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Personne ne m'aime

Publié le par Rosalie210

Marion Vernoux (1993)

Personne ne m'aime

Le premier long-métrage de Marion VERNOUX est, trois après après "Thelma et Louise" (1991) la déclinaison française du road-movie au féminin qui a ensuite essaimé dans le cinéma français (exemple: "Elle s'en va") (2012). Quatre femmes assez dissemblables et tentées par les dissensions partagent le temps d'un voyage en camping-car vers la mer l'objectif commun de se libérer de la dépendance aux hommes. Que ce soit pour affirmer un désir propre, prendre une revanche ou fuir une situation aliénante, ces femmes sont démangés par le besoin de liberté que l'on sent parfois venir nous ébouriffer les cheveux. Et elles puisent leur force dans la sororité du groupe ce que les hommes savent faire en faisant corps là où les femmes s'isolent dans de stupides rivalités. Comme un contrepoint à leur odyssée, Marion VERNOUX filme également la fille de l'une d'entre elles, Marie (jouée par LIO) qui essuie échec sur échec en ne se définissant que par rapport aux hommes, lesquels en prennent pour leur grade (de façon trop caricaturale à mon avis). Le quatuor du camping-car est dominé de la tête et des épaules par le duo formé par Bernadette LAFONT et Bulle OGIER qui jouent des soeurs que tout oppose: l'une est alcoolique et mène une vie désordonnée, l'autre est une bourgeoise guindée qui n'imagine même pas que son mari puisse la tromper. Toutes deux sont surtout des monstres sacrés de la nouvelle vague et lorsque Annie évoque la perte de sa fille de fiction, on ne peut s'empêcher de penser aux filles bien réelles que toutes deux ont perdu, Pauline LAFONT et Pascale OGIER. Grâce à leur abattage, à la musique de ARNO et à quelques moments inspirés, on ferme les yeux sur l'aspect quelque peu confus de la mise en scène.

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Laurel et Hardy conscrits (The Flying Deuces)

Publié le par Rosalie210

A. Edward SUTHERLAND (1939)

Laurel et Hardy conscrits (The Flying Deuces)

je ne rate jamais l'occasion de regarder un Laurel et Hardy quand Arte en propose, souvent au moment des fêtes de noël. Disons-le tout net, "Laurel et Hardy conscrits" est surtout une curiosité. Un film pas drôle car pâtissant d'une réalisation très plate là où le burlesque pour fonctionner a besoin de rythme, un scénario famélique, des gags répétitifs et éculés qui tombent souvent à plat eux aussi. Les une heure et des poussières que dure le film semblent bien longuettes. Pourtant celui-ci n'est pas complètement dénué d'intérêt. Si question comique, on est aux fraises, le thème récurrent de la séparation et de la mort du duo intrigue et finit par jeter un voile de mélancolie sur l'ensemble. Dès le début de l'histoire, Hardy veut se marier ce qui sous-entend de quitter son ami. Apprenant que la jeune fille est déjà prise, il veut se suicider. Par la suite, les deux amis sont condamnés à mort et lors de leur évasion rocambolesque, ont un accident d'avion qui s'avère fatal à Hardy. Laurel se retrouve alors lors d'un plan saisissant seul avec son baluchon, vagabond solitaire comme celui de Charles CHAPLIN. Même si une pirouette finale surréaliste remet le film sur les rails du cartoon plutôt que du réalisme, cet hommage n'est certainement pas fortuit. Car plus tôt dans le récit, Laurel rend un autre hommage à un acteur burlesque qui se métamorphosait en artiste lyrique et mélancolique à l'intérieur de ses films: Harpo MARX, transformant son lit en harpe et reprenant à l'identique ses gestes lorsqu'il en jouait. Enfin comment interpréter la petite phrase que Hardy prononce au début du film et qui était prononcée par Greta GARBO dans "Grand hotel" (1931): "I want to be alone"?

