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La Piste de Santa Fe (Santa Fe Trail)

Publié le par Rosalie210

Michael Curtiz (1940)

La Piste de Santa Fe (Santa Fe Trail)

Dans les années 80, je regardais à la TV la série "Nord et Sud" (1985) qui racontait l'histoire d'une amitié entre deux américains, l'un du Nord et l'autre du Sud qui s'étaient rencontrés à l'académie militaire de West Point mais par la suite s'étaient retrouvés dans des camps ennemis lors de la guerre de Sécession. "La Piste de Santa Fe" qui se déroule quelques années avant l'éclatement de la guerre civile américaine est également une histoire de camaraderie entre jeunes officiers formés à West Point, école montrée comme le creuset des USA lors de la cérémonie de remise des diplômes où les Etats dont sont originaires les jeunes officiers sont mentionnés. Cet aspect de propagande patriotique s'explique par le contexte du tournage alors que la seconde guerre mondiale avait débuté et que les USA étaient divisés sur le principe d'une intervention en Europe. Bien que la plupart des officiers mis en avant dans la film aient réellement existé et qu'ils se soient affrontés durant la guerre de Sécession (ce que prédit dans le film une vieille indienne, ne récoltant qu'une incrédulité hilare de la part des principaux concernés), le film met en avant une communauté de valeurs qui transcende les clivages. La cohésion du groupe est assurée par le combat contre "l'ennemi de l'Union", John Brown (Raymond MASSEY), un abolitionniste fanatique prêt à mettre les USA à feu et à sang pour sa cause, certes noble, mais qu'il dessert par les méthodes jusqu'au-boutistes qu'il emploie. Face à lui, Jeb Stuart le sudiste (joué par l'élégant Errol FLYNN dont c'était la onzième collaboration avec Michael CURTIZ, la plus connue étant "Les Aventures de Robin des Bois" (1937) où il est d'ailleurs déjà accompagné par Olivia de HAVILLAND qui sera sa partenaire à huit reprises) ne cesse de répéter que le Sud trouvera lui-même la solution à l'esclavage si on lui en laisse le temps (ce qui n'a pas été le cas). Il est secondé par un nordiste, George Custer joué par Ronald REAGAN, futur président des USA qui reste dans son ombre.

Même si l'aspect historique de ce western est fort intéressant, surtout au vu du contexte actuel où les clivages du passé refont surface, le plaidoyer en faveur de l'unité des USA semble une fois de plus bien embarrassé par la question afro-américaine. Certes, on est plus au temps de "Naissance d une nation" (1915) mais les quelques personnages noirs que l'on voit dans le film ont bien peu de temps d'écran et sont montrés comme les otages silencieux d'une querelle entre blancs. De même, comment ne pas sourire devant les nombreux cartons situant l'action à la frontière de la "civilisation" (la seule, l'unique!!), un terme qui rappelle au spectateur d'aujourd'hui que la conquête de l'ouest a été une forme de colonisation. Il est donc nécessaire de prendre du recul par rapport au discours du film. Par ailleurs, son réalisateur, Michael CURTIZ réussit de spectaculaires scènes d'action, bien secondé par Errol FLYNN: celle de la grange en flammes et celle de l'assaut final à Harper's Ferry sont dirigées de main de maître.

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Qu'elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1941)

Qu'elle était verte ma vallée (How Green Was My Valley)

