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Articles avec #arnold (andrea) tag

Bird

Publié le par Rosalie210

Andréa Arnold (2025)

Bird

Belle proposition de cinéma pour cette cinquième réalisation de Andrea ARNOLD qui cherche l'équilibre entre récit d'émancipation adolescente, âpre réalisme social des laissés-pour-compte et désir éperdu de s'échapper dans l'art et la nature. Jamais le bestiaire de son film n'aura été si bien rempli: chien, chevaux, papillons, crapaud, insectes divers tatoués sur le corps du père (qui s'appelle lui-même Bug) mais surtout oiseaux, passion de l'héroïne, Bailey (Nykiya Adams, l'une de ces non-professionnelles à la forte présence dont Andrea ARNOLD a le secret) dont le quotidien oscille entre rage et désespoir. On peine à croire qu'elle n'a que douze ans, on lui en donne facilement quinze voire seize. Il faut dire qu'elle est confrontée à des problèmes qui ne sont pas de son âge et contre lesquels elle ne peut opposer que son imaginaire et son téléphone portable qui lui sert à filmer le monde. Ses parents que l'on découvre tour à tour sont deux paumés qui l'ont eu alors qu'ils étaient adolescents et qui ne semblent pas avoir beaucoup gagné en maturité depuis. Le père (Barry KEOGHAN) qui ressemble à un gamin vit d'expédients (plutôt comiques avec son crapaud cracheur de bave hallucinogène!) dans un squat et bien que de nature aimante, il est trop autocentré pour véritablement s'occuper de sa fille et du demi-frère de celle-ci qui s'apprête à reproduire le même modèle. La mère enchaîne les relations toxiques et vit avec les trois petits demi-frères et soeurs de Bailey dans une colocation jonchée de détritus avec un petit ami extrêmement violent. "Bird" est néanmoins une histoire de métamorphose et de résilience. Malgré tout ce que sa vie a de plombant, Bailey qui ressemble au début du film a un petit hérisson plein de piquants devient progressivement une belle jeune fille qui s'ouvre à la vie en puisant des motifs d'espérer dans son environnement. Les tags se transforment en autant de messages d'encouragement et la nature amie lui envoie un drôle d'allié, sorte de vagabond à la nature hybride qui semble tout droit échappé de "Le Regne animal" (2022) et qui est joué par l'acteur fétiche de Christian PETZOLD, Franz ROGOWSKI. Même si son intégration dans l'histoire souffre de quelques maladresses d'écriture, ce personnage d'homme-enfant (à l'image de son père) est une bouffée d'air frais qui apporte à l'héroïne l'aide dont elle a besoin pour grandir.

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American Honey

Publié le par Rosalie210

Andréa Arnold (2017)

American Honey

"Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles, il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil". Cet extrait de la chanson de Charles Aznavour convient parfaitement à "American Honey", road-movie dans le midwest américain. Sa longueur (2h43) permet d'effectuer une radiographie assez poussée de l'envers du rêve américain et ce, des deux côtés de la barrière: la nomade et la sédentaire, l'une se nourrissant de l'autre. Le film colle aux basques de l'héroïne, Star (Sasha LANE), adolescente qui décide de plaquer du jour au lendemain sa famille dysfonctionnelle pour partir sur les routes à bord d'un van regroupant d'autres jeunes paumés ramassés sur le bord du chemin par le séduisant Jake (Shia LaBEOUF, seul acteur professionnel du casting) pour le compte de sa maîtresse et patronne, Chrystal (Riley KEOUGH). Ce faisant, Star troque un système d'exploitation contre un autre. Rien de nouveau sous le soleil: Chrystal est une Fagin ou une Garofoli des temps modernes, une femme d'affaires impitoyable qui recueille de jeunes vagabonds pour les faire travailler et punir ceux qui ne rapportent pas assez. Le travail lui-même ressemble à de la mendicité, il s'agit de soutirer des abonnements à des magazines que personne ne lit plus en suscitant la pitié des acheteurs. Mais comme Star ne mange pas de ce pain-là, ses méthodes la rapprochent dangereusement de la prostitution. Elles permettent aussi de visiter cette Amérique du vide largement acquise à Trump: motels crasseux, maisons abandonnées, banlieues cossues évangélistes, champs pétrolifères peuplés d'hommes en manque, cow-boys texans tape à l'oeil et pas très nets ou encore lotissements pavillonnaires misérables dans lesquels Star rencontre des situations qui reflètent celle qu'elle a quitté. Le portrait n'est guère reluisant. Mais le film lui est flamboyant, brut et sauvage, énergique voire tonitruant avec sa musique omniprésente ce qui lui permet de contourner l'écueil du misérabilisme, comme Andrea ARNOLD parvenait déjà à le faire dans "Fish tank" (2009) auquel on pense beaucoup. La soif de liberté des héroïnes y est identique et s'exprime à travers l'attention au vivant dans ses manifestations les plus humbles. Ainsi Star recueille avec précaution les insectes et les animaux pris au piège pour les relâcher dans la nature. Il est cependant dommage que la réalisatrice ait privilégié la relation toxique entre Star et Jake au détriment du reste du groupe. Le casting (que l'on devine à l'image du film, sauvage) est pourtant réussi mais les personnalités restent seulement esquissées et on reste sur notre faim.