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Perfect Days

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (2023)

Perfect Days

L'un des traits culturels qui dépayse le plus le visiteur français lorsqu'il se rend à Tokyo, c'est l'abondance, la propreté et le caractère high-tech des toilettes publiques. S'y ajoute l'aspect design de celles du quartier de Shibuya, conçues par des créateurs comme des temples architecturaux dont le gardien (zen) est Hirayama (Koji YAKUSHO, l'acteur de "L'Anguille" (1997) récompensé à Cannes à juste titre tant il est charismatique) chargé de leur entretien. Aussi taiseux et solitaire que Travis dans "Paris, Texas" (1984), l'homme lui ressemble également dans son cheminement de reconnexion au monde, réapprenant à parler, redécouvrant des membres de sa famille, s'impliquant (même si c'est un peu malgré lui) dans la vie d'un collègue puis d'une propriétaire de restaurant. Mais le film s'avère être cependant d'une nature différente de "Paris, Texas". Ce n'est pas un road-movie (bien que Hirayama circule beaucoup dans Tokyo soit dans un véhicule professionnel motorisé, soit à vélo lors de ses jours de congé) mais une contemplation méditative. Hirayama est un philosophe amateur de lecture et de musique et amoureux des arbres qui puise sa liberté dans l'insignifiance apparente de son métier et sa joie de vivre dans un quotidien simple, routinier, ritualisé et dans la beauté de l'instant qu'il capture avec un appareil photo argentique dans le parc où il prend son déjeuner. Une allusion au "komorebi", le jeu de lumières dans les arbres qui a si fortement inspiré les peintres impressionnistes. Alors évidemment, impossible de ne pas penser à "Paterson" (2016) de Jim JARMUSCH, autre réalisateur passionné par le Japon qui raconte l'histoire d'un chauffeur de bus amateur de haïkus qui puise son inspiration dans un quotidien répétitif et réglé comme du papier à musique et ne quitte jamais la petite ville américaine où il travaille. Mais si "Paterson" est un film avant tout littéraire, "Perfect Days" fait davantage appel aux sens, principalement la vue et l'ouïe. La vue, car Tokyo est magnifiquement filmée, particulièrement de nuit où elle se couvre d'or et de lumières. On sait à quel point Wim WENDERS soigne ses images. Mais on reconnaît aussi en lui le passionné de musique. Parmi les airs-phares qui scandent "Perfect Days", des reprises étonnantes de "Le Pénitencier", du Patti Smith, la célèbre chanson de Lou Reed qui donne son titre au film et sur la fin, le magnifique "Feeling good" de Nina Simone.

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Sambre

Publié le par Rosalie210

Jean-Xavier de Lestrade (2023)

Sambre

Prise à la gorge (comme les victimes) du début à la fin de cette admirable mini-série qui m'a fait penser à celle, non moins brillante qui a été consacrée l'année dernière à Malik Oussekine (dans laquelle jouait également Olivier GOURMET). Cependant, "Sambre" bénéficie d'une diffusion très large sur France Télévision, en direct et en replay et a été vu par plusieurs millions de personnes. La France atteint aujourd'hui le niveau des mini-séries et téléfilms de la BBC dont certains comme "Warriors : L'impossible mission" (1999) surnommé "L'Apocalypse now des Balkans" sont devenues des références sur l'histoire récente et ses enjeux humains et sociétaux.

