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Articles avec #telefilm tag

Le mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood)

Publié le par Rosalie210

Diarmuid Lawrence (2012)

Le mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood)

Le plus grand mystère d'Edwin Drood est celui de sa fin. Nous ne la connaîtrons jamais telle que l'aurait imaginée Charles Dickens étant donné qu'il est mort avant d'en avoir achevé la rédaction. Depuis 1870, nombre d'hypothèses ont fleuri et il existe plusieurs éditions dotées d'une fin écrite par quelqu'un d'autre. Le téléfilm de la BBC compte deux parties de 55 minutes environ. L'une restitue un condensé du roman de Dickens (dont il avait rédigé la moitié), l'autre imagine le dénouement. Dickens innovait en créant un univers proche du thriller à la Alfred HITCHCOCK. "Le mystère d'Edwin Drood" aurait pu s'appeler en effet "Un homme disparaît". Mais, sans doute est-ce dû à l'écriture plus moderne et pleine de twists de la scénariste Gwyneth HUGHES, j'ai été bien plus captivée par la deuxième partie qui montre l'oncle d'Edwin basculer dans la folie. Personnage aigri et frustré, le chef de choeur et professeur de musique John Jasper (interprété excellemment par Matthew RHYS) développe une obsession amoureuse mortifère pour l'une de ses élèves, Rosa (Tamzin MERCHANT) qui est promise à son neveu, Edwin (Freddie FOX, neveu du célèbre James FOX, on est dans "Dynastie") (1981)) depuis l'enfance. Dans ses délires opiacés, il se voit étrangler le gêneur au pied de l'autel alors qu'il n'est en façade que tout sourire devant le jeune blanc-bec vaniteux et agaçant. On comprend donc l'aversion qu'éprouve pour lui Neville Landless venu avec sa soeur Helena de Ceylan pour parfaire leur éducation. Même si Charles Dickens n'a pas précisé leur origine, dans cette version, ce sont deux indiens ce qui les confronte au racisme de la société britannique et place Neville (impulsif et que Rosa ne laisse pas indifférent) en position de coupable idéal. Mais le point fort de la série reste la description des tourments de Jasper, torturé par les affres de la jalousie et confondant le rêve et la réalité: bien pratique pour multiplier les pistes! (De même que le fait que tous les personnages principaux soient orphelins).

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Je ne me laisserai plus faire

Publié le par Rosalie210

Gustave Kervern (2023)

Je ne me laisserai plus faire

C'est avec "Ya Basta" (2010) que j'ai découvert le cinéma jubilatoire de Gustave KERVERN. Cinéma robin des bois où de manière drôle, inventive et pacifique les damnés de la terre prennent leur revanche sur ceux qui les écrasent ou les méprisent. "Je ne me laisserai plus faire" dont le titre se dévoile par bribes tout au long du film raconte comment la révolte d'Emilie (Yolande MOREAU) sur le point d'être jetée à la rue après la mort de son fils faute de pouvoir payer son Ehpad se propage de proche en proche, d'abord à Lynda, une femme de ménage ayant bien du mal à joindre les deux bouts (Laure CALAMY) puis au duo de flics mous du genou chargés de les poursuivre (Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD). L'épopée vengeresse d'Emilie ressemble à un pastiche de "Kill Bill" avec sa liste de personnes lui ayant fait du tort contre lesquels elle imagine des stratagèmes dignes de ceux que subit Collignon dans "Le Fabuleux destin d'Amelie Poulain" (2001) (dans lequel jouait justement Yolande MOREAU). Gustave KERVERN en profite au passage pour tirer des flèches satiriques sur tout ce qui "bourge" que ce soit l'exploitation de "l'or gris" par une directrice d'Ehpad politiquement très incorrecte, la gentrification ou les lotissements pavillonnaires de banlieue. La fuite en avant d'Emilie et de Lynda qui renforcent leurs liens au fur et à mesure de la progression de leur vengeance donne au film un caractère de road movie qui n'est pas sans rappeler "Thelma et Louise" (1991) tandis qu'à l'inverse, les personnages joués par Anna MOUGLALIS et Raphael QUENARD, au départ réduits à l'uniforme de leur fonction se singularisent progressivement par une introspection qui les conduit à réparer une période traumatique de leur passé.

