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Articles avec #mini-serie tag

Adolescence

Publié le par Rosalie210

Philip Barantini (2025)

Adolescence

C'est suffisamment rare pour être souligné mais si la mini-série "Adolescence" est un tel phénomène de société, elle le doit autant au fond qu'à la forme. Une fois de plus, les britanniques démontrent leur maestria en ce domaine. "Adolescence" fera date par ce qu'elle raconte mais aussi par la manière dont elle le raconte. Elle est le fruit d'une prouesse technique consistant à tourner chaque épisode de 45 minutes en un seul plan-séquence. Tout a été réglé en amont, lors de répétitions, le tournage s'effectuant en continu comme un ballet ou une pièce de théâtre chorégraphiée au millimètre. Ce dispositif, lorsqu'il est maîtrisé décuple la puissance du récit en plongeant le spectateur en immersion totale, comme le ferait un jeu vidéo. On pense à "La Corde" (1948) de Alfred HITCHCOCK, aux longues introductions de films comme celle de "La Soif du mal" (1957) ou celle de "Snake Eyes" (1998) avec des circonvolutions de caméra qui rappellent les travellings de "Shining" (1980). Mais la référence la plus évidente est "Elephant" (2003) qui traite d'un sujet proche de celui de "Adolescence" dont le deuxième épisode se déroule intégralement dans l'enceinte de l'école de Jamie. Car si le dispositif joue sur l'effet de temps réel, chaque épisode n'est qu'une fenêtre ouverte sur une histoire se déroulant sur plus d'une année: les ellipses, ce sont les intervalles qui séparent l'arrestation de Jamie de l'enquête dans son école puis de la rencontre avec la psychologue et enfin de l'anniversaire de son père (Stephen GRAHAM, co-auteur de la série).

Chaque épisode combine émotions et réflexions. Le premier suscite l'effroi, celui de voir un gosse traité selon une procédure criminelle conçue pour les adultes. Le second suscite le malaise en mettant en évidence la fracture générationnelle dans les familles et à l'école avec des adultes dépassés par des gamins sur lesquels ils n'ont pas de prise. Le troisième dévoile l'autre visage de Jamie et il faut souligner la performance de Owen Cooper qui parvient à rendre menaçant, voire terrifiant un ado de 13 ans au visage et à la voix encore enfantines. Le quatrième montre les conséquences sur sa famille, ni le père ni la mère n'étant accablés, autant pour échapper aux clichés que pour que chacun puisse d'identifier à eux. Aucune réponse toute faite aux actes de Jamie n'est donnée, c'est à chacun de se faire son opinion ce qui est d'une grande intelligence. Seules des pistes sont évoquées comme le cyberharcèlement ou le rôle toxique des masculinistes sur les réseaux sociaux dans la construction d'adolescents en quête de repères. Mais l'image la plus forte est celle du père de Jamie en larmes à la fin du quatrième épisode dont seule la peluche de Jamie est le témoin car "Boys don't cry" (1998).

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Agnès de ci de là Varda

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2011)

Agnès de ci de là Varda

Mini-série documentaire de cinq épisodes de 45 minutes chacun qui recueille les fragments des rencontres, voyages, visites glanés ici et là par Agnes VARDA. Même si l'ensemble paraît hétéroclite, il s'organise autour des thèmes obsessionnels de la réalisatrice: le temps qui passe (l'incipit autour d'un arbre de sa cour qu'elle a fait tailler et dont elle photographie les étapes de la repousse) et la mort inéluctable (les dix dernières minutes du cinquième épisode autour des vanités et du thème de la jeune fille et la mort dont "Cleo de 5 a 7" (1961) est une version moderne). Entre les deux, une série d'instantanés artistiques pris au gré de ses nombreux voyage en France, en Europe, en Amérique qui permettent de transformer l'éphémère en gouttes d'éternité. L'éphémère, ce sont les représentations, festivals, expositions, happenings où se rend Agnes VARDA et ses rencontres avec les artistes, connus (Pierre Soulages, Annette Messager, Christian Boltanski, Chris MARKER, Jean-Louis TRINTIGNANT, Alexandre SOKOUROV, Manoel de OLIVEIRA qui imite Charles CHAPLIN etc.) ou inconnus, un simple quidam mettant un peu de poésie autour de lui pouvant être filmé par elle, notamment lorsqu'il s'agit du street art à Los Angeles à qui elle avait déjà consacré un documentaire au début des années 80, "Mur murs" (1981) et où elle se rend à nouveau en 2011 dans le cinquième épisode. L'ensemble forme un album animé d'art qui complète ceux, classiques qu'elle a feuilleté au fil du temps et dans lesquels on peut piocher à sa guise selon ses humeurs et ses goûts. Outre Los Angeles, d'autres lieux chers à la réalisatrice sont retrouvés au fil de ses pérégrinations comme Sète, le théâtre de son enfance ou Nantes, la ville natale de Jacques DEMY.

