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La Pampa

Publié le par Rosalie210

Antoine Chevrollier (2025)

La Pampa

"La Pampa" est vendu comme un "Vingt dieux" (2024) bis parce qu'il s'agit d'un premier film et d'un récit initiatique de passage à l'âge adulte en milieu rural, le Maine-et-Loire au lieu du Jura avec le motocross en lieu et place du stockcar. Je lui souhaite le même succès mais je le trouve encore plus proche de "Chien De La Casse" (2021), autant pour son atmosphère d'ennui que pour l'amitié masculine qui constitue l'un des centres du film. Mais "La Pampa" est beaucoup plus dramatique que les films de Louise COURVOISIER et Jean-Baptiste DURAND et aurait pu s'intituler "Secrets et mensonges" ou "La loi du patriarcat". Il faut dire que le réalisateur, Antoine CHEVROLLIER a fait ses gammes dans des séries dont celle que j'avais vue et adoré, "Oussekine" (2022) avec dans le rôle principal Sayyid EL ALAMI qui joue le rôle de Willy dans "La Pampa", un adolescent ombrageux, tourmenté par la mort de son père, peu motivé pour passer le bac, mécano à ses heures. A ses côtés, son "âme frère", Jojo (Amaury FOUCHER), solaire, pilote de motocross du genre tête brûlée à la James Dean mais étouffé par un père tyrannique obsédé par la victoire flanqué d'un coach pas très net (ARTUS, totalement à contre-emploi dans un rôle de lâche et d'hypocrite) qui n'hésite pas à sacrifier le moment venu Jojo sur l'autel de la morale publique pour sauver sa peau*. Celle du film est résumée par Marina (Leonie DAHAN-LAMORT), jeune fille du coin partie à Angers pour étudier les Beaux-Arts mais revenue quelque temps chez son père. Suscitant les fantasmes des garçons, elle leur répond que le village est resté bloqué dans les années cinquante avec les rumeurs, les réputations et qu'il faut s'ouvrir l'esprit. Willy est tout à fait prêt à la suivre, surtout après avoir découvert le secret de Jojo qu'il protège mais ce secret finit par être découvert par des personnes malveillantes et éventé sur les réseaux sociaux avec les conséquences que l'on peut imaginer. C'est donc dans la douleur que Willy tente de se construire, se cognant sans cesse contre sa mère angoissée à l'idée qu'il échoue et son beau-père effacé (Mathieu DEMY, parfait), tous deux écrasés par l'ombre du père défunt que Willy porte encore en lui. Ombre redoublée par celui de Jojo (Damien BONNARD) qui en père de substitution autoritaire tente de le modeler selon ses désirs. Face à ces injonctions contradictoires et aux moeurs rétrogrades du village, il n'est pas simple pour Willy d'affirmer sa personnalité et de s'extraire d'un milieu imprégné de masculinité toxique avec lequel il se découvre en décalage mais dont il a du mal à se défaire. Le film de Antoine CHEVROLLIER tient en haleine du début à la fin, il est construit comme un thriller à rebondissements, prenant des tours et des détours inattendus sur un schéma pourtant rebattu dans lequel la libre expression des jeunes s'avère clandestine, bridée, interrompue, sous surveillance (voir la scène emblématique de la piscine).

* Son comportement ressemble à celui de Clive dans "Maurice" (1987), preuve que l'homophobie n'est ni l'apanage d'un milieu social, ni d'une époque (que l'on croyait révolue mais qui reste bien vivace. Au mieux c'est "ok mais pas de ça chez nous", au pire c'est le "wokisme" mis à toutes les sauces du moindre écart à la norme).

