels ils se perdent (dont un mirage aurifère qui n'est pas sans rappeler "Aguirre, la colère de Dieu", la mélancolie remplaçant la mégalomanie) est aussi une réflexion sur les tourments identitaires des enfants issus des rencontres asymétriques entre colonisateurs et colonisés. Nina qui a été élevée dans un pensionnat-prison religieux tout en étant ostracisée en tant que métisse m'a fait penser à la Mary-Jane du film de Douglas Sirk, "Mirage de la vie". L'enfermement des femmes dans un système aliénant dont elles cherchent à sortir par l'errance est sans doute l'une des raisons qui éveille mon intérêt par rapport aux films à la thématique voisine mais dépourvus de cette sensibilité.

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Mikado

Publié le par Rosalie210

Baya Kasmi (2025)

Mikado

"Mikado" est tellement bourré de qualités par rapport au tout-venant de la production cinématographique française qu'on lui pardonne aisément ses imperfections. Baya KASMI que j'ai découvert je pense comme la plupart en tant que scénariste sur "Le Nom des gens" (2010) réalisé par Michel LECLERC réussit une comédie dramatique adoptant un angle original et pertinent. Cet angle, c'est celui de l'enfance maltraitée si souvent négligée au cinéma. C'était déjà un thème sous-jacent dans "Le Nom des gens" (2010) qui expliquait les comportements des deux protagonistes principaux par les traumas de leur enfance. "Mikado" en fait son sujet principal en confrontant un adulte abîmé par son passé d'enfant placé à sa fille pré-adolescente à qui il a imposé une vie en marge de la société qu'elle ne supporte plus. Entre les deux, une médiatrice, la mère qui partage avec Mikado un passé difficile (quiconque a vu "Le Nom des gens" (2010) comprendra la signification du piano) et un mode de vie précaire mais qui s'avère bien moins asociale, plus réaliste, plus sensible aussi au sort de leurs enfants.

Autre qualité majeure du film, des acteurs excellemment dirigés. Je n'aime guère Felix MOATI mais force est de constater qu'il est convaincant dans le rôle-titre. Vimala PONS a enfin un rôle consistant à se mettre sous la dent tandis que Patience MUNCHENBACH est très émouvante dans le rôle de l'adolescente mal dans sa peau qui découvre à quel point elle est inadaptée à la vie sociale en ayant été coupée des autres jeunes de son âge. Mais l'acteur qui touche le plus est Ramzy BEDIA dans le rôle d'un veuf mélancolique, lui aussi aux prises avec une fille adolescente (Saul BENCHETRIT) qui abrite transitoirement la famille de Mikado dont le van est tombé en panne dans le jardin de son mas provençal. D'ailleurs la rencontre entre les deux familles est montrée de façon très juste comme un accident de la vie et s'accomplit non sans réticences tant le mode de vie sédentaire et quelque peu lugubre de Vincent contraste avec celui, nomade et désordonné de Mikado et Laetitia qui vivent et se comportent comme deux adolescents attardés. Cette question de la place dans la famille est centrale dans le film. Tant que Mikado et Laetitia refusent de la céder, ils empêchent leurs enfants de grandir et même d'exister. Nuage* dit à un moment donné qu'elle n'est jamais née. Cela va au-delà d'une question d'Etat civil, c'est un mode de non-existence où il faut se cacher en permanence des yeux du reste de la société. La fin du film, en miroir de celle du début montre que chacun occupe désormais la bonne place: l'enfant qui s'efface c'est désormais Mikado pour laisser Nuage enfin voler de ses propres ailes.

* Les prénoms des enfants, Nuage et Zéphyr font penser à ceux de la famille Phoenix car le film de Baya KASMI a d'évidents points communs avec celui de Sidney LUMET, "A bout de course" (1988). Mais il m'a fait penser aussi à "L'Enfant" (2005) des frères Dardenne tout en étant plus léger, plus féministe et plus proche du ressenti adolescent.