Car "Sambre" n'est pas que la retranscription d'un sordide fait divers ayant défrayé la chronique de par son ampleur et sa durée à savoir plus d'une cinquantaine de viols, tentatives de viols et agression sexuelles commis sur trente ans par le même individu, dans la même région et selon le même mode opératoire. C'est une véritable radiographie de la société et des institutions françaises et de leur très lente évolution des années 80 à nos jours sur la question des crimes sexuels envers les femmes. "Sambre" s'inscrit complètement tant par ce qu'il raconte que par la façon dont il le raconte dans les oeuvres "post Metoo" c'est à dire postérieures à 2017. Non seulement celles-ci ont bouleversé la vision du monde qui prévalait jusque-là mais elles reposent toutes sur une relecture du passé à l'aune de cette nouvelle vision. Une relecture sans concessions, d'une précision documentaire car basée sur une enquête journalistique qui glace le sang de par ce qu'elle montre. D'abord le décalage insupportable entre ce qu'endurent les victimes traumatisées à court et à long terme et l'indifférence, la désinvolture et la négligence avec laquelle la police locale traite leurs agressions. Des agressions dont la nature et la gravité ne sont d'ailleurs pas reconnues sans parler de la honte qui pousse les victimes au silence, au déni, au désespoir, à la dépression voire au suicide. Une police corporatiste et masculine, non formée et dépourvue de moyens qui se fait inconsciemment la complice du violeur et dont les multiples manquements au fil du temps sont cruellement soulignés, lui permettant de faire à chaque fois de nouvelles victimes. Mais ce n'est pas le seul dysfonctionnement majeur souligné par la série. Celle-ci met en lumière l'isolement des quelques personnes empathiques (juge, maire, scientifique) qui ont tenté de faire bouger les choses en vain. Surtout elle pointe du doigt un aveuglement collectif touchant aussi bien les français lambda côtoyant le violeur au quotidien que les institutions, tous se refusant à admettre que certains "bons" citoyens c'est à dire ayant un emploi, une famille, des responsabilités locales puissent avoir une face cachée. Le moment où Enzo nargue les policiers devant son portrait-robot sans que jamais ceux-ci ne fassent le lien malgré une ressemblance évidente ou bien celui où la psychologue assène à la scientifique qu'elle doit chercher un marginal alors que ses données lui prouvent le contraire sont éloquents du refus d'admettre que le criminel est parfaitement intégré, dispose même de compétences sociales étendues et de ce fait se fond dans la masse. Qu'ils soient les victimes, le criminel sexuel ou les flics, tous sont écrits avec un réalisme remarquable et non moins remarquablement interprétés, notamment par Alix POISSON, Julien FRISON et Jonathan TURNBULL qui traversent les trente années du récit.

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Eté précoce (Bakushū)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1951)

Eté précoce (Bakushū)

Deux ans après le magnifique "Printemps tardif" (1949) Yasujiro OZU tourne "Ete precoce" (1951) qui en offre une variation avec la même actrice, Setsuko HARA dont le personnage porte le même prénom que dans "Printemps tardif" tout en articulant sa chronique familiale intimiste aux changements sociétaux du Japon d'après-guerre dont il se fera l'inlassable l'observateur. C'est pourquoi "Eté précoce" bien que traversé par l'ombre de la guerre qui a emporté le fils aîné, la mélancolie du temps qui passe et la douleur de la séparation entre membres d'une même famille comporte déjà des aspects résolument modernes (dont quelques phrases en anglais, traces de l'occupation américaine). Noriko est comme dans "Printemps tardif" une jeune femme célibataire qui subit des pressions familiales pour accepter un "beau mariage" (arrangé) mais ose maintenant endosser le rôle de celle qui interprétait son amie émancipée dans le film de 1949. La Noriko version 1951 a donc abandonné le kimono pour l'habit occidental et travaille comme secrétaire à Tokyo au lieu de tenir le rôle de mère de substitution au foyer. Ce n'est pas seulement l'indépendance économique que lui offre ce travail mais la possibilité de choisir elle-même son avenir. Alors certes, le choix est restreint (rester chez ses parents ou se marier) mais au moins, peut-elle se décider à l'intérieur de ce périmètre en dehors de toute considération d'argent et même de convenances sociales. C'est pourquoi elle décide, en apparence sur un coup de tête mais en réalité selon son coeur de choisir un mari qui ne correspond pas aux attentes de sa famille (pauvre, veuf et déjà père d'une petite fille). D'ailleurs, le plus fâché de tous est son frère médecin qui tient le rôle d'entremetteur et de pater familias (et joué par un autre acteur fétiche de Yasujiro OZU, Chishu RYU). Débordé par sa petite soeur rebelle, il l'est également par ses deux enfants qui préfigurent les chenapans de "Bonjour" (1959) à ceci près qu'au lieu de faire du chantage pour obtenir une télévision, ils se révoltent pour des rails de train électrique!