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De rockstar à tueur, le cas Cantat

Publié le par Rosalie210

Zoé de Bussierre, Karine Dusfour, Anne-Sophie Jahn, Lartigue Nicolas (2025)

De rockstar à tueur, le cas Cantat

Depuis sa sortie sur Netflix, le documentaire consacré à l'affaire Cantat fait le buzz et c'est bien normal. Car 22 ans après la mort de Marie TRINTIGNANT, la relecture de l'affaire à l'aune post Metoo permet de se rendre compte du traitement que la société et les institutions réservaient aux féminicides, surtout s'ils étaient commis par des hommes puissants. D'ailleurs le mot féminicide n'existait pas, il était remplacé par le "crime passionnel", ça permettait de se défausser de sa responsabilité. C'est d'ailleurs ce que fait à longueur d'audience Bertrand Cantat qui justifie ses actes par des forces qui l'auraient dépassé. D'ailleurs dans un premier temps, il parle d'un simple accident. Quand les faits révélés par l'autopsie (19 coups en majorité portés au visage) l'obligent à rectifier sa version, il se victimise (c'est pas moi, c'est elle qui m'a tapé la première) et les médias lui emboîtent allègrement le pas. L'émission de Thierry ARDISSON, devenue en quelques années le baromètre des mentalités de l'époque refait le procès de Vilnius en désignant Marie TRINTIGNANT comme coupable, hystérique, consommatrice d'alcool de de cannabis et infidèle parce qu'ayant eu quatre garçons de quatre pères différents alors que Bertrand Cantat est lui présenté comme un "modèle de fidélité". Seule LIO prend la défense de son amie au cours de ce tribunal médiatique, elle témoigne d'ailleurs dans le documentaire. Une parole forte qui s'inscrit en contraste avec ceux du "clan Cantat" qui minimisent comme Dominique Revert ou s'en moquent comme Pascal Nègre qui raisonne en financier pour qui la seule chose qui compte c'est que "Noir Désir", ça rapporte.

Outre le fait de confronter les interrogatoires de Cantat à la réalité de faits qui mettent en lumière ses mensonges, le documentaire a le mérite de reconstituer le puzzle des violences commises par le chanteur sur les femmes. Car si le meurtre de l'actrice a été présenté au procès comme un cas isolé qui a bénéficié à Cantat (sur les 15 ans requis il n'a été condamné qu'à 8 ans, n'en a fait en réalité que 4, en partie en France et dans des conditions privilégiées), c'est parce qu'il a bénéficié de l'omerta de son entourage dont celui de Kristina Rady, la mère de ses enfants. Or celle-ci avec laquelle il s'était remis s'est suicidée en 2010 et Anne-Sophie Jahn, co-réalisatrice et scénariste du documentaire s'est intéressée à son histoire, lui consacrant une enquête dans "Le Point" en 2017 venant faire contrepoids au numéro de les "Inrockuptibles" qui réhabilitaient Cantat sans mentionner une seule fois les affaires dans lesquelles il avait été impliqué. A partir des éléments laissés par Kristina Rady (une lettre, un enregistrement), des témoignages de ses proches et de son dossier médical, il apparaît qu'elle était victime de l'emprise du chanteur qui avec elle comme avec Marie TRINTIGNANT se montrait étouffant et violent. Mais qui s'en souciait? Si même une actrice connue ne faisait pas le poids face à l'icône rock alors une "nobody", n'en parlons pas. Ironie de l'histoire, au moment même où Cantat était sur le point d'être blanchi par la presse, Metoo éclatait, suscitant aux abords des concerts du groupe des tensions entre pro et anti Cantat.

On peut reprocher au documentaire des éléments de forme un peu racoleurs. Mais on ne peut pas lui reprocher sa documentation fouillée et la rage qu'il suscite en mettant le doigt là où ça fait mal. Il y a tant eu de complaisance envers Cantat qu'un autre point de vue ne peut être que salutaire.

