Thelma et Louise, un western féministe
Leni Mérat et Joséphine Petit (2024)
Excellent documentaire qui retrace la genèse du film culte de Ridley SCOTT dans son contexte et montre son caractère visionnaire au vu des problématiques qui sont les nôtres aujourd'hui. C'est comme si le film sorti en 1991 décrivait déjà l'ère post #Metoo avec d'un côté la prise de conscience des discriminations et violences genrées à tous les niveaux de la société et en même temps la contre-offensive réactionnaire masculiniste dans et hors du film. Le documentaire souligne à quel point le scénario écrit par Callie KHOURI qui était pourtant novice en la matière (et justement peut-être parce qu'elle était novice!) déconstruisait les codes du western dont le road movie est un héritier direct. En plaçant au centre de l'histoire deux amies (relation rarissime au cinéma et souligné d'ailleurs par le "Sois belle et tais-toi" (1976) de Delphine SEYRIG) parties pour une excursion qui se transforme en cavale lorsqu'elle se heurtent à la violence masculine et décident d'y répondre en se plaçant sur le même terrain qu'eux, Callie KHOURI bouleverse les repères et offre une odyssée jouissive et libératrice. Le documentaire analyse plusieurs séquences à l'aune des codes traditionnels, celui du man power et du male gaze pour montrer le renversement des rôles: la scène où Thelma et Louise jouent les pétroleuses et braquent le magasin, celle où elles enferment le policier dans le coffre qui est comparée à celle de "Psychose" (1960), celle où Thelma exprime son désir pour le personnage de Brad PITT vu comme un objet sexuel rapportée à celle du loup de Tex AVERY ou encore celle où elles décident de mourir plutôt que de capituler face à l'autorité masculine vis à vis d'une une séquence de fin alternative qui aurait pu en changer le sens. Le documentaire explique que si le film a pu voir le jour, c'est grâce à la productrice Mimi POLK GITLIN proche de Ridley SCOTT alors que Callie KHOURI essuyait refus sur refus ainsi que grâce à Rebecca Pollack qui dirigeait le studio Pathé. Pourtant, ce dernier n'a pas tout de suite pensé à réaliser le film lui-même alors que Thelma et Louise ne sont pas les premières guerrières qu'il a mis en scène, il y avait déjà eu Ripley dans "Alien, le huitieme passager" (1979). Enfin, le documentaire revient sur les polémiques à sa sortie, le film ayant été taxé de misandre et de violent. Ce qui est évidemment faux. Geena DAVIS rappelle, non sans humour qu'il n'y a que trois morts dans le film, dont Thelma et Louise, très loin de l'abattage en série des films testostéronés de l'époque. Et si les comportements machos sont épinglés, du tyran domestique au harceleur en passant par le violeur, des hommes plus nuancés sont également mis en valeur dans le film, à commencer par le personnage de Harvey KEITEL. Mais le documentaire n'en parle pas et c'est son point faible. Car Harvey KEITEL, toute sa carrière le démontre a construit une masculinité où la virilité n'est pas l'ennemie de la féminité et il aurait été utile de rappeler que deux ans après "Thelma et Louise" (1991), il rayonnait dans "La Lecon de piano" (1993).
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