Un homme d'une soixantaine d'années dont on entend la voix mais dont on ne verra pas le visage est sur le point de quitter définitivement le village de mineurs dans lequel il a grandi au Pays de Galle. Il se souvient alors avec nostalgie de son enfance à la fin du XIX° siècle et nous fait entrer (littéralement) dans le quotidien de sa famille et de sa communauté. Un quotidien routinier marqué par les journées de labeur et les traditions (le patriarcat, la religion) avec ses joies (mariages, naissances) et ses peines (les accidents) que le jeune Huw (Roddy McDOWALL) souhaite perpétuer, refusant les autres perspectives qui lui sont offertes. Cependant, John FORD (qui s'est inspiré de sa propre famille) décrit un monde confronté au changement. Sous l'effet du surpeuplement, de l'exploitation capitaliste et des conflits sociaux, la famille Morgan se défait. Quand les fils ne meurent pas à la mine, ils sont obligés d'émigrer, celle-ci licenciant ses travailleurs les mieux payés pour en prendre d'autres à plus bas salaires. Le même délitement touche les institutions. L'école s'avère injuste envers les plus pauvres. L'Eglise se transforme en tribunal clouant au pilori les pécheurs (et surtout les pécheresses). La communauté réagit de façon grégaire, attaquant le père Morgan parce qu'il refuse de faire grève puis plus tard, l'ensemble de la famille lorsque des rumeurs courent sur une liaison entre la fille des Morgan (Maureen O HARA) et le pasteur (Walter PIDGEON). La décision de ce dernier de ne pas l'épouser s'avère à tous points de vue un désastre qui jette une ombre sur cet homme par ailleurs pétri d'aura humaniste. John FORD nous fait ressentir admirablement l'ambivalence de cette vallée, nourricière et mortifère à la fois à l'aide d'une série de plans saisissants, beaux comme des tableaux vivants. Ceux-ci embrassent la rue principale du village, pentue et bordée de corons avec tout au fond de l'image, la mine en surplomb. Cette composition du cadre dévoile les enjeux du film comme le fera plus tard celle qui ouvre et ferme "La Prisonnière du désert" (1956)".

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Manon des sources

Publié le par Rosalie210

Marcel Pagnol (1952)

Manon des sources

Quelle bonne idée a eu Arte de diffuser dans une copie restaurée la première version de "Manon des sources", film-fleuve de près de quatre heures scindé en deux parties (comme "Les Enfants du paradis") (1943) réalisé par Marcel PAGNOL en 1952. Je l'avais vu enfant mais je n'en avais plus que des souvenirs flous. C'est à mon avis son chef-d'oeuvre avec la trilogie marseillaise. Une véritable tragédie grecque où se succèdent les morceaux de bravoure dont certains se répondent comme celles des cérémonies (l'eau qui s'arrête dans le premier volet, l'eau qui repart dans le second) et des procès où les personnages intervertissent les rôles entre le premier et le second volet. On est frappé aussi par l'alternance entre deux types de scènes. D'un côté d'amples séquences villageoises où triomphe avec délice le verbe pagnolesque porté par toute une galerie de personnages plus savoureux les uns que les autres: une sorte de choeur dont chaque membre apporte sa contribution à une logorrhée drôle et poétique. De l'autre des scènes filmées dans un arrière-pays sauvage époustouflant où se sont réfugiés les "étrangers" ou plutôt les étrangères bannies par la communauté et qui se vengent en lui jetant une malédiction: Baptistine, vieille piémontaise outrée par la destruction de la sépulture de son mari et Manon (Jacqueline PAGNOL, la femme du cinéaste), jeune bergère dont le père est mort par la faute de la cupidité d'un homme et du silence du reste du village. Lequel homme, Ugolin ( RELLYS) est ensuite frappé par un atavisme familial le conduisant à aimer à mourir celle qui le rejette à son tour.

Contrairement à la version de Claude BERRI qui s'appuie sur "L'Eau des collines", diptyque romanesque écrit postérieurement à son film par Marcel PAGNOL et qui raconte l'intrigue chronologiquement à partir de l'histoire du père de Manon, Jean de Florette, ce dernier n'est évoqué dans "Manon des sources" qu'au travers des souvenirs des personnages (Manon, Ugolin, les gens du village). Le spectateur est conduit à adopter le point de vue d'un personnage extérieur à la communauté, l'instituteur (Raymond PELLEGRIN) qui comme lui découvre et observe les us et coutumes de cette faune aussi pittoresque que parfois inquiétante et rude tout en menant l'enquête.

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Insomnia

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2002)