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Les Misérables

Publié le par Rosalie210

Tom Shankland (2018)

Les Misérables

Arte propose depuis quelques semaines l'adaptation du roman de Victor Hugo "Les Misérables" par la BBC en 2018 sous la forme d'une mini-série de 8 épisodes d'environ 45 minutes. Encore une adaptation pense-t-on mais sans être révolutionnaire, celle-ci comporte quelques atouts dans sa manche:

- Il s'agit d'un retour certes classique mais puriste au roman de Victor Hugo selon la volonté du scénariste, Andrew DAVIES, spécialiste des adaptations littéraires. Exit donc la comédie musicale qui avait rendu le sens de cette oeuvre opaque. Même si la mini-série comporte quelques raccourcis maladroits (par exemple l'évolution de la relation entre Fantine et Valjean n'apparaît pas très naturelle), les personnages sont plus développés que d'ordinaire ce qui permet de mieux les cerner. Leur destin tragique apparaît lié à l'enfermement dans un comportement déconnecté du réel. Par exemple la naïveté de Fantine qui semble ne rien comprendre au fonctionnement de la société, l'aveuglement idéologique de M. Gillenormand qui le tue à petit feu en le coupant de son petit-fils ou la quête obsessionnelle de Javert qui finit par être le seul à continuer à traquer Valjean tandis que le reste de la police est passé à autre chose en même temps que le changement d'époque. Même Jean Valjean qui apparaît comme particulièrement tourmenté ne semble jamais s'être complètement échappé du bagne de Toulon et Cosette doit lutter pour ne pas se faire enfermer elle aussi. Par ailleurs les trajectoires de déchéance comme de rédemption sont développées et poussées à l'extrême. La série s'ouvre sur Thénardier à Waterloo avant que son espace ne cesse de se rétrécir jusqu'au trou à rats. Plus rare, la série suit la Thénardier jusqu'au bout de sa chute tandis que l'épisode souvent passé à la trappe de la liaison de Fantine avec Tholomyès met bien en valeur son décalage par rapport au reste du groupe, homme bourgeois comme femmes ouvrières, tous parfaitement conscients du jeu qu'ils sont en train de jouer. De plus, cette idylle, idéalisée par Fantine rend encore plus cruelle la descente aux enfers qui l'attend.

- Autre qualité de la mini-série, celle d'avoir subtilement modernisé le roman. La guerre des classes dont "Les Misérables" se fait l'écho fait penser aux affrontements d'aujourd'hui entre manifestants et forces de l'ordre. La relation entre Tholomyès et Fantine rappelle un peu "Anora" (2024). Enfin, sans le souligner excessivement, la mini-série donne à voir une société multi-ethnique à l'anglo-saxonne. Javert et Thénardier sont interprétés par des acteurs ayant des origines africaines et indo-pakistanaise (David OYELOWO et Adeel AKHTAR) et les enfants Thénardier sont par conséquent tous trois métis, me rappelant le roman de Elisabeth George, "Anatomie d'un crime" sur le déterminisme social au travers du portrait d'une fratrie londonienne métissée qui ne trouve pas sa place dans la société. Comme dans d'autres adaptations, Cosette joue un rôle beaucoup plus actif que dans le roman, reflet du statut infériorisé des femmes de cette époque.

- Pour finir, l'interprétation est de qualité. On soulignera notamment la performance de Dominic WEST qui est très convaincant dans le rôle de Jean Valjean, Lily COLLINS véritable petit oiseau tombé du nid dans le rôle de Fantine ou Olivia COLMAN, odieuse à souhait dans le rôle de la mère Thénardier. En prime, Derek JACOBI joue le rôle de Monseigneur Myriel.

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De grandes espérances (Great Expectations)

Publié le par Rosalie210

Brian Kirk (2011)

De grandes espérances (Great Expectations)