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Same players shoots again

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1967)

Same players shoots again

Rareté récemment restaurée, "Same players shoots again" deuxième court-métrage de Wim WENDERS alors étudiant à l’Hochschule für Fernsehen und Film München (la Haute école de télévision et cinéma de Munich). Quelques images en noir et blanc de "Schauplätze" son premier film réalisé la même année mais perdu se retrouvent au début et à la fin de "Same players shoots again" sans qu'il n'y ait de solution de continuité avec le reste sinon ce que l'imagination du spectateur peut en faire. Ces quelques images sont suffisamment énigmatiques pour que l'on puisse créer un nouveau scénario avec. Celles du début montrent une pièce avec une télévision allumée et des bouteilles d'alcool vides traînant sur la table puis la silhouette d'un homme sortant d'une cabine téléphonique. Celles de fin montre un homme rouler en voiture à travers la campagne avec à l'arrière un passager mourant. Entre les deux, cinq fois le même plan, un travelling latéral suivant un homme armé d'une mitraillette coupé au niveau des épaules. Celui-ci se déplace en titubant, d'abord lentement, puis de plus en plus vite. A chaque fois que le plan se répète, la couleur de l'image change: noir et blanche puis verte, puis jaune, puis rouge et enfin bleue. Wim WENDERS expérimente l'outil cinématographique en revenant aux sources du septième art. L'animation de corps en mouvement se répétant à l'infini fait partie du cinéma primitif et par ailleurs le film de Wim WENDERS est totalement muet. S'y ajoute le traitement de la couleur et une thématique, celle de la violence. Même si celle-ci reste hors-champ, tout l'indique: le titre, les bouteilles d'alcool vides, la mitraillette, la démarche hagarde de l'homme comme s'il était blessé et enfin le mourant à l'arrière de la voiture. Même avec un matériau aussi primitif, on baigne déjà dans une ambiance de thriller même si on est évidemment très loin de "L'Ami americain" (1977). A moins qu'à l'égal de "The Big Shave" (1967) réalisé la même année par Martin SCORSESE il ne s'agisse de dénoncer symboliquement la guerre.

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Le Ciel est à vous

Publié le par Rosalie210

Jean Grémillon (1943

Le Ciel est à vous

Dans le monde tel qu'il nous a été transmis par la culture populaire, "c'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme" pendant que sa femme l'attend patiemment et passivement à terre, tenaillée par l'angoisse qu'il ne revienne jamais. Et l'air est un équivalent de la mer lors des premières décennies de l'aviation où les disparus en vol côtoient les disparus en mer à l'image de Antoine de Saint-Exupéry. Pourtant, la conquête de l'air se conjugue également au féminin et des noms d'aviatrices (tous cités dans "Le ciel est à vous") commencent à devenir célèbres aux côtés de ceux de Lindbergh ou Mermoz comme Adrienne Bolland, Hélène Boucher ou Maryse Bastié. Mais c'est une femme "ordinaire" que dépeint "Le ciel est à vous", l'épouse d'un garagiste tout ce qu'il y a de plus traditionnelle voire obtuse comme le montre son obstination à brimer le talent artistique de sa fille ou à chercher querelle à son mari, ex-mécanicien de Georges Guynemer durant la grande guerre lorsqu'il reprend goût aux baptêmes de l'air. Du moins jusqu'à ce qu'elle découvre qu'elle partage la passion de son mari. Et ce dernier s'efface pour lui laisser le champ libre car c'est elle qui a le plus de potentiel. Tous deux se heurtent alors aux préjugés de la société: les subsides leur sont coupés lorsque le fondateur de l'aéroclub décède sous prétexte que la place des femmes est au foyer. Mais le moment le plus puissant du film a lieu lorsque l'on croit Thérèse disparue en vol et que Pierre Gauthier se retrouve dans la peau de la femme du marin. Il ne peut même pas vivre son chagrin parce qu'il se retrouve brutalement poussé devant le tribunal de la petite société de province où il vit et qui le juge défaillant dans son rôle social. A l'image de Spencer TRACY dans "Furie" (1936) à qui Charles VANEL fait penser, on craint alors un lynchage imminent. C'est dans ces rares et trop précieux moments que l'on comprend le poids de l'aliénation patriarcale non seulement pour les femmes mais aussi pour les hommes. "Le ciel est à vous" réalisé pendant l'occupation par Jean GREMILLON est un vibrant plaidoyer pour la liberté d'être soi-même en échappant aux rôles genrés particulièrement défendus par le régime de Vichy. C'est aussi une bouffée d'air dans un cinéma français verrouillé par les représentations stéréotypées et irréelles du masculin et du féminin. Charles VANEL et Madeleine RENAUD qui n'avaient pas le profil de ces rôles fantasmatiques pétris de misogynie dans lesquels on enfermait les hommes et les femmes et peuvent y exprimer leur singularité. Leurs personnages -un couple qui s'aime et dans lequel chacun est le partenaire de l'autre - sont tout autant atypiques. Si le film préserve les apparences familiales et provinciales au point que Vichy y vit une célébration de ses valeurs, il s'avère en réalité avant-gardiste: les aviatrices de l'entre deux guerres militaient pour obtenir le droit de vote et c'est en 1944, l'année de la sortie du film que Charles de Gaulle le leur octroya pour les récompenser de leur engagement au sein de la Résistance dont elles formaient jusqu'à un tiers des effectifs.

