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Ressources humaines

Publié le par Rosalie210

Laurent Cantet (1999)

Ressources humaines

Laurent Cantet nous a quittés le 25 avril 2024. De lui, je connais deux films: "Entre les murs" qui lui a permis de décrocher la Palme d'or à Cannes en 2008 et "Ressources humaines", son premier long-métrage. Ces films se caractérisent par leur équilibre entre enjeu social et enjeu romanesque auquel correspond une forme hybride, entre documentaire et fiction, porté par des acteurs en majorité non-professionnels qui jouent leur propre rôle dans la vie. L'aspect documentaire social dans "Ressources humaines", c'est la vie d'une entreprise dans toutes les strates de sa hiérarchie: les ouvriers, les contremaîtres, les délégués syndicaux (dont l'intraitable cégétiste Madame Arnoux), la secrétaire, le DRH et le patron. C'est aussi un drame de la lutte des classes sur fond de réforme des 35 heures où planent les restructurations frappant les ouvriers spécialisés les plus âgés et les moins rentables. Presque un documentaire historique tant la désindustrialisation a rendu le travail à la chaîne exotique sur notre territoire. Là-dessus se greffe un récit initiatique ayant pour personnage principal Frank (Jalil Lespert) qui tout juste sorti d'une école de commerce se retrouve à faire un stage dans l'entreprise où son père ouvrier travaille depuis 30 ans. "Ressources humaines" résonne alors comme une variante cinématographique du livre d'Annie Ernaux, "La Place" et dramatise les enjeux autour des transfuges de classe. Frank est regardé de travers par son ancien milieu qui lui reproche sans le lui dire sa défection mais il n'est pas pour autant vraiment intégré dans son milieu d'accueil dont il ne maîtrise pas les règles et dans lequel il ne se reconnaît pas. Aussi son idée de changer le système en impliquant les ouvriers dans les décisions de l'entreprise est d'une grande naïveté. Lui-même ne se rend d'ailleurs pas tout de suite compte qu'il est manipulé par sa hiérarchie. Si l'idée de faire licencier le père par le fils n'est guère réaliste, évidemment sur le plan symbolique, il en va tout autrement. On s'interroge alors sur les contradictions de ce père soumis et consciencieux qui explique avec fierté à son fils comment fonctionne sa machine mais qui a tout fait pour qu'il le renie, quitte à ce qu'il ne sache plus qui il est et où est sa place.

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