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Jacques Demy, le rose et le noir

Publié le par Rosalie210

Florence Platarets (2023)

Jacques Demy, le rose et le noir

Documentaire retraçant la vie et la carrière de Jacques DEMY, le film de Florence PLATARETS et de son scénariste Frederic BONNAUD a pour principal atout la richesse de ses images d'archives dont certaines paraît-il sont inédites. Il faut dire que le film est produit par les enfants de Jacques DEMY et Agnes VARDA qui sont les dépositaires de l'héritage du couple de cinéastes. Beaucoup d'interviews d'époque du principal intéressé et de quelques uns de ses acteurs et actrices, Catherine DENEUVE, Jean MARAIS ou Marie-France PISIER. Mais une restitution chronologique, scolaire, qui ne propose pas de point de vue et se contente de jouer les chambres d'enregistrement. Il aurait été tellement plus intéressant d'avoir un plan thématique faisant ressortir les obsessions de Jacques DEMY mais aussi analysant les raisons de ses succès puis de ses échecs. Car le rose et le noir, ce n'est pas seulement l'amertume et la noirceur logées au coeur de ses films les plus féériques et joyeux, c'est une carrière dont on connaît les grands classiques des années 60 mais qui s'étiole après "Peau d'ane" (1970) faute de parvenir à se renouveler. Jacques DEMY est montré comme un homme intègre mais idéaliste, intransigeant et hors-sol ce qui le conduit à des impasses comme ses films produit à l'étranger et longtemps non distribués en France ou sa rupture avec le public français qui ne comprend plus ses films. Il n'est pas mentionné par exemple que le four de "Model shop" (1968) qui ne correspondait pas aux attentes des producteurs américains lui a fermé définitivement la possibilité d'une carrière aux USA en dépit d'une nouvelle tentative dix ans plus tard. Une catastrophe car c'était le seul pays qui aurait eu les moyens de lui permettre de réaliser ses rêves de grandeur. Ou le fait que des projets comme "Une chambre en ville" (1982) ou "Trois places pour le 26" (1988) sont restés dans les placards plusieurs dizaines d'années et n'ont pu se faire que grâce à la victoire de Mitterrand (pour le premier) et à Claude BERRI (pour le second). Mais ils n'ont pas évolué d'un iota ce qui en fait d'étranges objets un peu démodés avec par exemple un Yves MONTAND devenu trop âgé pour le rôle. Au moins a-t-on droit au cassage en règle de Francis HUSTER qu'il ne put empêcher de chanter dans "Parking" (1985) ce qui aboutit à un massacre! Notons enfin, contrairement à ce qui est annoncé des impasses, notamment sur la plupart de ses courts-métrages, son travail d'assistant auprès de Paul GRIMAULT ou son téléfilm, "La naissance du jour" (1980) consacré à Colette.

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Mytho

Publié le par Rosalie210

Fabrice Gobert, Anne Berest (2019)

