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Articles avec #kasmi (baya) tag

Le mélange des genres

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2025)

Le mélange des genres

L'idée de départ consistant à démolir les stéréotypes de genre était astucieuse: confronter une femme-flic dure à cuire à la mentalité conservatrice à un homme "déconstruit" entendez par là n'appartenant pas au groupe des mâles alpha promis au mausolée par le mouvement Metoo. Hélas si le film contient quelques moments franchement hilarants, notamment les photos anti-tabac ou les affrontements entre le collectif féministe "Les Hardies" et le collectif masculiniste "SOS Papa", il a tendance à partir dans tous les sens. Autrement dit en cherchant à brouiller les pistes, il s'égare lui-même. On ne compte plus les maladresses, incohérences, idées abandonnées à peine émises sans parler d'une fin complètement bâclée qui tombe à plat (il paraît que c'est un hommage à "Calmos" (1976) que je n'ai pas vu mais ce n'est pas une justification valable pour bâcler le film!) Le problème, c'est que cet aspect foutraque brouille également le message. Je suis certaine que Michel LECLERC et Baya KASMI étaient pleins de bonnes intentions. Mais que penser du personnage de Paul qui d'un côté proclame de façon très ostentatoire qu'il est du côté des femmes tout en étant montré comme leur jouet docile? Je ne crois pas que montrer un homme "battu et content" qui se jette dans les bras d'une femme qui l'a calomnié fasse avancer quelque cause que ce soit en matière de droits humains. C'est d'ailleurs ce que démontrait Stanley KUBRICK dans "Orange mecanique" (1971) où le conditionnement transformait le bourreau en victime serpillère des autres, suscitant dans les deux cas le même dégoût. Le courage, la colère ne sont genrés que dans les discours (avoir des c.....), pas dans la réalité. Autrement dit, le scénario finit par tomber dans les stéréotypes qu'il cherchait justement à dénoncer. C'est d'autant plus incompréhensible que les véritables modèles dont prétendent s'inspirer Michel LECLERC et Baya KASMI sont Virginie DESPENTES et Jean-Jacques GOLDMAN cités explicitement pour l'une et indirectement pour l'autre à travers Vincent DELERM. Mais ils échouent à capturer l'essence de l'autrice de "King Kong Théorie" et de l'auteur-compositeur de la chanson "Doux", ne retenant que leur caricature.

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Mikado

Publié le par Rosalie210

Baya Kasmi (2025)

Mikado

"Mikado" est tellement bourré de qualités par rapport au tout-venant de la production cinématographique française qu'on lui pardonne aisément ses imperfections. Baya KASMI que j'ai découvert je pense comme la plupart en tant que scénariste sur "Le Nom des gens" (2010) réalisé par Michel LECLERC réussit une comédie dramatique adoptant un angle original et pertinent. Cet angle, c'est celui de l'enfance maltraitée si souvent négligée au cinéma. C'était déjà un thème sous-jacent dans "Le Nom des gens" (2010) qui expliquait les comportements des deux protagonistes principaux par les traumas de leur enfance. "Mikado" en fait son sujet principal en confrontant un adulte abîmé par son passé d'enfant placé à sa fille pré-adolescente à qui il a imposé une vie en marge de la société qu'elle ne supporte plus. Entre les deux, une médiatrice, la mère qui partage avec Mikado un passé difficile (quiconque a vu "Le Nom des gens" (2010) comprendra la signification du piano) et un mode de vie précaire mais qui s'avère bien moins asociale, plus réaliste, plus sensible aussi au sort de leurs enfants.