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Les liaisons dangereuses

Publié le par Rosalie210

Charles Brabant (1979)

Les liaisons dangereuses

On connaît mieux les adaptations cinématographiques du célèbre roman de Choderlos de Laclos que les versions télévisuelles. Charles BRABANT, fondateur de la SCAM (société civile des auteurs multimédia) venu du théâtre et du cinéma fait partie des pionniers de l'ORTF qui considérait la télévision comme un terrain d'expérimentation permettant davantage de liberté d'expression que le cinéma, ce qu'elle était sans doute à cette époque. "Les liaisons dangereuses" a été réalisé pour la première chaîne en 1979 et mêle le roman à un épisode de la vie de son auteur, son emprisonnement durant la Terreur en 1793. Enfermé dans sa cellule de Picpus, il voit apparaître son personnage, Mme de Merteuil dont le visage a été ravagé par la petite vérole. Un dialogue s'engage alors entre eux, nourri d'extraits du roman, l'éclairant au jour des événements révolutionnaires ainsi que la vie de son auteur. Officier d'artillerie, Choderlos de Laclos était bridé dans sa carrière par ses origines d'anobli (donc de "parvenu") et un grand admirateur de Rousseau. Il était également féministe avant la lettre comme Beaumarchais. Tous ces éléments l'ont conduit à jouer un rôle actif dans la Révolution. On lui attribue notamment un rôle clé dans la marche des femmes sur Versailles en octobre 1789, dans la rédaction de la pétition à l'origine de la fusillade du Champ de Mars en 1791 et dans la bataille de Valmy en 1792. Ses opinions fluctuantes (jacobin, il se rallia au bonapartisme comme Noirtier dans "Le Comte de Monte-Cristo") lui valurent son emprisonnement en tant que suspect mais il réussit à être libéré en 1794. Le film est donc autant un portrait de Choderlos de Laclos qu'une adaptation de son roman. L'ensemble dégage beaucoup de théâtralité mais les acteurs sont remarquables, notamment Jean NEGRONI dans le rôle principal, Claude DEGLIAME dans celui de Mme de Merteuil et Jean-Pierre BOUVIER dans celui d'un Valmont plus sombre que dans les versions cinématographiques, véritable prédateur sexuel sans aucune ambiguïté ce qui donne à cette version datée de 1979 des accents modernes. Cécile de Volanges est violée avec pour conséquence une fausse couche montrée dans toute sa crudité et la séduction de Mme de Tourvel relève de la pure vanité sans une once d'amour.

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Le Grand Détournement-La Classe américaine

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette (1993)

Le Grand Détournement-La Classe américaine

C'est dans le cadre d'une intervention consacrée à la carrière de Michel HAZANAVICIUS que j'ai découvert ses débuts à Canal plus dans "Les Nuls, l'émission" (l'homme que la caméra suivait de dos lors du générique de début, c'était lui!) Il y pratiquait déjà le détournement d'images préexistantes pour "Le Faux journal". Il a ensuite toujours pour Canal plus au début des années 90 réalisé une trilogie intitulée "Le Grand détournement". Celle-ci se composait de deux courts-métrages, "Derrick contre Superman" (1992) et "Ca détourne" et d'un long-métrage, "La Classe américaine" devenu depuis un film culte. Il s'agit en effet d'un authentique exploit: créer un film inédit à partir d'images d'archives piochées dans les films du catalogue Warner réalisés entre 1952 et 1980, le tout doublé par les voix françaises habituelles des principaux acteurs du studio, tous de grands noms du cinéma hollywoodien (John WAYNE, Burt LANCASTER, Paul NEWMAN, Henry FONDA, James STEWART, Robert REDFORD, Dean MARTIN, Dustin HOFFMAN etc.). Il faut dire que le film était à l'origine programmé pour fêter les cent ans du cinéma et les soixante-dix ans de la Warner qui avait autorisé Canal plus à utiliser les extraits de son catalogue. Néanmoins le résultat plutôt subversif n'a pas plu au studio qui n'a autorisé qu'une seule diffusion. Mais des copies ont aussitôt circulé sous le manteau, des projections ont eu lieu lors d'événements ponctuels et l'avènement d'internet a permis une diffusion plus large. Preuve de son succès, le film a été depuis restauré et ses dialogues, publiés en 2020 dans une édition pastiche des Classiques Larousse.