C'est noël et ses nombreux rituels. Parmi ceux que j'aime, la diffusion de séries de la BBC adaptées de classique de la littérature et toujours gage de qualité. La preuve encore avec "Les Grandes espérances" de Charles Dickens déclinées sur trois épisodes de 54 minutes chacun. L'emballage est particulièrement soigné avec une attention toute particulière aux décors, costumes et maquillages de Miss Havisham (Gillian ANDERSON) et de son château qui tombe réellement en poussière au fil des épisodes. Il moisit, pourrit sur pied tout en dégageant un certain charme gothique et macabre, noyé dans la brume comme le veut le roman original. Le noircissement de la robe de mariée que porte perpétuellement Miss Havisham et sa mise de plus en plus négligée la font passer du statut de reine des neiges un peu givrée à celui de zombie. Ce personnage et ce lieu, centre de gravité du film a d'ailleurs sans nul doute inspiré le très beau générique où l'on assiste à l'éclosion d'un papillon blanc qui s'obscurcit jusqu'au noir intégral. L'autre aspect très réussi de la série est son scénario qui met l'accent sur les problèmes identitaires des personnages et leurs obscures filiations. A commencer par Pip (Douglas BOOTH), balloté entre deux mondes et qui en aspirant à rejoindre la haute par amour pour une étoile inaccessible risque de se brûler les ailes. Cela peut également être un autre sens du papillon noir qui se serait calciné au contact de Miss Havisham et de sa protégée, Estella (Vanessa KIRBY). Un coeur aveuglé par la honte sociale et donc injuste. Mais Estella, manipulée depuis l'enfance par une marâtre qui l'utilise comme un outil de vengeance n'est pas mieux lotie: elle se retrouve prisonnière dans une cage aux fauves qui menace de la dévorer. Au passage, je souligne l'élégance de la mise en scène à ce moment-là qui déplace la violence sur un cheval (tout en la suggérant pour sa maîtresse) et fait de celui-ci le protagoniste de la délivrance de l'héroïne. La nature est en effet montrée comme salvatrice face à une société toxique: l'une des scènes les plus inspirées de la série montrent Pip et Estella s'embrasser au milieu d'une rivière, les gambettes en contact avec l'eau et le sol. La plupart des seconds rôles sont soignés même si quelques uns sont un peu survolés. Petit bémol sur l'interprétation de Douglas BOOTH, un peu lisse.

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Le Comte de Monte-Cristo

Publié le par Rosalie210

Josée Dayan (1998)

Le Comte de Monte-Cristo

Au vu de ce que j'en avais entendu dire, je n'avais pas envie de voir la mini-série de Josee DAYAN car je me doutais bien qu'elle trahissait le roman de Alexandre Dumas. Et ce, sans avoir l'excuse des contraintes de durée qui rendent les long-métrages de cinéma si frustrants. Comme d'autres adaptations avant celle-ci, le souci prioritaire semble avoir été d'offrir un divertissement prestigieux et politiquement correct c'est à dire calibré pour plaire au grand public selon la mode du moment avec le gratin des acteurs français de l'époque, la plupart hélas sous-employés. Pourquoi s'en priver, l'opération s'est avérée être un succès et aujourd'hui encore, cette version est citée comme une référence. Pourtant, il y a de quoi redire. Déjà dans la construction dramatique. Certes, l'idée des flashbacks pour condenser la première partie du roman et ainsi dynamiser le récit est pertinente. Encore faut-il être capable de le faire avec rigueur. Ce n'est pas le cas et plusieurs informations cruciales sont escamotées. Danglars et Fernand ne sont pas présentés, tout juste montrés et le spectateur qui ne connaît pas le roman devra attendre le dernier épisode pour connaître la raison de la trahison de Fernand. Quand à celle de Danglars, elle n'est jamais expliquée. On retrouve ce problème plus tard dans le récit avec par exemple le personnage d'Héloïse de Villefort jouée par Helene VINCENT dont l'explication des agissements meurtriers est privée du sens que lui donne le roman, sens pourtant lourd de significations. La relation filiale avec l'abbé Faria si importante pour la construction du personnage de Monte-Cristo est négligée, comme d'ailleurs globalement tout l'aspect intimiste du roman. Josee DAYAN et son scénariste Didier DECOIN ne prennent pas la peine de construire des personnages crédibles et laissent les acteurs en roue libre. Pauvre Jean ROCHEFORT qui semble errer comme une âme en peine dans la série et qui n'évoque en rien le personnage de félon qu'il est censé interpréter mais plutôt celui d'un pathétique cocu en puissance. Car j'en viens à ce qui est pour moi le pire défaut de cette adaptation: avoir transformé la tragédie en une assez grotesque pantalonnade. Toute la grandeur du roman disparaît au profit d'un mauvais goût assumé porté par le choix d'un acteur aux antipodes du personnage solitaire, spectral, ascétique et mystérieux de Monte-Cristo. A la place on a un Gerard DEPARDIEU qui sort de 18 ans d'incarcération dans un cul de basse-fosse au pain sec et à l'eau parfaitement imberbe et bien peigné, nanti d'un tour de taille conséquent et d'un ventre rebondi qui rend risible la scène dans laquelle ses geôliers se plaignent du poids du sac qu'ils ont à jeter du haut du château d'If. Un Gerard DEPARDIEU faisant du Gerard DEPARDIEU c'est à dire fort en gueule, jouisseur au point de se chercher un cuisinier personnel en la personne d'un Bertuccio revu et corrigé (Sergio RUBINI aurait tellement mieux convenu dans le rôle de son maître!) et une maîtresse inventée de toutes pièces (Florence DAREL), pauvre cruche à la voix de crécelle venant piquer sa crise de jalousie dès qu'une autre femme l'approche. Mercédès (Ornella MUTI) est traitée de la même manière écervelée ce qui explique sans doute la consternante fin où les deux amoureux se retrouvent à barboter joyeusement dans l'eau comme si rien ne s'était passé. Ne parlons même pas des piètres déguisements que revêt le comte, l'homme cherchant plus à se faire reconnaître qu'à se cacher. De temps en temps, il se rappelle quand même qu'il doit se venger alors les scènes du roman viennent laborieusement se rappeler à notre souvenir à l'aide de fastidieuses explications. Là où dans le roman on a un maître en manipulation qui a ourdi sa vengeance durant des années en ne laissant rien au hasard et la déroule comme une horloge suisse, le Monte-Cristo de Dayan semble découvrir les secrets de ses ennemis par hasard, au détour d'un chemin. Comme dans d'autres versions, Haydée est évacuée en deux-trois scènes parce qu'elle n'entre pas dans les cases du politiquement correct et plus surprenant, l'intrigue du fils illégitime de Villefort est amputé de toute sa dimension sociale, tout cela au profit d'amourettes sans substance. Abaisser ce grand roman à un tel niveau de médiocrité, il fallait le faire!

