Lumière, l'aventure continue!
Thierry Frémaux (2025)
J'avais adoré le premier volet sorti en 2017 et cette suite tout aussi didactique et ludique sortie 130 ans jour pour jour après la première réalisation des frères Lumière est pareillement un pur enchantement. Grâce au travail de restauration effectué sur les pellicules, ce sont plus de 120 "vues Lumière", la plupart inédites et certaines jamais projetées faute de moyens techniques adéquats à l'époque qui nous sont proposées. Le projet de Thierry FREMAUX est le même qu'en 2017: déconstruire le cliché d'un "cinéma primitif" se réduisant à un plan séquence documentaire fixe en montrant la diversité et la modernité des films Lumière. Après avoir rappelé leur rôle dans la la chaîne d'innovations ayant permis d'aboutir au cinématographe (et notamment la concurrence avec Thomas EDISON), Thierry FREMAUX délaisse la technique pour évoquer l'invention de la grammaire cinématographique des origines. On a donc un festival de panoramas, ces films documentaires tournés dans un moyen de locomotion qui permettaient d'effectuer ce que l'on appelle aujourd'hui des travellings. Dans le même état d'esprit panoramique de découverte du monde, beaucoup de vues sont également prises en plongée, ce que l'on appelle en photographie la vue aérienne oblique qui met en valeur le paysage et la profondeur de champ. Les Lumière et leurs opérateurs sont allé filmer un peu partout en Europe, aux USA, au Japon de l'ère Meiji et dans les colonies françaises (Indochine, Algérie), en mer, en montagne, à la campagne, à Paris, à Lyon et dans d'autres villes de province. Ils ont rapportés un nombre impressionnant de petites fenêtres sur le monde de la Belle Epoque qui grâce à la restauration semblent avoir été tournées hier. Ils ont également filmé un nombre impressionnant de travailleurs en pleine activité, captant les mouvements des paysans, des lavandières, des menuisiers ou des pêcheurs. Mais Thierry FREMAUX rappelle aussi que la célébrissime première comédie de l'histoire, "L'arroseur arrosé" est un film Lumière dont on voit également une variante plus sophistiquée. Le remake est aussi ancien que le cinéma: "La Sortie de l'usine Lumiere a Lyon" (1895) nous est montrée en trois versions simultanément: la première, la plus belle et donc la plus connue uniquement avec des piétons, la deuxième avec en plus une voiture à cheval et des habits plus chauds (Thierry FREMAUX pense que c'est l'original tourné le 19 mars 1895), la troisième avec une voiture conduite par deux chevaux. Plusieurs films Lumière sont des making-of dans lesquels on voit l'opérateur tourner la manivelle (d'où est issu le mot "tournage"). D'autres filment des gens dont le regard est planté sur la caméra. L'influence du cinéma de Georges MELIES se fait ressentir via l'utilisation de trucages, la captation de performances d'artistes de cirque (dont le duo Chocolat & Foottit) et même un film tardif colorisé que l'on pourrait croire de sa main s'il n'y avait pas la signature "Lumière" au bas de l'image. Mais en plus de tout cela, Thierry FREMAUX exhume un film jamais projeté car le format large utilisé (75 mm) ne le permettait pas à l'époque sur l'exposition universelle de 1900 montrant l'extérieur du Grand Palais cadré de loin d'où sort une foule immense qui préfigure le cinéma à grand spectacle d'un D.W. GRIFFITH. Ne surtout pas rater le générique de fin car il recèle une séquence extraordinairement émouvante en forme d'hommage à cet amoureux du cinéma français qu'était Bertrand TAVERNIER.