Mytho

"Mytho" est une série de deux saisons de six épisodes d'environ 45 minutes chacun qui détone un peu dans le paysage audiovisuel français. C'est sans doute son étrangeté au carrefour de plusieurs genres (comédie, drame aux lisières du fantastique) et son aspect amoral inconfortable qui explique sans doute le relatif insuccès de sa deuxième saison qui a condamné la réalisation d'une troisième et dernière saison qui aurait sans doute offert une fin à une histoire qui reste en suspens. Dommage car la série est originale à plus d'un titre. Elle commence comme une sorte de "Desperate Housewives" (2004) à la française (on pense aussi à "La Vie domestique" (2013) qui est la transposition en France d'un roman anglo-saxon se déroulant dans les banlieues résidentielles aisées) et se termine presque comme "Scènes de la vie conjugale" (1972) où après s'être désuni, un couple se reforme selon des modalités différentes. L'ancrage dans un univers de banlieue américanisé est assez caractéristique du réalisateur, Fabrice GOBERT, ainsi le lycée de "Simon Werner a disparu…" (2009) également situé en banlieue avait en son centre un gigantesque campus. Autre élément commun, faire surgir l'étrangeté et l'énigmatique du quotidien le plus banal. On suit en effet sur plusieurs années les péripéties de la famille Giannini-Lambert dont la vie en apparence sans histoires suit en réalité des chemins de plus en plus tortueux. La première saison repose toute entière sur un mensonge que la mère, Elvira (Marina HANDS) élabore pour enfin exister aux yeux de sa famille qui la néglige. Mensonge dont on voit d'abord les effets bénéfiques sur les relations familiales et les avantages sociaux qu'elle en tire (non sans effets comiques ni sentiment de jouissance du spectateur qui connaît par ailleurs les autres petits secrets de chaque membre de cette famille composé de membres très individualistes) avant que tout ne se dérègle. La deuxième saison qui se déroule principalement à noël, fête familiale par excellence offre pourtant derrière sa façade lumineuse et colorée de sa banlieue un paysage de désolation qui s'étend bien au-delà de la famille Lambert, donnant à la série une tournure presque inquiétante. Les auteurs (Fabrice GOBERT et la scénariste Anne BEREST) multiplient les références au cinéma de Jacques DEMY et Agnès VARDA, les parents de Mathieu DEMY qui joue Patrick, le mari d'Elvira: le tarot, le cancer, l'errance, le métier de photographe, Nice et son casino, les soeurs jumelles échappées de "La Cité des enfants perdus" (1994), l'effroyable bonheur conjugal, la transidentité et l'homosexualité (tous deux portés par le fils des Lambert, Sam joué par Jérémy GILLET et sur un mode frustré et vachard par le patron d'Elvira joué par Yves JACQUES) et en point d'orgue, le thème de l'inceste qui est lui concentré entre les mains de Lorenzo (Luca Terracciano). Autre actrice dont ils utilisent l'aura, Catherine MOUCHET, la "Thérèse" (1986) de Alain CAVALIER dont la place devient de plus en plus importante au fur et à mesure que sa secte devient le refuge des membres de familles en rupture avec les leurs. A ces influences fortement revendiquées s'en mêlent d'autres, anglo-saxonnes surtout telle que la hache de "Shining" (1980) ou les écarts à la norme et pétages de plomb de "American Beauty" (1999) sans parler de forts relents de "Thelma et Louise" (1991) (mais le road-movie entre filles se fait plutôt dans les sciences occultes que dans le désert américain).

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Les 101 Nuits de Simon Cinema

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1995)