Autre qualité majeure du film, des acteurs excellemment dirigés. Je n'aime guère Felix MOATI mais force est de constater qu'il est convaincant dans le rôle-titre. Vimala PONS a enfin un rôle consistant à se mettre sous la dent tandis que Patience MUNCHENBACH est très émouvante dans le rôle de l'adolescente mal dans sa peau qui découvre à quel point elle est inadaptée à la vie sociale en ayant été coupée des autres jeunes de son âge. Mais l'acteur qui touche le plus est Ramzy BEDIA dans le rôle d'un veuf mélancolique, lui aussi aux prises avec une fille adolescente (Saul BENCHETRIT) qui abrite transitoirement la famille de Mikado dont le van est tombé en panne dans le jardin de son mas provençal. D'ailleurs la rencontre entre les deux familles est montrée de façon très juste comme un accident de la vie et s'accomplit non sans réticences tant le mode de vie sédentaire et quelque peu lugubre de Vincent contraste avec celui, nomade et désordonné de Mikado et Laetitia qui vivent et se comportent comme deux adolescents attardés. Cette question de la place dans la famille est centrale dans le film. Tant que Mikado et Laetitia refusent de la céder, ils empêchent leurs enfants de grandir et même d'exister. Nuage* dit à un moment donné qu'elle n'est jamais née. Cela va au-delà d'une question d'Etat civil, c'est un mode de non-existence où il faut se cacher en permanence des yeux du reste de la société. La fin du film, en miroir de celle du début montre que chacun occupe désormais la bonne place: l'enfant qui s'efface c'est désormais Mikado pour laisser Nuage enfin voler de ses propres ailes.

* Les prénoms des enfants, Nuage et Zéphyr font penser à ceux de la famille Phoenix car le film de Baya KASMI a d'évidents points communs avec celui de Sidney LUMET, "A bout de course" (1988). Mais il m'a fait penser aussi à "L'Enfant" (2005) des frères Dardenne tout en étant plus léger, plus féministe et plus proche du ressenti adolescent.

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Médecin de campagne

Publié le par Rosalie210

Thomas Lilti (2015)

Médecin de campagne

"Médecin de campagne" est un film sympathique mais qui survole son sujet. La faute sans doute à une dispersion du scénario en une multitude de petites scénettes illustratives des carences et des problèmes de l'exercice de la médecine à la campagne à la manière d'un catalogue. Les personnages sont trop nombreux pour être approfondis, y compris le duo vedette, celui de Jean-Pierre Werner (Francois CLUZET), le médecin du coin qui se découvre atteint d'un cancer et sa suppléante, le docteur Delezia (Marianne DENICOURT). La manière dont est traitée la maladie du docteur Werner n'est pas réaliste: pour quelqu'un atteint d'une tumeur au cerveau avec des métastases, il apparaît étonnamment fringuant et très disponible alors qu'il est censé subir un traitement lourd aussi chronophage qu'épuisant. Nathalie Delezia fait plus tapisserie qu'autre chose. Quant aux patients, ils forment une farandole d'archétypes (l'autiste non diagnostiqué qui végète dans son intérêt spécifique pour la guerre de 14, la jeune fille enceinte sous emprise d'un compagnon toxique, le vieil homme en fin de vie...) Le tout est emballé dans une atmosphère joviale de "fête au village" tout à fait inappropriée à ce qu'est censé raconter le film. Bref c'est superficiel et convenu. De la part du réalisateur de "Hippocrate" (2014), j'attendais mieux.

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La Lutte des classes

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2018)

La Lutte des classes

"La lutte des classes" part d'une excellente idée: faire une comédie satirique sur les contradictions des bobos de gauche écartelés entre la tentation grégaire de mettre leurs enfants à l'école privée et leurs idéaux de justice sociale. Le scénario s'appuie en effet sur une réalité: celle d'une école à deux vitesses, le privé concentrant de plus en plus les élèves de milieu favorisé, particulièrement dans les grandes villes. Une ghettoïsation sociale que Michel LECLERC et Baya KASMI ont vécu et qu'ils nous font ressentir à travers leur couple mixte formé par Paul, un vieux rockeur punk (Edouard BAER) et une brillante avocate d'origine maghrébine, Sofia (Leïla BEKHTI) qui se retrouvent dans une situation de plus en plus intenable au fur et à mesure que leurs amis retirent leurs enfants de Jean Jaurès, l'école primaire publique du quartier de Bagnolet où ils habitent, pour les mettre à Saint-Benoît, l'école privée catholique. Un mal-être qui les met sous pression au point de harceler leur gamin et d'envisager tous les contournements possibles de la carte scolaire, l'option "école privée" étant impossible à cause du sulfureux passé de Paul vis à vis de la religion catholique, symbolisé par un clip compromettant (la scène la plus hilarante du film).