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Le Comte de Monte-Cristo (The Count of Monte-Cristo)

Publié le par Rosalie210

Peter Hammond (1964)

Le Comte de Monte-Cristo (The Count of Monte-Cristo)

Autant j'ai eu mainte fois l'occasion de souligner la qualité des productions BBC récentes, notamment dans le domaine de l'adaptation littéraire, autant celles du passé sont une "terra incognita". Et pour cause, nombre d'archives radiophoniques et télévisuelles ont disparu parce que notamment dans les années 60 et 70, il était coûteux de les conserver. Les supports d'enregistrements étaient le plus souvent recyclés ou détruits. L'avènement du numérique (et avant lui des moyens de lecture et de commercialisation tels que la VHS et le DVD) ont bouleversé ces paramètres à partir des années 80. La survie de l'intégralité de cette version du roman d'Alexandre Dumas, la seule produite par la BBC que l'on crut longtemps perdue et qui date du milieu des années 60 est donc en soi un petit miracle.

Les contraintes (notamment budgétaires) inhérentes à ce type de production pèsent évidemment sur la réalisation qui privilégie les séquences dialoguées en gros plan. Les personnages vieillissent peu ou pas du tout et les différents masques du comte sont purement et simplement abandonnés. C'est le banquier Thomson de la maison Thomson et French de Rome qui apparaît en personne par exemple dans la plupart des scènes en lieu et place de "Lord Wildmore", l'avatar anglais de Edmond Dantès. Il faut donc invoquer le pouvoir de la fiction pour expliquer que Caderousse ne reconnaisse pas Edmond qui lui apparaît tel qu'il était quatorze ans plus tôt mais revêtu d'une soutane. Le charismatique Alan Badel qui l'interprète a d'ailleurs comme la plupart des comédiens une quarantaine d'années et s'appuie seulement sur son jeu d'acteur pour dépeindre le jeune et naïf Edmond d'avant son arrestation.