Que dire du film sinon que c'est soixante-dix minutes de bonheur cinéphile absolu? A partir de la trame de "Citizen Kane" (1940) revue et corrigée par leurs soins, Michel HAZANAVICIUS et Dominique MEZERETTE signent une oeuvre hilarante, au fort caractère méta (l'apparition de Orson WELLES hurlant au plagiat est un must!) où le jeu avec le spectateur est permanent. Par exemple on voit pas moins de quatre fois la scène de "Les Hommes du President" (1976) durant laquelle Robert REDFORD et Dustin HOFFMAN courent pour parler à leur boss joué par Jason ROBARDS qui s'apprête à prendre l'ascenseur, à chaque fois avec des lignes de dialogues différentes mais toujours parfaitement ajustées. Le film de Alan J. PAKULA est le fil rouge du récit puisque les journalistes (auxquels vient se rajouter Paul NEWMAN) enquêtent dans la version détournée sur la dernière phrase d'un défunt qui n'est autre que George Abitbol alias John WAYNE alias "l'homme le plus classe du monde". L'art du découpage et du montage, celui des dialogues (même complètement loufoques, ils sont écrits au cordeau) et enfin celui du doublage créé une illusion parfaite tout en se délectant de mettre en avant ce qui était interdit dans les films originaux, la majorité ayant été tournés sous le code Hays. L'homosexualité par exemple se taille la part du lion et ce d'autant plus que "La Classe américaine" en tant que mashup fait ressortir combien le cinéma hollywoodien laissait peu de place aux femmes. Deux seulement se fraient un chemin dans la version détournée: Angie DICKINSON et Lauren BACALL. On a donc un univers viril, magnifié notamment par le western et où parfois il n'en faut vraiment pas beaucoup pour qu'on y croit: Henry FONDA et James STEWART dans "Attaque au Cheyenne Club" (1970) peuvent par exemple tout à fait incarner les cow-boys vivant dans un ranch évoqués dans "Le Secret de Brokeback Mountain" (2005) et tout récemment dans "Strange way of life" (2023).

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Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Publié le par Rosalie210

Jeremy Lovering (2008)

Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Dans "Une chambre à soi", Virginia Woolf énumérait les raisons pour lesquelles les femmes ne parvenaient pas à produire une oeuvre littéraire et qui se résumaient dans leur dépendance vis à vis des hommes, détenteurs du pouvoir financier mais également des normes culturelles infériorisant les femmes en les cantonnant au rôle d'épouse et de mère et en les privant des conditions nécessaires à la liberté créatrice ("de l'argent et une chambre à soi"). C'est exactement ce que démontre de manière convaincante "Le choix de Jane". Pour avoir bravé les conventions de son époque en refusant de se marier par intérêt à un homme riche, Jane Austen se retrouve dans une situation si difficile qu'elle n'est sans doute pas étrangère à son décès prématuré. Le téléfilm de Jeremy LOVERING évoque en effet les dernières années de l'écrivaine alors âgée d'une quarantaine d'années et confrontée aux conséquences douloureuses de ses choix. Si ses romans débouchent sur un mariage heureux en guise de consolation/compensation, Jane tout comme sa soeur Cassandra et tout comme 1/4 des femmes de cette époque a opté pour le célibat. Soit comme je le disais plus haut par refus de se vendre à un homme riche, soit parce que sa situation financière ne lui permettait pas de s'unir à un homme pauvre (ou dépendant d'un tuteur riche décidant pour lui). On le constate, le mariage à cette époque est une affaire d'argent qui domine d'ailleurs tous ses romans. Et l'argent appartient aux hommes puisque les femmes de la gentry britannique du début du XIX° siècle n'ont pas accès à l'emploi ni à l'héritage. Lorsqu'un homme chasse une dot, il s'unit en réalité à un autre homme, celui qui la détient, la femme n'étant qu'un instrument de la transaction financière. Lorsque cette dot n'existe pas, comme dans le cas de Jane et sa soeur, le mariage relève de la prostitution, donner son corps et sa liberté en échange d'un toit et d'une place à table. En le refusant, Jane se met dans la précarité ainsi que sa mère et sa soeur (le révérend Austen, mort en 1905 les a laissées sur la paille). Elle dépend de fait de ses frères dont deux seulement sont présentés dans le film qui la soutiennent, l'un en négociant les droits de vente de ses romans et l'autre en mettant à sa disposition son cottage pour écrire. Mais parce qu'ils sont écrits par une femme, ils sont dévalués et les droits du frère sur le cottage sont attaqués ce qui contribue un peu plus à l'usure prématurée de Jane. "Un peu plus" car tout dans son quotidien lui rappelle qu'elle n'est pas dans la norme, que ce soit les reproches de sa nièce Fanny pour qui elle s'improvise marieuse (comme son héroïne "Emma") ou ses anciens flirts ou encore sa mère. Olivia WILLIAMS est très convaincante dans le rôle-titre et le film, éclairant sur la réalité de la condition féminine à cette époque.

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Le passé recomposé (The Tale)

Publié le par Rosalie210

Jennifer Fox (2017)

Le passé recomposé (The Tale)

Comme "Les Chatouilles" (2018) ou "Slalom" (2019), le "Passé recomposé" est le récit autobiographique et cathartique de l'abus sexuel vécu par la réalisatrice quand elle était mineure. Cependant, l'approche en est différente. Si comme dans "Les Chatouilles", le récit effectue des allers-retours entre le présent et le passé et si comme dans "Slalom" il s'agit d'une relation d'emprise d'un coach sur une pré-adolescente douée pour un sport, le téléfilm de Jennifer Fox ne raconte pas comment elle s'est reconstruite mais comment elle a survécu dans le déni durant 35 ans. "The Tale" (le titre en VO) est en effet le récit qu'elle a élaboré à partir de son expérience vécue sous forme de journal pour sa classe, précisant à sa professeur qu'il était fictif. Et en un sens, c'est vrai, même si sa professeur y décèle derrière la prétendue histoire d'amour une situation d'abus sur mineur. Car dans ce récit, Jenny n'est pas une victime mais une héroïne qui découvre, loin de la vie terne dans sa famille où elle se sent invisible, un monde merveilleux peuplé de gens merveilleux. Des images se répètent dans lesquelles on voit Mrs.G (Elizabeth DEBICKI) qui possède un haras accueillir Jenny en souriant telle une bonne fée accompagnée d'un tout aussi souriant Bill (Jason RITTER) l'entraîneur. En admiration devant ces adultes jeunes et beaux comme des dieux qui semblent aux petits soins pour elle, Jenny se sent enfin remarquée et même "élue" par rapport aux autres élèves moins douées, moins jolies ou mieux protégées par leurs parents. En effet les siens, trop occupés par leur nombreuse progéniture sont ravie de la confier tout un été puis tous les week-ends à ces gens si serviables qui vont même la chercher à l'école. En dépit de certains signes qui auraient dû les alerter, les parents s'aveuglent jusqu'à interdire à leur fille une sortie avec un garçon de son âge, lui interdisant en quelque sorte de découvrir la sexualité d'une façon saine.