Hélas, Michel LECLERC et Baya KASMI ratent leur cible en sombrant dans la caricature. Chaque personnage est réduit à son origine ethnique, religieuse et sociale si bien qu'on assiste à un affrontement assez consternant entre d'un côté Sofia et Paul et de l'autre, des mères musulmanes forcément voilées et réac alors que du côté des enfants, Corentin, estampillé "seul blanc de la classe" se fait discriminer par tous les autres, comme s'ils ne formaient qu'un seul bloc. En d'autres termes, la satire de la bourgeoisie se transforme, faute de subtilité, en alignement de poncifs dignes de ceux qu'affectionne l'extrême-droite. Même gros sabots en ce qui concerne le comportement de l'institutrice (Baya KASMI) qui parle comme si elle avait avalé le dictionnaire du jargon de l'éducation nationale: celui-ci est destiné au personnel et non aux élèves qui seraient bien étonnés d'être des "apprenants".

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Hippocrate

Publié le par Rosalie210

Thomas Lilti (2014)

Hippocrate

A l'occasion de sa disponibilité sur le site d'Arte, j'ai revu avec plaisir ce film qui a fait entrer Vincent LACOSTE dans la cour des grands et valu une juste reconnaissance à Reda KATEB. Car si le film fonctionne toujours aussi bien, c'est aussi grâce à ce formidable duo d'acteurs et à leurs rôles complémentaires: le jeune interne fils à papa un peu trop sûr de lui qui apprend le métier -et la modestie- en s'émancipant dans la douleur et son collègue algérien, plus âgé et expérimenté, plus humain et intuitif aussi mais discriminé sur à peu près tous les plans à cause de son statut qui l'oblige à effectuer un parcours du combattant pour obtenir des équivalences aux diplômes français et ainsi sortir de la précarité et de l'exploitation. A la qualité intrinsèque de ces deux personnages, de leur relation et de leur interprétation il faut ajouter bien sûr la connaissance approfondie que le réalisateur Thomas LILTI qui est aussi médecin a du monde de l'hôpital. La valeur documentaire de "Hippocrate" est incontestable, elle donne un état des lieux guère reluisant de la situation de l'hôpital public dans une société marchande qui sacrifie ses services publics sur l'autel de la rentabilité. Un objectif de rationalité comptable incompatible avec la nature humaine qui donne lieu à des situations dramatiques au confluent de l'économie, du social, du médical et de l'éthique.

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La vie très privée de Monsieur Sim

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2015)

La vie très privée de Monsieur Sim

L'entame du film fait penser à Blue Jasmine de Woody Allen. Soit un homme dépressif dont la vie familiale, professionnelle et sociale s'est désintégrée et qui dans une cabine d'avion assomme son voisin avec sa logorrhée insupportable. Ce dernier finit d'ailleurs par disjoncter de façon assez surréaliste. Plus tard dans le film, on le verra décidiver dans un autogrill avec celui qui le précède. On le verra également durant son parcours en forme de road-movie se mettre en couple avec son GPS à la voix féminine. Une idée surréaliste directement sortie du Her de Spike Jonze. Bref, le film décline le délitement des liens sociaux, la solitude et le manque de communication de nos sociétés modernes hyperconnectées (les amis sur Facebook, les forums de discussion...). Les paysages traversés symbolisent cette perdition qu'il s'agisse de cols enneigés, de plaines agricoles désertes ou de zones périurbaines standardisées. A chaque fois Sim s'amuse à déboussoler son GPS, qu'il tourne en rond sur les ronds-points ou qu'il se perde dans les zones blanches de la fracture numérique.