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Mon inséparable

Publié le par Rosalie210

Anne-Sophie Bailly (2024)

Mon inséparable

 

Plutôt déçue par ce film que je voulais voir au cinéma parce que le thème m'intéressait. Enfin ce que je croyais être le thème principal au vu de la bande-annonce, l'histoire de l'émancipation "à retardement" d'un jeune homme handicapé trop couvé par sa mère, l'histoire de son désir de fonder une famille à lui en dépit d'une certaine réticence sociale. Or la mise en scène est impersonnelle tout comme le scénario qui brasse très large: le père biologique de Joël, évaporé on imagine peu après sa naissance et que l'on retrouve nanti d'une nouvelle famille dans lequel il n'y a pas de place ni pour lui ni pour Mona; la mère de Mona qui est en train de mourir alors même que Océane, la petite amie de Joël est enceinte; Mona enfin qui en "perdant" son fils se reconstruit une vie personnelle en un clic ou presque. Le film, j'imagine pour des raisons commerciales, n'est en effet pas construit autour de Joël et de sa petite amie mais autour de Mona, survalorisant la performance ostentatoire de Laure CALAMY qui est une fois de plus cantonnée au rôle de la quadragénaire débordée mais si héroïque que chacune de ses crises de colère, chacun de ses soupirs d'extase doit avoir droit à son gros plan. Les fans aimeront, les autres (dont je fait partie) frôleront vite l'overdose. Le film escamote notamment le sujet tabou (et pourtant bien plus intéressant) de la sexualité des handicapés au profit de scènes érotiques convenues autour du personnage de Mona. Charles PECCIA GALLETTO qui joue son fils et est lui-même atteint d'un léger handicap est très juste mais sous-exploité.

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Brodeuses

Publié le par Rosalie210

Eléonore Faucher (2004)

Brodeuses

Joli film dont l'esthétique m'a fait penser à celle de "Y aura-t-il de la neige a Noel ?" (1996) avec son attention particulière aux sens, principalement les couleurs et les textures ce qui est normal pour un film traitant de broderie. Mais le mot lui-même est polysémique. Rattaché dans l'imaginaire collectif à une activité typiquement féminine, les travaux d'aiguille, il devient dans le film la métaphore d'une filiation matriarcale en construction dans un monde rugueux mais fertile. Le cadre de l'histoire est en effet rural et les premières images, au ras du sol montrent Claire récoltant des choux dans un champ. Je ne sais si c'est intentionnel mais cela m'a fortement rappelé le premier film de Alice GUY, "La Fee aux choux" (1896) et sa variante "Sage-femme de premiere classe ou la naissance des enfants" (1902). Or Claire est enceinte et son ventre ballonné fait penser à un chou (en plus de la vieille légende selon laquelle les garçons sortent des choux et les filles des roses). Seulement cette grossesse est non désirée et par ailleurs Claire qui est caissière dans un supermarché est en rupture avec sa famille. Pour fuir la curiosité de son environnement de travail, elle trouve refuge chez Mme Mélikian qui est brodeuse pour le marché de la haute-couture mais qui est anéantie par le décès accidentel de son fils. Claire dont la broderie est la passion se fait embaucher au noir par elle et les deux femmes retissent du lien, au propre, comme au figuré. Lola NAYMARK dont les tenues tricotées semblent être le prolongement de son opulente chevelure rousse et bouclée est incroyablement photogénique et fait la paire avec Ariane ASCARIDE toute vêtue de noir. Toutes deux appartiennent d'ailleurs à la même famille de cinéma, celle de Robert GUEDIGUIAN. C'est peut-être pour cela que Eleonore FAUCHER donne à au personnage de Ariane ASCARIDE un nom arménien dans ce premier film féministe très maîtrisé dont la BO est bercée par les titres du groupe Louise Attaque.