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La Traversée de l'Atlantique à la rame

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (1978)

La Traversée de l'Atlantique à la rame

Palme d'or du court-métrage au festival de Cannes 1978, "La Traversée de l'Atlantique à la rame" n'est pas sans faire penser au dernier long-métrage de Jean-Francois LAGUIONIE, "Slocum et moi" (2024). Dans les deux cas, un bateau devient la métaphore de la vie humaine. Mais là où "Slocum et moi" (2024) reste dans le registre réaliste de l'aventure immobile en convoquant le rêve et l'imaginaire, "La Traversée de l'Atlantique à la rame", tout aussi onirique et contemplatif choisit la voie du fantastique. Le début s'inscrit pourtant dans le genre des exploits aventuriers de la Belle Epoque avec la célébration en fanfare du départ dans le port de New-York en 1907 de Jonathan et Adélaïde à bord de leur frêle canot, "Love and Courage" pour ce qui ressemble à un voyage de noces quelque peu en avance sur son temps*. Mais il s'avère que les années défilent presque immédiatement sur le carnet de bord que tiennent tour à tour les deux membres du couple alors que l'océan qui semble jamais n'avoir de fin adopte leurs humeurs: une mer d'huile dans les premières années où le temps est au beau fixe puis un avis de tempête quand les relations au sein du couple deviennent orageuses avant que chacun ne se mure dans l'indifférence. Finalement l'arrivée ou plutôt l'échouage du bateau en Europe se fera bien, cinquante ans plus tard mais, devenus des vieillards, ils auront depuis longtemps quitté le navire.

* Pour mémoire il faudra attendre 1980 pour qu'un navigateur, Gérard d'Aboville réussisse à traverser l'Atlantique à la rame en un peu plus de 70 jours.

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Slocum et moi

Publié le par Rosalie210

Jean-François Laguionie (2025)

Slocum et moi

"Slocum et moi" est le septième long-métrage d'animation de Jean-Francois LAGUIONIE en quarante ans. C'est un récit fortement inspiré de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence entre la fin des années quarante et le milieu des années cinquante. Le film dépeint une triple odyssée: celle du passage à l'âge adulte de François, celle de Joshua Slocum, le premier navigateur a avoir réussi à accomplir le tour du monde à la voile en solitaire et enfin celle de la construction d'une réplique de son bateau, le Spray dans le jardin familial par le père adoptif de François. Le film est ainsi une histoire d'amour filial qui ne s'exprime pas par la parole mais par un rêve fédérateur. Le père échafaude, le fils s'évade par la lecture et les cartes et la mère fait la navette entre eux. Un voyage immobile sur les liens qui se tissent en dehors de la parenté biologique. Ainsi, imitant son père adoptif qui ne veut pas finir le bateau, François adolescent tente de lui faire croire qu'il est parti à la montagne avec des amis alors qu'il campe tout près de la maison, au bord de la Marne avec son amie. Nostalgie d'une époque disparue rendue avec le graphisme délicat et les tons pastels d'un artiste qui nous gratifie ainsi d'un superbe au revoir car on peut raisonnablement penser au vu de son âge et du temps passé sur chaque oeuvre (huit ans pour ce dernier opus) qu'il s'agit de son dernier film.

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Eraserhead

Publié le par Rosalie210

David Lynch (1977)

Eraserhead

"Eraserhead", le premier long-métrage de David LYNCH est le terreau de tous ses autres films ainsi que de la série Twin Peaks. Mais c'est une oeuvre expérimentale, aride, radicale, à la fois passionnante et repoussante qui a mis cinq ans à voir le jour, se taillant un succès d'estime underground mais durable qui a suffi pour que Mel BROOKS repère le talent du réalisateur et lui confie les clés de ce qui allait devenir son premier grand succès (et futur grand classique), "Elephant Man" (1980).