Insomnia

Je n'ai pas vu le film original dont "Insomnia" est le remake, en revanche, même si l'intrigue est délocalisée en Alaska, j'ai reconnu l'ambiance des polars scandinaves tels que la saga "Millenium" (2010) ou "Les Enquêtes de l inspecteur Wallander" (2008). Cela tient à la place centrale occupée par une nature oppressante, des intrigues et des personnages malsains, le poids du silence enfin. Et puis j'ai eu l'occasion de faire l'expérience du soleil de minuit et mon organisme n'a pas supporté cette perte de repères, me tenant éveillée durant 72h d'affilée. Bien entendu dans le film, il faut lire l'insomnie qui torture l'inspecteur Will Dormer comme une métaphore de sa conscience intranquille. Le personnage de vieux flic désabusé excellement joué par Al PACINO aspire à un repos qui se dérobe à lui. D'où une conduite à risque (au sens propre!) par laquelle il aspire au sommeil éternel qui le laissera enfin en paix. Si le troisième film de Christopher NOLAN est plus simple dans sa construction que le précédent "Memento" (2000), le fait est qu'ils sont reliés par la mémoire. Mais alors que dans "Memento" il s'agit de raviver (ou d'inventer c'est selon) des souvenirs pour alimenter une mémoire qui s'efface plus vite que son ombre, dans "Insomnia", il s'agit au contraire de parvenir à oublier un passé trop lourd qui s'invite dès le générique de début sous la forme de flashs récurrents montrant un tissu s'imbibant de sang. Will Dormer est en effet poursuivi par une culpabilité aussi tenace que la tache de sang qui refuse de partir. Elle s'invite sous de multiples formes durant le film et brouille les repères entre l'innocent et le coupable, la vérité et le mensonge, le jour et la nuit, le rêve et la réalité (autre thème majeur de la filmographie de Christopher NOLAN). Son antagoniste, l'écrivain Walter Finch (Robin WILLIAMS dont ce n'est pas le seul rôle à contre-emploi, il joue de manière assez semblable dans un film un peu ultérieur "Final cut") (2005) n'est peut-être qu'un avatar de lui-même tout comme l'adolescente assassinée possède un double avec lequel il joue un jeu dangereux (quoique moins poussé que dans la version originale d'après ce que j'ai lu). L'aspect introspectif de "Insomnia" est ce qui en fait un film personnel et non un thriller lambda, une sorte de "voyage au bout de la nuit" lors d'un jour sans fin dans une ville du bout du monde appelée Nightmute (elle existe réellement et comment ne pas faire le rapprochement avec Nuit et brouillard: secret et disparition).

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Priscilla, folle du désert (The Adventures of Priscilla, Queen of the desert)

Publié le par Rosalie210

Stephan Elliott (1994)

Priscilla, folle du désert (The Adventures of Priscilla, Queen of the desert)

Autant les films tournés dans le désert américain réservent peu de surprises avec des personnages qui se fondent dans le paysage (on y trouve des cow-boys, des indiens, des hors-la-loi, des pionniers) autant ceux tournés dans le désert australien sont à l'inverse oxymoriques (et souvent cultes et fauchés!). Evidemment on pense à l'univers post-apocalyptique de "Mad Max" (1979) mais aussi aux jeunes filles en fleur avalées par la roche de "Pique-nique à Hanging Rock" (1975) et enfin aux trois drag-queens traversant le désert dans leur bus rose et leurs incroyables costumes chatoyants dans "Priscilla, folle du désert". Le film bénéficie d'une image remarquable avec un tournage en format cinémascope qui met en valeur les décors naturels grandioses dans lesquels se meuvent les personnages et une photographie haute en couleurs. Il est aussi doté d'une bande-son riche en tubes disco qui a également fait beaucoup pour sa pérennisation (il a été logiquement adapté pour les planches de Broadway, Londres et Paris). Il dispose d'un casting trois étoiles avec Terence STAMP, impérial dans un rôle à contre-emploi, Guy PEARCE dans son premier film important et Hugo WEAVING dont la notoriété n'avait pas encore franchi les frontières de l'Australie (il faudra pour cela attendre la trilogie "Matrix" (1998) et son rôle d'Agent Smith, ce qui d'ailleurs ajoute du piment rétrospectivement à sa prestation dans le film de Stephan ELLIOTT). Enfin comme souvent dans les road movies, la trajectoire physique dissimule une quête identitaire. Les trois personnages se cherchent et cherchent leur place dans le monde à travers leur traversée du désert et leur confrontation avec les autres. Evidemment leur expérience est bien différente selon qu'ils tombent sur des aborigènes, des "rednecks" australiens ou des électrons libres comme eux. Les thèmes abordés, avant-gardistes pour l'époque (d'où sans doute l'aspect excessif voire provocateur du film avec ses touches de mauvais goût) sont profondément actuels: l'homophobie pour Adam/Felicia, la transidentité pour Ralph/Bernadette et l'homoparentalité pour Anthony/Mitzi qui est amené à faire un double coming-out, auprès de ses compagnes de voyage qui ignorent l'existence de sa première famille et auprès de son fils qui ne l'a jamais connu mais qui semble bien plus à l'aise que lui sur ces questions.