Les 101 Nuits de Simon Cinema

Hommage au centenaire du septième art (surtout français et américain mais avec des incursions dans le cinéma italien et japonais), "Les 101 Nuits" est un assez ahurissant catalogue de références et de cameos en forme de who's who. Tout le ban et l'arrière-ban du cinéma français accompagné de quelques stars américaines est convoqué au chevet de Simon Cinéma (Michel Piccoli), un très riche vieux monsieur croulant mythomane censé personnifier le cinéma qui vit dans un château à St-Rémy les Chevreuse (bien relié par le RER B à la rue Daguerre où vivait Agnès Varda depuis les années 50) avec sa domesticité dont un majordome qui rappelle un certain Erich von Stroheim. Si l'approche éclatée et surréaliste (avec des clins d'oeil appuyés à Luis Bunuel) amuse au départ, si le film contient son lot de moments savoureux, son étirement sur 1h41 finit par lasser tant le procédé fondé sur une accumulation-collection de vignettes décousues paraît répétitif et vain. Les stars sont là en tant que signes et symboles, parfois au sens littéral (les frères Lumière sont représentés entourés d'ampoules!) et le film se voulant en surface festif et ludique, les analyses filmiques sont forcément ultra-survolées même si ça fait toujours plaisir de revoir ou d'évoquer des moments iconiques comme le plan-séquence inaugural de "La Soif du mal", le match des séducteurs Michel Piccoli versus Marcello Mastroianni via la comparaison entre les scènes de baignoire tirées des films "Le Mépris" et "Huit 1/2", celui des plus belles morts à l'écran de Gérard Depardieu ou la scène finale de "King-Kong".  Et puis, Agnès Varda ne pouvait évidemment pas le savoir en 1995 mais le choix de donner le rôle de la cinéphile censé entretenir la mémoire de Simon Cinéma à Julie Gayet et de l'apparier de façon gémellaire (ils ont le même prénom à l'écran) à son fils, Mathieu Demy qui joue le réalisateur d'un premier film ne peut que faire sourire étant donné que Julie Gayet est aujourd'hui systématiquement associée à un autre genre d'acteur ^^^^. Plus gênant, leur jeu consternant (celui de Julie Gayet personnifie le cliché de la "blonde idiote" alors qu'elle est censée être une intellectuelle ah ah ah) et leur malhonnêteté (ils veulent s'emparer de l'héritage de Simon Cinéma en lui présentant un faux héritier) donne une vision assez nihiliste de l'avenir du cinéma, hanté comme toujours chez Varda par la figure de la grande faucheuse (laquelle prend les traits de Romane Bohringer). Cette finalement pas si joyeuse féérie pour initiés-érudits (contradiction inhérente à Agnès Varda) qui sombre parfois dans le ridicule (Des pointures comme Alain Delon, Jean-Paul Belmondo ou Robert de Niro ne sont franchement pas bien servis) aurait mérité d'être plus structurée et moins inégale.

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L'Univers de Jacques Demy

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1995)

Agnès Varda et Harrison Ford sur le tournage de "L'Univers de Jacques Demy".

Agnès Varda et Harrison Ford sur le tournage de "L'Univers de Jacques Demy".

Troisième et dernier volet de la trilogie que Agnès Varda a consacré à son époux, Jacques Demy décédé en 1990, "L'Univers de Jacques Demy" est le pendant documentaire de "Jacquot de Nantes" qui est une fiction (Agnès Varda avait au départ imaginé plutôt un diptyque qu'une trilogie ce qui correspondait mieux à sa personnalité hybride). Il s'agit d'une visite guidée de la filmographie de Jacques Demy non en fonction de leur ordre chronologique (certes le premier film évoqué est "Lola" mais le deuxième est en fait son dernier, "Trois places pour le 26") mais en fonction des liens qui les unissent (le troisième film évoqué, "Peau d'Ane" est relié à "Trois places pour le 26" par la question de l'inceste, le quatrième "L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune" est relié à "Peau d'Ane" par une scène où Catherine Deneuve sort un plat du four etc.) Le film, émaillé d'entretiens avec Jacques Demy à diverses époques de sa vie, des membres de sa famille (sa sœur qui évoque son désir d'apprendre tout au long de sa vie, ses enfants et Agnès Varda bien entendu), d'amis cinéastes (Bertrand Tavernier, Claude Berri), de collaborateurs, de biographes, de fans etc. évoque aussi son enfance et la naissance de sa vocation de cinéaste. On y découvre également les excroissances internationales de la carrière du cinéaste avec d'une part sa carrière hollywoodienne avortée à la fin des années 60 à cause de l'échec de "Model Shop" (qu'il rebaptise avec humour "Model Flop") qui lui a cependant permis de rencontrer un jeune acteur alors inconnu dont il voulait faire une star et qui n'était autre que Harrison Ford (son amitié avec Jacques Demy est aussi méconnue que les liens de ce dernier avec Jim Morrison, le leader des Doors que l'on aperçoit sur le tournage de "Peau d'Ane"). Aux antipodes, le documentaire évoque également son aventure japonaise avec l'adaptation du manga "La Rose de Versailles" en 1978 sous le titre "Lady Oscar" à l'époque où les mangas n'étaient pas exportés en France (et donc pas traduits). Comme pour "Les Demoiselles ont 25 ans", Agnès Varda mélange les images d'archives et des images tournées exprès pour le film ce qui donne à l'ensemble un aspect patchwork comme le sera plus tard "Les Plages d'Agnès".