"Eraserhead", c'est la rencontre de deux univers. L'un, purement mental est énoncé dès le générique: nous allons plonger dans la tête de Henry (Jack NANCE, l'un des fidèles coéquipiers au long cours du cinéaste), jeune homme qui voit lui tomber dessus une conjugalité et une paternité non désirées, thème que l'on retrouve dans sa dernière oeuvre cinématographique "Twin Peaks : Le Retour" (2017). L'autre, environnemental, est une zone industrielle désolée et crasseuse de la ville de Philadelphie que David LYNCH qui y a vécu quelques années transforme en terrain de jeux pour ses expérimentations visuelles et sonores. On ressent l'influence de l'artiste-peintre, plasticien, animateur et musicien à chaque seconde, sa fascination pour les textures, les bruits de fond et les formes notamment dont beaucoup deviendront des leitmotivs dans sa filmographie: le grésillement des lampes, les trous noirs, le rideau de scène par exemple. Quant au fond, "Eraserhead" est construit comme le seront ses futures oeuvres sur des allers-retours permanents entre les mondes. Henry qui arbore une coiffure chargée d'électricité statique (la même que celle qui deviendra plus tard la signature de David LYNCH) cherche à fuir une réalité subie qui l'oppresse et que David LYNCH nous fait ressentir sensoriellement (espace exigu, fenêtre murée, gémissement ou bourdonnement incessant) en s'évadant dans le rêve. Rêve plus ou moins lunaire dans lequel il s'imagine avoir une aventure avec sa superbe voisine ou bien rejoindre une simili Marilyn Monroe se produisant sur scène derrière le radiateur, "over the rainbow". Mais ses angoisses contaminent ses rêves tels ces vers en forme de cordons ombilicaux ou de spermatozoïdes géants qui tombent sur la scène et que la fille écrase avec jubilation, son visage aux joues hypertrophiées ou les vagissements qui perturbent ses ébats avec la voisine. Le bébé prématuré aux allures de lapin écorché est un pur produit de body horror qui suscite chez le spectateur comme chez Henry des pulsions de meurtre. Soit exactement l'effet que produit à l'autre bout du spectre lynchien le personnage de Richard Horne dans "Twin Peaks : Le Retour" (2017), lui aussi le fruit d'une conception non désirée dont le comportement monstrueux nous fait penser comme le bébé de "Eraserhead" qu'il est une aberration de la nature  (ou d'un monde post-apocalyptique très fortement suggéré par la minéralité, la pollution, l'absence de lumière et la plante morte près du lit) et qu'il doit y retourner au plus vite. Et ce n'est pas la seule "aberration" récurrente puisque "Eraserhead" flirte aussi avec le thème de l'inceste. Non celui qui se cache au coeur de "Twin Peaks" mais sous la forme que l'on peut observer dans "Sailor & Lula" (1990): une belle-mère se jetant avidement sur son beau-fils comme si elle allait le dévorer.

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The Brutalist

Publié le par Rosalie210

Brady Corbet (2025)