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Scarface

Publié le par Rosalie210

Brian de Palma (1983)

Scarface

"Scarface" est un film énorme, fruit de la rencontre de trois génies du cinéma alors au sommet de leur art: Al PACINO, Oliver STONE et Brian DE PALMA. Et on peut même doubler la mise si on ajoute les créateurs du film original auquel est dédié le remake, Howard HAWKS et Ben HECHT sans oublier l'idée de génie de Sidney LUMET (premier réalisateur pressenti) de transposer l'histoire originale dans le milieu de la pègre cubaine à Miami. Le résultat est un film culte qui réussit la fusion entre la tragédie antique et shakespearienne et le grand-guignol pop et kitsch. Tragédie par les thèmes abordés (l'ascension et la chute implacable d'un caïd de la drogue empêtré dans des contradictions insurmontables, sa jalousie incestueuse vis à vis de sa soeur qui s'inspire de l'histoire des Borgia) mais traitement outrancier, caricatural qui tourne en dérision le rêve américain et par extension, la réussite capitaliste. Tout n'est que mensonge, vacuité, sauvagerie et vulgarité bling-bling. De ce point de vue, Tony Montana est l'antithèse absolue de Michael Corleone et bien que l'on sache qu'ils sont incarnés par le même acteur, il est impossible de les confondre. Personnages bigger than life, ils ont droit tous les deux à une sortie théâtrale mais là où le second inspire selon les propos d'Aristote la terreur et la pitié, le premier n'est qu'un risible bouffon qui gesticule le nez dans la semoule ou plutôt la coke et n'a que trois mots à son vocabulaire (dont le mot "fuck", répété 182 fois!) La bêtise du bonhomme qui tombe dans tous les panneaux du mirage américain n'a d'égale que sa sauvagerie incontrôlée. Celui-ci allant logiquement de frustration en déception au fur et à mesure que ses illusions se dissipent avance inéluctablement vers sa propre fin. J'ai pensé au court-métrage diffusé récemment sur Arte "Camille" qui raconte par la bouche d'une petite fille la chute de Jérôme Kerviel qui croyait "tenir le monde par les couilles". Le globe terrestre orné de la formule "The world is yours" qui orne le hall de la villa de Tony Montana en est un avatar. On sait quel traitement Charles CHAPLIN a réservé à ceux qui se prennent pour les maîtres du monde. Tony Montana a oublié que la formule qu'il a fait graver sur le globe, il l'a d'abord aperçue sur un ballon dirigeable qui a fini par lui exploser à la figure, libérant le néant qui l'habitait.

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Aristocrats (Anoko wa Kizoku)

Publié le par Rosalie210

Yukiko Sode (2022)

Aristocrats (Anoko wa Kizoku)

"Aristocrats" est le premier long-métrage de Yukiko SODE distribué en France. Il dépeint la persistance de traditions archaïques dans les hautes sphères de la société japonaise. Obsédées par leur reproduction sociale, elles exercent un contrôle étroit sur leurs enfants dans tous les aspects de leur vie. Ceux-ci se retrouvent donc enfermés dans un rôle depuis leur naissance et ne peuvent pas aspirer à avoir de vie propre. La réalisatrice s'attache à montrer que si les deux sexes sont victimes de ce système, les femmes le sont encore plus que les hommes, ces derniers ayant la possibilité d'avoir une (ou plusieurs) vies clandestines. C'est pourquoi, la réalisatrice démontre que c'est par les femmes que le système patriarcal japonais peut être remis en cause. Ainsi Hanako, la jeune fille de bonne famille qui sous la pression de sa famille finit par accepter un mariage arrangé se rapproche de Miki, une ex-hôtesse issue d'un milieu bien plus modeste qu'elle une fois qu'elle découvre qu'elle fréquente son mari Koichiro. Et elle découvre lors d'une cérémonie l'existence d'une femme bannie par la famille parce qu'ayant décidé de divorcer au prix du renoncement à élever son enfant, lequel reste la "propriété" du mari. Mais divorce ou pas divorce, la femme n'a a fait pas son mot à dire sur l'éducation et l'avenir de ses enfants, tout étant décidé à l'avance. Aussi après avoir subi la pression de sa famille pour qu'elle se marie, Hanako subit celle de sa belle-famille pour qu'elle tombe enceinte, sa belle-mère allant jusqu'à l'inscrire dans une clinique de fertilité. Mais c'est sur ce point précis que les pressions familiales atteignent leurs limites et même si cela n'est jamais explicité, Koichiro et Hanako semblent s'éviter le plus possible justement pour que cela n'arrive pas. Cela va dans le sens d'un Japon dont la démographie décline depuis vingt ans et de systèmes clos sur eux-mêmes (comme l'aristocratie britannique) qui faute de parvenir à se renouveler finissent par disparaître.

