La Pampa
Antoine Chevrollier (2025)
"La Pampa" est vendu comme un "Vingt dieux" (2024) bis parce qu'il s'agit d'un premier film et d'un récit initiatique de passage à l'âge adulte en milieu rural, le Maine-et-Loire au lieu du Jura avec le motocross en lieu et place du stockcar. Je lui souhaite le même succès mais je le trouve encore plus proche de "Chien De La Casse" (2021), autant pour son atmosphère d'ennui que pour l'amitié masculine qui constitue l'un des centres du film. Mais "La Pampa" est beaucoup plus dramatique que les films de Louise COURVOISIER et Jean-Baptiste DURAND et aurait pu s'intituler "Secrets et mensonges" ou "La loi du patriarcat". Il faut dire que le réalisateur, Antoine CHEVROLLIER a fait ses gammes dans des séries dont celle que j'avais vue et adoré, "Oussekine" (2022) avec dans le rôle principal Sayyid EL ALAMI qui joue le rôle de Willy dans "La Pampa", un adolescent ombrageux, tourmenté par la mort de son père, peu motivé pour passer le bac, mécano à ses heures. A ses côtés, son "âme frère", Jojo (Amaury FOUCHER), solaire, pilote de motocross du genre tête brûlée à la James Dean mais étouffé par un père tyrannique obsédé par la victoire flanqué d'un coach pas très net (ARTUS, totalement à contre-emploi dans un rôle de lâche et d'hypocrite) qui n'hésite pas à sacrifier le moment venu Jojo sur l'autel de la morale publique pour sauver sa peau*. Celle du film est résumée par Marina (Leonie DAHAN-LAMORT), jeune fille du coin partie à Angers pour étudier les Beaux-Arts mais revenue quelque temps chez son père. Suscitant les fantasmes des garçons, elle leur répond que le village est resté bloqué dans les années cinquante avec les rumeurs, les réputations et qu'il faut s'ouvrir l'esprit. Willy est tout à fait prêt à la suivre, surtout après avoir découvert le secret de Jojo qu'il protège mais ce secret finit par être découvert par des personnes malveillantes et éventé sur les réseaux sociaux avec les conséquences que l'on peut imaginer. C'est donc dans la douleur que Willy tente de se construire, se cognant sans cesse contre sa mère angoissée à l'idée qu'il échoue et son beau-père effacé (Mathieu DEMY, parfait), tous deux écrasés par l'ombre du père défunt que Willy porte encore en lui. Ombre redoublée par celui de Jojo (Damien BONNARD) qui en père de substitution autoritaire tente de le modeler selon ses désirs. Face à ces injonctions contradictoires et aux moeurs rétrogrades du village, il n'est pas simple pour Willy d'affirmer sa personnalité et de s'extraire d'un milieu imprégné de masculinité toxique avec lequel il se découvre en décalage mais dont il a du mal à se défaire. Le film de Antoine CHEVROLLIER tient en haleine du début à la fin, il est construit comme un thriller à rebondissements, prenant des tours et des détours inattendus sur un schéma pourtant rebattu dans lequel la libre expression des jeunes s'avère clandestine, bridée, interrompue, sous surveillance (voir la scène emblématique de la piscine).
* Son comportement ressemble à celui de Clive dans "Maurice" (1987), preuve que l'homophobie n'est ni l'apanage d'un milieu social, ni d'une époque (que l'on croyait révolue mais qui reste bien vivace. Au mieux c'est "ok mais pas de ça chez nous", au pire c'est le "wokisme" mis à toutes les sauces du moindre écart à la norme).