L'adaptation par Anthony Steven est cependant d'une grande fidélité au roman d'Alexandre Dumas. Celui-ci est définitivement mieux fait pour la mini-série que pour le cinéma. Quelques personnages sont certes supprimés comme Noirtier, Franz d'Epinay, Edouard de Villefort et le père de Dantès, quelques sous-intrigues passent également à la trappe comme ce qui touche à Caderousse une fois le diamant en poche ou l'empoisonnement de la famille Saint-Méran par Mme de Villefort mais rien de fondamental. Il y a en revanche une véritable volonté de mettre en valeur les aspects les plus audacieux du roman. C'est particulièrement frappant en ce qui concerne le personnage féministe et lesbien d'Eugénie Danglars dont le franc-parler et le refus de jouer le jeu du théâtre social frappent Monte-Cristo au point que dans le roman, il lui fournira de faux papiers pour l'aider à se faire passer pour un homme et s'enfuir. Dans la série, on la voit échafauder son plan d'évasion allongée sur un lit en compagnie de Louise d'Armilly: l'allusion bien que chaste à leur relation est transparente. Il en va de même pour Haydée qui affirme très clairement son amour passionnel et charnel pour le comte, lequel finit par l'accepter, conformément à la fin du roman.

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Les quatre filles du docteur March (Little Women)

Publié le par Rosalie210

Vanessa Caswill (2017)

Les quatre filles du docteur March (Little Women)

Comme nombre de grands classiques de la littérature populaire, "Les quatre filles du docteur March" a été adapté de nombreuses fois au cinéma mais aussi à la télévision. Ma génération, celle qui a grandi avec la Cinq se souvient du générique de la série de la Nippon Animation chanté par Claude LOMBARD "Toutes pour une, une pour toutes". Mais la BBC a également sa version en mini-série de trois épisodes réalisée un an avant le film de Greta GERWIG. Pas de stars dans les rôles principaux, hormis la fille de deux célébrités* dans le rôle de Jo (à quand son "Marcello Mio"?) (2023) mais un casting particulièrement relevé pour les rôles secondaires. Emily WATSON dans le rôle de Mary March, Michael GAMBON dans celui de James Laurence, le grand-père de Laurie (pour rappel, c'est lui qui interprète Dumbledore dans la saga Harry Potter à partir de "Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban") (2004) et enfin dans le rôle de la tante March, Angela LANSBURY dans son dernier rôle où elle s'avère aussi drôle qu'émouvante. La série est comme la plupart des adaptations de la BBC particulièrement soignée, très fidèle au roman de Louisa May Alcott mais avec une touche de finesse psychologique en plus dispensée ici et là autour des "démons intérieurs" que chaque soeur doit tenter de surmonter comme l'impulsivité, la colère, la coquetterie ou la timidité. Jo y écrase en effet moins ses soeurs que dans d'autres adaptations. S'il est difficile de développer un personnage aussi conventionnel que celui de Meg, la scénariste Heidi THOMAS s'appuie beaucoup sur les caractères antinomiques de Beth et d'Amy qui représentent également deux facettes de la personnalité de Jo. Elle partage avec la première un lourd sentiment d'inadaptation au monde étriqué promis aux femmes du XIX° siècle alors qu'elle est en rivalité avec la seconde à qui tout semble mieux réussir qu'à elle, que ce soit au niveau artistique ou relationnel.


* Maya HAWKE est la fille de Uma THURMAN et Ethan HAWKE.

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Varda par Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2019)

Varda par Agnès

Durant toute sa vie d'artiste, Agnes VARDA s'est livré au jeu de l'autoportrait sous diverses formes (mosaïque, peinture, photographie, cinéma etc.) En vieillissant, son travail s'est enrichi d'une dimension autobiographique dont l'aboutissement est "Les Plages d'Agnes" (2007). Cette oeuvre est aussi une somme artistique, mêlant les trois passions de Agnes VARDA: la photographie, le cinéma et les arts visuels avec de nombreux aperçus de son travail. Durant la décennie qui a suivi et surtout dans les dernières années de sa vie, Agnes VARDA a multiplié les documentaires sur son oeuvre, comme dans "Les 3 vies d'Agnes" (2012) ou "A Visual History with Agnes Varda" (2017). "Varda par Agnès", son ultime film ne fait pas exception à la règle. Se composant de deux parties chronologiques, "Causerie 1" (1954-1994) et "Causerie 2" (1994-2019), il se présente sous la forme d'extraits de conférences données par la réalisatrice dans lequel elle narre à la manière d'une conteuse aguerrie l'histoire de son parcours. Bien que le canevas soit chronologique, son oeuvre n'est pas présentée dans l'ordre mais selon le principe de l'association d'idées. Par exemple, dans la première causerie, elle relie "L'Opera-Mouffe" (1958) à "Documenteur" (1981) par Georges DELERUE qui a composé la musique des deux films et aussi par le fait qu'il s'agit d'oeuvres très personnelles voire introspective pour le deuxième. Dans la deuxième causerie qui est plus axée sur son oeuvre de photographe et d'artiste visuelle, le film "Les Glaneurs et la glaneuse" (2000) dont elle souligne le lien avec l'avènement technologique des caméras numériques permettant d'approcher les populations précaires l'amène par exemple à parler de son installation "Patatutopia". Avec le mantra "inspiration, création, partage" qui a guidé son travail, Agnes VARDA met en évidence quelques uns des procédés de sa "cinécriture" (c'est à dire de son style): le mélange entre fiction et documentaire, entre les différentes formes d'art (elle met en évidence par exemple le fait que plusieurs de ses installations ont une source d'inspiration picturale avec des panneaux comme le triptyque repliable de Noirmoutier jouant sur le champ et le hors-champ et le polyptyque de "Quelques veuves de Noirmoutier") (2006) et plus généralement le goût de l'hybridité, du collage et du recyclage comme le passage où elle raconte comment elle a redonné vie aux vieilles bobines du "Le Bonheur" (1965) en transformant les boîtes et la pellicule en installation. L'ultime cadeau d'une artiste soucieuse de son héritage.