The Brutalist

"The Brutalist" est un film hors-normes, d'une ambition que l'on croyait révolue dans le cinéma américain avec l'avènement des plateformes et de l'IA. Les films d'une amplitude comparable, il faut aller les chercher dans les années 70 et 80 avec "Le Parrain, 2e partie" (1974) ou "Il était une fois en Amerique" (1984)* et "The Brutalist" va même jusqu'à ressusciter l'entracte avec la vente ambulante de confiseries dans un panier d'osier! Pourtant si, "The Brutalist" fait penser à ces illustres prédécesseurs et inscrit son histoire dans l'Histoire avec une fresque allant de l'après-guerre jusqu'aux années 80, c'est bien d'aujourd'hui qu'il nous parle tant politiquement que cinématographiquement. L'affiche comme la première séquence du film ont une valeur programmatique semblable à l'ouverture de "La Zone d'interet" (2021) ou "Le Fils de Saul" (2015) soit les oeuvres les plus récentes ayant pour sujet la Shoah: au sortir d'un chaos sensoriel matriciel (voix de femme sur images d'un homme essayant de s'extraire du néant), le film "accouche" d'une étrange vision. Celle d'un cliché retourné. La statue de la Liberté, premier aperçu de la "terre promise" aux migrants mais vue à l'envers. L'envers du rêve américain, donc. "The Brutalist" est en effet l'histoire d'une reconstruction/déconstruction. Celle de son héros (fictionnel), Laszlo Toth, architecte juif hongrois rescapé des camps de la mort, tout comme le reste de sa famille. Le film inscrit les traumatismes dans leur chair: Laszlo outre son nez cassé est alcoolique et toxicomane, sa femme est paralytique et sous médicaments pour supporter de vives douleurs qui l'assaillent la nuit au milieu de ses cauchemars, leur nièce est mutique. Ce "passé qui ne passe pas" agit dans un présent qui rejoue certains aspects de ce qu'ils ont vécu. L'Amérique comme promesse de nouveau départ s'avère donc être un mirage. Le film, dans une démarche là aussi très contemporaine déconstruit le mythe de l'âge d'or américain des années 50 en montrant aussi bien la brutalité des rapports de classe fondés sur l'argent et le pouvoir que l'antisémitisme qui s'y exprime sans retenue. La relation entre Laszlo et son mécène, le richissime Harrison Van Buren qui est au coeur du récit est cruelle et perverse. Car le second fait miroiter au premier la possibilité du "temps retrouvé", celui où il était un grand architecte reconnu du Bauhaus pour mieux le "crucifier". Sous l'emprise de ce prédateur, semblable à celle de sa toxicomanie, Laszlo se consume sous les yeux effarés du spectateur. C'est le choc de ces deux volontés titanesques, l'une mue par ses désirs de toute-puissance, l'autre par un besoin créatif existentiel qui s'inscrit dans la cathédrale brutaliste (mot à l'évidence polysémique tant il définit les rapports humains autant qu'un style architectural) qu'ils sont contraints d'ériger ensemble. Une alliance contre-nature puisque enfantée par l'éternel conflit entre l'art et l'argent à l'image de cette cathédrale dont le sens caché est révélé à la fin du film. Le nom de Brady CORBET m'était totalement inconnu avant ce film. Il ne m'a pas marqué en tant qu'acteur et les deux films qu'il a réalisé avant ne sont pas sortis (sans doute sortiront-ils dans le sillage de celui-ci). Son irruption dans le paysage cinématographique en est d'autant plus saisissante. On peut également souligner son sens du casting. Grâce à lui, Adrien BRODY trouve enfin un rôle à la hauteur de celui qu'il avait interprété plus de vingt ans auparavant pour Roman POLANSKI et il en va de même pour son antagoniste, l'excellent mais trop rare Guy PEARCE.

* Avec tout le respect que je dois à Paul Thomas ANDERSON, ses films n'ont pas la même portée.

Présentation:

J'ai pris un certain retard sur les sorties cinéma, la faute au décès de David Lynch et de Bertrand Blier que j'aimais beaucoup tous les deux et qui m'a conduit à me replonger dans leurs oeuvres. Mais je ne pouvais pas passer à côté de "The Brutalist". Parce que j'adore Adrien Brody et que depuis "Le Pianiste", je suis toujours restée sur ma faim quant aux rôles qui lui ont été proposé. Je pourrais dire presque la même chose de Guy Pearce d'ailleurs. Parce que les thèmes du film m'intéressent également beaucoup ainsi que la manière de les raconter. En effet si "The Brutalist" peut faire penser aux grandes fresques des années 70-80 sur l'Amérique vue par un immigré, il s'agit d'une oeuvre bien contemporaine. La Shoah y est présente comme elle peut l'être dans "La Zone d'intérêt", non plus à travers les faits mais à travers les signes. Car finalement, c'est son héritage que l'on ausculte aujourd'hui. Ainsi lorsqu'à la mi-temps du film apparaît l'entracte, j'ai fixé longuement la photo qui nous fait patienter avant la deuxième partie. Et j'ai pensé à un plan précis de "Shoah" de Claude Lanzmann: celui de l'ancienne synagogue de Grabow transformée en magasin de meubles... comme celui où Laszlo atterrit au début de son périple en Amérique. Est-ce un hasard?

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Le Brasier ardent

Publié le par Rosalie210

Ivan Mosjoukine (1923)