Le film raconte l'histoire de la déconstruction progressive de ce récit forgé comme un acte de survie lorsque la mère de Jenny le découvre dans un carton 35 ans plus tard et, bouleversée par sa lecture le lui envoie. A la manière d'une enquête (avec des témoins, des preuves écrites etc.), Jenny (Laura DERN, double de la réalisatrice) retrouve progressivement la mémoire des faits tels qu'ils se sont réellement passés, part à la recherche de ses anciens prédateurs devenus des vieillards desséchés ou boursoufflés, loin de l'image idéalisée qu'elle avait gardé d'eux, se confronte à la réalité de la pédophilie lorsqu'elle regarde sa photo à 13 ans alors qu'elle croyait en avoir 15, se souvient de détails qui ne pouvaient être que ceux de viols répétés dans des situations sordides où elle était le jouet sexuel du couple. Elle mesure également combien ce passé a ravagé sa vie personnelle et sa propre sexualité alors que sa mère doit faire face à sa culpabilité de n''avoir pas su la protéger.

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La Cour

Publié le par Rosalie210

Hafsia Herzi (2022)

La Cour

"La Cour" est un téléfilm de Hafsia Herzi, actrice passée depuis quelques années à la réalisation mais qui s'essaie pour la première fois à une fiction pour le petit écran, celui d'Arte. Je l'ai regardé car le sujet m'intéresse particulièrement. En effet quand je veux expliquer ce qu'est la géopolitique c'est à dire un conflit de pouvoir pour un territoire, je prends souvent pour exemple la cour d'une école primaire et la façon dont l'espace y est réparti. Des garçons en occupent la plus grande partie à jouer au foot avec des cages occupant le centre de l'espace. Les filles sont reléguées sur les côtés et doivent raser les murs pour atteindre l'autre côté de la cour ou bien la traverser à leurs risques et périls, un peu comme on traverserait une autoroute au milieu de bolides lancés à pleine vitesse*. Cette inégalité spatiale n'a longtemps même pas été questionnée, c'était la norme, entérinée par les adultes (responsables de l'agencement de la cour). Les garçons se devaient d'avoir plus d'espace que les filles parce qu'ils en auraient besoin pour se dépenser alors que les filles seraient calmes par nature. Ces préjugés sexistes sont encore renforcés par les quelques filles qui jouent au foot avec les garçons (ce sont des garçons manqués, forcément) et par la minorité de garçons qui n'aiment pas le foot (des "petites natures" évidemment). De nos jours, les choses ont bien peu évolué, "la journée sans ballon" équivalent à "la journée de la femme", un moyen de se donner bonne conscience sans remettre fondamentalement en cause l'aspect structurel des inégalités. "La Cour" raconte comment la remise en question de cet ordre par une petite fille n'ayant jusque là pas été scolarisée débouche sur la déstabilisation de l'ordre établi, la remise en cause des rôles de chacun et une guerre entre enfants sous les yeux d'adultes dépassés qui minimisent ou banalisent la situation. Si les personnages sont bien écrits et bien interprétés, il est dommage que le terrain de jeu devenu terrain d'affrontement soit abandonné en cours de route. Le film aurait été bien plus fort en conservant son unité de lieu d'un bout à l'autre du film d'autant que la fin est bien trop gentillette. C'est à ce moment-là qu'on regrette que Hafsia Herzi n'ait pas été plus ambitieuse.

* Yves Lacoste, géographe et géopolitologue écrivait en 1976 que la géographie, ça servait d'abord à faire la guerre. Le film entérine complètement cette vision des choses. La cour est vue comme une "carte du monde" qu'il faut conquérir ou défendre. Le langage guerrier est omniprésent tout au long du film alors que la réalisatrice souligne combien chacun souffre au final de la place à laquelle il est assigné.