Le film de Yukiko SODE est donc d'un grand intérêt social et sociétal. Hélas la mise en scène qui manque parfois de rythme est trop calibrée, trop retenue, tout comme le jeu des des acteurs pour pleinement captiver.

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Philadelphia

Publié le par Rosalie210

Jonathan Demme (1993)

Philadelphia

"Philadelphia" est un film qui a fait date dans l'histoire du cinéma hollywoodien. C'était la première fois qu'on y abordait aussi frontalement le sida, l'homosexualité et l'homophobie. Les talents de documentariste de Jonathan DEMME qui sortait tout juste de son formidable thriller "Le Silence des agneaux" (1989) n'éclatent pas seulement dans le générique d'ouverture sur le tube de Bruce SPRINGSTEEN "Streets of Philadelphia" qui prend le pouls d'une ville en mouvement. Ils sont également présents dans les scènes du cabinet d'avocat dans lesquelles Andrew Beckett (Tom HANKS) doit dissimuler son orientation sexuelle pour adopter les codes du milieu qui l'emploie dans lequel la connivence masculine s'accomplit par la misogynie et l'homophobie. Jusqu'à la scène de son renvoi où il est isolé face à sa hiérarchie qui lui fait face comme dans un tribunal (ce qui annonce la suite). Ils sont présents aussi dans la scène où il vient rendre visite à Joe Miller (Denzel WASHINGTON) et où la caméra, adoptant le regard de ce dernier scrute avec angoisse le moindre objet avec lequel celui-ci entre en contact. Plus tard, dans la scène de la bibliothèque, Miller encaisse à l'inverse le regard ouvertement méprisant d'un usager qui le toise en contre-plongée. Puis il est témoin de la scène où un bibliothécaire tente de forcer Andrew à s'isoler de ses voisins de table. La prise de conscience de la similarité de leur condition se fait également par son regard filmé en gros plan. L'aspect documentaire du film passe aussi par la métamorphose de Tom HANKS qui a perdu 12 kg pour le rôle (moins toutefois que pour "Seul au monde") (2001) et qui après avoir essayé de cacher ses lésions, les dévoile au cours de son procès, offrant ainsi son corps supplicié aux regards alors qu'à l'inverse, le couple qu'il forme avec Miguel (Antonio BANDERAS) s'il est filmé de façon réaliste se dérobe quant à lui aux regards. Mais la scène la plus forte du film est celle dans laquelle un Joe Miller là encore réduit à son seul regard écoute Andrew commenter avec émotion la musique qu'il est en train d'écouter, celle d'un extrait de l'opéra "Mamma Morta" d'André Chénier chanté par Maria CALLAS. Une musique qui le poursuit jusque dans l'intimité de son foyer et qui lui insuffle l'inspiration de sa dernière plaidoirie. La beauté singulière de "Philadelphia" est ainsi de nourrir le procès qui est au coeur de son intrigue de toutes ces scènes dans lesquelles une âme finit par se déverser dans une autre qui lui était hostile au départ, changeant ainsi le regard porté sur les homosexuels.

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New-York, New-York

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1977)