Le Brasier ardent

En regardant "Le Brasier ardent" j'ai pensé à propos de Ivan MOSJOUKINE que le seul autre acteur muet capable d'une telle expressivité était Lon CHANEY. D'ailleurs si de nos jours, son nom est oublié hors du cercle des spécialistes (mais c'est le cas pour la grande majorité des acteurs du muet), il envoûtait à l'époque le public. Réalisé deux ans après "L'enfant du carnaval" (1921) toujours pour les studios Albatros fondés par des russes exilés à Paris après la révolution de 1917, "Le Brasier ardent" s'ouvre sur une scène de cauchemar qui dure plus de dix minutes. Une femme mariée à un vieil homme riche qui l'a sortie du pétrin rêve d'un homme qui la poursuit après avoir manqué la jeter dans un brasier. Tout cela à partir, on le comprend un peu plus tard d'une lecture de roman policier qui a visiblement emballé son imaginaire, peu sollicité par son terne mari. Lequel souhaite rentrer au pays (Amérique du sud) alors que sa femme traîne logiquement des pieds à l'idée de devoir renoncer aux tentations de la capitale, incluant de beaux et jeunes hommes. Au terme d'une course-poursuite endiablée, le mari s'adresse à une sorte de société secrète (avec effets spéciaux sympathiques) pour "retrouver" sa femme et tombe sur un détective qui n'est autre évidemment que "l'homme de ses rêves". "Le Brasier ardent" adopte la logique décousue de l'onirisme, l'histoire n'étant qu'un prétexte pour laisser le champ libre aux expérimentations. Outre le cauchemar du début, il y a une scène de danse endiablée qui mérite le détour sans parler des dons de Ivan MOSJOUKINE pour le transformisme, il est aussi bluffant dans ce registre que dans celui de l'émotion. Dommage que l'intrigue se perde ainsi en route, c'est un peu trop en roue libre.

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L'Enfant du carnaval

Publié le par Rosalie210

Ivan Mosjoukine (1921)

L'Enfant du carnaval

"L'Enfant du carnaval" maintenant disponible sur la plateforme HENRI de la Cinémathèque fait partie des films qui ont permis au public français de découvrir au début des années vingt Ivan MOSJOUKINE. Acteur russe exilé en France après la révolution de 1917, Ivan MOSJOUKINE a réalisé deux films pour les studios Albatros: celui-ci et "Le Brasier ardent" (1923). Ce déraciné est ensuite parti aux USA puis est revenu en Europe, d'abord en Allemagne puis de nouveau en France où il a terminé sa carrière notamment en jouant dans le remake parlant de "L'Enfant du carnaval" (1934) réalisé cette fois par Alexandre VOLKOFF.

"L'Enfant du carnaval" qui a été souvent comparé au beaucoup plus célèbre "Le Gosse" (1921) de Charles CHAPLIN*, notamment parce que les deux films sont sortis à quelques mois d'intervalle, abordent des thématiques proches et ont pour figure principale un acteur-réalisateur d'origine immigrée est cependant une oeuvre au ton singulier, naviguant entre comédie et mélodrame avec une fin poignante "à la russe". Le charisme de Ivan MOSJOUKINE y est incandescent et son jeu moderne, sensible et expressif m'a fascinée dès les premières secondes. Il incarne dans le film un aristocrate immature, noceur invétéré qui va voir sa vie bouleversée lorsqu'il trouve un bébé abandonné sur le pas de sa porte. Le comique burlesque lié à sa vie de fêtard cède alors la place à des émotions de plus en plus profondes au contact de ce bébé et de sa mère en détresse qui refait surface en prenant l'identité de sa nurse. A signaler également une superbe photographie de Fedote BOURGASOFF, notamment lors d'un plan en ombres chinoises d'une farandole de noceurs sur la promenade des Anglais qui n'est pas sans faire penser à celle qui clôt "Le Septieme sceau" (1957) de Ingmar BERGMAN.

* Preuve de cette célébrité mondiale, le personnage du vagabond apparaît sur l'un des chars du carnaval de Nice dans le film.