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Temple Grandin

Publié le par Rosalie210

Mick Jackson (2010)

Temple Grandin

Temple Grandin, professeure d'université américaine née en 1947 est ce qu'on appelle une autiste de haut niveau ou encore une personne atteinte du syndrome d'Asperger, forme d'autisme sans déficit intellectuel ni retard de langage. Encore que Temple Grandin n'ait parlé que vers l'âge de 4 ans. C'est dire s'il est difficile de cerner cet handicap ou cette différence selon le point de vue où l'on se place. Evoquer un trouble du spectre de l'autisme est plus juste car il y a autant de formes d'autisme que d'autistes même s'il y a des récurrences comme les intérêts spécifiques (domaine d'expertise), l'hyper (ou l'hypo)sensorialité, les stéréotypies comportementales, l'attention aux détails ou les difficultés à communiquer. Temple Grandin est l'une des premières personnes atteinte de ce trouble qui a réussi à en parler, que ce soit par ses conférences ou par les livres qu'elle a écrit, d'ailleurs c'est elle qui a aidé Dustin Hoffman à incarner "Rain Man" qui est le film qui a contribué à faire connaître le syndrome d'Asperger. Par ailleurs, le domaine d'expertise de Temple Grandin est le monde animal et plus précisément le bétail pour lequel elle s'est passionnée très jeune. S'identifiant à ces animaux beaucoup plus proches de son mode de fonctionnement sensoriel que celui, abstrait et social des humains neurotypiques, elle s'est spécialisée dans la recherche en zootechnie et a révolutionné la manière de les traiter dans les élevages industriels et dans les abattoirs. Elle a réussi à faire comprendre que le bien-être animal allait dans le sens des intérêts des éleveurs exactement comme le fait de comprendre l'autisme plutôt que de l'ostraciser va dans le sens des intérêts de la société toute entière.

Réalisé en 2010, le téléfilm de Mick Jackson retrace le parcours exceptionnel de Temple Grandin avec une grande fidélité, allant jusqu'à imaginer un dispositif ingénieux pour faire comprendre au spectateur sa manière de penser. Comme celle-ci s'appuie sur des images mentales, il a tout simplement l'idée de les faire apparaître à l'écran. Cela donne parfois un résultat amusant, quand Temple Grandin prend les expressions au pied de la lettre par exemple. Claire Danes est bluffante dans le rôle et nous fait ressentir la très grande détermination de son personnage qu'aucune manifestation de rejet n'arrête: les scènes où elle rivalise d'inventivité pour réussir à entrer dans un ranch où elle n'est pas la bienvenue (une femme autiste qui explique à des cow-boys comment ils doivent s'y prendre, cela suscite quelques "résistances") font rire et suscitent également l'admiration. 

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Comme des reines

Publié le par Rosalie210

Marion Vernoux (2020)