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Jeanne et le garçon formidable

Publié le par Rosalie210

Olivier Ducastel et Jacques Martineau (1998)

Jeanne et le garçon formidable

"Jeanne et le garçon formidable" est un alliage réussi entre l'héritage de la comédie musicale de Jacques Demy et l'actualité de l'époque, plus précisément l'épopée activiste d'Act Up telle qu'elle est racontée dans "120 battements par minute" de Robin Campillo. Jacques Martineau et Olivier Ducastel militaient chez Act Up et le deuxième avait été également assistant-monteur sur le dernier film de Jacques Demy "Trois places pour le 26". Leur premier long-métrage lui rend donc hommage de plusieurs manières tout en donnant aux chansons un caractère engagé Act Up. Mathieu Demy, fils de Jacques Demy et d'Agnès Varda interprète le rôle principal. Afin qu'il n'endosse pas le rôle de son père (homosexuel et mort du sida ce qui était tenu secret à l'époque mais était connu des protagonistes du film devant et derrière la caméra), il devient hétérosexuel et toxicomane dans le film, celui-ci pour citer Libération "consistant à goupiller le patois d'un genre (homo) dans le dialecte d'un autre (hétéro)" avec dans le rôle de la butineuse polyamoureuse, Virginie Ledoyen. "Jeanne et le garçon formidable" est par ailleurs une comédie musicale, genre tombé en désuétude dont les codes sont extrêmement proches de celles de Jacques Demy. On retrouve les personnages qui se ratent, qui dansent à l'arrière-plan ainsi que le prosaïsme et la légèreté de façade ("S'il te plait, donne-moi une tranche/ Attends je vais te la, je vais te la beurrer/ Je te mets de la confiture/ Ou bien du miel si tu préfères/ Je crois que j'aime autant nature/Passe-moi le sucre, c'est trop amer." etc.) derrière lesquels se dissimule un contexte social grave. Celui des malades du sida mais également celui de l'exclusion des homosexuels de la juridiction touchant la vie de couple (la chanson de François à propos de la mort de son compagnon rappelle qu'avant l'adoption du PACS en 1999 les conjoints n'avaient aucun droit et se retrouvaient parfois dans des situations dramatiques) et enfin les difficultés pour les immigrés et leurs enfants à accéder à la nationalité française, allusion aux lois Pasqua (une des bêtes noires des réalisateurs avec Edith Cresson pour leur rôle contre-productif dans la gestion de l'épidémie de sida). "Jeanne et le garçon formidable" est donc paradoxalement un film engagé sur la peur de l'engagement, le seul garçon pour lequel Jeanne est prête à s'impliquer étant justement celui qui se dérobe avant de disparaître définitivement. C'est aussi un film sur le consumérisme. Outre la chanson interprétée par Valérie Bonneton et Denis Podalydès (tous les acteurs chantent eux-mêmes sauf Virginie Ledoyen qui est doublée par Elise Caron) célébrant les joies du confort domestique de l'American way of life dont on ne sait si c'est du premier ou du second degré, le personnage de Jeanne est une croqueuse d'hommes qui en change comme de chemise et est toujours pressée avec un emploi du temps de ministre puisqu'elle mène de front plusieurs relations à la fois. Le marivaudage amoureux est un thème qui colle à la peau du cinéma de la nouvelle vague, on pense parfois à Eric Rohmer et surtout à Jeanne Moreau et son "tourbillon de la vie" dans "Jules et Jim" de François Truffaut.