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Belle de jour

Publié le par Rosalie210

Luis Bunuel (1967)

Belle de jour

Un film déconcertant et plutôt mystérieux sous ses dehors très lisses. Il faut dire que l'essentiel ne s'y montre pas à visage découvert mais sous forme d'indices à déchiffrer ce qui est la logique du rêve. Et il est parfois difficile de démêler dans "Belle de jour" si ce que l'on voit se déroule dans la réalité ou dans un rêve. Ce qui est certain en revanche, c'est que Luis BUNUEL et Jean-Claude CARRIERE qui collaboraient pour la deuxième fois après "Le Journal d'une femme de chambre" (1963) s'attaquent à une bourgeoisie parisienne catholique dont ils révèlent des dessous érotiques décadents et mortifères. L'époque à laquelle a été écrite le livre de Joseph Kessel (les années 20) comme celle du tournage du film (années 60) étaient propices à la dissimulation: la maison de passe se cache derrière une plaque hypocrite nommée "Anaïs-Modes" tenue par une maquerelle distinguée (Genevieve PAGE), les pratiques sulfureuses se regardent par le trou de la serrure, une boîte à musique s'ouvre sur un bruit de moustique mais refuse de montrer son contenu, on se glisse sous une table ou sous un cercueil pour s'adonner à des jeux interdits. On remarquera également que le film esquive la monstration tant du sexe que de la nudité. Même celle de Catherine DENEUVE reste suggérée. Après Jacques DEMY et Roman POLANSKI, Luis BUNUEL est le troisième cinéaste majeur qui a su employer l'actrice de façon remarquable. Avant François TRUFFAUT dans "La Sirène du Mississipi" (1969), il en a fait une silhouette hitchcockienne se dérobant constamment au voyeurisme du spectateur, une "page blanche à noircir de rêves", mise en scène dans toutes sortes de situations scabreuses, dégradantes, humiliantes, transgressives sans que pour autant son image "blanche comme neige" n'en soit altérée. C'est d'ailleurs de ce décalage que naît une partie du trouble suscité par ce film encore aujourd'hui. Car le film a deux facettes tout comme celles qui gouvernent les représentations de la féminité depuis la dichotomie biblique Vierge Marie/Marie-Madeleine. D'une part il laisse l'inconscient des personnages s'exprimer (celui de Séverine mais celui également de son entourage), de l'autre, il tend un miroir au spectateur.

Présentation:

En regardant pour la première fois "Belle de jour" de Luis Bunuel sur MyCanal en hommage à "Mme Anaïs" alias Geneviève Page, j'ai repensé à la chanson de Maxence écrite et composée par Jacques Demy et Michel Legrand pour "Les Demoiselles de Rochefort" sorti la même année. Une chanson consacrée à la dualité des représentations du féminin qui a donné à Catherine Deneuve ses meilleurs rôles:

"Elle a cette beauté des filles romantiques

Et d'un Botticelli le regard innocent

Son profil est celui de ces vierges mythiques

Qui hantent les musées et les adolescents

Sa démarche ressemble aux souvenirs d'enfant

Qui trottent dans ma tête et dansent en rêvant

Sur son front, ses cheveux sont de l'or en bataille

Que le vent de la mer et le soleil chamaillent (...)

Est-elle pécheresse ou bien fille de roi?

(Variante)

Est-elle puritaine ou bien fille de joie?"

Avec le duo Bunuel/Carrière, elle est les deux à la manière d'une figure hitchcockienne insaisissable, quelque part entre "Vertigo" pour le dédoublement et "Psychose" pour les fantasmes inavoués/inavouables que l'on épie par le trou de la serrure. Mais la pulsion scopique du spectateur en sera pour ses frais, rien ne sera montré, tout sera à déchiffrer puisque la frontière entre rêve et réalité s'y efface, laissant une large place à l'imaginaire autant qu'à la satire corrosive des moeurs bourgeoises.

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Les Roseaux sauvages

Publié le par Rosalie210

André Téchiné (1994)

Les Roseaux sauvages

Mon film préféré de Andre TECHINE est aussi celui dans lequel il a glissé le plus de souvenirs personnels. Pourtant, à la base il s'agissait d'une commande d'Arte qui souhaitait produire une collection de neuf téléfilms sur l'adolescence intitulée "Tous les garçons et les filles de leur âge". Parmi eux, trois finissent par sortir au cinéma en version longue dont celui de Andre TECHINE qui reçoit le prix Louis Delluc et quatre César.