Le Ciel est à vous

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Mean Streets

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1973)

Mean Streets

"Mean Streets", le troisième film de Martin SCORSESE est une plongée dans les bas-fonds de Little Italy qui a des airs de "Les Quatre cents coups" (1959) d'autant plus qu'on y rencontre pour la première fois celui qui deviendra l'alter ego du cinéaste, Robert De NIRO. Mais en beaucoup plus trash et torturé. Le film déconcerte de par son hétérogénéité voire ses nombreuses contradictions. D'un côté, un aspect néoréaliste voire documentaire, pris sur le vif, nerveux, souvent caméra à l'épaule. De l'autre, des effets maniéristes qui deviendront la signature du réalisateur tels que le rouge écarlate, les ralentis, les explosions de violence, l'utilisation flamboyante de la musique. Les contradictions sont également au coeur du personnage de Charlie, joué par le premier acteur important du cinéma de Scorsese, Harvey KEITEL. En quête de respectabilité et de réussite dans la mafia de son quartier dont l'un des bonnets est son propre oncle, le jeune homme ne peut pas s'empêcher de risquer de tout perdre en protégeant envers et contre tout Johnny Boy (Robert De NIRO), un jeune chien fou inconscient et incontrôlable. Le catholicisme est aussi important que la pègre chez Scorsese et Charlie ne cesse d'osciller entre l'Eglise et le bar comme si Johnny boy était sa croix et son rachat. Même contradictions vis à vis de la gent féminine car le quartier est un théâtre où il ne faut pas montrer qu'on en pince pour une afro-américaine ou pour une épileptique. Le machisme, le racisme et la morale chrétienne font écran aux désirs et aux sentiments. "Mean Streets" avec son apparence de patchwork désordonné, son absence de véritable scénario, ses personnages de petites frappes immatures n'est franchement pas un film aimable ni confortable. Mais il vaut la peine d'être vu non seulement parce qu'il annonce la filmographie d'un grand cinéaste mais parce qu'une direction finit par émerger de tout ce chaos. Comme dans "Les Vitelloni" (1953) qui décrivait également le marigot dans lequel vivotait une bande de jeunes paumés soudés comme des frères, le salut est à chercher seul et dans l'exil lors d'une fin autrement plus violente que dans le film de Federico FELLINI (également largement autobiographique). Une fin dans laquelle Martin Scorsese apparaît d'ailleurs en personne dans un rôle des plus symboliques.