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Kung-Fu Master

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1988)

Kung-Fu Master


"Kung-Fu Master" est une excroissance autofictionnelle de "Jane B. par Agnès V." (1985). Son scénario fut imaginé par Jane BIRKIN et tourné pendant la réalisation de son autoportrait par Agnès VARDA. C'est un film vertigineux de par les mises en abyme construites par les deux femmes qui mettent en scène des secrets de famille dans leur propre famille dans les maisons de famille de Jane BIRKIN. L'histoire tourne autour d'une attirance interdite entre celle-ci et Julien, camarade de classe de sa fille Lucy. Sauf qu'il ne s'agit pas simplement d'une histoire d'amour entre deux personnes d'âge différent ou d'un détournement de mineur mais d'une relation incestueuse qui déborde largement le cadre de la fiction. L'on ne peut ignorer que Julien est joué par Mathieu DEMY alors âgé de 14 ans et Lucy par Charlotte GAINSBOURG également adolescente devenue célèbre avec "L'Effrontée" (1985). On ne peut non plus fermer les yeux sur le fait que l'inceste est un élément récurrent de l'univers de Jacques DEMY tout comme dans les œuvres alors produites par Serge GAINSBOURG mettant en scène sa fille alors mineure (la chanson "Lemon Incest" bien sûr mais aussi le film "Charlotte for Ever" (1986) qui se déroule au domicile du réalisateur et où ce dernier drague toutes ses copines de classe). Dans "Kung-Fu Master", les propres parents de Mary-Jane ont un rôle clé dans la consommation de l'inceste, or eux aussi sont joués par les vrais parents de Jane BIRKIN. Enfin "Jane B. par Agnès V." (1985) est fondé sur un jeu de miroirs entre les deux femmes qui s'identifient fortement l'une à l'autre. Si "Mary-Jane" a un prénom composé, c'est parce qu'elle peut être aussi bien l'une que l'autre de ces deux femmes. Et Agnès VARDA est passé maître dans l'art de brouiller les frontières, notamment entre la fiction et le documentaire.

Ceci posé, on comprend davantage le trouble que peut susciter un film qui gratte là où ça les démange (pour reprendre l'expression d'un expert des relations troubles entre êtres humains et des non-dits et qui a rendu Charlotte GAINSBOURG célèbre à la même époque, Claude MILLER) sans aller tout de même jusqu'au sang, les séquences les plus dérangeantes étant escamotées par des plans de fenêtre ouvrant sur l'extérieur. Il en va de même avec un autre non-dit majeur, celui du sida dont la mention est obsessionnelle dans le film mais qui n'est pas qu'un simple élément de contexte. Il renvoie à l'homosexualité cachée de Jacques DEMY et à sa maladie "honteuse" dont on ne sait si elle s'était déjà déclarée à l'époque. Si bien qu'en dépit de sa délicatesse, le film suscite un certain malaise, à l'image de la maison de Jane BIRKIN semblable à un tombeau avec son obscurité, ses animaux empaillés et ses "vaseux" de fleurs en train de pourrir sur pied, sans parler de la scène de rencontre amoureuse entre Mary-Jane et Julien qui se déroule aux toilettes où la première aide le second à se faire vomir en lui mettant les doigts dans la bouche.

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Tomboy

Publié le par Rosalie210

Céline Sciamma (2011)

Tomboy

L'enfance est un espace-temps de liberté, de créativité, de jeu, d'expérimentation. Et ce en toute innocence comme le souligne le cadre édénique des séquences où s'amuse la petite bande filmée par Céline Sciamma. Parmi eux, il y a Lisa la seule fille "incontestable" et un autre enfant à l'identité indécise. " C'est le regard des autres qui dit ce que nous sommes." Durant le premier 1/4 d'heure de son film, Céline Sciamma joue avec les stéréotypes implantés dans notre inconscient pour nous faire croire que cet enfant est un garçon (il conduit avec son père, il a les cheveux courts, s'habille, parle et gesticule de façon masculine, sa chambre est bleue...) Puis nouveau départ, sa mère le nomme, il s'appelle Laure et son identité biologique (on le vérifie dans la baignoire) est bien celle d'une fille. Sauf que c'est encore une fausse piste. Lorsque l'enfant qui vient de déménager quitte son immeuble pour la première fois et part se promener, il rencontre Lisa qui lui dit "Tu es nouveau? Comment tu t'appelles?" Et l'enfant de répondre sur un coup de tête, "Michaël". Il n'y a pas de manière plus juste de dépeindre la disjonction entre l'être et le paraître, entre l'identité biologique et l'identité de genre, entre la réalité objective et le ressenti intérieur.