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De rockstar à tueur, le cas Cantat

Publié le par Rosalie210

Zoé de Bussierre, Karine Dusfour, Anne-Sophie Jahn, Lartigue Nicolas (2025)

De rockstar à tueur, le cas Cantat

Depuis sa sortie sur Netflix, le documentaire consacré à l'affaire Cantat fait le buzz et c'est bien normal. Car 22 ans après la mort de Marie TRINTIGNANT, la relecture de l'affaire à l'aune post Metoo permet de se rendre compte du traitement que la société et les institutions réservaient aux féminicides, surtout s'ils étaient commis par des hommes puissants. D'ailleurs le mot féminicide n'existait pas, il était remplacé par le "crime passionnel", ça permettait de se défausser de sa responsabilité. C'est d'ailleurs ce que fait à longueur d'audience Bertrand Cantat qui justifie ses actes par des forces qui l'auraient dépassé. D'ailleurs dans un premier temps, il parle d'un simple accident. Quand les faits révélés par l'autopsie (19 coups en majorité portés au visage) l'obligent à rectifier sa version, il se victimise (c'est pas moi, c'est elle qui m'a tapé la première) et les médias lui emboîtent allègrement le pas. L'émission de Thierry ARDISSON, devenue en quelques années le baromètre des mentalités de l'époque refait le procès de Vilnius en désignant Marie TRINTIGNANT comme coupable, hystérique, consommatrice d'alcool de de cannabis et infidèle parce qu'ayant eu quatre garçons de quatre pères différents alors que Bertrand Cantat est lui présenté comme un "modèle de fidélité". Seule LIO prend la défense de son amie au cours de ce tribunal médiatique, elle témoigne d'ailleurs dans le documentaire. Une parole forte qui s'inscrit en contraste avec ceux du "clan Cantat" qui minimisent comme Dominique Revert ou s'en moquent comme Pascal Nègre qui raisonne en financier pour qui la seule chose qui compte c'est que "Noir Désir", ça rapporte.

Outre le fait de confronter les interrogatoires de Cantat à la réalité de faits qui mettent en lumière ses mensonges, le documentaire a le mérite de reconstituer le puzzle des violences commises par le chanteur sur les femmes. Car si le meurtre de l'actrice a été présenté au procès comme un cas isolé qui a bénéficié à Cantat (sur les 15 ans requis il n'a été condamné qu'à 8 ans, n'en a fait en réalité que 4, en partie en France et dans des conditions privilégiées), c'est parce qu'il a bénéficié de l'omerta de son entourage dont celui de Kristina Rady, la mère de ses enfants. Or celle-ci avec laquelle il s'était remis s'est suicidée en 2010 et Anne-Sophie Jahn, co-réalisatrice et scénariste du documentaire s'est intéressée à son histoire, lui consacrant une enquête dans "Le Point" en 2017 venant faire contrepoids au numéro de les "Inrockuptibles" qui réhabilitaient Cantat sans mentionner une seule fois les affaires dans lesquelles il avait été impliqué. A partir des éléments laissés par Kristina Rady (une lettre, un enregistrement), des témoignages de ses proches et de son dossier médical, il apparaît qu'elle était victime de l'emprise du chanteur qui avec elle comme avec Marie TRINTIGNANT se montrait étouffant et violent. Mais qui s'en souciait? Si même une actrice connue ne faisait pas le poids face à l'icône rock alors une "nobody", n'en parlons pas. Ironie de l'histoire, au moment même où Cantat était sur le point d'être blanchi par la presse, Metoo éclatait, suscitant aux abords des concerts du groupe des tensions entre pro et anti Cantat.

On peut reprocher au documentaire des éléments de forme un peu racoleurs. Mais on ne peut pas lui reprocher sa documentation fouillée et la rage qu'il suscite en mettant le doigt là où ça fait mal. Il y a tant eu de complaisance envers Cantat qu'un autre point de vue ne peut être que salutaire.

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