Comme des reines

Au cours de ses trente années de carrière, Marion Vernoux a alterné les réalisations pour le cinéma et la télévision en plus d'une activité sporadique de scénariste et d'actrice pour d'autres réalisateurs ou réalisatrices ("Vénus beauté", "Grave"). Les films que j'avais pu voir d'elle tournent autour du désir féminin, qu'il balance entre deux hommes ("Love etc.") ou se porte sur un homme beaucoup plus jeune ("Les Beaux Jours"). "Comme des reines" est différent en ce sens que s'il a lui aussi pour moteur les désirs de trois jeunes filles, il évoque leur fourvoiement dans la prostitution. Le scénario est le point fort du film, c'est d'ailleurs ce qui a conduit Marion Vernoux à le réaliser. Aucun didactisme pesant (alors que c'est souvent la tare des téléfilms à sujet de société), aucune exposition à rallonge, on plonge directement dans le sujet et c'est au spectateur de reconstituer le parcours des trois filles qui représentent chacune un profil différent. Samia, collégienne en échec scolaire issue d'une famille monoparentale modeste éblouie par les paillettes et le fric facile, Jess, jeune femme sans famille d'une vingtaine d'années qui espère s'en sortir par la maternité et enfin Louise qui se prend pour la meneuse du groupe, jeune fille rebelle à peine majeure issue d'un milieu aisé qu'elle a quitté pour suivre Nico, le proxénète de la bande dont elle est follement amoureuse et à propos duquel elle se berce d'illusions. Ledit Nico (Idir Azougli déjà vu dans "Shéhérazade" et qui ne manque pas de présence) dont l'allure détone avec celle de l'image qu'on se fait des caïds est en effet des plus retors et le film expose ses méthodes de pervers narcissique, d'abord séductrices puis tyranniques pour maintenir les filles sous son emprise. Ses sbires, des délinquants de cité frappent par leur aspect juvénile et complètent le tableau d'une jeunesse en pleine dérive sectaire (sauf que l'argent et le pouvoir ont remplacé les idéologies). Les quelques figures parentales du film (le père de Louise joué par Bernard Campan, Louise étant d'ailleurs jouée par sa fille Nina et la mère de Samia jouée par Karole Rocher) semblent isolées et impuissantes. Ils sont d'ailleurs presque de trop, surtout Jean-Philippe, le père de Louise qui arpente la nuit les hôtels et les sites internet pour retrouver sa fille (Bernard Campan en fait trop dans le pathos et ses scènes sont répétitives). La fin n'est pas faite pour rassurer "la première fois elles reviennent toujours", la première fois...

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Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

Publié le par Rosalie210

Mike Nichols (2001)

Bel Esprit/Mon Combat (Wit)

"Mon Combat" est un film d'une très grande intelligence et surtout d'une très grande honnêteté. Il aborde en effet avec franchise l'un des sujets les plus tabous de nos sociétés: la fin de vie et la mort. Le personnage principal, Vivian Bearing interprété par Emma THOMPSON avec la profondeur et la subtilité de jeu qui la caractérisent est une brillante intellectuelle qui a tout sacrifié à son travail d'universitaire dans lequel elle excelle. Mais face à l'épreuve de la maladie (un cancer en phase terminale), elle est bien obligée de se connecter à son corps en souffrance, obligée de renouer avec le monde des émotions, obligée d'accepter la perte de contrôle. Son destin est d'autant plus poignant que n'ayant jamais noué de contacts affectifs et n'ayant plus de famille, sa solitude est absolue, son dénuement, total. Mike NICHOLS ne nous épargne rien de la dégradation progressive de son état mais sans voyeurisme gratuit. Il a d'ailleurs récidivé en dépeignant avec tout autant de réalisme l'agonie de Roy Cohn (Al PACINO) dans la mini-série qu'il a réalisé deux ans plus tard "Angels in America" (2003). D'autre part il dépeint le monde froid, clinique, inhumain des hôpitaux dans lequel l'humain atteint de maladies incurables est transformé en cobaye soumis à l'acharnement thérapeutique de la science sans conscience dans sa quête folle de vaincre la mort. Ce monde horrible auquel le personnage de Richard BERRY soustrayait sa fille atteinte d'une tumeur au cerveau dans le beau film de Christine PASCAL, "Le Petit prince a dit "(1992). On voit bien également comment les médecins en se focalisant sur des données objectives évitent les sujets qui fâchent. Les chiffres abstraits servent à les protéger des émotions qu'ils pourraient ressentir s'ils prenaient la peine d'écouter les angoisses de leurs patients. Seule une infirmière prend la peine d'établir une véritable relation avec Vivian, la réconfortant dans les moments difficiles, lui parlant avec franchise, recueillant ses dernières volontés et réussissant à les faire respecter.

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