Les qualités du film sont nombreuses: il fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français en révélant une nouvelle génération d'acteurs dont Elodie BOUCHEZ, il évoque avec une grande sensibilité le passage à l'âge adulte dans le contexte dans lequel Andre TECHINE l'a vécu, celui de la fin de la guerre d'Algérie dans le sud-ouest de la France avec le retour des pieds-noirs. La mort qui rôde autour des jeunes appelés et le désir bouillonnant des adolescents se mêlent harmonieusement. Le film est à la fois lumineux et douloureux. Lumineux car de nombreuses scènes ont été tournées en pleine nature et exaltent ce désir adolescent en pleine éclosion qui fait fi des clivages politiques, sociaux et même de façon éphémère de l'orientation sexuelle. Douloureux aussi car ces mêmes adolescents sont tourmentés par le contexte historique et politique qui les impactent plus ou moins directement (le frère appelé de l'un, l'appartenance de la mère de l'autre au PCF, la présence en classe d'un jeune pied-noir ombrageux et révolté) mais aussi par leur sexualité. Le personnage de François (Gael MOREL) qui peut être vu comme un double du réalisateur découvre son homosexualité à une époque où elle était taboue. Le poids de sa différence, Andre TECHINE nous le fait ressentir à travers la scène du mariage campagnard et ses chansons paillardes, le père agriculteur qui se méprend sur la nature de sa relation avec son âme soeur, Maïté (Elodie BOUCHEZ) son rapport à la littérature et au cinéma en décalage avec son environnement, ses relations avec le garçon fruste qu'il désire, Serge (Stephane RIDEAU) ou enfin, sa tentative de trouver un interlocuteur en la personne d'un adulte homosexuel dont la bouche cousue et le regard plein de désarroi en disent plus long que tous les discours. Pourtant François est le personnage le plus libre de tous et au vu des scènes finales, son influence sur l'évolution du rapport de Maïté à son corps, à ses désirs et au reste du monde semble déterminante. Leurs partenaires, en dehors de quelques parenthèses enchantées dont la plus frappante est celle de la fin sont rattrapés par le poids de leur héritage familial et se soumettent à cette fatalité en mettant leur individualité de côté.

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Dans la peau de Blanche Houellebecq

Publié le par Rosalie210

Guillaume Nicloux (2024)

Dans la peau de Blanche Houellebecq

Guillaume NICLOUX me paraît être un réalisateur éclectique. En effet ses deux derniers films, "Sarah Bernhardt, La Divine" (2024) et "Dans la peau de Blanche Houellebecq" sont très différents, à part peut-être l'excentricité de leur tête d'affiche. Encore qu'il semble dormir debout le Michel HOUELLEBECQ dans le film. Les diverses substances qu'il s'injecte et la langueur des îles n'expliquent pas tout ^^. Heureusement, il cohabite à l'insu de son plein gré durant les 2/3 du film avec une Blanche GARDIN (elle aussi dans son propre rôle) dont le prénom est en soi tout un programme dans le contexte guadeloupéen. L'apparition dès les cinq premières minutes de film de Jean-Pascal ZADI qui prolonge son personnage en quête de rôle de "Tout simplement noir" (2019) (mockumentaire auquel j'ai beaucoup pensé) auprès d'un Gaspard NOE (dans son propre rôle également) prêt à embaucher Michel HOUELLEBECQ dans son prochain film "pas très catholique" donne le ton. Ca va tirer à boulets rouges sur les séquelles du colonialisme avec une galerie de locaux bien décidés à en découdre avec le sulfureux duo symbole de la "blanchité métropolitaine". Alors certes, ça part dans tous les sens mais il y a quand même pas mal de dialogues et de situations qui font mouche. Le gag de Jean-Pascal ZADI neveu de Francoise LEBRUN rappelle "l'albinos de la famille" de "Le Havre" (2011), les tresses africaines de Luc, l'assistant juif de Houellebecq deviennent sujet de polémique avant l'inévitable concurrence victimaire à la DIEUDONNE et tout le film est dans cette tonalité là. Michel HOUELLEBECQ en dépit de son état de zombie joue assez bien la carte de l'autodérision alors que Blanche GARDIN qui en prend aussi pour son grade devient sans jeu de mots son ange gardien ce qui ne manque pas de sel quand on connaît sa personnalité et ses opinions.

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