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Fish Tank (Fish Tant)

Publié le par Rosalie210

Andrea Arnold (2009)

Fish Tank (Fish Tant)

"Fish Tank" exploite la métaphore de l'aquarium pour dépeindre le parcours d'une adolescente défavorisée qui tel un poisson rouge, tourne en rond dans son bocal à la recherche d'une issue. Aussi l'histoire combine absence d'horizons et désillusions sans pour autant être déprimant ni supprimer tout espoir. Mia (Katie Jarvis) est une combattante qui parcourt son territoire désolé avec la rage au ventre, serrée de près par la caméra à la manière de la Rosetta des frères Dardenne ce qui confère à la mise en scène une nervosité, une tension, un sentiment d'urgence permanent. Elle vit dans une cité HLM de la banlieue de Londres au milieu d'une famille monoparentale dysfonctionnelle. La mère (jouée par Kierston WAREING vue chez Ken Loach ce qui n'est pas un hasard)  est immature et néglige ses filles qui grandissent comme elles le peuvent. La plus jeune, Tyler que l'on voit souvent devant une télévision allumée en permanence est "attachiante" avec comme réflexe de survie un talent pour les réparties humoristiques. Mia, plus renfermée et impulsive est déscolarisée, désocialisée et durant tout le film, l'épée de Damoclès d'un internement en centre surveillé plane sur elle. Il n'est guère étonnant dans ce contexte que la vision d'une jument attachée au milieu d'un terrain vague la bouleverse. Si ses efforts pour la libérer restent vains, c'est tout de même de ce no man's land que finit par surgir sa seule véritable porte de sortie au travers d'un jeune gitan retapant une voiture avec lequel elle se lie. Auparavant, Mia tente de s'extraire de sa situation par la danse hip-hop qui est son exutoire. Les personnages ne sont jamais réduits à leur misère sociale, leur part de créativité se fraie un chemin malgré tout mais on n'est pas pour autant dans une success-story. Le résultat final est donc une déception, l'audition n'étant qu'un prétexte pour recruter de jeunes corps féminins exploitables par le désir concupiscent masculin. Même déboire auprès de l'amant de sa mère, Connor (Michael Fassbender) qui se pose en père de substitution et en "prince charmant" avant d'abuser de la situation. Mia découvre alors l'ampleur de son imposture. La scène de Fish Tank que je trouve la plus forte est celle où elle observe ce dernier, garé devant son pavillon sortir les courses avec sa femme pendant que sa fillette, Keira, vêtue en princesse fait de la trottinette sous ses yeux. Comme une image de son exclusion et d'un bonheur auquel elle n'aura jamais droit. Mais s'agit-il vraiment d'un bonheur que celui de ce modèle patriarcal basé sur la duplicité et le narcissisme? Quand Keira tombe à l'eau, j'ai pensé à "Frankenstein", heureusement avec une issue moins dramatique. Mais pour Mia, l'issue ne peut se faire qu'en marge de cette société conformiste, hypocrite, cynique et sans scrupules. Lucide, juste et brillant.

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Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Publié le par Rosalie210

Andrea Arnold (2010)

Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Des trois versions du roman d'Emily Brontë que j'ai vue, celle-ci est celle qui m'a le plus convaincue. Il faut dire que celle de William WYLER bien que de bonne facture était trop corsetée par le classicisme hollywoodien. Quant à celle de Peter KOSMINSKY, tout aussi propre sur elle, elle était franchement bancale. Difficile de faire passer à l'écran le bruit et la fureur du livre. D'ailleurs le dernier biopic consacré à l'autrice, "Emily" (2022) en dépit de quelques moments inspirés était d'un conformisme affligeant, contrairement au film de Andre TECHINE qui restituait l'univers âpre, austère dans lequel elle vivait et son caractère de sauvageonne (et puis Isabelle ADJANI était parfaite pour le rôle). L'adaptation de son roman par Andrea ARNOLD m'a séduit par sa radicalité et son ultra-sensorialité. On se croirait chez Jane CAMPION! Cette version taiseuse et atmosphérique qui colle à la peau de Heathcliff à la manière d'un Luc DARDENNE & Jean-Pierre DARDENNE ou d'un Jacques AUDIARD restitue la rudesse et la sauvagerie du roman à l'aide du langage de la nature. Que ce soit en plans larges ou au contraire, très serrés, le vent souffle dans la lande, la pluie s'abat en trombes, la boue colle aux vêtements, les insectes prolifèrent. Quant aux mammifères, ils subissent la violence de Heathcliff qui se venge sur eux de la maltraitance et de l'ostracisme qu'il se prend de plein fouet de la part du milieu puritain qui le rejette sans parvenir à se débarrasser de lui. Le fait d'avoir accentué son altérité en le dépeignant comme un ancien esclave métis s'avère éclairant sur les mécanismes de domination et de vengeance à l'oeuvre. Quant à Catherine, son déchirement entre sa nature indomptable (symbolisée par sa relation fusionnelle avec son âme soeur) et sa domestication à marche forcée éclaire tout autant sa mort prématurée: nul ne survit longtemps face à pareil dilemme intérieur. Onirique et puissant.

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