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Germinal

Publié le par Rosalie210

David Hourrègue (2021)

Germinal

J'étais partie pour revoir le film de Claude BERRI et puis finalement, je me suis laissé tenter par l'adaptation la plus récente du célèbre roman de Emile Zola, la mini-série "Germinal" réalisée pour France télévisions par David HOURREGUE et écrite par Julien LILTI. Cette commande illustre parfaitement l'ambition des chaînes du service public (en France mais aussi en Italie et en Allemagne, la RAI et ZDF ayant mis la main à la poche) de se hisser au niveau des mini-séries de la BBC et la présence de Alix POISSON m'a tout de suite renvoyée à "Sambre" (2023) qui a fait sensation il y a quelques mois. "Germinal" se prête en plus parfaitement au format de la mini-série ce qui n'est guère étonnant puisque tous les grands romans du XIX° ont d'abord été publiés en feuilleton. Et le point fort de la mini-série est sa montée progressive en tension, chaque épisode constituant une marche plus haute que la précédente sur l'échelle de Richter de la révolte et de la répression. Il y a également des passages inspirés comme la fin du cinquième épisode qui filme un massacre d'une manière marquante, originale et un souci d'écriture nuancée des personnages qui sont pour la plupart assez approfondis. Sans parler du poids des idéologies écrasant les individus, dont le sort est ramené au "jeu" du capitalisme dans lequel ils ne sont que des "pions" pour le nihilisme anarchiste. Néanmoins j'ai trouvé qu'il y avait aussi un certain nombre de défauts. Trop souvent, la mise en scène se contente de filmer platement les sempiternels mêmes décors, notamment une cour et un café, presque toujours éclairés de la même manière (je n'ai pas vu "Peaky Blinders" (2013), il paraît que c'est la référence mais je n'ai pas trouvé le résultat convaincant ici). Le souci de modernisation est parfois mal dosé si bien que l'attention se déporte de l'intrigue principale, le conflit social à la Loach vers les violences faites aux femmes et le racisme. La question de la concentration capitaliste est occultée par le fait que Hennebeau, le patron au service de la compagnie minière est un grand bourgeois du cru (joué par Guillaume de TONQUEDEC) et son rival, Deneulin l'indépendant (joué par Sami BOUAJILA) devient un immigré. Pour ces mêmes raisons, des aspects majeurs du roman de Zola sont évacués comme l'atavisme héréditaire et l'influence néfaste du milieu. Ainsi Jeanlin reste tout à fait sympathique en dépit de ses tares et même de son crime et sa petite soeur est charmante, loin de la petite bossue décrite par Zola. Ne parlons même pas de la Maheude, Alix POISSON est bien trop jolie pour le rôle même si elle l'interprète avec ferveur. Enfin Cécile Grégoire est si ripolinée dans la mini-série que son meurtre en devient absurde alors qu'il agit comme une catharsis dans le roman tant elle et ses parents sont insupportables. Bref c'est encore trop propre, trop lisse (y compris au niveau de l'oreille, l'expression comme la diction datent du XXI° siècle et non du XIX°) en dépit d'un souffle réel porté par un acteur inspiré, Louis PERES ayant l'âge d'Etienne Lantier et donnant de la crédibilité à son rôle.

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