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Comment épouser un millionnaire (How to Marry a Millionaire)

Publié le par Rosalie210

Jean Negulesco (1953)

Comment épouser un millionnaire (How to Marry a Millionaire)

Vu il y a des lustres, "Comment épouser un millionnaire" est typiquement un film de studio calibré pour le succès et qui n'arrive pas à la cheville de son modèle "Les Hommes préfèrent les blondes" (1953) de Howard HAWKS. Le prologue ennuyeux à mourir qui montre durant cinq bonnes minutes un orchestre jouer le thème principal du film sert à en mettre plein la vue avec le Cinémascope qui en était à ses débuts. A l'époque, ça devait faire son petit effet. Aujourd'hui, c'est kitsch à mort, à l'image du film lui-même qui en remet plusieurs couches en filmant New-York comme un dépliant touristique ou en faisant advenir une séquence de défilé de mode qui ralentit encore plus un rythme déjà poussif. Quant au scénario, il est anémique: trois mannequins fauchées s'installent grâce à une combine dans un luxueux appartement qui doit servir d'attrape-millionnaire. Mais aucune ne va finir avec le richard convoité. Aucun des neuf personnages (les trois filles, les trois millionnaires et les trois fiancés "fauchés") n'est véritablement développé et l'intrigue comme la mise en scène est répétitive et sans relief. Ne parlons même pas de la vision vénale des femmes que l'histoire véhicule. Le seul intérêt du film réside dans la présence de Lauren BACALL et de Marilyn MONROE (la troisième, l'ex pin-up Betty GRABLE est parfaitement oubliable). La première est classieuse, la deuxième, craquante et on sourit une ou deux fois lorsque les dialogues font allusion à Humphrey BOGART ou à "Diamonds are a girl's best friend" mais c'est à peu près tout.

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Je verrai toujours vos visages

Publié le par Rosalie210

Jeanne Herry (2023)

Je verrai toujours vos visages

Je m'étais déjà aperçue avec son précédent film, "Pupille" (2018), qu'il y avait beaucoup d'humanité et d'empathie dans le cinéma de Jeanne HERRY. Une approche documentaire sans pour autant renoncer à la fiction. Une envie de soigner les maux de la société qui dans "Je verrai toujours vos visages" s'applique à faire connaître et reconnaître le travail de la justice restaurative ou réparatrice. Une justice à hauteur d'individus dont l'application en France est relativement récente (moins de dix ans) mais dont l'existence remonte aux origines de l'humanité et qui s'est maintenue de façon informelle en dépit de sa prise en charge (ou de sa confiscation) par les Etats. Les principes en sont très simples: réintroduire de la parole en lieu et place de la violence à l'aide de un ou plusieurs médiateurs afin d'aider ceux qui sont pris dedans à sortir du statut de bourreau ou de victime qui les aliène. Deux déclinaisons de cette pratique sont montrées alternativement: un cercle de parole composé de trois victimes de vols avec violences (joués par MIOU-MIOU, Leila BEKHTI et Gilles LELLOUCHE), trois auteurs de délits du même ordre et autant d'accompagnants, tous volontaires. Et un processus plus intimiste, plus âpre et plus délicat concernant une rencontre entre une jeune femme ayant été victime d'inceste (jouée par Adele EXARCHOPOULOS) et son frère qui en a été l'auteur (joué par Raphael QUENARD), un dossier pris en charge par une seule personne (jouée par Elodie BOUCHEZ). Dans ce dernier cas, il ne s'agit aucunement de restaurer une relation de toute manière détruite mais de permettre à Chloé, l'ancienne victime de reprendre son destin en main et de parvenir enfin à se protéger de son agresseur, lequel s'effondre durant la confrontation après des années de déni. L'autre dispositif au contraire créé des liens entre d'un côté des victimes qui racontent leur calvaire et le traumatisme qui s'en est suivi et des délinquants assez peu conscients de la gravité de leurs actes. Cette partie bien que très bien interprétée est un peu plus survolée et convenue, sans doute en raison du trop grand nombre de personnages. Il est également important de se détacher du caractère immersif du film pour en mesurer la principale limite: seuls ceux qui le veulent vraiment peuvent parvenir à tirer quelque chose de bon de ce dispositif. Autrement dit il y a aussi bien du côté des victimes que de celui des auteurs des gens qui ne pourront jamais se parler. Peut-être que cela aurait été bien aussi de montrer cette réalité là.

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