Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)
Andrea Arnold (2010)
Des trois versions du roman d'Emily Brontë que j'ai vue, celle-ci est celle qui m'a le plus convaincue. Il faut dire que celle de William WYLER bien que de bonne facture était trop corsetée par le classicisme hollywoodien. Quant à celle de Peter KOSMINSKY, tout aussi propre sur elle, elle était franchement bancale. Difficile de faire passer à l'écran le bruit et la fureur du livre. D'ailleurs le dernier biopic consacré à l'autrice, "Emily" (2022) en dépit de quelques moments inspirés était d'un conformisme affligeant, contrairement au film de Andre TECHINE qui restituait l'univers âpre, austère dans lequel elle vivait et son caractère de sauvageonne (et puis Isabelle ADJANI était parfaite pour le rôle). L'adaptation de son roman par Andrea ARNOLD m'a séduit par sa radicalité et son ultra-sensorialité. On se croirait chez Jane CAMPION! Cette version taiseuse et atmosphérique qui colle à la peau de Heathcliff à la manière d'un Luc DARDENNE & Jean-Pierre DARDENNE ou d'un Jacques AUDIARD restitue la rudesse et la sauvagerie du roman à l'aide du langage de la nature. Que ce soit en plans larges ou au contraire, très serrés, le vent souffle dans la lande, la pluie s'abat en trombes, la boue colle aux vêtements, les insectes prolifèrent. Quant aux mammifères, ils subissent la violence de Heathcliff qui se venge sur eux de la maltraitance et de l'ostracisme qu'il se prend de plein fouet de la part du milieu puritain qui le rejette sans parvenir à se débarrasser de lui. Le fait d'avoir accentué son altérité en le dépeignant comme un ancien esclave métis s'avère éclairant sur les mécanismes de domination et de vengeance à l'oeuvre. Quant à Catherine, son déchirement entre sa nature indomptable (symbolisée par sa relation fusionnelle avec son âme soeur) et sa domestication à marche forcée éclaire tout autant sa mort prématurée: nul ne survit longtemps face à pareil dilemme intérieur. Onirique et puissant.
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