Laure/Michaël devient alors cet être hybride (à l'image du papier-peint rose/bleu à l'arrière-plan de l'affiche) androgyne, suscitant le trouble chez Lisa séduite autant par sa composition de petit dur capable de tenir la dragée haute aux mecs de sa bande que par sa féminité sous-jacente qu'elle fait émerger lorsqu'elle le maquille ("ça te va trop bien"!) Même trouble chez Jeanne, la petite sœur de Laure/Michaël aux allures de poupée, ravie d'avoir subitement un grand frère qui l'intègre dans la bande, la protège et se bat pour elle. Quant à Laure/Michael, on la/le voit rivaliser d'imagination et d'ingéniosité devant son miroir pour trouver des solutions pratiques lui permettant de donner le change. La scène de la baignade est particulièrement remarquable car le spectateur se demande si le subterfuge va fonctionner (un pénis en pâte à modeler glissé dans son maillot de bain), si elle ne va pas être démasquée. Le naturel confondant avec lequel elle endosse le rôle brouille nos repères au point que l'on se demande si ce n'est pas plutôt son identité de fille qui est un rôle et sa composition de Michael qui est la plus proche de sa vérité intime.

Ces questionnements complexes sont filmés avec une remarquable simplicité et à hauteur d'enfant. L'enfant est en effet innocent. La violence et la perversion viennent des adultes. Violence sociale du carcan normatif qui oblige Laure à abandonner Michael lorsqu'il lui faut reprendre le chemin de l'école. Perversité du regard de certains mouvements intégristes religieux sur la sexualité véhiculée par le film associée à la honte, la souillure et au péché. Un conditionnement transmis aux enfants lorsque ceux-ci jugent négativement le baiser entre Lisa et Laure. Tomboy est pourtant au contraire de ces films qui restaure l'intégrité et la dignité de l'individu et s'insurge contre ce que l'on peut appeler "le meurtre de l'enfance".   

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Americano

Publié le par Rosalie210

Mathieu Demy (2011)

Americano

En 2012 sort sur les écrans le premier long métrage de Mathieu Demy, Americano, hanté par des souvenirs d'enfance, le cinéma de ses parents et la question de la filiation (les principaux partenaires de Mathieu Demy dans le film sont Géraldine Chaplin et Chiara Mastroianni).Le film joue sur les deux héritages et entremêle pure fiction et éléments autobiographiques comme dans les films d'Agnès Varda.

Martin Cooper/Mathieu Demy âgé de 40 ans apprend que sa mère est morte. Il renoue alors avec les lieux de son enfance à Los Angeles, filmés dans Documenteur (1980) qu'Americano cite abondamment façon film dans le film. Mais si dans le film d'Agnès Varda, la mère prénommée Emilie Cooper était jouée par Sabine Mamou, dans le film de Mathieu Demy elle a bien la voix d'Agnès Varda. Par bien des côtés, Americano aurait pu s'intituler Comment j'ai tué ma mère (Agnès Varda qui était interdite de plateau a d'ailleurs reconnu de le film était un moyen pour son fils de se réapproprier des images qui lui avaient été volées dans son enfance).