Néanmoins le film est bien autre chose que l'histoire linéaire d'un raté qui s'enfuit dans le désert. La façon dont il semble depuis toujours accumuler les échecs tout comme les perspectives qui finissent par s'ouvrir devant lui sont dépeintes avec une véritable richesse narrative. Il s'agit en effet autant un voyage dans l'espace qu'un va et vient dans le temps passé/présent/futur. Le passé refoulé du père -qui lui aussi a raté sa vie- resurgit au travers d'un journal et donne au héros une clé pour mieux se comprendre. De même, Sim découvre au travers d'un roman "l'étrange aventure de Donald Crowhurst" qu'il ressemble à ce navigateur des années 60 qui s'est égaré et ne sait plus comment rentrer chez lui. A chaque fois, ces outils de compréhension lui sont donnés par des femmes: Luigia son premier amour perdu de vue depuis 15 ans, Poppy une jeunette dont il s'amourache et qui veut lui faire rencontrer sa mère. À chaque fois, elles le mène à des hommes: Francis, l'ami de jeunesse de son père qui voulait en faire son amant et l'entraîner sur la route de Kerouac et Samuel l'oncle de Poppy, passionné par Crowhurst et qui a "flashé" sur Sim, ce que celui-ci ne comprend qu'au terme de son aventure. Pourtant le changement de direction du vent a lieu bien avant lors d'un repas où Samuel prend la défense de Sim qui est la cible de remarques méprisantes de l'un des convives ("vous êtes colporteur quoi?") avec un jeu de mots bien trouvé "Cole Porter, le musicien? Voyons vous ne connaissez pas Cole Porter?" La métaphore de la fausse route, du détour, du chemin de traverse, de l'erreur de parcours trouve alors sa pleine et entière signification.

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Le nom des gens

Publié le par Rosalie210

Michel Leclerc (2010)

Le nom des gens

Film extrêmement riche et revigorant, le Nom des gens alterne avec bonheur comédie et drame, passé et présent. Les deux personnages principaux sont extrêmement attachants car très approfondis et remarquablement interprétés. Très approfondis car ce sont des personnages palimpsestes. Face caméra, ils nous racontent leur histoire familiale d'où ils sont issus puis leur enfance et leur adolescence, incarnée par de jeunes comédiens. Leurs "moi" enfant ou adolescent n'hésite pas d'ailleurs à intervenir tout au long du film. Remarquablement interprétés ensuite: Sara Forestier fait de Bahia un tourbillon d'énergie qui emporte tout sur son passage et auquel rien ne peut résister alors que <st_360_st/>Jacques GAMBLIN<st/> dans un rôle plus sage laisse transpirer lui aussi de nombreuses émotions.


Le rapprochement de ces deux personnalités qu'à priori tout oppose est extrêmement pertinent car il révèle à quel point ils sont proches et peuvent se guérir mutuellement. Héritiers d'un passé douloureux et encombrant, dotés d'une double identité problématique, ils n'ont tout simplement pas la même stratégie de "survie". Bahia affiche au yeux de tous le traumatisme sexuel qu'elle a subi dans son enfance par son absence de pudeur, son comportement de "pute politique", le viol consenti de son intimité. C'est Arthur Martin qui symboliquement la rhabille et lui permet de recouvrer sa dignité.


Bahia claironne également sur tous les toits ses origines algériennes imitant en cela sa mère, passionaria post-soixante-huitarde de la cause des sans-papiers alors que son père adopte une posture soumise et mutique. Elle aide en cela Arthur Martin a digérer sa propre histoire familiale caractérisée par le non-dit voire le déni. Adepte de la stratégie camouflage, ses parents n'ont pas trouvé mieux que de le doter d'un nom porté par plus de 15 mille personnes en France. Mais le jour où sa mère se rend à la mairie pour faire refaire ses papiers d'identité, on lui renvoie à la figure son passé de petite fille juive grecque, traquée et cachée pendant la guerre pendant que ses parents étaient envoyés à Auschwitz.

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