New-York, New-York

Qui ne connaît pas la chanson "New York, New York", énorme hit de Frank SINATRA en 1979? Elle contribua à la reconnaissance publique du film de Martin SCORSESE sorti deux ans plus tôt qui avait été un échec commercial. Il faut dire qu'avec sa seule comédie musicale, le réalisateur tentait le mariage de la carpe et du lapin: un hommage aux comédies musicales en technicolor de la MGM des années 50 et une relecture critique du genre à l'aune du cinéma d'auteur indépendant des années 70 lorgnant du côté de John CASSAVETES. A l'image du couple improbable formé par Liza MINNELLI rejouant à la fois la partition de son père (la séquence "Happy Endings") et de sa mère (avec une trajectoire comparable à celle de "Une étoile est née") (1954) et de Robert De NIRO en saxophoniste de jazz au comportement ingérable. Plus qu'à une histoire d'amour à laquelle on ne croit guère (il n'y a aucune alchimie entre les deux acteurs qui semblent évoluer dans des sphères séparées), c'est à une guerre d'ego à laquelle on assiste entre deux personnalités artistiques aux parcours incompatibles avec en point d'orgue la chanson qu'ils sont censé écrire à quatre mains mais là encore, on ne verra rien d'autre que le résultat final. Si tout l'aspect grand spectacle du film est très réussi avec quelques scènes vraiment superbes comme celle de la rencontre entre Francine assise à table et Jimmy fendant la foule pour draguer tout ce qui bouge le tout dans un bain de danse et de musique d'une grande fluidité avec une bande originale en or (due aux compositeurs de "Cabaret" (1972) qui mettait déjà en scène Liza MINNELLI), l'aspect intimiste fait lui cruellement défaut. Les deux personnages s'évitent ou s'affrontent comme dans un ring de boxe tout en restant dans la superficialité. On est très loin de la profondeur des tourments endurés par les personnages de John Cassavetes et de la mise à nu humaniste dont son cinéma était capable.

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Al Pacino: Le Bronx et la Fureur

Publié le par Rosalie210

Jean-Baptiste Pérétié (2021)

Al Pacino: Le Bronx et la Fureur

"Al Pacino: Le Bronx et la fureur" laisse entendre rien que par le choix de son titre qu'il ne s'agit pas de bêtement compiler des archives mais qu'il y a un projet derrière. Mieux, une vision. Et c'est ce qu'il faut pour un acteur de cette trempe. Se concentrant sur les années fondatrices de sa carrière et lui donnant au maximum la parole au travers d'archives audio, le film met en évidence le lien organique qui relie l'acteur à sa ville et à une époque révolue, le New-York des années 70 ainsi que son lien très fort avec le Nouvel Hollywood qu'il contribua à façonner. C'est également un film habité par la passion de Al Pacino pour le théâtre, shakespearien en particulier et sa fidélité à des acteurs formant autour de lui une seconde famille (Marlon BRANDO son mentor formé comme lui à l'Actors studio et qui joue son père dans "Le Parrain" (1972), John CAZALE qu'il considérait comme son grand frère et qui l'était également dans ce même film ou encore Lee STRASBERG qui était alors directeur de l'Actors Studio et qui est le premier à prononcer son nom correctement, ce qui n'est pas un détail). Une flamme qui l'habite encore comme au premier jour comme le montre la conclusion du film, qui lui a permis de traverser cinquante ans de cinéma sans s'étioler et l'a régulièrement aidé à se ressourcer, à ne pas se faire "asphyxier" par un succès avec lequel on le devine, il n'a jamais été à l'aise, l'homme étant de nature réservée "le succès était fuyant, c'était étrange, cela me faisait peur. Ce qui me satisfaisait, c'était de jouer, c'est ce qui comptait. C'était vital, c'est ce qui me faisait tenir". L'homme est humble aussi. Lorsqu'il reçoit un Oscar après sept nominations pour un rôle dans un film pourtant mineur ("Le Temps d un week-end") (1993)", il évoque avec une émotion extrême ses origines modestes dans le sud du Bronx et le fait d'avoir donné de l'espoir à des jeunes issus du même milieu. De fait, Al PACINO a été le pionnier d'une lignée d'acteurs italo-américains issus des bas-fonds qui a vu la lumière grâce à la génération de réalisateurs contestataires du Nouvel Hollywood (qui voulait imposer des acteurs "non-aryens" à la culture WASP* dominante) et dont la légitimité à interpréter Shakespeare a sans cesse au début de sa carrière été interrogée en raison notamment de son accent**. Ce qui s'avère être d'une bêtise abyssale. Car où Shakespeare a-t-il puisé son inspiration sinon dans la tragédie antique c'est-à-dire en Grèce et en Italie, le berceau de la civilisation européenne mais aussi américaine. D'une certaine façon, Al Pacino qui incarne ce feu sacré ne fait que rappeler cette évidence.

* White anglo-saxon protestant.
** Cela m'a fait penser à Michael CAINE lui aussi issu d'un milieu populaire marqué par son accent cockney et qui affronte l'acteur shakespearien Laurence OLIVIER dans un duel cruel et feutré aux allures de lutte des classes dans "Le Limier" (1972) de Joseph L. MANKIEWICZ.

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