Si Américano est indiscutablement hanté par Agnès Varda et son cinéma, Jacques Demy n'est pas oublié puisque une certaine Lola, ancienne amie de sa mère vient se glisser dans l'histoire. Pour la retrouver, Martin franchit la frontière américano-mexicaine (entre le cinéma de sa mère et celui de son père?) et parvient jusqu'à la boîte de striptease où celle-ci se produit, tout à fait à la manière du héros de Model Shop (qui est rappelons-le la suite de Lola). Martin doit remettre à Lola la clé de l'appartement de sa mère qu'elle lui a légué ainsi que ses peintures. En réalité, ce sont celles de Jacques Demy. Avant de mourir ce dernier a légué son premier film, Lola à Mathieu Demy et à lui seul alors qu'il partage l'héritage de tous ses autres films avec sa demi-soeur, Rosalie.
Comme si cela ne suffisait pas on entend également la voix de Jim Morrison, l'ami de son père...

Americano a donc beaucoup de sens pour Mathieu Demy, on peut le considérer comme une sorte d'auto-analyse. Le problème est que le film manque cruellement d'une personnalité propre comme si Demy fils était dévoré de l'intérieur par ses écrasants géniteurs. 

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Documenteur

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1981)

Documenteur

Documenteur, tourné à Los Angeles en 1980 raconte sous couvert de fiction la douloureuse séparation d'Emilie Cooper/Agnès Varda et de Tom Cooper/Jacques Demy du point de vue de cette dernière. Alors qu'il était rentré en France, ulcéré par le refus des américains de lui accorder une seconde chance après l'échec de Model Shop, elle était resté à Los Angeles avec Mathieu alors âgé de 8 ans. Celui-ci joue son propre rôle dans le film (sous le nom de Martin Cooper).

D'une tristesse insondable, le film est hanté par l'exil, l'errance, la douleur, le manque, la mort. Varda réalise un autoportrait impressionniste mêlant inextricablement fiction et réalité.

32 ans plus tard, dans son premier long-métrage Américano, Mathieu Demy donne une sorte de suite à Documenteur qu'il cite par ailleurs abondamment. Une façon de se réapproprier les images "volées" par sa mère dans son enfance voire de "tuer" celle-ci.

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Les plages d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2008)

Les plages d'Agnès

L'ouverture du film en forme d'installation d'art contemporain (les miroirs sur la plage) donne le ton: Les plages d'Agnès est un autoportrait de la réalisatrice en forme de mosaïque ou de collage. Sa structure n'est pas linéaire mais fragmentée, morcelée avec beaucoup d'allers-retours. Avant d'être cinéaste, Agnès Varda a été photographe et peintre d'où un goût du portrait, du cadre et de la composition évidents. Chacun de ses films s'apparente à un courant artistique pictural (réalisme pour les Glaneurs et la Glaneuse ou Sans toit ni Loi, impressionnisme pour le Bonheur, fresques pour Murs murs...)

L'eau sert de fil conducteur. Dès son premier film La pointe courte tourné à Sète ce motif apparaît essentiel et devient un élément récurrent, du Bonheur et sa rivière à Documenteur où l'héroïne écrit face à la mer. On peut y ajouter le miroir, récurrent lui aussi (Cléo de 5 à 7, Jeanne B. par Agnès V. etc.)

Agnès Varda utilise beaucoup de doubles et d'avatars à travers lesquels elle se raconte autant qu'elle se dissimule "je joue le rôle d'une petite vieille rondouillarde et bavarde qui raconte sa vie" Elle fait aussi bien allusion à Magritte et ses tableaux aux visages voilés qu'à la prise de distance du nouveau roman.

Ce dispositif sophistiqué coupe court à toute nostalgie car c'est du présent que parle Varda, de la mémoire au présent. Les chers disparus -à commencer par Demy- qu'elle se remémore avec émotion sont toujours présents dans son coeur (et via la magie du cinéma ou de la photo qui les ont rendus éternels), elle célèbre ses "80 balais" et est résolument tourné vers l'avenir, ses enfants et petits-enfants. Comme dans tous ses films, la vie et la mort sont indissociables.

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